Le complexe de l’industrie (8/8) – 12 recommandations pour enrayer la décomposition

Dans cette dernière partie de cette série, David Zaruk esquisse douze solutions pour redorer le blason de l’industrie.

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Le complexe de l’industrie (8/8) – 12 recommandations pour enrayer la décomposition

Publié le 11 novembre 2023
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Une traduction d’un article du Risk-Monger.

Pour lire les parties précédentes : partie 1, partie 2, partie 3, partie 4, partie 5, partie 6, partie 7.

Au cours de ma vie, les sociétés occidentales ont bénéficié d’innovations qui ont immensément amélioré la santé publique et la qualité de la vie ainsi que le progrès économique et social, la sécurité alimentaire et énergétique ; et aussi de technologies qui ont assuré une aisance bien au-delà de celle dont nos grands-parents auraient jamais rêvé. Et en dehors de l’Occident, le commerce mondial et les transferts de technologie ont amené des opportunités économiques et le développement social à des nations autrefois pauvres. Et pourtant, les entreprises et les individus qui ont pris des risques et réalisé ces avancées sont largement méprisés par un grand nombre d’influenceurs militants, de parties prenantes, de discoureurs et de décideurs politiques.

Il y a presque un an, j’ai commencé cette série d’articles sur la manière dont l’industrie paye un lourd tribut en termes de confiance du public et d’équité réglementaire en raison d’une stratégie de campagne agressive coordonnée ONG / militants / politiques. Je l’ai appelée « le complexe de l’industrie » parce que je n’arrivais pas comprendre pourquoi l’industrie ne réagissait pas à ces absurdités, et que tous les remèdes à la perte de la confiance du public devenaient plus complexes de jour en jour.

Le « complexe de l’industrie » comportait sept chapitres qui ont posé des questions qui fâchent.

Pourquoi les dirigeants de l’industrie n’ont-ils pas réagi, mais se sont-ils contentés de rester assis, comme le zèbre pas-tout-à-fait-le-plus-lent, alors que les militants anti-industrie appliquaient la même stratégie de tabassage à chaque industrie ?

Pourquoi ont-ils toléré qu’une industrie de la haine anticapitaliste contrôle le discours (qui s’est transformé en un massacre de communication bien coordonné) et détruise la confiance du public envers les entreprises ?

Pourquoi ont-ils permis à une idéologie post-industrielle naïve de se répandre dans le cadre des médias, de la politique et de la réglementation, à un point tel que l’industrie a été vilipendée et n’est plus en mesure de fonctionner dans les limites irréalistes que les gouvernements occidentaux ont créées ?

L’industrie est maintenant dans une cage bien verrouillée par un petit groupe de militants idéalistes anti-entreprises. Comment sortir de la cage ? Après sept chapitres de questions, cette conclusion tentera de fournir quelques recommandations.

 

Musclez votre discours

Au fond, le complexe de l’industrie est une crise narrative.

Les campagnes de communication réussissent si elles suivent sans faillir le discours principal. Un discours est un panier largement accepté de valeurs partagées, d’idéaux et de croyances qui façonnent les histoires que nous racontons. Les discours évoluent souvent après des générations de narration, mais peuvent parfois changer soudainement lors d’un événement extrême (une guerre, un effondrement du marché, un accident nucléaire…).

Les discours n’ont pas besoin de refléter des faits, mais ils doivent accorder les valeurs avec les perceptions. Parmi les discours dominants que les sociétés occidentales partagent actuellement on trouve le changement climatique catastrophique, l’effondrement de la biodiversité et le déclin de la santé publique. Les histoires racontées avec ces discours désignent toutes l’industrie comme la cause de ces crises. La confiance du public est étroitement associée aux héros de ces discours (les chevaliers blancs) qui combattent les méchants dissimulés sous leurs masques (l’industrie et le capitalisme).

Les discours des militants sont dirigés par la peur et la crise : selon eux, ce que l’industrie et le capitalisme ont fait à l’humanité et à l’environnement est tout simplement catastrophique.

Les histoires qui soutiennent ces discours portent généralement sur la façon dont la pollution industrielle et l’exploitation technocratique sont responsables de cette dégradation de l’environnement, de la santé humaine et des valeurs. Dans tout dialogue sociétal, il existe des discours concurrents, mais ceux qui prévalent, au fil du temps, dominent les politiques et les décisions des consommateurs.

Pourquoi les consommateurs pensent-ils que les aliments bios sont meilleurs, que l’énergie nucléaire est dangereuse, et que les produits chimiques sont mauvais ? Les histoires basées sur un discours d’innovation et de technologie résolvant des problèmes mondiaux ne parlent pas à un public qui a été amené à ne pas faire confiance aux institutions de recherche qui ont toujours le rôle des méchants et des pervers. Le message tombe dans l’oreille d’un sourd s’il ne colle pas avec les discours dominants.

Les ONG et les militants de la justice sociale ont consacré une énergie énorme à développer et à renforcer leurs discours tout en contrant activement les discours concurrents. C’est un processus long et patient, et leur coordination intensive a fini par payer. Les ONG travaillent maintenant avec des avocats américains en responsabilité civile et un petit groupe de scientifiques militants pour remodeler les histoires sur la façon dont la recherche et l’innovation devraient être menées. J’ai récemment montré comment quelques avocats spécialisés en responsabilité civile ont financé un film sur la façon dont ils sont les gentils qui se battent pour sauver l’humanité d’une industrie maléfique.

Les discours, comme les paradigmes, ne sont pas logiques mais composent le canevas (la toile) sur lequel nos histoires peuvent être brodées et nos valeurs acceptées. Les croyances façonnées par les discours des militants nous assurent que nous pouvons très bien nous passer du capitalisme, des technologies, des innovations et du commerce international. L’humanité n’aurait aucun problème à prospérer sans l’agriculture moderne ou les combustibles fossiles. Le naturel est toujours bon et le synthétique est a priori mauvais… un point c’est tout ! Les scientifiques et les acteurs industriels sont les forces du mal dans ce discours anticapitaliste avec des malédictions inattendues qui s’échappent de leurs laboratoires.

Les décideurs politiques, les journalistes et les acteurs sociaux qui ne respectent pas ces discours sociétaux dominants ont des carrières courtes. Et donc ils ignorent les solutions technologiques prometteuses à des problèmes comme le changement climatique, choisissant de renforcer les histoires sur la manière dont nous devons cesser de compter sur les innovations, freiner la croissance et le développement, et prendre des mesures de précaution.

Mais les discours évoluent avec les événements.

Après deux ans de confinements liés au coronavirus, la promotion des nouvelles technologies de vaccins à ARNm a été largement acceptée. Le discours antivax était faible pour une population prête à accepter n’importe quel risque si cela signifiait qu’elle pouvait retourner au bistrot (les taux de vaccination ont donc été très élevés). Près de 18 mois après l’invasion russe de l’Ukraine, avec l’inflation nuisant à la plupart des pays européens, le public occidental, autrefois aisé, s’est montré assez ouvert à l’augmentation de la production d’énergie nucléaire et à combustible fossile, adoptant une position plus rationnelle envers une transition énergétique plus graduelle et moins coûteuse.

 

Le pendule des technologies de communication

Je garde également espoir que les récentes révolutions des technologies de la communication (Internet, médias sociaux, IA) et les bouleversements sociétaux qu’elles apportent finiront par rétablir un équilibre à mesure que les gens se rendront compte que les déclarations de leurs chambres d’écho peuvent être ni factuelles ni dignes de confiance.

J’ai écrit par ailleurs comment chaque révolution des technologies de communication a entraîné des tensions importantes sur les institutions dominantes de l’époque (l’imprimerie menant à la Réforme protestante ; le cinéma et la radio permettant l’extrémisme politique et la propagande dans les années 1930 ; le consumérisme de masse émergeant de l’ère de la télévision des années 1950). Il n’y a jamais eu de révolution des technologies de la communication aussi importante que la numérisation et la mise en réseaux sociaux de toutes les informations.

À un moment donné, ces silos d’intolérance sur les réseaux sociaux cesseront de défier les institutions démocratiques et disparaîtront dans le bruit de fond. Mais nous devrons peut-être endurer quelques décennies d’extrémisme politique lorsque des robots d’IA personnifiés prendront le contrôle des prochains cycles électoraux dans les pays démocratiques.

Nous ne pouvons pas compter sur le hasard des événements pour sauver les innovateurs et les scientifiques des conséquences des discours hostiles et de l’extrémisme détruisant la confiance du public. Et s’appuyer sur les conséquences négatives du fascisme, des famines et des crises énergétiques pour (en fin de compte) libérer l’humanité d’une telle irrationalité est, eh bien, affreux. Les scientifiques et les innovateurs doivent apprendre de cette époque militante et jouer à long terme, comme les ONG l’ont fait, en accordant leurs messages sur plusieurs fronts pour composer un discours public plus fort sur ce que la recherche et la technologie ont fait et continueront de faire pour l’humanité. La confiance repose sur des valeurs, les scientifiques doivent donc exprimer leurs valeurs dans leurs histoires.

Il y a beaucoup d’histoires à raconter sur la manière dont la science, la technologie et le capitalisme ont rendu notre monde tellement meilleur. Mais si le récit public ne permet pas à ces histoires d’être entendues plus largement, alors les militants anti-technologie gagneront.

Est-il temps de contre-attaquer ? Cette série plutôt longue sur le complexe de l’industrie se terminera par 12 recommandations à l’industrie pour reconquérir le discours, arrêter la perte constante de confiance du public et remettre l’innovation et la technologie au cœur de ce que signifie être humain. Tous ces points ne s’appliqueront pas à toutes les industries en difficulté mais il y aura, espérons-le, de quoi relever le niveau afin que les industries aient ce débat en interne.

Voici 12 recommandations pour stopper le complexe de l’industrie.

 

1. Serrez-vous les coudes

L’un des principaux succès de communication du lobbying militant des ONG est de toujours parler d’une seule voix. Ils se joignent à eux lorsque d’autres groupes mènent des campagnes (même si elles ne sont pas liées à leurs propres objectifs), ne critiquent jamais publiquement d’autres points de vue (aussi atroces soient-ils) et amplifient leur nombre pour donner l’impression d’un front large et fort. L’industrie ne le fait pas, et même lorsqu’une industrie (ou, généralement, une entreprise) est attaquée sans relâche, les autres restent silencieuses plutôt que de rester unies pour riposter.

Attaquer l’industrie, répandre la peur et créer la méfiance sont des cibles faciles pour les groupes d’ONG qui profitent de la crainte et de l’indignation. Ils ne peuvent pas attaquer un produit sur des faits scientifiques, sa qualité ou son efficacité, alors ils l’attaquent comme un produit qui vient gonfler les bénéfices de Big Pharma, Big Oil, le cartel de l’industrie chimique… et le public gobe ça (en même temps que les produits de ces entreprises).

Et lorsque les militants pointent leurs armes vers une cible, toutes les autres entreprises, comme le zèbre pas-tout-à-fait-le-plus-lent, gardent la tête baissée, reconnaissantes de ne pas être au menu du jour des militants. Sans une réponse coordonnée contre ces artistes du dénigrement, le public se laisse convaincre par leur rhétorique. L’industrie doit retirer une des armes de la panoplie des militants et se tenir unie, s’exprimer lorsque (la plupart) des affirmations sont infondées et laisser les hypocrites se vautrer dans la fange de leurs mensonges.

Tant que l’industrie ne sera pas unie pour défendre toutes les entreprises, tant qu’elle ne luttera pas d’une seule voix contre toute accusation infondée, elle sera une proie facile pour les vautours de la confiance qui lui tournent autour.

 

2. Parlez haut et fort

L’industrie peut revendiquer certaines réalisations exceptionnelles au cours du siècle dernier, créant des produits et des procédés qui ont amélioré notre qualité de vie, notre bien-être, notre sécurité, notre santé publique, notre richesse économique et les plaisirs de la détente. Nous vivons mieux et plus longtemps grâce aux innovations et aux technologies qui sont en amélioration continue. Sans l’ingéniosité, l’efficacité et la capacité de l’industrie, nous souffririons encore des confinements liés au covid, et de nombreux autres êtres chers seraient morts.

Pourtant, nous n’entendons parler que des (très rares) revers ou des inégalités que toute technologie disruptive crée à ses débuts. Il est facile pour les critiques de donner une image biaisée de la réalité lorsque les groupes industriels ne répondent pas ou ne font pas face, et ne promeuvent pas leurs réalisations (sauf en interne). L’industrie doit parler haut et fort des avantages quotidiens dont les sociétés ont pu bénéficier grâce à leurs développements entrepreneuriaux et innovants continus.

Surtout après que tant d’entreprises se soient engagées pendant la pandémie pour trouver des solutions et des soulagements, n’est-il pas temps pour l’industrie de de dresser pour revendiquer le mérite de tout ce qu’elle a accompli ?

 

3. Luttez contre l’hypocrisie

Les acteurs de l’industrie sont tellement habitués à être critiqués au quotidien qu’ils restent silencieux, même face à la pure hypocrisie.

De grandes ONG internationales comme Greenpeace ou les Amis de la Terre ne sont pas transparentes, mentent ouvertement et se financent auprès d’acteurs peu scrupuleux, mais de tels comportements restent sans réponse comme si les règles ne s’appliquaient pas à elles. Et apparemment c’est le cas. Les groupes militants ont tellement harcelé la Commission européenne à propos de la consultation des acteurs de l’industrie que l’UE a effectivement imposé une interdiction à ses fonctionnaires de rencontrer des acteurs de l’industrie en dehors des associations professionnelles (mais cela ne s’applique pas aux rencontres avec des représentants d’ONG).

Pendant ce temps, le Parti vert européen utilise les fonds des contribuables pour que les ONG mènent des campagnes à partir du Parlement européen (et seul le Risk-Monger essaie de les interpeller pour cela). Dans le cas du dérisoire document du Pesticide Action Network sur le glyphosate, il ne s’agit pas tant de la mauvaise qualité de la recherche ou du fait qu’ils ont fait venir tant de militants à Bruxelles pour une semaine de campagnes et d’auditions au Parlement européen, mais qu’ils l’ont fait aux frais des contribuables européens grâce aux fonctionnaires du Parti vert européen. Si l’industrie tentait un tel numéro, l’enfer se déchaînerait.

L’industrie devrait s’exprimer pour exiger les mêmes règles et restrictions pour tout le monde, plutôt que de laisser les ONG avoir le champ libre dans l’arène politique. Au lieu de cela, ces petits putois rusés tentent d’interdire aux acteurs de l’industrie d’être juste présents au Parlement européen. Ils ont fait ça aux compagnies de produits chimiques et de tabac, alors pourquoi pas les autres ? Big Oil est le prochain zèbre le plus lent. Quand donc l’industrie se réveillera-t-elle toute et comprendra que cette stratégie s’applique à tous. L’industrie n’est pas la bienvenue.

 

4. Exigez de tous les acteurs des codes de bonne conduite

Lorsque j’ai rejoint Solvay, à l’époque une entreprise chimique et pharmaceutique belge, l’une des premières choses que j’ai faites a été de signer un code de bonne conduite. Compte tenu de ma formation universitaire, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à ce document, et j’ai été très impressionné. Les entreprises ne peuvent pas se permettre que leurs employés se comportent mal, non seulement pour des raisons de relations publiques mais aussi pour des raisons juridiques, et elles appliquent régulièrement, sinon discrètement, ces codes. Je n’ai jamais signé de code de bonne conduite dans mon université, et il est clair que ce que j’ai vu mon patron faire à des étudiantes a été une raison suffisante pour que je parte.

La plupart des ONG n’ont pas de code de bonne conduite – en fait, elles se réjouissent lorsque leurs militants enfreignent les lois, attaquent les autres ou induisent le public en erreur. Il y a une dizaine d’années, j’ai mis Greenpeace au défi d’arrêter leur hypocrisie et de développer un code, et finalement ils l’ont fait ! Mais même là il s’agit d’un vague ensemble de pontifications plutôt que de règles pour guider les actions de leurs équipes. Peu d’autres ONG se sont souciées d’en faire autant et beaucoup, comme Extinction Rebellion ou Just Stop Oil, se félicitent lorsque leurs militants enfreignent la loi.

 

5.  Reprenez le contrôle du discours

De nombreux partis de gauche en Occident ont utilisé la crise climatique comme une opportunité pour appeler à une désindustrialisation, abandonner le capitalisme, faire reculer la croissance économique et redéfinir la prospérité. « Pas de temps à perdre ! » C’est quelque chose qu’ils ne peuvent revendiquer qu’en raison de la richesse que l’industrie, le commerce international et le capitalisme ont apporté aux sociétés occidentales. Des points de vues comme cellui de Naomi Klein, selon laquelle nous ne pouvons pas avoir à la fois le capitalisme et lutter contre le changement climatique (par conséquent, pour sauver la planète, nous devons virer fortement vers la gauche). D’autres, du WEF à la Commission européenne, parlent de la remise à zéro du capitalisme ou de la décroissance comme si c’était la seule alternative.

C’est de la folie. L’atténuation du changement climatique ne peut être obtenue efficacement par une solution militante de précaution et la réduction de toute activité humaine. Comme pour d’autres crises observées dans le passé, nous devons trouver des solutions technologiques et des innovations, et pour ce faire nous avons besoin de l’industrie, d’entrepreneurs et d’investissements en capital. Ce discours est rarement entendu (à moins qu’il y ait une pandémie ou une crise sanitaire où l’on voit ces mêmes acteurs sociaux critiques implorer l’industrie de trouver une solution).

 

6. Refusez de participer à la guerre culturelle

L’industrie et le capitalisme ont été dépeints comme une malédiction de mâles blancs d’âge moyen envers l’humanité, créant une souffrance mondiale au profit de quelques-uns.

De nombreux groupes d’activistes, des Amis de la Terre à Greenpeace, ont endossé des causes de justice sociale allant des droits des femmes à la diversité raciale dans le cadre de leur lutte contre l’industrie et le capitalisme ; les agro-écologistes ont transformé le développement rural en une lutte de petits paysans contre des grandes entreprises ; Big Pharma est considérée comme négligeant les maladies des femmes et ne cherchant que des solutions rentables pour l’establishment médical occidental…

L’industrie doit raconter de nouveau son histoire, comment elle a trouvé des solutions pour les plus vulnérables, et comment elle a innové en tant que leader de la justice sociale. Des entreprises privées comme Solvay et J&J ont été les premières à garantir des pensions de retraite à leurs travailleurs, des semaines de travail plus courtes, des congés de maternité… Les entreprises figurent parmi les principaux donateurs d’aide, que ce soit via des médicaments aux pays en développement, des paiements monétaires, des écoles ou des projets d’infrastructure. Les ONG anti-industrie qui parlent beaucoup de justice sociale font peu en comparaison (au contraire, beaucoup d’entre elles pompent des finances publiques pour leurs salaires).

Pourquoi l’industrie a-t-elle permis à ces mécontents de leur voler la justice et de draper leur intolérance dans la vertu ?

 

7. Défendez la bonne science

Les entreprises industrielles dépensent des milliards pour investir dans les nouvelles technologies. Leurs travaux scientifiques doivent être corrects, ne serait-ce que pour des raisons existentielles. Leur engagement envers les bonnes pratiques de laboratoire (BPL) et la recherche responsable sont des éléments clés de leur stratégie d’innovation. Aujourd’hui, je ne peux pas imaginer une entreprise ou une industrie qui ne pratique pas la conception durable dans son approche de la recherche (une évolution de la culture de gestion de produits qui a façonné la RSE dans les années 1990).

Cinq ans de travail dans un campus de recherche d’entreprise attestent que les entreprises paient le prix fort pour faire venir les meilleurs scientifiques des programmes d’études supérieures et s’efforcent de leur fournir les moyens de développer une recherche de pointe. L’enjeu d’une bonne méthodologie est tel que l’intégrité de la recherche est gravée dans leurs codes de bonne conduite. Alors pourquoi est-ce que j’entends constamment dire que les résultats de la recherche ne sont pas fiables parce qu’ils sont soit basés sur l’industrie, soit financés par l’industrie ? Ces chercheurs de second ordre sont-ils toujours aussi aigris que leurs anciens camarades de classe aient obtenu de bons emplois et pas eux ?

 

8. Dénoncez la science militante

De leur côté, les scientifiques militants n’existent que pour essayer de créer le doute et la méfiance envers l’innovation.

Il n’y a aucune conséquence si ces tumeurs malignes de la communauté de la recherche font du picorage ou induisent le public en erreur — elles sont payées pour le faire et dans une nette majorité des cas, leurs affirmations sont fausses et finalement réfutées (non sans créer d’abord l’inquiétude et une perte de confiance dans les innovations de la recherche). Lorsque les militants essaient d’ignorer les résultats de la recherche industrielle simplement parce qu’elle est financée par l’industrie, ou lorsqu’ils essaient de discréditer des chercheurs distingués pour avoir travaillé avec l’industrie, il est temps que la communauté scientifique se dresse pour remette les pendules à l’heure.

Mais les dirigeants industriels ne dénoncent pas les pires scientifiques les plus corrompus. Ce blog a récemment montré comment un groupe de scientifiques de la réglementation anti-industrie à la retraite s’est réuni autour d’un organisme à but non lucratif axé sur les relations publiques appelé Collège Ramazzini, prenant de l’argent de dommages-intérêts des cabinets d’avocats américains en responsabilité civile poursuivant des entreprises sur la base d’allégations trompeuses qu’ils font via des canaux malléables d’influence comme le CIRC. Au lieu de cela, les entreprises transigent à l’amiable avec ces avocats prédateurs, fournissant plus de fonds pour plus de fabrication de preuves par ces lamentables scientifiques militants.

Avec le succès des ONG qui ont fait supprimer le poste de conseiller scientifique en chef auprès de l’Union européenne, il n’y a pas de voix forte pour la science dans le processus réglementaire de l’UE, de sorte que nous voyons des politiques basées sur des idéologies ambitieuses plutôt que sur la science. L’industrie doit s’exprimer en faveur d’un retour à des politiques fondées sur des données probantes appuyées sur les meilleures données scientifiques disponibles.

J’ai, avec d’autres, appelé à la création d’une sorte d’organisation scientifique bruxelloise qui puisse défendre la culture scientifique et les preuves issues de la recherche dans le cadre du processus réglementaire.

 

9. Adoptez la politique de la chaise vide

L’industrie s’en tient toujours à sa stratégie RSE des années 1990, selon laquelle le dialogue avec les parties prenantes est le meilleur moyen de gagner la confiance du public.

Écoutez et dialoguez avec ceux qui ont d’autres points de vue, et ils prendront également en compte vos points de vue, créant ainsi une atmosphère propice à un meilleur dialogue dans la démarche réglementaire. Quel tombereau de baratin cela s’est révélé être. En laissant les militants s’asseoir à table, la première chose qu’ils ont fait a été de s’efforcer d’exclure l’industrie de la salle avant de manger leur repas.

À Bruxelles dans les années 2000, les militants des ONG ont menacé de se retirer des processus participatifs tels que les plateformes technologiques européennes (ETP) à moins qu’on les écoute plus, qu’on leur donne plus d’argent et que l’industrie soit moins impliquée. L’industrie a rapidement perdu sa voix dans la démarche réglementaire, alors que les militants continuaient de discréditer les entreprises, leur interdisant souvent de rencontrer les décideurs politiques, ou même d’être autorisés à pénétrer dans des institutions comme le Parlement européen. Et personne dans l’industrie ne s’exprime lorsque d’autres industries sont attaquées ou interdites. C’est honteux.

L’industrie doit cesser de se laisser malmener par la Commission européenne et les ONG. Comme la menace des ONG de quitter les ETP, l’industrie devrait être prête à se retirer de la démarche réglementaire de l’UE jusqu’à ce que sa voix soit également prise en compte, jusqu’à ce que les règles de lobbying soient appliquées équitablement à toutes les parties, et jusqu’à ce que les ONG soient également tenues responsables de leurs mensonges et de leurs campagnes de peur. La démarche réglementaire de Bruxelles repose sur une procédure de consultation des parties prenantes ; si l’industrie refuse de jouer le jeu lorsque les règles sont contre elle, Bruxelles risque de se délégitimer (encore plus). Si l’industrie se retire, les acteurs de la réglementation seront obligés d’être équitables.

Bien sûr, les associations professionnelles européennes existent pour être cette voix à Bruxelles, donc l’initiative ne viendra jamais de ceux qui vendent encore le mantra « l’engagement est la clé ». Les leaders de l’industrie doivent se demander d’où vient la cause profonde de ce problème.

 

10. Soyez exigeant envers les acteurs de la réglementation

La démarche réglementaire (en particulier à Bruxelles) doit changer.

Le simple recours au principe de précaution et à une approche basée sur les dangers a conduit à l’incapacité des décideurs à gérer les risques. La précaution est un outil qui doit être appliqué lorsque la démarche de gestion des risques a échoué, et non à la place de l’ensemble de la démarche. L’industrie devrait abandonner la démarche réglementaire de l’UE jusqu’à ce que la Commission publie un livre blanc sur la gestion des risques. Il faut également une délimitation claire de quand et comment des approches basées sur les dangers doivent ou ne doivent pas être utilisées.

Les 7 étapes de la gestion des risques :

  1. Élaboration de scénarios. Envisager et dérouler toutes les options.
  2. Évaluation des risques. Collecter et affiner les données et les observations.
  3. Analyse des risques. Évaluer les données en termes d’avantages et de conséquences.
  4. Réduction des risques. Identifier les groupes vulnérables et réduire leur exposition.
  5. Publication des risques. Informer le public sur les risques et les moyens de protection : construire la confiance, donner au public les moyens d’agir.
  6. Aussi bas que raisonnablement atteignable. Réduire l’exposition autant que possible dans le respect du bien-être sociétal.
  7. Amélioration continue. Réduire continuellement les niveaux d’exposition afin de bénéficier des avantages avec un meilleur niveau de sûreté.

 

En dernier recours, principe de précaution. Renoncer à tous les avantages ; cette solution ne doit être envisagée que lorsque tout le reste a échoué, et elle devrait être temporaire.

La précaution, interdire toute incertitude et promettre de garder les populations « en sûreté » est en fait assez irresponsable. Il s’agit d’un échec institutionnalisé lorsque l’inaction par précaution met en péril les biens sociétaux, prive les sociétés des avantages, des innovations et des technologies dont elles ont besoin pour bien vivre, prospérer et s’assurer que les générations futures disposent des outils nécessaires pour continuer à trouver des solutions à tous les défis.

Ceux qui plaident pour la précaution plaident aussi pour amener les sociétés « au-delà de la croissance ». Ces gens sont bien nourris, jouissent d’une aisance sans précédent dans l’histoire, et ne se soucient pas de leur avenir économique. Ils sont trop égocentriques pour se rendre compte que la majeure partie de l’humanité ne peut que rêver de la bonne fortune que ces fanatiques ont reçue. L’industrie a fourni d’énormes biens sociétaux, mais il y a encore tant de manques et de besoins, et les voix du monde en développement doivent être amplifiées.

 

11. Félicitez les leaders

Il y a très peu de vrais leaders aujourd’hui dans les administrations.

La plupart prétendent pratiquer la politique de la vertu, l’inclusion et la recherche de consensus, ce qui, ironiquement, crée une société plus clivante, intolérante et inégale. Les leaders dirigent en gagnant la confiance, en inspirant et en étant des modèles. Les chefs d’entreprise ont gravi les échelons en présentant ces traits (… à moins d’être des sociopathes impitoyables et performants). Lorsque les leaders de l’industrie se mettent la tête dans le sable ou transmettent le leadership public à leurs gratte-papier ESG, le public n’identifie pas les chefs d’entreprise comme des Titans de l’industrie, créant de la valeur et changeant le monde.

L’histoire des Titans de l’entreprise – qui capturent les rêves et suscitent la confiance – est rarement racontée aujourd’hui. Lorsque Jamie Dimon de JP Morgan a un jour laissé entendre à un journaliste qu’il « ne serait pas réticent » à occuper des fonctions publiques, le lendemain, il a reçu des appels de hauts placés pour qu’il se présente à la présidence. (mais où sont les neiges d’antan ???) Il est facile de dépeindre les PDG comme des milliardaires déconnectés et avides s’ils ne montrent pas leurs talents inspirants et ne célèbrent pas leurs réussites.

Le complexe de l’industrie pourrait être traité si les chefs d’entreprise avaient le courage de se dresser pour monter en première ligne. Pour chaque Steve Jobs ou Jeff Bezos qui quitte la scène, nous trouvons des fonctionnaires et des ombres qui ne parviennent pas à être des meneurs. Sans chef d’entreprise à l’avant-plan, les jeunes se laissent inspirer par des influenceurs et des professeurs militants (dont aucun n’est là six mois plus tard).

 

12. Revenez à la realpolitik

La politique ne consiste pas à donner à chacun ce qu’il veut, mais à trouver des solutions pratiques pour que chacun puisse obtenir ce dont il a besoin.

Des décennies d’abondance post-guerre froide en Occident ont créé une forme de gouvernance de luxe et simplifié l’élaboration de la réglementation : toute incertitude ou tout risque pourrait simplement être « évacué par précaution » (nous pourrions simplement importer ce dont nous avons besoin pour l’alimentation et l’énergie, et faire un chèque à quelqu’un d’autre). Mais ce n’est pas le but de la politique et, comme nous avons dilapidé notre prospérité, nous devons revenir à des décisions difficiles, à des solutions pragmatiques et trouver des moyens de minimiser les besoins et les pénuries. Dans les années 1970 et 1980, cela s’appelait realpolitik et le concept doit revenir dans notre discours politique.

Les idéologues militants qui ne supportent pas le risque devront reconnaître que nous avons besoin de technologies innovantes, d’une énergie accessible et d’un certain niveau d’acceptation du risque social. Nous ne pouvons pas faire fonctionner des usines uniquement avec des panneaux solaires sur un toit, ou nourrir le monde avec des haricots bios cultivés sur le rebord de la fenêtre.

L’industrie doit promouvoir cette réalité politique et continuer à proposer des solutions pour réduire l’impact des sacrifices socio-économiques nécessaires.

 

Conclusion

Ces 12 recommandations ne résolvent peut-être pas tous les problèmes de confiance auxquels l’industrie est confrontée aujourd’hui, mais elles offrent un moyen potentiel d’au moins enrayer la décomposition.

Ce sont de bien meilleures réponses que la stratégie de l’autruche que nous voyons actuellement et qui n’a fait qu’aggraver le complexe de l’industrie. Il faut de la force pour essayer d’être raisonnable avec des irrationnels sans scrupule. Il faut du courage pour tenir tête à une bande d’idéologues bien financés communiquant via des campagnes astucieuses et coordonnées et des attaques personnelles.

Mais sans un tel leadership, quel avenir aura l’industrie ? Quel avenir auront les sociétés occidentales développées ?

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  • Les industriels en activité sont par définition les gagnants d’une compétition qui laisse une foule de perdants. Dans un régime médiocratique fondé sur la valorisation de la jalousie l’industrie n’a pas le droit à la parole selon le principe de Laignel (« vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires »). L’industriel se contente donc de hausser les épaules et rester zen en sachant bien que la masse qui le vomit est la même qui consomme goulûment sa production.
    Ignorer les ingrats est un investissement rationnel.

  • Excellente analyse de fonds et des solutions profondes !!!
    Seul problème l’industrie est trop divisée par la concurrence, et certains de ses membres espèrent secrètement que les actions des ONG vont éliminer un de leurs concurrents :que le meilleur gagne ! En attendant la meute anti industrie va réussir à sortir toute l’industrie de l’Occident. Les industriels financent un grand nombre d’organisations professionnelles sectorielles et celles dites horizontales /transversales sont trop divisées et pas assez de hauteur de vue . S’y rajoute le fait d’habitudes historiques de fonctionnement en bonnes petites planques bureaucratiques privées réservées davantage aux copains serviles et taiseux, plutôt qu’à ceux qui auraient des idées à proposer à leurs boss pour bousculer les administrations françaises et européennes, bouger les statu quo de positions acquises de marché obtenues en pesant sur l’élaboration de réglementations favorables à des objectifs monopolistiques dans le cadre d’un capitalisme de connivence
    Patrons réveillez vous…! Et unissez vous !!!
    Saine concurrence des marchés et règles du jeu claires: 12 solutions? Un début…. Sinon d’autres produiront ailleurs qu’en europe ce qu’on aura collectivement pas été capable de défendre.
    La reindustrialistion? Belle tarte à la crème, quand les fondamentaux n’y sont pas.

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Les milieux financiers découvrent tardivement les faiblesses du modèle chinois, pourtant perceptibles depuis une décennie. C’était prévisible pour tout observateur de la démographie, des mécanismes de développement et du communisme.

On peut penser notamment aux dettes souscrites en contrepartie de faux actifs, par exemple pour la construction de logements, alors qu’il y a de moins en moins de jeunes pour les occuper ou d’infrastructures redondantes, faisant momentanément la joie des bâtisseurs. Je me doutais bien que ces dettes sortira... Poursuivre la lecture

Le Maroc est un pays dynamique, son économie est diversifiée, son système politique présente une certaine stabilité dans une région en proie à des crises à répétition. Ce pays a fait montre d’une résilience étonnante face aux chocs exogènes. La gestion remarquée de la pandémie de covid et la bonne prise en main du séisme survenu dans les environs de Marrakech sont les exemples les plus éclatants.

 

Pays dynamique

Sa diplomatie n’est pas en reste. La question du Sahara occidental, « la mère des batailles », continue à engran... Poursuivre la lecture

Le service des douanes vient de faire connaître le résultat de notre commerce extérieur pour 2023 : à nouveau un solde négatif important de 99,6 milliards d’euros. Certes, c’est mieux que l’année précédente où le déficit avait été supérieur à cause de l’envolée des prix de l’énergie causée par la guerre en Ukraine, mais le solde est négatif, une fois de plus.

La balance du commerce extérieur français est donc régulièrement déficitaire depuis 2005, c'est-à-dire depuis maintenant une vingtaine d’années. Ce solde négatif a plutôt tendance... Poursuivre la lecture

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