Le complexe de l’industrie (4) : à la recherche des pièces du puzzle

De quoi l’industrie a-t-elle besoin pour revenir à une stratégie gagnante dans l’arène politique ?

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Le complexe de l’industrie (4) : à la recherche des pièces du puzzle

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 décembre 2022
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Un article du Risk-Monger

Première partie de cette série ici.
Seconde partie de cette série ici.
Troisième partie de cette série ici.

 

J’ai l’impression que Bruxelles est un puzzle dont les pièces changent constamment. Le meilleur moyen de commencer un puzzle consiste à aligner les pièces des bords mais il n’y en a aucune. La dimension du problème est inconnue. J’aime bien les puzzles et j’aime essayer de résoudre des problèmes mais la première question est : « Par où commencer ? » Que peut faire l’industrie pour résoudre les problèmes posés par son « complexe » ?

Il est flagrant que les acteurs de l’industrie à Bruxelles ne peuvent pas continuer à faire comme avant.  Il y a trop de militants à Bruxelles avec des intérêts personnels qui se consacrent exclusivement à l’échec de l’industrie et du capitalisme. Ils ont de l’argent, de la ferveur et bien peu de contraintes éthiques et exécutent leurs objectifs avec un zèle missionnaire.

Cette série d’articles sur le complexe de l’industrie a montré comment les militants anti-industrie ont travaillé à détruire la confiance dans toutes les industries (en les excluant de la démarche réglementaire et en ravalant le mot « industrie » à une interprétation immorale du lobbying) et ont utilisé les même tactiques qui ont fonctionné pour faire décliner l’industrie du tabac. En utilisant les outils de communication émergents pour créer une atmosphère de peur et de haine, ces militants sont parvenus à créer un discours selon lequel la seule solution à tous nos problèmes est d’éliminer l’industrie, ses innovations et ses technologies. Et leurs solutions deviennent encore plus extrêmes (avec, par exemple, 6000 militants écologistes qui ont récemment attaqué en France un projet de bassine d’irrigation dans une ferme car il était trop « industriel »). Les acteurs de la réglementation, qui perçoivent ces voix bruyantes comme représentatives, ont pris le chemin de la politique de la vertu plutôt que de la Realpolitik (de la politique du rêve et de l’idéologie plutôt que des solutions pratiques reposant sur les meilleures preuves disponibles).

Quel peut donc faire l’industrie ?

J’ai expliqué dans cette série d’articles que le fait d’être le zèbre pas-tout-à-fait-le-plus-lent avec des objectifs de court terme n’est pas une solution. Je pense aussi que continuer à courber la tête en tolérant les campagnes haineuses est un signe de faiblesse. Viser la limitation des dégâts (par exemple, garder une substance sur le marché pour trois années de plus avant d’envoyer les juristes se tortiller pour obtenir des dérogations) n’est pas une stratégie gagnante. Les associations professionnelles de l’industrie à Bruxelles étaient là autrefois pour mettre en valeur les produits et mener des campagnes proactives sur leurs bienfaits ; à présent elles semblent ne plus se concentrer que sur la protection des produits en réaction à des menaces réglementaires incessantes, la lutte contre la poursuite de l’érosion de la confiance et la minimisation des pertes d’adhérents. Elles n’ont même plus le temps de voir comme le paysage réglementaire a changé avec des outils anti-innovation tels que le principe de précaution et l’approche basée sur les dangers qui rendent leur participation au débat politique tout juste symbolique.

De quoi l’industrie a-t-elle besoin pour revenir à une stratégie gagnante dans l’arène politique ?

 

Du leadership

Où sont les dirigeants de l’industrie ?

Les PDG d’entreprises ne font le voyage à Bruxelles que lorsque la Commission ou le Parlement européen les convoque pour les morigéner, leur imposer des amendes ou exiger d’eux qu’ils fassent plus avec moins. Même pendant la pandémie de Covid-19, alors que les entreprises développaient des solutions innovantes qui ont sauvé des millions de vies (depuis l’industrie pharmaceutique à celle des produits chimiques en passant par les plastiques, l’alimentation, les fabricants de textiles et les firmes technologiques qui ont fourni des solutions aux entreprises, au secteur du divertissement et à la distribution), l’industrie a été incapable d’utiliser son rôle de leader pour améliorer ses relations avec les politiciens. Les attaques contre AstraZeneca ont marqué le point bas. Aucun signe de bonne volonté de l’industrie a n’été récompensé dans l’arène politique (où la gestion du risque covid par les États s’est révélée pitoyable).

Les dirigeants occidentaux ont montré plus d’empressement à s’asseoir à côté d’une adolescente à l’insulte facile plutôt que du dirigeant d’une grande entreprise de recherche fournissant des solutions innovantes et de l’investissement. Pourquoi cela ? Ce n’est pas tant le fait que le dirigeant industriel était vu comme intéressé par l’argent et le pouvoir, ou comme étant entre les mains du système capitaliste – chacun a son intérêt personnel. Les gens étaient inspirés par le courage de cette adolescente qui s’est dressée pour parler haut et fort.

En dehors de la minorité bruyante des militants, beaucoup plus de monde n’accepte pas le discours selon lequel le capitalisme a détruit l’humanité et la planète. Encore plus nombreux sont ceux qui apprécient combien les technologies ont amélioré nos vies, combien nous vivons plus longtemps et en meilleure santé, combien la prospérité a progressé et combien la pauvreté et le sous-développement ont régressé. Mais qui a le courage de se dresser et de parler pour eux ?

Je ne vois pas de tel meneur charismatique de l’industrie à Bruxelles.

 

De l’inspiration

Quelle est votre vision du futur ?

J’ai souvent dérouté des étudiants lorsque je leur faisais admettre qu’ils ne sortiraient jamais avec quelqu’un qui n’avait pas de vision. (ils étaient déroutés lorsque je leur demandais ensuite quelle était leur vision). Alors, quelle est la vision de votre industrie ? Comment allez-vous agir sur le monde dans les dix prochaines années ? Et comment le communiquez-vous aux parties prenantes qui s’intéressent à vous ? Est-ce que ça vous parle ?

Les entreprises qui ont une vision n’ont pas de problème pour recruter les meilleurs et les plus brillants. Une vision claire inspire, elle incite à vous suivre, elle vous rend, vous ou votre organisation, séduisants. Les marques ont des visions pour lesquelles les consommateurs font la queue et payent plus cher de leur plein gré. À quelques exceptions près, j’ai rarement été séduit par les visions mises en avant par des industries. Il y a eu une époque où des groupes industriels s’alliaient autour d’engagements volontaires pour exprimer leurs visions de long terme. Lorsque j’étais actif dans ce domaine, la stratégie Vinyl 2000 a réussi à maintenir le PVC sur le marché malgré l’indignation féroce des militants. C’était il y a presque trois décennies.

L’étude de cas à laquelle je me réfère souvent comme une exception à la norme, où une industrie guidée par une vision a résisté à un déchaînement coordonné de précaution, c’est l’industrie du téléphone mobile. Au début des années 2000 il y avait beaucoup de craintes concernant des cancers causés par l’exposition aux champs électromagnétiques produits par les téléphones mobiles et les antennes-relais (et pas assez de données de recherche). J’admets que la première génération de téléphones mobiles pouvait faire éclater des grains de popcorn et je soupçonne que l’industrie était effectivement coupable et même le rapport Stewart au Royaume-Uni en l’an 2000 a eu du mal à justifier la poursuite de l’usage de la technologie émergente du téléphone mobile (en particulier par les adolescents). Mais l’industrie du téléphone mobile n’a pas passé son temps à jouer au jeu du refus de la réglementation. Elle a relevé le défi pour innover, créer plus d’avantages pour les consommateurs et présenter clairement sa vision d’un monde connecté, centré sur les appareils mobiles. Toutes les menaces sanitaires ou environnementales ont été traitées avec des objectifs de réduction de l’exposition. Personne n’a osé planter les clous de la précaution dans cette technologie car la vision clairement formulée inspirait toute une génération. Et pourtant, si l’industrie du mobile avait dû affronter l’usage actuel du principe de précaution, nous serions tous encore en train d’utiliser des téléphones filaires.

Une vision séduisante emporte l’adhésion et mène à une plus grande confiance.

La précaution intervient lorsqu’il y a un déficit de confiance (c’est-à-dire pas de vision séduisante qui inspire les populations). Passer votre temps à Bruxelles pour nier que votre produit est cancérogène, une menace écologique, une source de déchets, un perturbateur endocrinien… c’est autant de temps que vous ne passez pas à mettre en avant votre produit comme une solution innovante et tournée vers l’avenir. Si vous luttez pour faire accepter vos données historiques, alors vos objectifs futurs de réduction d’exposition ne seront pas intégrés. Vous n’êtes pas inspirants et donc pas séduisants pour ceux qui contrôlent le discours. Rentrez chez vous.

Pendant ce temps, les ONG qui vous font patiner ne vendent aucun produit et n’investissent dans aucune infrastructure. Elles dépensent tous leurs abondants moyens à créer et propager leurs visions en inspirant les personnes vulnérables à penser différemment, se dresser et agir pour sauver le monde (c’est-à-dire se débarrasser de vous). Il est beaucoup plus facile pour les décideurs de s’asseoir à côté de cette adolescente suédoise et de hocher la tête pendant ses récriminations incessantes.

Si votre seule vision consiste à lutter pour rester trois années de plus sur le marché, alors non seulement vous n’êtes pas séduisant dans l’arène politique (et vous êtes une cible facile), mais je ne m’attends pas à ce que l’aval de votre chaîne de valeur soit très excité par ce que vous avez à proposer.

 

Du courage

Il y a beaucoup de brutes à Bruxelles – des fanatiques qui ont affûté leurs compétences à pilonner l’industrie et à détruire la confiance en elle et en ses produits. Mais les brutes peuvent brutaliser seulement si on les laisse faire. Le fanatique persuadé d’avoir raison va vous insulter personnellement et fera tout pour vous nuire professionnellement… OK… et ensuite il fera quoi ? Les militants qui tentent d’isoler et d’intimider les points de vue opposés réussissent seulement si nous les laissons faire – si nous nous enfuyons lorsqu’ils crient.

« Bon, très bien, M. Monger, vous, vous pouvez les affronter parce que vous n’avez rien qui ait de la valeur et qu’ils peuvent détruire.  Moi, j’ai mon entreprise ou mon organisation à protéger. »

En effet, et c’est peut-être la principale raison qui fait que les acteurs de l’industrie ont décidé de se rouler en boule et de ne rien faire pendant que les militants mettent en lambeaux la confiance du public dans leurs industries, leurs produits et leurs marchés. De plus, la plupart des entreprises et des associations professionnelles sont guidées par des codes de bonne conduite (contrairement à la plupart des ONG) qui les empêchent de se comporter négativement envers les autres. Tant que les campagnes des ONG se déchaînent contre une autre industrie ou entreprise, ne rien faire ressemble à une approche rationnelle. J’ai appelé cette attitude être le zèbre pas-tout-à-fait-le-plus-lent de la horde.  Alors que la carcasse à côté de vous est déchiquetée par la frénésie des militants qui s’en nourrissent, à quel moment votre industrie aura-t-elle le courage de se dresser pour exiger qu’on fasse quelque chose ?

(Note de l’éditeur : Le Risk-Monger a perdu un poste d’enseignant en raison de son implication dans la campagne sur le glyphosate, mais les administrateurs universitaires ont montré encore moins de courage que l’industrie ces derniers temps).

La horde doit aujourd’hui se préparer pour demain. Peut-être a-t-elle besoin d’un moyen de dissuasion, d’autres alliés ou d’un changement de terrain. Ses membres doivent avant tout sortir de la protection dans laquelle ils se sont roulés en boule et avoir le courage de se dresser pour parler haut et fort… tous ensemble.

 

D’une seule voix

L’industrie doit se serrer les coudes pour résister aux campagnes militantes incessantes à son encontre. Très récemment, l’industrie des combustibles fossiles a été attaquée pour son implication à la COP27 (par un groupe d’ONG bizarre financé par le gouvernement allemand… dont la tête de la délégation à la COP27, Jennifer Morgan, a été la directrice Internationale Exécutive de Greenpeace). Personne ne s’est levé pour défendre le fait que toutes les parties prenantes doivent contribuer à trouver des solutions.  Dans une démarche démocratique, tous les intérêts doivent être entendus à la table des négociations, pas seulement ceux qui sont considérés comme moralement tolérables par quelques groupes de collectifs de militants lèche-bottes autoproclamés.

« Au moins 636 lobbyistes des combustibles fossiles se sont inscrits à la COP27, en augmentation de 25 % par rapport à la COP26, l’an dernier à Glasgow. La plupart étaient des marchands de droits d’émission de carbone ainsi que des acteurs de l’éolien et du solaire. Personne n’a lu cette liste. Avec des milliers de militants des ONG du climat à la COP27, pourquoi cela devrait-il être un problème ?

Alors, à qui le tour ?  Serons-nous d’accord si l’OMS exclut les géants de la pharmacie de ses conférences (le CIRC n’a pas invité le moindre représentant de l’industrie pharmaceutique à la conférence pour son cinquantième anniversaire) ? Lorsque toute l’industrie est traitée comme un punching ball, comme l’industrie du tabac, ne soyez pas surpris si vous récoltez quelques bleus.  Lorsque des militants utilisent ouvertement leur stratégie de tabassage sur l’ensemble de l’industrie, peut-être allez-vous regretter de ne pas avoir pris la parole plus tôt pour protester contre les restrictions de consultations injustes.

La communauté des ONG a appris à se serrer les coudes pour parler d’une seule voix. Même lorsque certains groupes (comme Corporate Europe Observatory, Extinction Rebellion ou SumOfUs) brisent les codes et se comportent de manière détestable, les ONG ne rompent jamais les rangs et ne sortent pas du discours convenu. L’industrie doit parler haut et fort d’une seule voix contre les mauvais traitements, contre les tactiques d’exclusion et contre l’absurdité.

Le problème c’est que les lobbyistes de l’industrie ont été formés à respecter les restrictions anti-trust (c’est moi qui lisais la « prière du matin » aux réunions du CEFIC) mais il ne s’agit pas ici de réglementation de la concurrence. Il s’agit de faire entendre sa voix dans la démarche réglementaire.  Postpandémie, le Risk-Monger est intervenu dans de nombreuses réunions d’associations professionnelles et l’humeur est presque toujours sombre. Ces divers groupes font tous face aux mêmes obstacles mis en place par la même petite bande de militants astucieux qui utilisent les mêmes techniques de tabassage. Chaque groupe industriel se débat de son côté mais comme il y a des zèbres plus lents que d’autres, il y a des degrés d’urgence variés.

Mais les lions sont insatiables.

La horde doit se resserrer et protéger tous ses membres. Comment se fait-il que les représentants de l’UE ne soient pas autorisés à interagir avec des dirigeants de l’industrie (en dehors des associations professionnelles) alors que les lobbyistes des ONG sont libres de rencontrer et d’accueillir qui elles veulent ? Est-ce une norme de lobbying équitable ? Levez-vous et faites-vous entendre.

 

Levez-vous et quittez la table

Ce que l’industrie pourrait faire de plus courageux pour mettre en évidence la situation impossible dans la démarche réglementaire est sans doute de se lever et de quitter la table des négociations.

Alors que c’est exactement ce pour quoi les militants ont fait campagne, depuis le livre blanc sur la gouvernance, la politique européenne considère la consultation ouverte et le dialogue entre parties prenantes comme les clés de la légitimité politique. Lorsque les ONG se sont levées et ont quitté la démarche de dialogue au milieu des années 2000, la Commission européenne les a suppliées de revenir en leur promettant des mécanismes de financement et un usage plus large des outils politiques comme la précaution et l’approche basée sur les dangers.

Je crois que l’industrie continuera à perdre et à perdre beaucoup à moins qu’elle parvienne à remettre à plat le paysage politique européen inéquitable. Si toutes les entreprises et associations professionnelles venaient à boycotter la démarche de consultation sur un sujet particulier jusqu’à ce que la Commission européenne remettre le terrain de jeux à niveau, on verrait une ribambelle d’actions correctives. Je n’arrive pas à croire que le principe de précaution soit appliqué de manière routinière (au sein d’une démarche réglementaire basée sur les dangers) sans une vision claire de la manière dont il devrait s’insérer dans une démarche de gestion des risques. Cette Commission européenne a-t-elle-même une démarche de gestion des risques ? Ou bien n’a-t-elle qu’une succession de solutions d’aversion au risque ?

Si toutes les industries se mettaient en ordre de bataille pour exiger un livre blanc sur la gestion des risques avant de continuer à participer, le paysage politique changerait subitement. Bien entendu, les associations professionnelles ont été créées pour être la voix de leur industrie à Bruxelles et elles hésiteront à quitter la table des négociations alors qu’elles sont payées pour y siéger (à moins que leurs membres aient le courage d’élever la voix, de se lever et de s’en aller à leur place). Donnez six mois à ces associations pour se concentrer sur le développement de visions et d’engagements volontaires.  Sinon, vous êtes juste en train de charger votre association professionnelle de gérer votre déclin progressif et votre mort lente.

 

Du réalisme plutôt que de l’idéalisme

J’ai semé les graines d’une solution dans cette série d’articles avec un appel à revenir à la Realpolitik dans l’arène politique.

Les politiques basées sur la vertu ne peuvent réussir que dans une époque de prospérité, avec une audience aisée qui exige la perfection (le risque zéro et des ressources illimitées pour en payer les conséquences). Les politiciens ne peuvent jouer les dirigeants vertueux que s’ils ont les moyens de donner aux gens ce qu’ils veulent (et en trouvent d’autres pour payer). Bruxelles est dans un état lamentable à présent que les aspirations politiques à long terme ont été confondues avec la démarche réglementaire. Ils ont mélangé les idéaux politiques et les objectifs à long terme avec la réalité du terrain.

S’agissant de la stratégie du Pacte Vert que les principaux idéologues de la Commission européenne ont mis en avant pour marquer leur posture de politiciens vertueux, il n’y a aucune justification rationnelle à mettre en œuvre la plupart de leurs objectifs ambitieux (et en particulier pas d’ici à 2030). Mais c’est la stratégie que des carriéristes comme Frans Timmermans et Ursula von der Leyen veulent laisser comme trace dans l’Histoire. Ils ont poussé cette stratégie sans relâche au travers d’une pandémie (levant même davantage de fonds pour ça) et continueront de nourrir leur idéalisme au travers d’une récession majeure apportée par l’inflation sur l’alimentation et l’énergie, dont ils sont en grande partie responsables.

Pourquoi ? Parce que personne ne les affronte ni ne les secoue de leurs rêves ambitieux.

J’ai observé incrédule les groupes industriels, l’un après l’autre, chacun levant son verre, le jour de l’annonce du grand Pacte Vert européen, s’engageant à collaborer avec Frans et Ursula pour sauver le monde. Derrière les façades il y avait la panique que ce pacte allait détruire complètement l’industrie européenne mais personne n’a osé s’exprimer. La communauté de la recherche a regardé sans rien faire la mise en liste noire des meilleures technologies (qui n’étaient pas naturelles ou émettaient du CO2), tout en se demandant comme sera financée la recherche de solutions une fois que les substances et les produits auront été retirées du marché. Le Risk-Monger s’est senti bien seul à courir partout en ridiculisant la stupidité totale des objectifs et des idéaux du Pacte Vert, en lançant des expressions comme Farm2Famine, ou Farm2Fucked, mais autant pisser dans un violon – aucun dirigeant industriel n’a eu le courage de dire à ces dirigeants que leurs rêves allaient se fracasser contre la réalité (sauf des scientifiques du JRC, mais les Commissaires européens sont très forts pour les ignorer). La Commission a même suggéré l’agroécologie comme un moyen d’éviter la famine à l’échelle mondiale… personne n’a tiqué.

Lorsque la réalité entre en conflit avec leur idéalisme, des dirigeants forts devraient se réveiller et chercher des solutions pragmatiques. Les dirigeants de l’industrie doivent réveiller leurs interlocuteurs politiques, leur dire ce qui est possible et ce qu’on peut attendre et ensuite collaborer pour trouver les meilleures solutions possibles (on appelle ça la gestion des risques). La Realpolitik intervient lorsque tout le monde ne peut pas obtenir ce qu’il veut mais qu’on peut atteindre ce qu’il y a de mieux possible.  Le Pacte Vert offrira ce qu’il y a de moins bien au prix fort. Mais tant que l’industrie continuera à féliciter bêtement les politiciens alors qu’ils ont besoin d’un bon coup de pied aux fesses pour leur pure folie et leur stupidité, ne soyez pas surpris si des objectifs rêvés deviennent rapidement des exigences réglementaires que vous ne parviendrez pas à atteindre.

Où sont passées les études d’impact ?

 

La science plutôt que la foi

Les preuves scientifiques sont la dernière roue du carrosse dans l’arène politique de Bruxelles depuis qu’une bande d’ONG a exigé la suppression du poste de Conseiller scientifique principal auprès du président de la Commission européenne (Anne Glover a commis l’erreur fatale de prendre la défense des données scientifiques sur la sécurité des OGM). Mais où l’Union européenne trouve-t-elle ses preuves scientifiques et qui aide ces généralistes à les interpréter ?

Nous supposons que chaque décision que nous prenons est fondée sur un raisonnement logique et les meilleures données disponibles qui nous sont présentées. Lorsqu’il s’agit de décisions qui concernent les autres (par exemple des décisions politiques), il est impératif que nous ayons accès aux recherches de la plus haute qualité possible. Bien entendu d’autres facteurs influencent la manière dont nous évaluons et interprétons ces données (par exemple : la politique, nos systèmes de croyances et les questions que nous posons… modelées par notre histoire sociale et culturelle).

Lorsqu’une entreprise investit des millions dans une technologie, elle doit s’assurer que la science est correcte. Elle emploie un large éventail de scientifiques et a développé des centres de recherche qui rivalisent avec les plus grandes institutions universitaires pour obtenir le meilleur retour sur investissement. Elle prend les meilleurs scientifiques issus des meilleures écoles (souvent même avant leur soutenance de thèse) et les met sur des projets innovants qui prennent quelquefois des décennies de développement. Par exemple, certaines des nouvelles technologies de batteries qui arrivent sur le marché maintenant ont été testées dans les années 1990 (lorsque je travaillais dans un centre de recherche d’une entreprise). Dans certains domaines de recherches spécialisées, comme la science des additifs alimentaires, il y a une pénurie d’expertise, donc toute personne formée dans ce domaine a une expérience industrielle.

Les militants qui rêvent d’un monde meilleur utilisent Google pour trouver les données qu’ils pensent pertinentes pour justifier leurs campagnes. Par sa nature même, la science est constamment remise en question et Internet donne libre accès aux désaccords de tout un chacun. Il suffit de mettre en avant suffisamment de points de vue contraires, peu importe la source, pour créer une image d’incertitude de « la science ». (l’ironie étant que c’est la même tactique que celle dont ils accusent les industries du tabac ou du pétrole – voyez Doubt is Their Product). Les ONG exigent aussi que seule la recherche publiée dans des revues à comité de lecture soit utilisée pour les évaluations de risques ; sachant que les données de recherche industrielle sont souvent privées et confidentielles.

Conscientes de leur faiblesse sur le front des preuves, les militants des ONG tentent de discréditer la science de l’industrie et travaillent à s’assurer qu’aucun chercheur ou expert avec la moindre expérience de l’industrie ne soit autorisé à conseiller ou participer aux discussions réglementaires de l’UE. Dans le cas du glyphosate, par exemple, les ONG ont agi pour faire en sorte que les acteurs de la réglementation ignorent les conclusions de l’EFSA ou de l’ECHA (ou de toute autre agence scientifique de réglementation nationale) car elles contenaient des travaux financés par l’industrie ou des données industrielles dans leurs évaluations de risques. Pendant ce temps, les chercheurs militants qui suscitent ces doutes sur le glyphosate sont financés par des fondations de l’industrie de l’alimentation bio ou des cabinets d’avocats spécialisés en dommages et intérêts qui profiteront de milliers d’actions en justice.   Et personne ne proteste.

 

Voilà la dernière pièce du puzzle du complexe de l’industrie. Comment faire en sorte que la recherche de qualité soit utilisée quelle que soit sa source ; comment apporter aux acteurs de la réglementation les compétences adéquates pour interpréter les meilleures preuves ; comment remettre les preuves au centre de la démarche réglementaire ; et comment mettre la science militante en perspective. Ce sera le défi de la cinquième partie de cette série.

 

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