La réalisatrice Justine Triet s’est fait récemment remarquer à l’occasion de son discours de remerciements lors du Festival de Cannes 2023, alors qu’elle venait d’être récompensée par la Palme d’Or. Elle a jugé bon de s’en prendre – à la surprise de la ministre de la Culture, qui s’est dite estomaquée – au « gouvernement néo-libéral » et à la « marchandisation de la culture ». Elle s’est donné des airs de résistante et d’héroïne (d’extrême gauche) en déplorant le fait qu’il y aurait « un glissement lent vers l’idée qu’on doit penser à la rentabilité des films ».
Mais en quoi la culture devrait-elle échapper aux lois du marché ? La création est-elle forcément meilleure si elle bénéficie d’un système généreux de subventions ? La rentabilité est-elle une notion condamnable ?
L’exception culturelle « enviée dans le monde entier » ?
Réagissant à son tour aux propos de la ministre – qui ne pouvait admettre que le gouvernement auquel elle appartient soit taxé de « néo-libéral » (on ne le lui fait pas dire) et qui était stupéfaite d’entendre tant « d’ingratitude » (même si elle revenue ensuite sur le terme) vis-à-vis d’un système qui ne cesse de subventionner la culture et le cinéma depuis 80 ans – Justine Triet affirme que le monde entier nous envierait cette fameuse « exception culturelle » que certains aiment tant vanter en France. Elle permettrait notamment aux « petites productions » (ah tiens, et pas les grandes ?) de n’avoir pas besoin d’être « rentables ».
Je ne suis pas certain que le monde entier nous envie tellement cette exception culturelle, hormis peut-être un petit cercle de réalisateurs qui ne diraient pas non à une manne providentielle. Surtout, en quoi la culture en particulier justifierait une telle exception en amoindrissant le pouvoir du marché en la matière ?
Peut-être faudrait-il se demander parfois si la culture n’est pas, en effet, quelque peu en péril, mais pas pour les mêmes raisons. Pourquoi ne pas aussi subventionner l’alimentation qui, elle, est vitale ? Le logement, qui est un besoin fondamental ? Les vêtements, qui sont assez essentiels ? Et ainsi de suite. Ah, pardon, me direz-vous : en regardant bien, ne le sont-ils pas parfois en partie… ?
Où commencent, où s’arrêtent les interventions de l’État ?
Sous Staline, le lyssenkisme visait à ériger une théorie pseudo-scientifique en réaction à la « science bourgeoise », fausse par nature.
Sans doute jugerez-vous que je vais un peu loin, mais la question que je me pose est la suivante : en fonction de quels critères les commissions d’attribution des subventions dans l’univers du cinéma, par exemple, fondent-elles leurs décisions ? Sans les suspecter de mauvaises intentions, il n’existe pas moins un danger, celui de l’attribution – consciente ou non – de subventions en fonction des choix politiques ou philosophiques des œuvres proposées. Peut-on imaginer, par exemple, que des subventions étatiques auraient été attribuées de bonne grâce au film Vaincre ou mourir (qui a d’ailleurs trouvé son public) ? Permettez-moi d’en douter. Et faut-il revenir à la question lancinante du statut des intermittents du spectacle, qui mêle en partie petits ou gros scandales et formes de chantages à peine voilées ?
La question n’est pas si anecdotique que cela. La ministre elle-même ne s’est-elle pas déjà distinguée il n’y a pas si longtemps à travers des propos bien équivoques, et le président lui-même ne s’est-il pas demandé si on ne pouvait considérer l’information comme un bien public ?
On reste parfois stupéfaits devant l’usage qui peut être fait des deniers publics dès lors qu’ils sont entre les mains d’autorités politiques. Bien sûr, très souvent au nom d’un bien mystérieux « intérêt général » aux contours pas toujours définis. Lorsque les postures rejoignent les impostures, non, il n’est pas évident de légitimer les subventions. Et la culture en général, ou le cinéma en particulier, ne sauraient déroger à ces inquiétudes.
L’argent public, une rente ?
Bien sûr, on ne peut nier les difficultés rencontrées régulièrement par des réalisateurs, à l’instar, d’ailleurs, de tout entrepreneur. Faut-il subventionner les entreprises ? Ah pardon… Elles le sont aussi parfois. Mais, là encore, on peut s’interroger sans complexe sur ce qui justifie les interventions : où commence et où finit le risque de connivence ?
Et, bien sûr, nous ne sommes pas obligés d’adhérer à l’idée que la rentabilité serait l’alpha et l’omega de la réussite. Bien heureusement, il existe d’autres finalités pour un chef d’entreprise comme pour un réalisateur, ou tout autre créateur, que maximiser ses profits : s’accomplir, créer des emplois, fonder quelque chose, avoir le plaisir d’inventer, de satisfaire des besoins ou des rêves, apporter sa pierre à l’édifice collectif…
Pour une multitude d’entre eux, la rentabilité n’est qu’une nécessité de base : entreprendre un projet, une réalisation, sans perdre de l’argent, et pouvoir en vivre. Et surtout, ce n’est pas la rentabilité qui permettra de juger de l’utilité d’un bien, d’un service, ou d’une œuvre quelle qu’elle soit.
On touche là, d’ailleurs, à la notion de marché. Arrêtons-nous y l’espace d’un instant.
Dans tout marché, il y a rencontre d’une offre et d’une demande. Je n’ai pas l’intention de vous présenter un cours d’économie en vous parlant de prix d’équilibre ou d’autres théories bien concrètes. Ce qui doit plutôt retenir l’attention ici est l’adéquation entre cette offre et cette demande. Et il me semble que le cinéma ne déroge pas à ce principe. D’ailleurs, si nous parlons d’exception culturelle, c’est bien qu’il existe de nombreux pays où ce jeu de l’offre et de la demande fonctionne sans intervention publique. Et avec comme résultat des productions n’ayant très souvent rien à envier au cinéma français.
Certes, les productions les plus populaires ne sont pas forcément les meilleures. Et on pourrait s’inquiéter de la qualité des œuvres cinématographiques. Pour autant, qu’est-ce qui justifie, s’il n’existe pas réellement de public, que « l’on » (qui, au juste ?) accepte d’accorder des subventions à tel ou tel réalisateur pour tel ou tel projet ? D’accorder des sommes parfois conséquentes à des œuvres dont le public restera plus que marginal et le résultat empreint d’une certaine tiédeur (qu’il s’agisse de cinéma ou de théâtre) ? Ne pensez-vous vraiment pas qu’il y a risque de collusion ? Voire, à une échelle plus élevée, de perversion (idéologique, par exemple), au détriment de la véritable création, libre et indépendante ? Dans certains cas, la « culture », le cinéma, ne risquent-ils pas de se transformer en un culte regrettable de l’entre-soi et un temple de la revendication ?
Là est toute la question. Et elle mérite parfaitement d’être posée et débattue sans que l’on vienne nécessairement tomber dans la déraison et accuser un système nourri par le généreux État-Providence omniprésent d’un pays très endetté qui, au rythme où il déverse l’argent magique, ne tardera plus beaucoup à rejoindre la Grèce dans la déconfiture collective, d’être « néo-libéral ».
L’argent public, une rente ? Jusqu’à quand ?
Disons qu’à force d’être subventionné, le « cinema » français est devenu de la m…, très loin les Gabin, Jouvet, Noiret, De Funès, Audiard, Moreau, Signoret et autres. Bonjour les Kev Addams, Canet, Cotillard, Maraval voire même Angèle et autres Carlito ou McFly.
Et après, ces c*** de réalisateurs/trices ont encore le cûlot de 1/ râler parce qu’on ne leur donne pas assez de pognon et 2/ que le public est trop débile pour venir voir leurs films …
Des films devenus tellement mauvais qu’on n’a même pas envie de les télécharger gratuitement.
Vous avez parfaitement raison, et l’auteur de l’article M. Rivallan également. Les anciens acteurs que vous citez (il y en a d’autres, évidemment) jouaient dans des films à visant à distraire les spectateurs. Les nouveaux acteurs ont une portée idéologiques et visent à éduquer les spectateurs à l’antiracisme, au wokisme, au sexisme, à l’immigration fraternelle, à l’inexistence des genres, au droit des enfants même pas ados pour certains ua changement de nom et de sexe, à l’homophilie LGBTXYZ… et surtout à la violence normale de préférence quand le sang coule à flot. Je ne vois pas et je ne comprends pas pourquoi en tant que contribuable il me faut, en plus, consentir à l’impôt pour, en belle partie, financer tous les navets bâtis autour de cette « éducation ».
La masse des gens qui vont voir des nouveaux films recherchent des films tels qu’Harry Potter, la guerre des étoiles ou autres films US à grand spectacle remplie d’effets spéciaux, qui voudrait financé en France un film Français! personne évidemment sauf les pouvoirs publiques
« Certes, les productions les plus populaires ne sont pas forcément les meilleures. »
Les meilleures selon quel critère? Si cela plait au plus grand nombre, c’est bien parce que la plupart des spectateurs considèrent que c’est bon pour eux. A chaque film son public.
Bof, c’est sans doute la constatation que les classements des films les plus appréciés et de ceux qui font les meilleures recettes ne sont pas aussi semblables qu’on devrait s’y attendre.
Une remarque : quel candidat à une élection à t’il présenter un programme de subventions ?
L’exception culturelle n’est que la continuité du financement des médias, des partis et des syndicats. Cela fait un tout qui permet de financer l’idéologie gauchiste dans laquelle doit baigner le peuple pour y adhérer béatement.
Et quelle déception pour Hollande quand Depardieu décide de quitter la France alors qu’il ne doit sa carrière qu’à des films subventionnés !
Le cinéma français est affaire de geignards. Ça geint dans les films, ça geint dans les festivals.
Aux States, on préfère les super-héros. En France, le seul film de super-héros, c’est Vaincre ou mourir. Mais pour le happy-end, on repassera. Tarantino y aurait fait gagner les Chouans, non mais !
Si on peut reprocher à cette diva de cracher dans la soupe dont elle a bien profité, je partage l’idée que le marché des arts, science incluse, n’est juge que de la popularité à ne pas confondre avec la qualité. Un libéral doit défendre le droit d’exister sans plaire et laisser vivre ces niches confidentielles qui contribuent à la diversité des goûts et des talents. Subventionner (aux dépens du contribuable) c’est fausser la concurrence et brider l’originalité.
Je me demande si le pire ennemi de la « culture » n’est pas le ministère éponyme qui prétend l’encadrer. Idem pour la « recherche ».
Il est quand même plus qu’étonnant qu’une profession (artiste) qui revendique (à juste titre) sa liberté totale pour développer sans contraintes et sans influences ses émotions, ses sensations, ses options esthétiques, sociales, politiques etc , revendique l’assistanat et la fonctionnarisation de son statut comme garanties de sa liberté. L’argent public n’étant pas épuisable et la préoccupation culturelle non essentielle (par rapport à d’autres missions), il est évident que cette revendication alimentaire équivaut à l’acceptation volontaire d’une mise sous tutelle du pouvoir en place chargé d’arbitrer les choix budgétaires. C’est-à-dire à l’exact opposé des exigences de liberté à la base de la création artistique. L’histoire démontre qu’il n’y a pas d’exception en la matière et comment tous les régimes totalitaires ont utilisé à leurs fins politiques les « artistes » et créateurs connivents.
C’est pourtant ce lien de connivence que la gauche et parfois la droite française exigent dans l’ »exception culturelle » et c’est très inquiétant.
Qu’est-ce-que la culture : C’est le somme de connaissances (philosophiques, artistiques, scientifiques, techniques…), d’us et coutumes, d’organisations sociales, propres à un groupe (tribu, région, pays…), qui s’enrichit
et qui enrichit par l’échange avec d’autres groupes.
« Qui s’enrichit par l’échange » ! N’est-ce pas là la définition même d’un échange marchand. La culture est donc une pure marchandise.
Marchandise?
Je suis plus convaincu par l’adage que « la culture c’est ce qui reste quand on a tout oublié ».
Je pense que nous pouvons déjà en effet essayer de déterminer le périmètre sur lequel intervient l’état de manière illégitime… peut-être qu’on se retrouverait à en déduire que toute intervention est nocive, mais ça m’étonnerait.
Tout d’abord notons qu’une partie importante des subventions dites « culturelles » vont vers une production industrielle à objectif commercial. Ça ne semble pas particulièrement fondé puisque c’est justement une manière de couper la boucle de rétroaction que cette activité recherche justement, et ça ne peut générer qu’une corruption du système. Dans les faits on se retrouve à financer des intérêts privés par rapport à d’autres, sans qu’on puisse vraiment bien en déterminer les fondements : est-ce sur la nationalité des réalisateurs et des acteurs ? sur la territorialité de la production ? sur la nationalité des investisseurs ? ..sur les relations interpersonnelles entre les producteurs et les hiérarques des autorités de régulation ? ce n’est pas clair. En tous cas nous pouvons constater des salaires d’acteurs, de metteurs en scène et de producteurs qui semblent être hors de contrôle relativement aux pratiques dans d’autres pays.
Ensuite on peut remarquer qu’il n’y a pas que la subvention directe à la production de films qui soutient cette industrie commerciale. Il y a aussi une subvention aux salles, mais aussi des obligations de financement de la part d’autres entreprises commerciales (notamment la télévision… qui n’existerait elle-même plus si le « secteur » n’était pas maintenu artificiellement au lieu de donner les fréquences aux FAI et à garantir la neutralité des réseaux, en général, pour garantir une concurrence non faussée et dans le cadre d’une règlementation sur les conflits d’intérêts), des soutiens des entreprise de l’industrie de la presse (elle-même définie de manière étrange et soutenue)… etc. C’est tout un système de soutien à des entreprises commerciales, qui se retrouvent privées de toute boucle de rétroaction ou en tous cas tellement déformées qu’elles ne peuvent plus agir efficacement.
Existe-t-il du coup des entreprises non commerciales qui seraient « purement » culturelles ? La tentation serait de répondre que non. Cependant l’histoire a montré qu’il existait bel et bien des artisans qui travaillaient à perte, et qui produisaient de la valeur sur une échelle de temps trop grande pour eux-même. Pourquoi ? C’est une question inintéressante finalement, le comment est étudié et documenté, connu… même si bizarre, et semble aussi rarement remarqué qu’elle est rarement mesurée. L’approche soit-disant pragmatique serait de considérer que « tant pis », ça les regarde, ou que ce serait de la valeur dont on pourrait se passer puisqu’on s’en serait passer si on ne l’avait pas remarquer… etc. Même à l’échelle de l’entreprise pourtant, des approches pragmatiques consistent à financer des projets dont le retour sur investissement n’est pas certain ; notons que ces entreprises font attention à ne pas couper ces projets de toute boucle de rétroaction, cherchent à en faire des évaluations régulières, et mettent fin à certains projets même quand finalement ils ont bien trouvé une cible mais que l’entreprise considère le retour comme insuffisant quand-même (j’étais un utilisateur de Google+, et aucune solution pourtant comparable ne l’a remplacé). Le subventionnement de l’innovation s’explique par cette manifestation qu’elle peut être productive… hélas elle sert surtout à supporter plutôt des entreprises qui se construisent autour de cette subvention, et qui produisent plus des preuves administratives d’innovation que de produits innovants : mais c’est la démarche de subvention sur la base de preuve administrative (ou de preuve d’effort, ou de preuve de souffrance) qui est erronée. A l’échelle de la société c’est plus compliqué, mais enfin remarquons que la population de rentiers est quand-même largement une population d’entrepreneurs, de travailleurs qui prennent des risques et pas tant les oisifs pointés du doigt par les gauchistes revanchards. Ainsi plutôt que de soutenir des entreprises formées autour du principe de subvention publique, un revenu universel individuel accompagné de la liberté d’entreprise et d’association semblerait plus efficace, et son inconditionnalité permettrait d’éviter le copinage ou l’exploitation de règlement obscur (les règles obscures ont toujours servi à privilégier certains acteurs en ayant les moyens, ne serait-ce que la connaissance).