L’Université d’été d’Aix précise le projet libéral

Rapport de l’Université d’été libérale à Aix qui met en avant des solutions libérales pour sortir des crises.

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L’Université d’été d’Aix précise le projet libéral

Publié le 29 juillet 2023
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Un article de La Nouvelle Lettre

Samedi 22 juillet : au-delà de l’économie, la culture

Les premiers temps de l’Université s’étaient occupés de la crise : quelles formes a-t-elle prises ? Comment les États y avaient-ils répondu (covid, énergie, environnement). Quel rôle ont joué les « experts » ?

La dernière journée de l’Université va s’interroger sur la façon de sortir des crises et les réformes qu’appelle la doctrine libérale « classique » : réformes économiques, en particulier concernant la monnaie et les finances publiques, réformes culturelles pour retrouver la liberté et la responsabilité des êtres humains libérés du paternalisme d’État.

 

« La mauvaise monnaie chasse la bonne »

La « loi de Gresham » explique qu’en cas de coexistence entre monnaies, la mauvaise monnaie est celle qui circule le plus couramment, parce que les gens gardent la bonne monnaie, qui leur paraît plus fiable et mieux conserver sa valeur à plus long terme : on préfère avoir des pièces d’or plutôt que des billets de banque.

Or, nous vivons une coexistence de monnaies très impressionnante : la monnaie bancaire traditionnelle (Georges Selgin), la monnaie contrôlée par les banques centrales (Antoine Gentier) et maintenant le bitcoin, mais est-ce une monnaie ? (Yorick de Montbynes).

D’autres communautés de paiement inventent des monnaies globales indépendantes des États (Henri Lepage). Il faut toutefois ne pas sous-estimer les dégâts que peuvent créer les États, et en particulier l’Union européenne (B. Lyddon).

 

Les réserves fractionnaires, pour ou contre ?

Le système bancaire moderne a sans doute fait son apparition à Sienne, avec la Monte dei Paschi1.

Certes, les banquiers de Florence avaient déjà inventé le billet de banque, parce qu’il est plus sûr de régler les transactions avec des billets qu’en transportant de l’or. Mais la valeur des billets était intégralement couverte par l’or détenu dans la banque.

Mais peut-on imaginer que le billet ne soit pas couvert à 100 % par de l’or ? C’est ce qu’on appelle des réserves fractionnaires. Parmi les actifs de la banque ne figurent plus seulement du métal précieux, mais aussi des titres de crédit. C’est ce qu’a fait la banque de Sienne.

La pratique va se généraliser au point que l’on dira « les crédits font la monnaie », et au XXe siècle on parlera de « multiplicateur monétaire ». Avec l’expansion du commerce mondial et la révolution industrielle les réserves fractionnaires sont de plus en plus contestées, et au XIXe siècle une forte controverse oppose partisans du free banking du currency banking : laisser les banques responsables de leurs émissions ou les réglementer. Aujourd’hui la réglementation l’emporte, mais est-ce justifié, et où est le progrès ?

Les adversaires des réserves fractionnaires identifient quatre risques que les banques font courir à leurs clients et à la communauté :

  1. La fraude
  2. La fragilité
  3. L’inflation
  4. Les cycles

 

Murray Rothbard explique que l’or déposé par les clients à la banque ne devient pas la propriété de celle-ci. Il s’agit d’un simple contrat de dépôt, et le déposant n’a pas le droit d’utiliser ce qui lui est confié.

Adam Smith lui-même avait déploré la mauvaise posture dans laquelle une banque se met, et qui peut se terminer en faillite (il a été impressionné par la faillite de la banque du Canada en 1867). On relie aussi la liberté bancaire à l’inflation, parce que les banques peuvent être menacées d’une soudaine demande de liquidités, et n’ont pas les actifs suffisants. Elles émettent donc de la monnaie en accordant des crédits à n’importe qui (le « malinvestissement » de Hayek).

L’inflation expliquerait à son tour les cycles économiques, le taux d’intérêt monétaire étant décalé par rapport au taux d’intérêt réel.

En fait, l’histoire montre juste le contraire. Durant les périodes de crise observées aux États-Unis et en Angleterre, ce sont les États où les banques sont libres qui échappent à la crise, et la grande dépression de 1929 a bien été aggravée par la politique de Hoover.

En fait, c’est Mises qui indique la solution : il faut faire la distinction entre crédit transféré, et crédit créé. La banque n’a pas le droit d’accorder un crédit sans gage sur une richesse actuelle ou future, la monnaie et le crédit sont indispensables pour entreprendre et réussir. C’est la responsabilité de la banque de veiller à la qualité de la monnaie qu’elle émet. Dans un climat de libre concurrence, c’est la clientèle qui se prononce sur les choix bancaires.

 

La « fiat money » crée l’inflation

Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, la réglementation bancaire n’a cessé de s’imposer, on en vient à admettre que la monnaie n’est pas la création des banques mais bien de l’État.

La monnaie est un droit régalien qui rapporte d’ailleurs un « droit de seigneuriage » comme on disait jadis. C’est l’État qui dit ce qu’est et ce que doit être la monnaie « fiat money ». Donc, tous les systèmes bancaires sont sous la coupe des banques centrales, qui n’ont aucune indépendance par rapport aux autorités politiques. Elles n’ont de banques que le nom.

Les chiffres sont a priori très inquiétants.

Entre 2004 et 2023 le bilan de la BCE a été multiplié par sept. Le prix de l’or a été multiplié par six : le cours des actions en bourse a augmenté parallèlement. Tout cela ne signifie pas que les affaires marchent, mais que la valeur du dollar baisse, puisque c’est en monnaie américaine que toutes ces données sont calculées.

La question de fond est donc celle d’un système monétaire mondial fondé sur une monnaie dépréciée. Mais la situation ne saurait durer, la suprématie du dollar est déjà bien entamée, pour une raison fondamentale : les États-Unis ont perdu leur domination économique.

L’activité économique et surtout l’industrie se sont déplacées vers l’Asie : ce déplacement se chiffre à environ un tiers.

Dans ces conditions, l’émission d’une monnaie sans contrepartie réelle revient à distribuer des « faux droits », comme disait Jacques Rueff. Cette erreur n’est pas propre aux États-Unis, les Anglais ont aussi voulu soutenir la livre, mais ont dû très vite renoncer : les « dévaluations compétitives » sont un rêve.

Or, la réaction des États va exactement en sens contraire : ils renforcent leur règlementation et détruisent le marché, et ils croient échapper à l’inflation en comparant les prix.

C’est ce qui s’est produit à Rome avec l’émission de pièces sans un gramme d’or ni d’argent, la face de César n’a pas été suffisante pour accorder le moindre crédit à la pièce.

C’est ce qui s’est passé avec les assignats de la Révolution française, gagés sur des « biens nationaux » dont les états généraux avaient pensé qu’ils seraient suffisants pour rembourser une dette publique volontairement sous-évaluée par Necker.

C’est ce qui s’est passé avec l’Allemagne nazie, multipliant par des milliards le prix d’un timbre poste.

Et, dans tous ces cas, les États ont cru bon de lutter contre l’inflation par le contrôle des prix. Il n’y a pas plus stupide manière de lutter contre l’inflation, mais elle a pourtant traversé les siècles, et c’est ce qui se fait aujourd’hui. Contrôle des prix et réglementation des marchés débouchent sur la pénurie2, le marché noir, la spéculation et la corruption, et finissent par détruire la société.

 

Les faces cachées du bitcoin

B majuscule c’est le système monétaire, b minuscule c’est l’unité monétaire qui circule dans le système. 19 millions de bitcoins sont en circulation aujourd’hui, voilà 14 ans qu’on pronostique la disparition de cette monnaie. Le bitcoin doit son succès à ses trois dimensions : technique, économique, sociale.

La technique de Bitcoin garantit à ses usagers une sécurité absolue. Il n’est pas piratable, il n’est pas duplicable, il n’est pas identifiable (on ne peut connaître quelque chiffre ou identifiant), il résiste à l’État (au point que certains États et l’Union européenne voudraient créer leur propre bitcoin – ce qui est évidemment stupide), et sa technique n’a cessé de s’améliorer.

Du point de vue économique, le bitcoin a-t-il toutes les caractéristiques d’une monnaie ?

Certes, il n’est pas un moyen d’échange universel et intemporel. Mais il a quelques qualités qui le rapprochent d’une excellente monnaie : d’une part il est très coûteux à produire (comme les métaux précieux), d’autre part il est l’objet d’un marché (ce qui correspond à l’exigence dévoilée par Carl Menger : il fait l’objet d’une demande, celle de liquidité absolue (il est donc marketable). Il a aussi un horodatage précis, ce qui facilite les contrats, mais cette qualité contractuelle est décentralisée, elle ne concerne que les parties au contrat. Le bitcoin accélère les échanges, et évite des transports et des transferts, ce qui diminue tous les coûts et les prix.

Du point de vue social, le bitcoin dépolitise la monnaie : les États n’ont rien à y voir, même s’ils le veulent. Cette monnaie s’offre aussi aux pays les moins développés, et leur permet de participer à un échange mondial sans coût. Le bitcoin diminue la criminalité, parce qu’il n’y a pas de transaction frauduleuse et la corruption est impossible. L’avenir de Bitcoin est assuré, mais ses organisateurs (ignorés évidemment de tout le monde) ont fait part de leur intention de limiter la quantité de bitcoins à 21 millions. Il est donc conseillé d’en acheter le plus vite possible, dans quelques mois, le bitcoin neuf vaudra moins cher que le bitcoin d’occasion !

 

La « global money », une communauté de paiement professionnelle

Le désordre monétaire mondial a certes créé des monnaies parallèles comme le bitcoin, mais il a aussi amené les professionnels à trouver des modes de paiement sans passer par les monnaies officielles.

De nombreux groupes industriels, financiers, commerciaux sont en relation permanente, d’autant que leurs activités sont très diversifiées : une holding peut se développer dans l’automobile, le tourisme, la recherche médicale ou le spectacle. Il suffit pour ces professionnels d’avoir des comptes courants ouverts dans un certain nombre de banques (par exemple, en France, Paribas ou la Société Générale). Ces professionnels se font mutuellement crédit, sachant qu’ils seront sûrement payés en temps et en valeur voulus. Cela représente un volume d’affaires considérable, de plusieurs milliards de dollars (mais précisément personne ne veut être réglé en dollar). Cette masse de transactions n’apparaîtra dans aucune statistique monétaire, et cependant les paiements auront été faits. C’est un nouvel exemple de création monétaire à partir de purs titres de crédits.

Ce système est vieux comme le monde et rappelle deux choses importantes : d’une part le crédit est né avant la monnaie, l’être humain a été amené à intégrer le temps dans ses calculs, même si « le temps appartient à Dieu » ; d’autre part la monnaie est reçue comme telle au sein d’une communauté de paiement plus ou moins large. Cela s’est vu depuis les banques temples sumériennes3. Cette procédure est-elle celle de l’avenir ? Certains craignent que le club « fermé » soit tenté d’avoir un poids politique mondial, comme certains le prônent à Davos.

 

Une communauté d’endettement dangereuse

Si quelques grandes holdings constituent des communautés pour faciliter les échanges mondiaux, les pays de l’Union européenne ont imaginé une communauté de nature à accroître l’endettement public.

L’instrument commun est le budget européen.

L’objectif est de réaliser plus vite la transition énergétique, priorité des priorités, mais aussi les barrières protectionnistes, et enfin les équipements publics. L’important est de transformer les déficits publics en investissements publics : une transformation du court terme en long terme. Le court terme, ce sont les ressources retirées des impôts et autres prélèvements obligatoires, le long terme, ce sont tous les bienfaits attendus en termes de décarbonation, de réindustrialisation, de relance agricole, de bien-être des citoyens européens.

C’est l’Europe-providence qui prend le relais des États-providence.

Les principes et les institutions sont déjà en place pour effectuer cette transformation. Évidemment tout sera contrôlé par la Commission, elle établit le Plan de Cohésion Politique de l’Union, avec le CPR (commom provisions régulation) le fonds européen de Développement Régional (ERDF), et le Fonds de Transition Appropriée (JTF). À Bruxelles, on aime la réglementation et la bureaucratie.

C’est aussi une machinerie à encourager la dépense publique, et de deux manières : les pays déficitaires peuvent toujours arguer de dépenses nouvelles parce qu’elles s’inscrivent dans le cadre du projet d’investissement européen, et ils peuvent dès aujourd’hui obtenir des avances sur leurs investissements futurs.

Évidemment, il n’y a aucune justification à de telles initiatives, sinon de donner à Bruxelles un pouvoir encore plus élargi.

Il faut instaurer le jacobinisme européen et en finir avec le régionalisme (à la mode française, la meilleure façon de renforcer le pouvoir central c’est d’organiser la décentralisation, qui masque seulement la déconcentration).

Mais il existe malheureusement des pays « frugaux » qui sont supposés contribuer davantage aux provisions en vue de financer la planification écologique. Pologne, Hongrie et autres pays d’Europe centrale et Baltique sont devenus de « mauvais Européens » aux yeux de la présidente Ursula von der Leyden.

Enfin, et non le moindre, les pays les plus attachés à la doctrine Delors sont pris au piège financier, ils doivent promettre de réduire leurs déficits de mauvais européens. Pologne, Hongrie et Pays-Bas sont réputés pour leurs dettes, et l’on a vu le gouvernement français demander à l’Europe un ralentissement de la transition énergétique : un comble !

En fin de compte, il n’y a aucune illusion à se faire : la voie dans laquelle s’engage l’Union européenne est celle du gaspillage des fonds, c’est-à-dire de nouveaux sacrifices pour les contribuables européens et de nouvelles réductions des libertés personnelles.

 

La culture malade de l’éducation

On peut se demander pour quelles raisons les erreurs économiques et la réduction des libertés personnelles se multiplient sans réaction massive des peuples concernés. C’est que toute crise a une dimension culturelle (Jean-Philippe Delsol). Or, la culture se forme dans le système éducatif, en échec total (Philippe Nemo).

 

La culture de la peur et du grand remplacement

Comme il a été rappelé dès les premiers instants de l’Université, la crise est inhérente aux erreurs commises, et les erreurs sont la rançon de la nature de l’être humain : perfectible mais faillible.

Étymologiquement, la crise est une tragédie, un drame qui oppose Antigone et Créon (le bien et le mal s’opposent, mais coexistent). S’ouvre alors la période de la démesure, de la facilité, et finalement du recours à la contrainte, c’est-à-dire à l’État qui en a le monopole. La seule issue possible est la résistance, comme l’a rappelé Albert Camus. Il faut faire preuve de discernement, passer tout évènement au crible de la raison, éviter la démesure. Cicéron plaide pour « la balance » (In medio stat virtus). Il faut revenir à la justice, qui n’est pas égalité, mais la rémunération de chacun à son dû. C’est l’objectif que l’on peut atteindre à travers le marché et à travers la démocratie. Cela a un autre nom : la sagesse.

Or, la sagesse a fui l’Occident, et en particulier la jeunesse de l’Occident.

La jeunesse refuse la vie en société, elle est aveuglée, elle est pessimiste. Tous les canons de la peur hantent son esprit, les suicides et la drogue traduisent la tragédie, on ne pense qu’aux inégalités dont sont victimes les femmes, aux menaces pour la planète, pour la santé, alors même que la réalité mondiale est tout autre.

La réalité, c’est l’accroissement spectaculaire de la population et de la prospérité mondiales en deux générations.

Les résultats de cet aveuglement sont le désenchantement, le rejet de la raison (bien qu’on ne cesse d’évoquer le siècle des Lumières), l’absence d’une culture commune au sein des États, et sans doute parce que ceux-ci ont échoué à s’adapter à la mondialisation. On voit se répandre une idéologie du remplacement (tout changer, wokisme), on veut réécrire l’Histoire, en oublier les grandes leçons pour s’arrêter à des détails sans intérêt.

Le processus de déculturation conduit à la décivilisation, au gaspillage du libre arbitre.

 

Une éducation sinistrée ne transmet plus la culture

Il y a sans doute une composante structurelle à la crise culturelle actuelle. En effet, elle tient à la nature des êtres humains.

Mais il y a aussi une composante conjoncturelle : la culture n’est plus transmise. Ce n’est pas celle de l’Occident qui est en cause : elle a derrière elle la fierté de plusieurs dizaines de siècles.

C’est que cette culture humaniste n’est plus enseignée aujourd’hui. De la sorte nous produisons de jeunes sauvages (surtout dans les communautés immigrées) qui n’ont pour idée que de détruire. Cela rend évidemment impossible toute vie en société, qui ne peut subsister, comme le dit Hayek, que s’il existe des règles de comportement respectées parce qu’inscrites dans un ordre spontané. Il n’y a rien de plus traditionnel que la tradition. Et la tradition ne s’accommode pas du multiculturalisme.

Pourquoi la transmission de la culture ne se fait-elle pas ?

À cause de changements profonds : mondialisation, immigration, explosion de la famille (familles monoparentales, travail des femmes), numérique, climat.

La situation actuelle tranche avec ce qui se faisait durant les siècles précédents, puisque la culture se transmettait de génération en génération à travers l’Église, les monastères, les paroisses, et surtout les familles. Aujourd’hui, les médias diffusent un mythe collectiviste. Mais c’est surtout le système scolaire qui est déshérité. D’une part, la qualité des enseignants s’est dégradée : syndicalisme et politisation l’expliquent ; d’autre part, la liberté scolaire a été réduite à néant, pas de concurrence, pas de création, un mammouth bureaucratique.

Alors, que pourraient faire des libéraux pour transmettre la culture ?

Il faut en revenir aux humanités, c’est-à-dire à la littérature, à l’histoire, à l’art. Il faut retrouver et sauver le patrimoine culturel : musées, cathédrales et châteaux. Il faut réhabiliter le travail. Nombreux sont ceux qui s’engagent actuellement dans ces voies, ils font du libéralisme sans le savoir.

 

Discours de clôture de l’université

La tradition de l’Université est de se terminer sur la dimension éthique et humaniste du « libéralisme classique » et de confier cet exercice à une personnalité de premier plan.

La personnalité ne pouvait être que le professeur Mario Rizzo, venu à Aix très souvent depuis trente ans, qui a enseigné à NYU (New York Uny), temple de l’économie autrichienne avec Israel Kirzner), et à l’Université de Chicago, auteur d’ouvrages fondamentaux comme Economics of Time and Ignorance en collaboration avec Richard Langlois. Quant au sujet de son discours il s’agit de la « Psychologie antipaternaliste de William James »

Il est indiqué aux lecteurs de La nouvelle lettre que d’autres sessions de l’Université n’ont pas trouvé leur place pour l’instant dans notre présentation, mais elles apparaîtront dans un prochain document avec la référence aux interventions de R. Nechita, Nouh El Harmouzi, N. Lecaussin, D. Dufort, C. Nasuela, D. Mursa, S. Mascalon & S. Sepe, Sir S.Kamall, C. Johnson, F. Facchini, D. Piana, A. Mathieu, S. Beraldo, A. Slomka-Bolebiowska, Elizabeth Krecké, E. Martin, N. Wenzel, Ph. Dapprich, D. Gobartenko, P. Bentata, J-P. Chamoux

 

La psychologie antipaternaliste de William James

William James n’est pas un économiste, mais un psychologue. La psychologie a fait une entrée remarquée dans la science économique, elle partage avec l’école autrichienne, et ce qu’on appelle les  libéraux classiques, l’importance que l’on doit attribuer au comportement humain. Ce comportement ne se réduit pas à l’utilité ou à la rentabilité, mais il dépend des libres choix individuels, des appréciations personnelles que chaque acteur économique, producteur ou consommateur, devrait pouvoir faire en toute liberté.

C’est ici que la psychologie intervient.

En effet, les individus sont influencés par le paternalisme, qui réunit l’autonomie individuelle. William James proteste contre certaines interventions publiques qu’il juge scandaleuses.

Ainsi, l’État du Massachussetts interdit d’être soigné par quelqu’un qui n’est pas diplômé en médecine. Non seulement c’est la liberté de l’individu de choisir ses soins, mais l’expérience personnelle lui a peut-être prouvé que ces soins sont plus efficaces. Un autre exemple est donné lorsqu’après la Deuxième Guerre mondiale, les États-Unis ont voulu faire des Philippines la copie de la société américaine. Ils ont vanté les vertus de courage, d’honnêteté, de solidarité des Américains (à démontrer) et ont décidé que ces vertus s’expriment dans les guerres. Ils ont donc obligé les jeunes Philippins à effectuer un service militaire obligatoire.

En réalité, le paternalisme veut décider de ce qui est bien ou mal en général, sans tenir compte que chaque individu aura sa propre conception de ce que sont le bien et le mal. C’est l’affaire du cerveau de chacun, et peut se développer à l’école.

De la même façon, le savoir est quelque chose de personnel, il dépend de l’information et de l’appréciation du temps par les individus. Et pour un même individu, ces données sont elles-mêmes variables suivant les circonstances. Donc le savoir n’est pas collectif, il se forme au contraire par la rencontre entre des personnes. Ce dont nous avons besoin, ce que nous apprenons, c’est non pas le paternalisme, mais ce que nous apprenons de nos maîtres, de nos amis, ce que nous avons fait pour réaliser nos objectifs. Ce que nous faisons aujourd’hui est plus important que ce que nous programmons pour demain. C’est un exercice intellectuel et spirituel permanent.

Cette conclusion appelle deux questions de la part de Jacques Garello  : quid de la famille ? quid du capital humain ?

La réponse est que l’apprentissage personnel est le plus important. En deuxième rang vient la famille, en troisième rang nos relations, et en tout dernier rang, et à proscrire, l’État. Quant au capital humain, il ne cesse de se former tout au long de la vie : on devrait parler de personne plutôt que d’individu parce que l’individu passe sa vie à épanouir sa personnalité.

Sur le web

  1. Cette banque avait été créée pour venir en aide aux paysans en difficulté (Monte de Pieta). Mais elle élargira ensuite son activité à tous les propriétaires fonciers de la plaine toscane
  2. On peut toujours décréter, comme monsieur Macron, que l’on doit s’adapter à la pénurie, « l’ère de l’abondance est finie »
  3. Dans le temple Cohesion Politique de l’Union européenne, la famille possède un pilier, on écrit dans la pierre les dettes et créances au fur et à mesure qu’elles naissent. Les comptes sont « courants », et l’on est sûr que les paiements seront faits, car la banque est un temple : Dieu punira ceux qui oublient leurs obligations
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  • Je me réjouis que Contrepoints relaie les Universités d’été, qui furent en effet très riches. Je trouve cependant dommage de donner accroire qu’elles ont commencé (et se sont clos) le samedi 22 juillet alors que la journée du 21 juillet a été aussi riche (remarque égoïste puisque j’intervenais justement le 21 juillet…).

    • Les Universités d’été se sont « closes » sur ce remarquable plaidoyer qui annonce l’ouverture d’un chantier considérable: rendre l’école à l’école en rétablissant la liberté dans l’intégralité du cursus. La feuille de route existe et nous a été fournie en 1791 par Condorcet. Ses Cinq Mémoires définissent l’idéal-type d’un système libéral ( pluralisme, autonomie et respect des inégalités naturelles) aux antipodes de l’égalitarisme imposé par un demi-siècle de réformes que je qualifie de « pédagauchistes ». Ce charlatanisme racoleur a naufragé les apprentissages en enseignant l’ignorance. Il exacerbe le nombrilisme des apprenants qui auto-construisent leurs savoirs sur le néant. Gabriel Attal est devant les écuries d’Augias… vaste programme!

  • Après avoir assisté à ces deux jours de conférence je n’osais imaginer pouvoir lire un résumé aussi parfait et complet. Mon espoir que cela soit partagé (comme je l’ai fait déjà sur le Réseau Liberté et même sur un groupe local de « Reconquête ! ») et que ça devienne la pierre de touche d’une reconquête du libéralisme. Bravo à l’auteur invité dont j’aimerais connaître l’identité (mais j’ai une idée).

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