Un article du Risk-Monger.
Première partie de cette série ici.
L’humanité est en train de sortir (on l’espère) d’une pandémie mondiale en grande partie grâce au développement massif et rapide et à la production de milliards de vaccins sûrs. Nous avons été les témoins de la reconversion d’usines pour produire en masse des désinfectants, des équipements de protection individuelle et des plastiques stériles à usage unique.
Presque du jour au lendemain, l’industrie des technologies de l’information a pu transporter les lieux de travail, les écoles et le secteur des loisirs dans la sécurité relative des foyers. Les commerçants ont relevé le défi logistique de la livraison à domicile avec une précision quasi parfaite. Ces succès stupéfiants n’ont été réalisés ni par des services étatiques ni par des organismes à but non lucratif, mais par des entreprises avec des moyens de production industrielle.
En résumé, pendant que nos politiciens bafouillaient en montrant leur manque de préparation à la gestion des risques, les secteurs de l’industrie, de la pétrochimie à la pharmacie en passant par les géants de la technologie, ont sauvé des millions de vies et ont évité à nos sociétés l’effondrement économique et social.
Pourquoi je déteste tant ces infâmes salopards du monde des affaires et ferai n’importe quoi pour les mettre à terre
Après 25 ans d’Investissement Socialement Responsable (ISR) ; après avoir atteint leurs objectifs de développement durable du millénaire ; après des années où les entreprises ont joué le rôle du bon citoyen, bienfaiteur public et agent du changement sociétal et de la justice sociale ; après avoir mis en place et imposé des codes éthiques de bonne conduite (que les gouvernements et les ONG n’ont pas) ; après avoir atteint tous les objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comment se fait-il que le seul point commun de la plupart des industries aujourd’hui soit leur détestation croissante par le public ?
J’ai récemment prononcé un discours lors d’un événement d’une association professionnelle et un des participants a posé une question en commençant par s’excuser : « OK, nous sommes des industriels mais… » Les deux décennies écoulées d’attaques incessantes contre l’industrie dans les médias, au cinéma et dans l’arène politique ont appris aux acteurs de l’industrie à se montrer discrets en public. Mais ils ne devraient pas avoir honte de ce que leurs innovations et leurs technologies ont apporté à l’humanité.
Nous vivons plus longtemps, avec une meilleure qualité de vie, un accès direct à une alimentation de meilleure qualité tout en nourrissant une population mondiale en croissance, nous profitons d’appareils de communication personnelle stupéfiants, nous voyageons plus vite et plus sûrement et nous accédons à l’information en quelques secondes.
Mais tout ce que nous entendons au sujet de l’industrie dans la sphère publique c’est du ressentiment et de l’animosité. C’est le « complexe de l’industrie ».
Les forces de la haine
Des jeunes marchent dans la rue en arborant des panneaux qui condamnent les entreprises et le capitalisme plutôt que d’attendre des entreprises qu’elles apportent des solutions innovantes, bascarbone. Des programmes d’aide qui promettent des technologies aux pays en développement sont mis sur la touche parce que des militants y ont détecté des partenariats avec des entreprises. Les acteurs de la réglementation à Bruxelles n’ont plus le droit de parler aux représentants des entreprises de peur de s’attirer les foudres des militants de la société civile.
Tout scientifique ou universitaire qui fait de la recherche avec l’industrie ou en reçoit du financement est contraint d’accepter de vivre en marge de sa discipline, étiqueté à tout jamais « scientifique financé par l’industrie ». Comme le premier article de cette série l’explique, toutes les industries (sauf celles adoubées par le lobby vert) ont été tabassées – au mieux tolérées mais jamais les bienvenues dans la société.
Mais qui décide quel secteur industriel condamner ? Comment un acteur majeur de la société, employeur et apporteur de solutions est-il devenu détesté avec tant de virulence par les autres parties prenantes, les médias et les politiciens ? Qu’est-ce que l’industrie a dit ou fait (ou n’a pas dit ou pas fait) pour produire un discours aussi misérable ? Ces compagnies sont-elles victimes de leur propre succès (la prospérité apportée par des décennies d’innovations technologiques impressionnantes étant maintenant considérée comme acquise) ? Comme indiqué dans la première partie (sur le tabassage de l’industrie), toutes les industries sont présentées comme mauvaises au fil des mêmes stratégies utilisées contre l’industrie du tabac.
Il y a quatre ans j’ai écrit une série en trois parties sur la base de mes 20 ans d’expérience à tenter de développer le dialogue entre les parties prenantes dans l’arène politique de Bruxelles. Ma conclusion était que ce rêve de dialogue était mort depuis longtemps.
À l’époque j’avais postulé plusieurs causes :
- la montée des populistes des médias sociaux,
- le déclin de la publicité des entreprises dans les médias traditionnels,
- la création de silos favorisant le biais de confirmation,
- la pensée unique tribale ou le besoin pour Hollywood de trouver une nouvelle source du mal après la fin de la Guerre froide.
J’avais baptisé cela « l’âge du stupide ».
L’âge du stupide. Une époque où le dialogue est mort, où la peur est la principale motivation et où nous cherchons à confirmer nos biais avec des messages émotionnels courts qui fusent au travers de nos tribus sociales fermées. Ceux qui ont des idées différentes sont exclus des discussions ; les experts qui fournissent des preuves dérangeantes sont attaqués personnellement.
On place sa confiance, non pas dans les dirigeants, les scientifiques ou les technologies, mais plutôt dans les militants qui font des campagnes et racontent des histoires.
Une anecdote étant considérée comme une preuve, il n’y a plus de recherche de la compréhension ou de la connaissance dans l’échange d’idées.
À l’âge du stupide, les gens cherchent la foule qui dira ce qu’il faut pour confirmer les croyances qu’ils tiennent pour justes.
Mais depuis cette trilogie, l’histoire s’est aggravée.
Les chambres d’écho ont été scellées hermétiquement, les gens ayant rarement l’occasion d’entrer en contact avec ceux qui ont des idées différentes. La montée des mots-dièse des campagnes de justice sociale comme #metoo ou #BLM ont durci et cristallisé la gauche. Ajoutez la montée des sectes funestes du climat comme Extinction Rebellion qui désignent le capitalisme comme la source de tous les problèmes du monde et la conclusion est simple : le monde détestable des entreprises dirigé par des mâles blancs racistes d’âge moyen doit être stoppé. (En tant que mâle blanc d’âge moyen qui soutient les bienfaits du capitalisme et de la prise de risque, j’ai pris ça pour moi).
La confiance envers l’industrie, ses technologies, ses innovations, ses dirigeants… a disparu. L’entreprise a été éliminée, tabassée et exclue du dialogue public – devenant ainsi une cible facile pour des opportunistes qui répandent la peur et l’indignation.
Exprimer de la haine pour l’industrie est devenu le travail des poètes et des dramaturges. On n’est pas respecté si on n’est pas du côté des écologistes, des agro-écologistes et des associations de victimes. Composez le bon mélange d’adolescents en colère et bien organisés et une nouvelle génération de militants anti-industrie est née. La plupart des gens qui jettent des fayots sur des œuvres d’art ou qui pulvérisent de la peinture dans des bureaux font partie d’une classe de privilégiés qui n’ont jamais été dans le besoin. La conséquence tragique de ces manifestations « altruistes » c’est que les victimes des décisions politiques qu’ils font passer en force sont les plus vulnérables de la société et on ne les entendra jamais.
Le paradoxe du privilège.
Comment les membres les plus aisés de la société cherchent à miner les structures et es systèmes qui ont produit d’énormes bienfaits, ce qui a un effet profondément négatif sur les moins chanceux.
« Quand les antivax minent l’immunité de groupe en refusant de se faire vacciner, ce paradoxe du privilège menace les populations vulnérables ».
Ce qui est particulier dans la récente vague de radicalisation c’est que l’idéalisme anticapitaliste culmine habituellement pendant des périodes prolongées de difficultés économiques et non pas après deux décennies d’expansion fiscale. Alors que nous entrons dans ce qui ressemble à une période prolongée de déclin économique, avec un écart croissant entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, nous ne pouvons que nous attendre à un accroissement de la haine alors que la plupart des sacrifices porteront sur ceux qui n’ont rien (qui ont maintenant des comptes dans les médias sociaux avec un grand nombre d’abonnés). Ou alors, coup de théâtre, la classe des verts privilégiés pourrait devenir la cible de l’indignation populaire contre l’inflation verte (mais je m’attends à ce que leurs communicants de génie aient largement anticipé ce coup-là ).
Qu’est-ce que « l’industrie » ?
Cela peut semble une drôle de question mais l’industrie n’est plus seulement représentée par ces grandes cheminées grises d’usines qui balancent des fumées étouffantes dans l’air et des boues toxiques dans les rivières.
La plupart de ces images de la Révolution industrielle des années 1880, nous dit-on, ont été délocalisées dans les marchés émergents (c’est peut-être une autre raison pour laquelle il est si facile de s’attaquer à l’industrie – bien peu de gens en Occident travaillent encore dans des usines).
« L’industrie » est maintenant un terme générique qui désigne n’importe quel projet capitaliste qui comporte du risque, des inégalités et un accès inégal aux marchés. Dans le monde du risque zéro, ceux qui prennent des risques sont facilement condamnés sur l’autel de la justice sociale.
Lorsque la société est confrontée à un destin fatal (par exemple le changement climatique, la perte de biodiversité, les perturbateurs endocriniens…), l’industrie sous une forme ou sous une autre est rapidement accusée. Les industries de la finance, du tourisme ou de la mode ont été critiquées pour les conséquences environnementales de leur développement. Nous sommes engraissés par l’industrie alimentaire, empoisonnés par les producteurs de plastiques et trompés par les géants de la pharmacie. L’industrie et la mondialisation ont même été considérés comme la cause de de la pandémie de covid. De nos jours, la solution simple à tout problème consiste à se débarrasser de l’industrie, après quoi la nature se soignera toute seule (et nous avec).
Le récit ne consiste pas seulement à rejeter l’argent et l’influence de l’industrie : il consiste aussi à affirmer que l’industrie nous a retiré notre libre arbitre. Je ne peux pas dire « j’ai grossi en raison de mes mauvais choix » mais plutôt que c’est l’industrie alimentaire, avec ses sucres, ses graisses et ses additifs chimiques qui m’a fait grossir. Je suis une fois de plus une victime de la méchante industrie ! Mais la plus remarquable extension de l’industrie est le récent accès de colère envers les agriculteurs… oui, ceux qui font pousser notre nourriture font maintenant partie de l’industrie (et sont peut-être même les pires de tous).
Récemment, l’absurdité des attaques haineuses contre des agriculteurs a atteint son zénith avec les violentes batailles dans les champs près de Sainte-Soline en France (voir l’image). Face à des années de sécheresse, des agriculteurs français ont construit des bassins d’irrigation pour réduire le risque de perte de récoltes en collectant de l’eau (souvent dans les rivières) pendant les mois d’hiver plus arrosés afin de l’utiliser pendant les mois d’été plus secs. Des militants menés par une fédération de paysans rétrogrades (et rejoints par des politiciens d’extrême gauche) ont considéré que c’était une prise de risque, une tentative d’accaparer un bien public, un avantage sur les autres agriculteurs (bio) et un encouragement à une agriculture plus intensive (sans parler de l’utilisation de plastique pour étanchéifier les bassines).
Ces bassines ont donc été considérées comme faisant partie d’une industrie et il fallait les arrêter par tous les moyens. Pendant le weekend des 29 et 30 octobre, plus de 3000 militants ont fondu sur ce village pour arrêter la construction d’une bassine qui devait être partagée par la communauté des agriculteurs locaux. Le 29 octobre, dans des combats de style militaire, 61 agents de police ont été blessés dont 22 gravement. Le troisième jour, cette révolution de luddites anti-industrie était arrêtée… provisoirement.
« Manif pacifique », tu parles !
À première vue, interdire aux agriculteurs les moyens de protéger leurs récoltes est une pure stupidité mais cela dénote l’évolution du discours « risque zéro » du mouvement militant. Bientôt ils attaqueront des agriculteurs pour avoir cherché un avantage en plantant des carottes en lignes droites et en utilisant des tracteurs (l’agriculture intensive doit être stoppée pour cadrer avec leur idéal sectaire de production alimentaire en tant qu’expression de foi religieuse). Nous devons vivre au sein de la nature, en souffrir les conséquences et ne pas lutter contre elle. Toute personne qui investit dans une entreprise risquée et espère en tirer avantage (c’est-à -dire le capitalisme) est détestée et doit être stoppée.
Ce prêt-à -penser a pris ce qui était une tentative de bon sens de préserver un bien sociétal, la production alimentaire, et l’a transformé en symboles de haine (l’agro-industrie, l’accaparement de ressources publiques, les inégalités, les produits chimiques et la surproduction). C’est un combat contre l’industrie et le capitalisme et la fureur de ces militants jette une ombre sur leur besoin émotionnel de montrer leur vertu avec leurs rêves d’un monde d’arcs-en-ciel et de papillons.
Nous ne pouvons pas nous contenter de rejeter d’un revers de la main ces personnes comme étant des luddites confus et effrayés. Des militants opportunistes ont tordu la réalité en transformant la peur et l’incertitude en une force politique dangereusement puissante.
Comme l’a critiqué un commentateur sur BFM : « C’est l’effondrement de la rationalité ».
Non seulement ils croient en leur charabia haineux mais de plus ils le répandent sans cesse avec un zèle missionnaire au travers d’un média social irresponsable utilisé comme outil de propagande (alors que nous autres restons tolérants ou dans l’ignorance).
Comment réguler la haine
Les acteurs opportunistes de la réglementation et les représentants élus ne sont pas aveugles face au populisme de la foule qui veut éliminer le capitalisme.
Le problème c’est que dans le même temps le public ne veut pas renoncer au confort que cinquante années d’innovation technologique lui ont offert. Il y a une perversion de la logique lorsque certains, par exemple, condamnent les géants de la pharmacie puis condamnent les antivax qui refusent les vaccins covid. L’absurdité fond sous la chaleur de l’égoïsme.
Donc, cet hiver les États s’en tireront peut-être en taxant les bénéfices des entreprises du secteur de l’énergie pour subventionner les factures de chauffage des foyers. Mais cet argent ne mènera pas bien loin. Les impôts climatiques sont au zénith et plus l’industrie est matraquée et punie comme si elle était la racine de tout mal, plus la réalité de la baisse de l’emploi et de l’innovation exacerbera les tensions. La hausse des prix de l’alimentation devrait balayer le secteur du bio, à moins que les États aillent très loin dans les subventions. Le fait que la gauche radicale a grandi de manière aussi spectaculaire pendant une époque de prospérité prolongée ne présage rien de bon pour l’industrie, les entreprises et le capitalisme en Occident pour les années qui viennent alors que nous entrons en récession.
Les partis politiques verts décalent le spectre politique, ils remplacent la gauche modérée et maîtrisent davantage de leviers du pouvoir à travers l’Europe. Nous trouvons à présent des idéologues qui ont une compréhension naïve des affaires et de la finance, qui ont longtemps milité depuis des franges isolées, qui prennent des décisions politiques (pendant une crise énergétique et des pénuries alimentaires, alors que leurs solutions ne vont pas arranger la situation d’une classe moyenne en déclin).
Combien de temps pourront-ils continuer d’accuser le capitalisme de leurs propres échecs ? Quels dégâts vont-ils commettre, combien de réacteurs nucléaires vont-ils fermer, combien de terres vont-ils retirer de la production agricole, combien de chômage sera causé par l’exode industriel – combien allons-nous souffrir avant que les gens se réveillent ?
Pendant les périodes de prospérité, les décideurs peuvent déclarer comme des moutons qu’ils ne font que ce qu’ils perçoivent être la demande du public (et payer la différence). Le principe de précaution convient bien à cette réalité politique car il justifie l’inaction tout en portant des coups fatals à l’innovation et aux technologies industrielles.
- Des militants qui prétendent représenter le public disent qu’ils ne veulent pas d’énergie nucléaire ou à base de combustibles fossiles – très bien, nous allons fermer les centrales et nous importerons de l’énergie de nos voisins.
- Le public, nous dit-on, ne veut pas de pesticides chimiques – très bien, nous allons imposer aux agriculteurs des conditions qui rendront l’agriculture non rentable et nous importerons des petits producteurs africains.
- Des militants antimondialisation nous disent que le public ne veut pas que des grandes entreprises exportent et importent de manière compétitive à l’échelle mondiale – très bien, nous allons soutenir des petits ateliers moins efficients.
Mais sommes-nous assez prospères pour continuer à laisser des moutons nous diriger ?
Le public sait-il ce qu’il veut ou bien la plus grande partie de tout cela ne vient-elle que d’une minorité bruyante d’idéologues militants ? Et la majorité sera-t-elle entendue lorsque leurs emplois seront perdus et que les prix de l’énergie et de l’alimentation crèveront le plafond ?
Quand l’idéologie anti-industrie dicte la politique
Beaucoup de ces décisions politiques irrationnelles sont justifiées par les objectifs des militants anti-industrie.
Face à une crise de l’énergie, les écologistes tiennent bon en Allemagne et en Belgique afin de maintenir la fermeture prévue de réacteurs nucléaires, avançant que le contraire serait soutenir les grandes entreprises. Greenpeace a déclaré que la fermeture de ces réacteurs remettrait la production d’énergie entre les mains du peuple. Les renouvelables comme l’éolien et le solaire ont l’image de productions d’énergie petites, locales et naturelles, ce qui leur donne un halo de vertu et donne une image trompeuse des grandes entreprises qui fabriquent ces technologies ou gèrent de grands parcs éoliens ou solaires.
Les agro-écologistes s’opposent aux nouvelles techniques de production de semences et empêchent les petits producteurs africains d’utiliser des OGM dans leurs champs car cela les rendrait dépendants de grosses firmes comme Monsanto (une compagnie qui n’existe plus mais qui continue à susciter une indignation passionnée). Peu importe que des technologies comme le riz doré aient des avantages pour la santé, utilisent moins de pesticides (comme l’aubergine Brinjal modifiée) ou résistent aux attaques de moisissures dans les récoltes de maïs, de manioc ou de bananes. Peu importe le fait que la plupart des innovations sur les nouvelles semences dans les pays en développement se déroulent dans des laboratoires de recherche publics locaux. Ces technologies sont brandies comme issues de firmes (voyez la récente tirade de Corporate Europe Observatory) et sont donc exclues de la démarche de décision sans la moindre mention de leurs avantages.
Les arguments contre l’utilisation de produits chimiques ont maintenant deux qualificatifs : produits chimiques « toxiques, synthétiques ». Les grandes entreprises font des produits chimiques de synthèse (qui sont donc mauvais) alors que les produits chimiques naturels utilisés dans les remèdes naturopathiques, l’homéopathie ou l’agriculture biologique sont « non toxiques » (et donc bons), alors que d’un point de vue scientifique cette distinction arbitraire est aussi ridicule que l’espoir d’un environnement sans produit toxique (non ce n’est pas une blague) du Pacte Vert de la Commission européenne.
Ces décisions ne sont pas fondées sur des questions de coûts, d’efficience ou d’avantages mais seulement sur une idéologie bâtie sur la haine de l’industrie. Ainsi, les politiques pro-renouvelables et pro-bio qui dominent la stratégie du Pacte Vert de la Commission européenne ne sont pas fondées sur des faits ou des recherches mais sur l’idéologie. En un mot, elles sont irrationnelles.
Marchands de vent et hypocrites
Est-il bien surprenant que ceux qui exigent la tolérance soient les moins tolérants envers ceux qui ne sont pas d’accord avec eux ?
Ceux qui exigent la transparence des autres sont les moins transparents – les moins enclins à partager des informations sur leurs propres sources de financement et leurs intérêts particuliers. Ceux qui ont le sentiment de défendre les libertés civiles sont les premiers à faire taire les autres. Leurs idées sont des dogmes sectaires qui ne sont ouverts ni à la discussion ni au compromis. Ce sont des fanatiques que rien n’arrête lorsqu’il s’agit d’imposer leurs vues et leurs pratiques aux autres, en mentant allègrement si cela peut aider leur cause. Très peu d’ONG ont des codes de bonne conduite que leurs lobbystes doivent impérativement respecter. Pas besoin d’un truc aussi pénible lorsqu’on profite de la confiance du public.
Dans les débats à Bruxelles sur des questions telles que l’utilisation de produits chimiques, de plastiques, de pesticides, de minéraux, de combustibles fossiles, d’additifs alimentaires, d’alcool, de vapotage et de snacks, la Commission européenne a tenté de créer une démarche de consultation et de compromis des parties prenantes. L’industrie cherche un terrain d’entente et espère qu’il reste de l’espace pour des produits et des marchés innovants. Les ONG considèrent les compromis comme des freins temporaires à l’atteinte de leurs objectifs, exigeant donc un changement de stratégie.
L’industrie vise des objectifs de court terme dans les débats politiques alors que les militants se placent à l’horizon d’une génération. Souvent les militants obtiennent des postes dans l’administration et poursuivent leurs campagnes de l’intérieur. Beaucoup de ces militants qui ne suivent pas ce chemin du pouvoir trouvent des postes dans les médias ou poursuivent leur carrière de lobbyistes pour gagner leur vie. Ils ne se contentent pas de lutter pour des questions politiques mais essaient aussi de changer la démarche de décision politique en leur faveur. Et ils ont réussi.
Dialogue et langue fourchue
Les ONG ont introduit des outils politiques trompeurs comme l’approche basée sur le danger, le principe de précaution et l’initiative sur la transparence afin de rendre impossible à l’industrie d’obtenir le moindre résultat positif dans la démarche réglementaire.
Les acteurs de la réglementation l’ont permis car cela simplifie leur rôle (la précaution est une issue facile pour se sortir d’une question de réglementation complexe) et les acteurs de l’industrie à Bruxelles, pour quelque raison, pensent que ces outils sont gravés dans le marbre et qu’ils ne peuvent rien y faire. J’ai rarement rencontré un représentant de l’industrie qui s’engageait dans une démarche réglementaire en pensant avoir une chance de gagner. Ils prennent souvent pour une victoire le fait de limiter leurs pertes, de garder leur produit sur le marché pour quelques années de plus, de ne pas laisser la législation mettre leurs affaires en faillite. Le zèbre pas-tout-à -fait-le-plus-lent.
Les dirigeants de l’industrie doivent être très fâchés avec Bruxelles : ils ont pris l’habitude de perdre la bataille réglementaire, ils ont appris qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les bureaux de la Commission européenne, leur science et leurs données sont ignorées et ils doivent poliment écouter les insultes scandaleuses et haineuses de ces soi-disant prêcheurs de l’équité et de la tolérance. Je connais des cas de représentants de la Commission qui sont très énervés par les fanatiques bruyants et sans pitié qui refusent le compromis et font tout pour gagner. Mais les désagréments ne se traduisent pas en actions correctrices – ces représentants ont été malmenés et intimidés au point de se soumettre. Et les ONG sont certainement très fâchées de ne pas pouvoir obtenir tout ce qu’elles exigent.
Je ne pense pas que c’était l’intention initiale lorsque la Commission européenne a lancé la démarche de dialogue entre parties prenantes voici deux décennies avec le livre blanc sur la gouvernance. Peut-être qu’un retour à une approche technocratique pour la plupart des politiques de l’UE ne serait pas une mauvaise idée ? C’est le sujet de la prochaine analyse.
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Les militants ont réussi à détruire la confiance du public envers l’industrie. Les entreprises ont été exclues de la démarche réglementaire de l’UE, leurs données de recherche sont discréditées. Les idéologues bâtissent leurs organisations sur la peur et la détestation de l’industrie et, pour une grande part, l’industrie est restée silencieuse et polie. Le Complexe de l’industrie est le fait que ces attaques concertées contre les entreprises sont restées sans réponse pendant beaucoup trop longtemps, que l’industrie se satisfait d’être le zèbre pas-tout-à -fait-le-plus-lent de la horde et de continuer à perdre au jeu politique avec des outils comme le principe de précaution qui garantit l’échec. Le capitalisme est en train d’être éliminé des politiques de l’UE.
Désolé d’être sombre (mais j’ai appris récemment que je ne suis pas seul dans ce cas) mais si l’industrie ne change pas de stratégie, au moins en Europe, elle va disparaitre.
La troisième partie de cette série examinera un élément positif sur laquelle l’industrie devra capitaliser si elle doit survivre.
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