« Pourquoi les humanités sauveront la démocratie » d’Enzo Di Nuoscio

Et si l’avenir de la liberté et des démocraties dépendait de la culture humaniste et de tout ce qu’elle recèle ? Recension de l’ouvrage de Enzo Di N Babauoscio par Johan Rivalland.

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« Pourquoi les humanités sauveront la démocratie » d’Enzo Di Nuoscio

Publié le 15 octobre 2023
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C’est un thème que nous avons eu l’occasion d’évoquer à de nombreuses reprises à travers de multiples articles (voir liste non exhaustive à la fin de ce texte), qui se trouve traité en tant que tel à travers ce passionnant ouvrage.

Celui des périls qui touchent la démocratie, et plus spécifiquement ici la manière dont celle-ci peut espérer être sauvée : grâce aux humanités et aux sciences sociales.

 

Démocratie et humanités

Dans sa préface, Philippe Nemo – qui est aussi le traducteur en français du dernier ouvrage du professeur de philosophie des sciences italien Enzo Di Nuoscio – commence par préciser le sens donné par l’auteur au mot « démocratie ».

Il faut considérer que l’on parle en l’occurrence d’« un type de société qui ne se caractérise pas seulement par les libres élections, mais, ceci étant condition de cela, par le respect de la personne individuelle, de la liberté de pensée et d’expression, et par l’économie de marché… ».

Une définition compatible avec la « société ouverte » poppérienne et la notion d’État de droit.

L’Europe est sortie du Moyen Âge et entrée dans la modernité grâce à l’humanisme et à la littérature, bien avant la mise au premier plan des sciences. Selon la thèse d’Enzo Di Nuoscio, c’est en préservant la dimension littéraire et humaniste de l’éducation donnée à sa jeunesse et à ses élites que la démocratie subsistera. Car culture littéraire et démocratie sont intimement liées depuis la naissance de cette dernière. Tant et si bien que – ainsi que le remarque Philippe Nemo – les « déconstructeurs » et autres tenants de la cancel culture font peser un risque élevé de désagrégation à nos sociétés démocratiques, sonnant le glas de la liberté et du progrès.

Loin des thèses positivistes, Enzo Di Nuoscio défend l’idée selon laquelle la démocratie a au contraire un lien essentiel avec le singulier, c’est-à-dire – précise Philippe Nemo – « avec ce qu’il y a d’unique et d’original dans chaque personne humaine individuelle comme dans chaque société historique » (ce qui me rappelle de bons mots lus avec délectation sous la plume de Simon Leys).

Et c’est toute l’importance de la culture humaniste que de faire prendre conscience de cette singularité par l’éducation. D’où le rôle primordial que jouent, dans ce contexte, spécialistes de la littérature, philologues, historiens, philosophes, moralistes, spécialistes des beaux-arts, mais aussi sciences politiques, géopolitique, psychologie, sociologie et économie.

 

Capacité critique et principes moraux

Quand l’ignorance prend le pas de manière préoccupante sur la connaissance inutile – pour paraphraser le titre d’un ouvrage de Jean-François Revel – il y a lieu de s’interroger sur l’avenir de nos sociétés.

Jamais nous n’avons disposé d’autant de moyens de nous informer, mais dans le même temps, autonomie de jugement, capacité critique, sens historique, principes moraux, semblent bien hélas de plus en plus faire défaut à nombre de membres de notre société.

Pour aider à lutter contre les croyances infondées, la crédulité, la rumeur et le conformisme, le culte de l’immédiat et de l’émotion, la tyrannie de l’opinion dominante ou au contraire des minorités, les idéologies, voire la bêtise, rien de tel que la transmission de valeurs, le développement de la capacité critique, l’apprentissage du discernement et de l’autonomie de jugement. Toutes choses qui passent notamment par l’éducation, mais aussi par la littérature et les humanités – dont l’étude a été de plus en plus restreinte, à tort, des enseignements. Avec en exergue la substitution de la confrontation des idées à l’affrontement entre les personnes, du dialogue à la force, de la coopération à l’anéantissement physique de l’adversaire.

Sujet ô combien d’importance, à l’heure où les démocraties libérales se trouvent fragilisées !

Autrement dit, il s’agit de protéger les individus eux-mêmes de la manipulation dont ils peuvent être l’objet du fait du développement de la tendance à la passivité, au manque de discernement, aux comportements rapides et instinctifs, aux caractères influençables, face à la poussée de l’information de toutes origines en provenance notamment des nouveaux médias ou formes de communication. Poussée propice au développement des croyances radicales, des idées infondées, des fanatismes et – sans aller jusque-là – des esprits doctrinaires et dogmatiques se basant davantage sur des a priori, des sources erronées, et un langage de plus en plus pauvre, que sur des raisonnements fondés sur la connaissance, la réflexion, et une culture humaniste.

Une manière de nous prémunir contre de graves désillusions, et dans une moindre mesure, d’éviter de sombrer dans cette « postdémocratie » gangrenée par la politique-spectacle et le partage du pouvoir par des élites, n’ayant plus que l’apparence de la véritable démocratie.

 

La contribution des humanités à la capacité de critique et à l’autonomie de jugement

À travers chacun des chapitres du livre, Enzo Di Nuoscio s’attache à mettre en valeur la manière dont chacune des grandes disciplines contribue à défendre les valeurs démocratiques fondamentales.

Tolérance, liberté de conscience, humilité, importance du débat, sont autant d’éléments qui s’opposent à la prétention des dictateurs à détenir la vérité, et à la présomption fatale qui, au détriment des libertés, prétend savoir ce qui doit être, faisant le lit des pires totalitarismes.

De l’étude de la philosophie des Mises, Popper, Hayek, Kelsen, Arendt et tant d’autres, l’auteur sait tirer les enseignements qui nous permettent de prendre conscience de l’importance de la réflexion et des savoirs. La démocratie est gage de pluralisme et de concurrence, qui sont capables de générer plus de connaissance, plus de solutions aux problèmes, et aussi plus de prospérité, que lorsque ces principes sont absents. La discussion critique, les échanges interindividuels, la libre coopération spontanée, sont autant de facteurs favorables aux progrès de la connaissance et à la diffusion des innovations, associés à la liberté d’action et à l’État de droit.

Ordre spontané plutôt que planification. Voilà ce qui est le mieux à même d’améliorer les conditions de vie et de nous écarter de la route de la servitude.

Or, montre Enzo Di Nuoscio, l’étude de la philosophie favorise la pratique de la démocratie, en amenant à se poser des questions, à rechercher la vérité tout en demeurant dans l’incertitude, s’écartant dans son esprit et ses méthodes de ce qui guide les idéologies. Mue par l’éthique, l’échange et la confrontation des idées, au lieu d’être prisonnière des préjugés et des dogmatismes, elle est – pour paraphraser le titre d’un ouvrage de Damien Theillier – un chemin de liberté.

De même, l’étude des lettres forme l’esprit, démontre Enzo Di Nuoscio, rappelant au passage que le miracle culturel de l’Athènes du Ve siècle avant Jésus Christ et de l’avènement de la démocratie s’explique en grande partie par l’invention du marché du livre, favorisant la diffusion rapide de la lecture et de l’écriture, qui ont permis la propagation de nouvelles idées et les progrès intellectuels, mais aussi une meilleure capacité d’exercer un jugement critique, et donc de contrôler le pouvoir, en étant moins à la merci des démagogues.

Ainsi, plus un esprit est formé et informé, entre autres à l’analyse et la critique de textes, moins il est en principe exposé à la tentation de la simplification, à l’idéologie, aux réactions émotionnelles.

 

« Même en démocratie, le pouvoir a une certaine tendance à se dissimuler pour échapper au contrôle, en utilisant les moyens les plus divers (manipuler l’information, faire passer des choix politiques pour des décisions techniques, etc.). Or cette tendance peut également être combattue en renforçant les attitudes philologiques ou littéraires de l’Homo democraticus, en renforçant sa capacité à saisir les significations, à mettre en lumière ce qui est implicite ou caché dans une proposition ou dans une discussion, à surmonter les obstacles à la compréhension de certaines informations, dont il n’est pas rare qu’ils soient mis en place précisément dans le but de rendre certaines décisions moins visibles et donc moins contrôlables. »

 

L’insatisfaction comme état latent de l’homo democraticus

Comme l’analyse l’auteur, « les démocraties vivent dans un état de crise congénital et permanent ».

À force de susciter des attentes et des idéaux difficilement ou seulement partiellement atteignables, voire parfois contradictoires, relevant en partie du mythe, elles donnent lieu à beaucoup de frustration et d’insatisfaction.

La rapidité des transformations et le règne de l’immédiateté, qui s’ajoutent à la complexité croissante des sociétés, rendent ceux qui sont nés avec la démocratie peu en état de mesurer la portée des paradoxes qui menacent la démocratie elle-même. Encore une fois, c’est dans les humanités – et ici en l’occurrence dans la connaissance historique – que nous sommes en mesure de trouver des réponses.

Dévalorisant le passé, et frustré par le présent – qui ressemble souvent à une tyrannie du moment – « l’Homo democraticus devient ainsi une sorte d’Homo currens, en fuite perpétuelle dans le présent, en proie à une continuelle « tyrannie de l’urgence » et, de plus en plus aussi, un Homo querelus – c’est-à-dire plaintif, gémissant, criard – qui critique continuellement le monde dans lequel il vit », plutôt que de savoir apprécier les grandes réalisations de son temps et les améliorations qu’elles ont pu apporter à une vie qu’il ne sait plus apprécier à sa juste mesure.

Au point que beaucoup seraient prêts à troquer la démocratie contre une dictature, ne voyant pas que les maux seraient certainement les mêmes, certains droits et libertés en moins.

C’est là que la connaissance historique intervient et peut en faire prendre conscience, permettant de mieux appréhender le présent, et comprendre en quoi la démocratie est le fruit (non irréversible, ayons-en conscience) d’un processus très lent de maturation, fruit de tout un passé agité loin de la relative quiétude que nous avons la chance de connaître aujourd’hui – pourtant inimaginable il y a encore quelques décennies à peine. Des réalités dont n’ont souvent même pas conscience ceux que Pierre Bentata appelait dans un ouvrage « des jeunes sans histoire ».

Il en va même des sciences sociales, dont la connaissance peut être utile à conjurer le danger constructiviste, dont la tentation est grande face aux insatisfactions, mais dont les projets planificateurs du XXe siècle, réduisant fortement ou supprimant les règles démocratiques, ont eu des effets véritablement ravageurs.

Prétendre changer la société ou changer l’Homme mène où nous savons

Dans ces conditions, la connaissance des effets pervers de toute présomption fatale (Hayek) à remplacer l’ordre spontané par la planification et les bonnes intentions doit permettre d’éviter de sombrer dans les mêmes erreurs ou tragédies.

La société ouverte popperienne est mieux indiquée que toute prétention à faire advenir le paradis sur Terre par l’interventionnisme.

 

« De même que la science renonce à la certitude, de même la démocratie ne vise pas à construire la société parfaite ; de même que la science progresse par la discussion critique précisément parce que aucun scientifique ne possède de vérités définitives, de même la démocratie progresse par le dialogue parce que personne ne possède le plan de la société parfaite ; de même que la science progresse en éliminant les erreurs, sans jamais parvenir à une vérité définitive, de même la démocratie progresse en réduisant les « misères », sans chercher à réaliser d’emblée la société idéale ; et de même enfin que la discussion en science doit respecter les règles de la méthode scientifique, de même le débat public en démocratie doit se développer dans le cadre des règles de l’État de droit. »

 

Autrement dit, le réformisme graduel issu de la discussion critique et du débat public est mieux à même d’identifier les problèmes et de tenter de les résoudre ou apaiser, par l’art du compromis, plutôt que de se fonder sur des idéologies fermées sur elles-mêmes prétendant mettre en œuvre de manière autoritaire une société parfaite.

Face aux crises économiques notamment, la compréhension des mécanismes en jeu grâce aux sciences sociales doit permettre d’éviter de tomber dans les peurs exagérées, l’irrationnalité, les croyances infondées, les réactions émotionnelles, les théories du complot, les excès conduisant à rechercher des boucs émissaires – au premier rang desquels la démocratie.

Ce qui s’est produit, rappelons-nous, au moment de la montée du fascisme et du nazisme (et de l’antisémitisme).

 

Humanités et capacité créative

Se basant sur les enseignements d’Edmund Phelps sur la croissance, mais aussi – entre autres – sur ceux d’Israël Kirzner concernant l’esprit d’entreprise, Enzo Di Nuoscio montre en quoi l’enseignement des humanités est indispensable à l’esprit créatif.

L’esprit critique, la capacité à résoudre des problèmes et par conséquent à entreprendre et innover, ne peuvent provenir de la seule connaissance mathématique ou scientifique. C’est pourquoi il considère que le recul des humanités dans l’enseignement ces dernières années est une erreur majeure.

De la même manière, la compréhension de la science économique et les avancées qu’elle peut connaître ne peut provenir du seul recours à la formalisation et aux mathématiques. Là encore, la disparition de sa dimension de science sociale est donc une erreur. Elle aboutit à produire des techniciens hyperspécialisés mais en manque de repères, et donc parfois relativement ignorants, pour lesquels la formalisation devient une fin en soi, au détriment du sens. Ce qui est susceptible de produire de graves effets pervers lorsqu’ils formulent des propositions de politiques économiques fondées sur des modèles hermétiques dépourvus de toute comparaison avec la réalité, constituée d’une multitude d’actions humaines au caractère souvent subjectif et imprévisible.

C’est pourquoi les conditions de l’esprit scientifique supposent forcément une approche pluridimensionnelle et pluridisciplinaire, que seule une bonne formation en humanités et sciences sociales est à même de permettre. Ce qui est fondamental quand on considère que démocratie et économie de marché sont liées. Mais aussi parce que la résolution des problèmes les plus complexes de la société, par nature multidimensionnels, exigent des collaborations interdisciplinaires et une vision globale de ces problèmes, au-delà des compétences spécialisées.

Ainsi, le morcellement des savoirs, notamment technico-scientifiques, « n’est pas une bonne chose pour la démocratie ». Une société technocratique risque de sombrer dans un certain conformisme et être soumise à des problèmes moraux. C’est pourquoi l’éducation humaniste est un élément unificateur indispensable qui doit permettre d’appréhender un problème mettant en connexion ces différentes formes de connaissance. Puis, ceux qui appliquent ces connaissances, même dans les emplois routiniers – nous dit Enzo Di Nuoscio – doivent être capables de relier leurs actions aux dynamiques sociales, économiques et politiques, mais aussi éthiques. Ce qui aboutira pour eux à une meilleure harmonie avec la société, plutôt que de se sentir contraints d’agir de manière purement mécanique.

 

L’importance de la littérature et de l’art

Le langage occupe une place première dans l’émergence et la formalisation de la pensée.

Comme l’écrit l’auteur :

« Avoir une langue plus pauvre signifie avoir une pensée plus pauvre et donc voir le monde avec des catégories interprétatives plus pauvres. La langue, nous fait remarquer Klaus Kraus, est mère et non fille de la pensée ».

Il s’ensuit un appauvrissement des aptitudes critiques et, par extension, de la démocratie.

Si « la capacité philologique de comprendre le sens des textes ou des discours, d’élaborer un raisonnement, d’argumenter selon leurs propres raisons et de comprendre celle des autres, de posséder une bonne dose de jugement indépendant » et même de maîtriser le vocabulaire, ne sont plus très présents, alors la politique risque de s’assimiler au plébiscite et se réduire au oui ou non, réduisant le peuple au rang de simple troupeau. Faisant le lit des totalitarismes, à l’instar de ce que Big brother entreprend à travers la purge du langage dans le roman 1984 de Georges Orwell.

C’est en ce sens que la littérature, notamment classique, permet non seulement d’enrichir notre vocabulaire, mais aussi notre compréhension du monde, de découvrir la diversité des expériences possibles éloignées de notre vie quotidienne, des ressentis susceptibles de développer notre empathie, et que sans cela nous ignorerions. Une exploration de territoires étrangers et autrement inaccessibles que permet également l’art, opportunité de découverte de la réalité.

En d’autres termes, pour reprendre la formulation d’Enzo Di Nuoscio, « la littérature et l’art nous font sortir du village de notre existence ».

Reprenant les termes d’Umberto Eco, il ajoute à juste titre que « ceux qui ne lisent pas n’auront vécu qu’une seule vie à 70 ans, la leur. Celui qui lit aura vécu cinq mille ans… ».

Et il ajoute que la lecture nous permet de mieux comprendre les autres en nous relativisant nous-mêmes, nous évitant de nous enfermer dans le monde de l’entre-soi. C’est une émancipation à l’égard des préjugés, une aptitude à voir à travers les yeux des autres, à travers une palette très diversifiée de ressentis comme de temporalités, un sens du possible et de la liberté. Elle favorise l’imagination, la catharsis, permet d’envisager le large éventail des possibles et nous invite à explorer la pluralité des visions de l’existence et de l’âme humaine, de manière plus concrète et puissante que ne le permet la philosophie.

En définitive, cette imagination cultivée est ce qui permettra mieux, dans un cadre démocratique, de concevoir les conséquences possibles de propositions politiques qui auront des conséquences bien réelles sur la vie des gens.

Il s’agit donc d’un point essentiel de notre éducation démocratique, mais aussi de la capacité de nos décideurs politiques, chercheurs, scientifiques, entrepreneurs, à faire preuve d’imagination, de responsabilité et de créativité dans leurs orientations, réflexions et propositions. En ce sens, elle est aussi parfois crainte des régimes politiques. Car cet instrument de liberté rend moins manipulable et moins asservi.

Mais ce n’est pas le seul avantage :

« Elle crée « une sorte de fraternité au sein de la diversité humaine et éclipse les frontières érigées par les hommes et les femmes par l’ignorance, les idéologies, les religions, les langues, la sottise » (Mario Vargas Llosa). C’est pourquoi les « sociétés fermées » éliminent la littérature libre et entreprennent de faire coïncider les vérités littéraires de la littérature du régime avec la prétendue vérité historique promue par celui-ci. »

 

La démocratie à l’ère du numérique

L’ère du numérique est aussi celle de la surabondance d’information, mais dans le même temps de l’ignorance relative.

Tout va très vite, et l’information se fait par procuration, en s’en remettant un peu trop rapidement à ce que l’on trouve sur internet, sans pouvoir ou sans prendre la peine la plupart du temps de vérifier la source. Ce qui conduit souvent à la perplexité, voire à la crédulité et au prêt-à-penser. Avec l’illusion de pouvoir se passer de l’avis et des connaissances des scientifiques, savants, spécialistes d’un domaine, pour préférer se fier aux croyances de ses semblables. La dangereuse illusion de l’égalité entre les idées, sous couvert de démocratie et sous prétexte de respecter les opinions de tous. Entre biais de confirmation et tyrannie de la majorité (quand ce n’est pas de minorités ou du politiquement correct), on risque bien alors de dériver vers ce que Tocqueville identifiait comme une forme de despotisme.

La manipulation et les fausses informations peuvent alors l’emporter aisément sur la vérité, s’appuyant en outre sur la force des émotions. D’où l’importance de développer l’esprit critique pour contrer les nombreux dangers qui en découlent. On en revient aux humanités et à l’éducation humaniste, qui doit permettre de favoriser l’autonomie de jugement et initier à la complexité, plutôt que de se laisser happer par son fil d’information personnalisé qui s’autoalimente et vous entraîne inéluctablement vers ce que vous voulez entendre.

« Construire un esprit critique à travers les humanités et les sciences sociales est une bonne assurance contre le risque de réactions irrationnelles, car elles nous éduquent à la complexité du monde. Elles nous aident à savoir vivre avec les fragilités humaines, l’incertitude, les différences, les difficultés, et même avec l’impossibilité de distinguer le bien du mal. Elles nous aident à nous familiariser avec les contradictions qui accompagnent nécessairement nos vies, fortement accentuées dans le monde interconnecté de la société liquide ».

 

 

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  • « Il faut considérer que l’on parle en l’occurrence d’« un type de société qui ne se caractérise pas seulement par les libres élections, mais, ceci étant condition de cela, par le respect de la personne individuelle, de la liberté de pensée et d’expression, et par l’économie de marché… ». »

    et donc éviter d’uliliser le terme démocratie avec melenchon par exemple.

    La démocratie au sens étymologique est en conflit avec la liberté individuelle..
    ça ne coute pas cher de dire démocratie libérale… mais c’est une opinion.

    Mais sinon.. développer l’esprit critique en effet. ou les humanités…mais pas de force!!!! sauf ou plus exactement comme la seule exigence éducative du gouvernement…et pourquoi pas la seule exigence « citoyenne »..

    MAIS le libéralisme n’est pas une tyrannie..

    une démocratie libérale peut parfaitement se « saborder ou se suicider »..

    • l’interet du libéralisme vient AUSSI de la comprehension de la nature humaine.. ou simplement des leçons de l’histoire.. Ce n’est PAS trivial…
      Mettre de coté sa subjectivité et son interet direct, resister à la tentation d’abuser de sa force..
      La conception moderne du juste passe par la recherche du vrai exige de mettre de cote le subjectif..

      Ce n’est pas un hasard si les collectivistes ont attachés comme les religieux à contrôler l’education..

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