Rachida Dati suspendra-t-elle la taxe streaming ?

Si Rachida Dati veut se démarquer au ministère de la Culture, elle a une opportunité pour corriger un échec du bilan de sa prédécesseure.

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Rachida Dati suspendra-t-elle la taxe streaming ?

Publié le 14 janvier 2024
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Il y a des sujets comme l’immigration pour lesquels le politique prend le peuple à témoin en le sondant, en se justifiant, d’autres sur lesquels on décide en catimini. 

Ainsi il en va de la taxe streaming ajoutée discrètement au projet de loi de finances 2024 par un amendement unanime des groupes politiques au Sénat. Une taxe de 1,75 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming qui promettent qu’elle ne sera pas répercutée. Prix ou service, le consommateur sera bien perdant quelque part, et Spotify annonçait fin décembre qu’il retirait en conséquence son soutien aux Francofolies de La Rochelle et au Printemps de Bourges.

Cette nouvelle taxe devrait rapporter 15 millions d’euros, mais pourquoi faire ?

Pour financer la création musicale, et surtout son incarnation administrative, le Centre National de la Musique (CNM), calqué sur le modèle du Centre National du Cinéma (CNC), lui-même exposé à de nombreuses critiques. Cette vision administrée de la création artistique est problématique à plusieurs égards. 

D’abord, parce qu’elle consiste en une redistribution à l’envers, des classes populaires vers la bourgeoisie. Ainsi, le CNC se finance par une taxe sur les entrées en salle, donc sur les consommateurs qui ont le mauvais goût d’aller voir des blockbusters américains, pour financer la diversité culturelle : c’est-à-dire les films qui ne rencontrent aucun succès (seuls 2 % des films aidés par le CNC sont rentables, d’après la Cour des comptes) mais plaisent à une petite élite de par leur moralité convenue, ou les films dont les producteurs et réalisateurs possèdent le capital social (c’est-à-dire les relations) nécessaire pour obtenir le soutien du CNC.

En effet, on ne compte plus les témoignages de producteurs indépendants, sans les connexions adéquates, qui n’ont jamais pu bénéficier d’un tel soutien, ni des conflits d’intérêts qui ne semblent que très peu émouvoir les médias : Jean-Michel Jarre a obtenu une subvention pour un spectacle au Château de Versailles par la Commission dont il est le président, quelques années après que le YouTubeur Cyprien a été soutenu par la Commission où il siégeait.

Pire, si on ajoute le soutien des collectivités locales, un Français paie plus cher en taxes et impôts, pour un film qu’il n’ira pas voir, que pour un billet de cinéma. Il est très étonnant que la gauche, tout particulièrement, accepte et encourage ce système, qui, bien loin de promouvoir l’ascension sociale, encourage la constitution de rentes au profit d’une élite culturelle qui mêle incestueusement les bénéficiaires et les donneurs d’ordre. À l’inverse, la désintermédiation permise par les plateformes de streaming a permis à de nombreux artistes d’émerger en s’autoproduisant, et en particulier des artistes de rap venus de quartiers populaires.

L’adoption de cette taxe est en outre l’occasion de revenir sur le manque d’honnêteté, voire le mensonge, qui tendent à briser la confiance entre le peuple et ses représentants. Si cet ajout au projet de loi de finances est l’œuvre des sénateurs, le gouvernement n’est pas tout à fait innocent. 

Alors que l’imposition du streaming n’a jamais fait l’objet d’un débat public, le gouvernement pressait les plateformes de trouver un accord avec le CNM, sans quoi elles seraient taxées. Outre le fait que cette vision des négociations avec un fusil sur la tempe est une bien mauvaise illustration du consentement, elle dénote une forme de lâcheté de la part du gouvernement qui n’assume pas publiquement sa volonté de taxer les plateformes, et donc in fine les consommateurs. 

Et comment ne peut pas le comprendre. Cette taxe vient percuter de plein fouet deux promesses gouvernementales : la diminution de l’impôt sur les ménages, qu’on ne peut en réalité atteindre sans repenser l’action publique, et la lutte contre les impôts de production dont la France est déjà la championne. Alors que l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 promettait un changement de méthodes politiques, nos dirigeants sont encore trop persuadés qu’on ne peut gouverner qu’en énonçant ce que la population doit entendre. 

Or, pour mettre fin au dégagisme et à la défiance qui touchent notre démocratie, le politique (a fortiori s’il pense appartenir au camp de la raison) gagnerait à s’adresser au peuple comme à un adulte, avec honnêteté. Fait paradoxal, Javier Milei, qui a été à maintes reprises accusé de populisme par l’ensemble du monde politico-médiatique français, tient, depuis son élection à la tête de l’Argentine, un discours de vérité qui n’infantilise pas les citoyens. Lors de son discours d’investiture, il n’a promis aucun miracle. Au contraire, il a même assumé que, face à la situation catastrophique dans laquelle se trouve l’Argentine, le chemin du redressement économique passerait par une austérité radicale et inévitablement douloureuse à court terme. 

Sur la taxe streaming, le débat public aurait gagné à ce que le gouvernement fasse preuve d’une telle transparence, soit auprès des acteurs en faveur de ladite taxe, en leur expliquant qu’elle allait contre leur politique fiscale, soit auprès des Français en leur expliquant pourquoi ils devraient assurer le financement d’une nouvelle agence d’État, et en quoi il permettrait de faire rayonner la création française, si tant est que cet objectif de politique publique dusse-t-il être assumé par l’État.

Si Rachida Dati veut se démarquer au ministère de la Culture, elle a une opportunité pour corriger un échec du bilan de sa prédécesseure.

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  • « Il est très étonnant que la gauche, tout particulièrement, accepte et encourage ce système, qui, bien loin de promouvoir l’ascension sociale, encourage la constitution de rentes au profit d’une élite culturelle qui mêle incestueusement les bénéficiaires et les donneurs d’ordre » : ah bon ? Parce que vous êtes encore au stade de l’étonnement vous, avec la gauche ? Quelle crédulité crasse !

    • Les cultureux font très largement partie de la bobosphere parisienne
      Cette taxe ne sert qu à arroser les copains

    • Ce système est avant tout un système de financement du soutien des partis de gauche. Conscients de ces subventions, tous nos artistes soutiennent le socialisme ou plus à gauche encore. C’est là « l’exception française » tant défendue par nos politiciens. Pour qu’un artiste devienne riche, il doit avoir été subventionné pour s’assurer qu’il prêchera toujours aux sans-dents la bonne parole ; même s’il va s’installer en Suisse pour éviter le fisc. A. Delon, C. Aznavour et tant d’autres adorent s’enrichir en France et vivre en Suisse. Et à leur décès, ces « Suisses » ont droit à des funérailles nationales.
      Madame Dati, nommée par un gouvernement de gauche ne va certainement pas diminuer les taxes des sans-dents distribuées aux artistes nantis.

  • Je ne peux plus supporter tout ces parasites culturels. La fameuse « exception française » , défendue bec et ongles par toutes les personnes de gauche que je connais , ils placent tous cette espèce de parodie de culture aux nues , avec ses cohortes de gratte la corde , ses bouffons des rues , ses horreurs sur toile . Ces profiteurs vivent parfois très bien , sans aucun spectateurs payant leurs nullités , aucun acheteur leurs crasses , et ils se pavanent , se saoulent d êtres des âârtiste moi monsieur , voyageant parfois aux quatre coins du monde aux frais de la princesse France défigurée . C’est insupportable.

  • Il y a une taxe qui ne verra jamais le jour en France : la taxe sur les politiciens. Soyez en sûr.

  • sans doute…
    mais cette redistribution des pauvres vers des « élites culturelles » n’est pas en soi scandaleuse..âss plus « scandaleuse » que toute autre taxe.

    que les riches soient taxés au profit des pauvres est aussi arbitraire.

    la question est au niveau de l’objectif politique global..

    je me demande bien pourquoi il faudrait faire en sorte de consommer du livre ou du film français mais aussi di boeuf!! voire de l’électricté..???
    l’état n’a pas à orienter les choix de consommation des gens ou prendre à pierre pour donner à Paul.

    L’état n’a pas à se mêler , non pas, de  » culture  » mais de littérature, cinématographe etc etc.. c’est un secteur économique comme un autre..

    • Cépafo. Pour une fois que la redistribution fiscale s’effectue des pauvres vers nous autres, les riches, faut-il s’en plaindre ?
      Certes la somme est maigrelette. 15 millions d’euros.
      Optimiste, j’y vois un début. Allez, gouvernement, courage ! Vite, encore d’autres taxes. Du MacDo vers le caviar. De la clope vers les cours de yoga. De la Dacia vers l’Aston Martin. Du HLM vers le Haussmannien.
      Il y a tant d’injustices à réparer encore. Tant de misères qui nous sont faites à nous gens de goût au profit de sans-dent sans mérite.

  • Bah..avoir un ministère de la culture, qui au passage réduit la culture à quelques activités de loisir cinéma, théatre concerts, littérature…c’est déjà anormal…

    Mes parents, donc, n’avaient pas de culture…

    Parler d’une taxe ne sert pas à grand chose, exiger un sens à la taxation en général à la rigueur..

    afuera…

  • Supprimer une taxe ? Vous voulez rire. Déjà qu’ils cherchent partout des trucs à pouvoir encore imposer ? En plus une Taxe qui permet de renforcer la main mise de l’Etat sur la « Culture » et surtout ses acteurs, via un « Machin » qui va permettre de caser quelques aficionados ou troublions à calmer… . Vous rêvez.

  • Il n’y a pas de ministère de la culture aux Etats-Unis, ni de ministère des sports. Pourtant dans ces deux domaines, les States excellent voire écrasent !
    Alors qu’en est-il ?
    Ces ministères ne sont-ils là que pour se consoler d’être nuls ? Ou pire entravent-ils notre marche vers la victoire culturelle ?

  • L’Etat a un besoin urgent d’argent. Si Dati supprime cette taxe, Bercy en trouvera une autre pour compenser.
    Ce gouvernement comme ses prédécesseurs ne connait qu’on mot : TAXE . C’est l’exception française ou plus exactement la particularité française.

  • Mais comment s’offusquer , rien de plus normal avec Bruno Le Maire .
    Pas d’augmentation d’impôts certes mais les impôts sont sur les revenus , alors augmentations de taxes qui elles sont , non sur les revenus mais , sur l’usage que l’on en fait.
    Querelle sémantique dont William Blake dirait qu’elle relève de l’esquisse pour les hypocrites et les scélérats.

    • Il est vrai que notre vocabulaire s’est très opportunément aplati.
      Il fut un temps où la langue française dans sa richesse fonctionnelle distinguait soigneusement contribution, taxe, redevance, cotisation, droits, impôt …
      Désormais ces mots ne sont plus que des artifices de bavardage administratif, instruments de propagande exploitant la naïveté populaire.
      Qui a remarqué que la quasi totalité des prélèvements sont en réalité des impôts et que pour « baisser les impôts » il suffit de les rebaptiser « taxes »? Petit transfert sémantique propre à sauver les apparences.

  • « amendement unanime des groupes politiques au Sénat. Une taxe de 1,75 % sur le chiffre d’affaires des plateformes de streaming qui promettent qu’elle ne sera pas répercutée ».
    Unanimité chez les sénateurs ? Cela montre que nos politicards professionnels sont également, même ceux qui se prétendent à droite, des gauchistes professionnels !
    Quant au montant de la taxe, on viendra nous raconter que le taux est tout petit petit petit. On omettra juste de préciser quelle en est l’assiette…
    Les Français ne comprennent rien à l’économie et compte tenu des classements PISA, ce n’est pas prêt de s’arranger avec les prochaines générations.

  • Le génie francais des impots taxes normes………..recouvre tout notre arc politique
    C est un biais culturel……

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