Covid : comment l’irrationalité s’est emparée de nos sociétés

Le texte qui suit est une application des travaux de psychologie cognitive au cas de la gestion de l’épidémie de covid.

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Covid : comment l’irrationalité s’est emparée de nos sociétés

Publié le 5 décembre 2021
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Par Samuel Fitoussi.

Face au covid, il existe un dilemme fondamental entre liberté et santé, entre la sévérité des restrictions et le nombre de vies sauvées. Le rôle des pouvoirs publics est de trouver le bon compromis, à la faveur d’analyses coûts-bénéfices.

Or, depuis dix-huit mois, un certain nombre de biais et d’erreurs systématiques de raisonnement faussent la rationalité des décisions et favorisent la mise en place de restrictions excessives.

Le texte qui suit est une application des travaux de psychologie cognitive au cas de la gestion de l’épidémie.

Le biais d’ancrage

29 janvier 2020. Donald Trump annonce la suspension de tous les vols en provenance de la Chine. La décision est condamnée unanimement : on trouve choquant qu’un homme bafoue avec tant de légèreté la liberté de voyager de millions de personnes.

En juillet 2021, Joe Biden annonce que tout voyageur – même vacciné – provenant de Chine, du Royaume-Uni, d’Irlande, du Brésil, d’Afrique du Sud, d’Inde, d’Iran et de n’importe quel pays membre de l’Union européenne, se verra refuser l’entrée sur le sol américain. Aucune condamnation.

Que s’est-il passé entretemps ?

Dans un magasin, si le premier t-shirt que vous voyez coûte 9 euros, le second à 25 euros vous paraîtra cher. Si le premier t-shirt coûte 50 euros, le second à 25 euros vous paraîtra bon marché.

C’est le biais d’ancrage, mis en lumière pour la première fois en 1974 par Daniel Kahneman et Amos Tversky, psychologues israéliens. Une première information vous fournit un référentiel arbitraire en fonction duquel vous raisonnez ensuite.

Au printemps 2020, face à une situation d’urgence absolue – hôpitaux débordés, pénuries d’équipements et de tests, méconnaissance du virus – la plupart des pays occidentaux se tournent vers une solution de dernier recours : le confinement. Survenu très tôt dans la crise, le confinement crée ce référentiel, ce cadre cognitif par lequel nous évaluons depuis toutes les autres restrictions.

À l’annonce de chaque nouvelle mesure, nous nous souvenons que nous avons accepté pire et en concluons que la nouvelle mesure (restrictions de voyages, couvre-feux à 21 heures, à 20 heures, à 19 heures, à 18 heures, masque à l’extérieur, QR codes pour s’assoir en terrasse) est acceptable.

Et donc, pour en revenir aux États-Unis : en comparaison avec l’interdiction de dépasser les frontières de nos appartements, l’interdiction de franchir certaines frontières nationales nous paraît être un non-évènement.

Le biais d’action

Évoqué pour la première fois par les économistes Richard Patt et Anthony Zeckhauser en 2000, le biais d’action désigne la croyance – plutôt logique en apparence – que face à un problème, il est toujours préférable d’agir que de ne pas agir. Le biais explique par exemple pourquoi l’homéopathie plait tant pour soigner des petits maux et pourquoi au football, les gardiens choisissent presque toujours, face à un penalty, de plonger plutôt que de rester au milieu, solution qui leur offrirait pourtant une meilleure chance d’arrêter le ballon.

En janvier 2021, lorsque le gouvernement décale le couvre-feu de 19 heures à 18 heures, l’impact sanitaire est probablement nul (voire négatif puisque l’on incite aux rassemblements intérieurs) mais au moins, on ne reste pas les bras croisés.

En juillet 2021, les maires ou préfets qui rétablissent l’obligation du port du masque en extérieur ne sauvent aucune vie mais peuvent mieux se regarder dans la glace : ils agissent.

Dans les deux cas, la perte de bien-être pour les Français est en revanche bien réelle. On peut se demander combien de restrictions, depuis 18 mois, répondent uniquement au besoin instinctif de « faire quelque chose ».

Le biais d’action explique aussi pourquoi le principe de précaution est toujours évoqué de manière asymétrique. On entend que par précaution, il faut confiner 66 millions de personnes six semaines (agir) car on connait mal la maladie, alors qu’on entend moins que par précaution il ne faut pas confiner 66 millions de personnes six semaines (ne pas agir) car on connait mal les effets du confinement.

Le biais d’illusion de contrôle

Théorisé par Ellen Langer, psychologue américaine, ce biais désigne notre tendance à sous-estimer l’importance des facteurs externes et à surestimer l’importance des facteurs internes, à n’expliquer une situation donnée que par des causes sur lesquelles on possède un levier d’action.

Pendant les périodes de sécheresse, certaines tribus sacrifiaient des enfants pour apaiser les dieux. Si la sécheresse prenait fin, c’était grâce au sacrifice, sinon il fallait sacrifier d’autres enfants. Au bout d’un moment, la situation finissait toujours par s’améliorer, validant la stratégie des chefs de tribu.

En France depuis 18 mois, quand les courbes descendent c’est grâce aux restrictions, quand elles montent c’est parce qu’on n’a pas assez restreint.

C’est le biais d’action qui encourage la tribu à sacrifier des enfants, c’est le biais d’illusion de contrôle qui conduit à s’en féliciter. C’est le biais d’action qui nous encourage à fermer les remontées mécaniques, c’est le biais d’illusion de contrôle qui nous conduit à nous en féliciter.

Le biais d’insensibilité aux ordres de grandeur

En 1992, William Desvousges, économiste américain, demande à trois groupes de participants combien chacun serait prêt à payer pour sauver un certain nombre d’oiseaux de la noyade.

Résultat : les participants qui peuvent sauver 20 000 oiseaux souhaitent payer moins (78 dollars) que ceux qui peuvent en sauver 2000 (80 dollars), tandis que ceux qui peuvent en sauver 200 000 ne donnent que 88 dollars. Conclusion : l’importance que nous accordons à un problème n’est quasiment pas affectée par le nombre de personnes que le problème affecte.

Daniel Kahneman – lauréat du prix Nobel d’économie en 2002 pour ses travaux sur les biais cognitifs – donne l’explication suivante : puisqu’il est impossible de se représenter un très grand nombre d’éléments, nous réduisons le problème à une seule image mentale, un prototype. Pour évaluer la souffrance de 2000 ou de 200 000 oiseaux, les participants imaginent un oiseau se débattant dans l’eau – image indépendante du nombre d’oiseaux concernés.

Lorsque l’on cherche à estimer ce qui est plus grave entre, par exemple, 5000 morts supplémentaires du covid ou l’instauration du port du masque obligatoire dans les écoles, on imagine, d’un côté, une personne âgée en détresse respiratoire et de l’autre, un écolier masqué. La première image étant infiniment plus dramatique que la seconde, on en conclut que la seconde option est préférable à la première. Le fait qu’ils soient 5000 à être concernés par la première et 12,9 millions par la seconde n’entre pas en considération.

Le biais d’insensibilité à la durée

En 1993, Kahneman diffuse à des sujets plusieurs vidéos désagréables, d’intensités et de longueurs variables. Il leur demande ensuite de classer les vidéos des plus déplaisantes aux plus plaisantes. L’unique facteur qui influence le classement : l’intensité des images. La longueur de la vidéo ne joue aucun rôle. C’est le biais d’insensibilité à la durée : nous jugeons la valeur d’une expérience en fonction du plaisir moyen qu’elle nous apporte sans égard pour le temps qu’elle dure et donc pour la somme de bien-être ou de mal-être qu’elle nous fournit.

En octobre 2020, lorsque le gouvernement choisit de mettre en place un couvre-feu, il est prévu qu’il durera six semaines. Au fil des mois, alors que le couvre-feu ne cesse d’être reconduit, presque tous ceux qui approuvaient sa mise en place le 17 octobre continuent d’approuver sa reconduction, comme si le prolongement de la mesure dans le temps n’exerçait aucune influence sur sa balance coût-bénéfice.

Nous succombons au biais d’insensibilité à la durée : nous jugeons « le couvre-feu », pas « un couvre-feu d’une durée de… ». Le processus mental à l’œuvre est semblable à celui du biais précédent : qu’il s’agisse d’un couvre-feu de six semaines ou de huit mois, l’image mentale que nous utilisons pour estimer son coût est la même : une soirée moyenne sous couvre-feu.

Le biais de victoire des positions les moins coûteuses socialement

Il a imposé l’idée que la saturation des réanimations avait un coût infini.

En mars 2020, il est décidé que nous n’accepterons pas la saturation des réanimations et les désastres qu’elle impliquerait (décès, tri des patients, déprogrammations, soignants exténués, chaos…). Sauf qu’à ce stade, nous croyons que l’alternative à la saturation des réanimations est un confinement de un mois, pas trois confinements et 8 mois de couvre-feux. Peu importe, nous ne remettrons plus jamais en cause l’idée que la non-saturation des réanimations doit être la ligne rouge guidant les politiques publiques et acceptons donc l’hypothèse implicite suivante : la saturation des réanimations possède un coût infini.

Pourquoi cette hypothèse s’est-elle imposée comme une évidence ?

Octobre 2020. Arguez qu’il faut re-confiner le pays, on risque de vous rétorquer que vous ne savez pas mener d’analyse coût-bénéfice. Arguez qu’on peut accepter la saturation des réanimations, on risque de vous traiter d’égoïste sans âme.

Une des deux positions plus coûteuse socialement est donc moins exprimée. Puisque notre cerveau associe les idées beaucoup répétées avec ce qui est vrai (biais de vérité illusoire) la seconde position perd des adhérents, elle est repoussée à la marge du débat. Il devient donc de plus en plus coûteux de la tenir (puisqu’en plus d’être un égoïste vous devenez un extrémiste), elle est donc encore moins exprimée, perd d’autres adhérents, est repoussée davantage à la marge. Elle finit par disparaître complètement des cerveaux. Cercle vicieux, généralisable à un tas de sujets, qui montre que ce n’est pas uniquement la validité d’une position qui la rend dominante mais aussi (et parfois surtout) son acceptabilité sociale.

Notez que je n’écris pas qu’il fallait accepter la saturation des réanimations, simplement que le choix de ne pas l’accepter a été effectué pour les mauvaises raisons, puisqu’il qu’il a été admis arbitrairement qu’on n’optimiserait pas la balance santé (y compris réanimations) – liberté, mais la balance santé – liberté sous contrainte de non-saturation des réanimations. De façon toute aussi arbitraire, il aurait pu être décidé qu’on optimiserait la balance santé – liberté sous contrainte de ne pas imposer à 66 millions de Français 8 mois d’affilée sous couvre-feu et confinement. Ce qui aurait impliqué une ligne rouge et donc un élément au coût infini : irrationnel aussi.

La croyance selon laquelle on ne peut pas laisser des gens mourir

Nous faisons chaque année des choix de société qui impliquent que la vie humaine a un prix. Par exemple, les 10 000 à 15 000 morts annuels de la grippe sont évitables, mais on choisit de ne pas les éviter car on considère que le différentiel de liberté entre une situation avec des restrictions anti-grippe et une situation sans restrictions possède un coût social plus élevé que celui des décès.

Ainsi, il existe un nombre de décès X que l’on préfère à la suppression d’un degré de liberté Y, un ratio décès évités/bien-être supprimé X/Y en dessous duquel une restriction n’est plus acceptable.

C’est à la lumière de cette réalité qu’il faut évaluer le bien-fondé de chaque nouvelle restriction, plutôt qu’au nom de principes abstraits.

La croyance selon laquelle la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres

Depuis 18 mois, cette formule est brandie pour justifier toute nouvelle mesure. Elle est fausse, dangereuse, et porteuse de projets de sociétés totalitaires. Dans le cadre du covid, la liberté de faire x ou y s’arrêterait là où commencerait la liberté d’un autre de ne pas se faire contaminer.

D’abord, la formule est disqualifiée par le fait qu’on peut, en toute situation, la renverser :

La liberté de l’un de ne pas se faire contaminer s’arrête là où commence la liberté de l’autre de faire x ou y.

Ensuite, pour la grippe, on constate chaque année que la liberté des uns de prendre le métro sans masque (par exemple) ne s’arrête pas là où commence celle des autres de ne pas être contaminés. Il y a un donc un niveau de risque que l’on est en droit de faire courir aux autres. Le covid étant plus létal et contagieux que la grippe, il est possible que ce soit, dans la plupart des situations, la liberté des uns à ne pas être contaminés qui mérite de primer par rapport à celle des autres de vivre librement. Mais l’exemple montre que la formule n’est pas absolue et qu’il faut raisonner au cas par cas, en balance liberté supprimée pour l’un, liberté obtenue (santé) pour l’autre.

En outre, il faut noter que l’accessibilité d’un vaccin modifie complètement la balance car il atténue les bénéfices liés à la réduction de la probabilité de contamination (une contamination entraîne 90 % moins de formes graves aujourd’hui), alors qu’il ne change pas le coût des restrictions.

Toutes choses égales par ailleurs, une restriction justifiée par la balance liberté supprimé-liberté obtenue il y a 6 mois n’est donc plus forcément justifiée aujourd’hui.

Le biais des coûts irrécupérables

En 1973, les gouvernements français et britannique découvrent que Le Concorde, leur projet d’avion supersonique, ne pourra pas être rentable. Pour ne pas « perdre » les 300 millions d’euros déjà investis, ils décident de mener le projet à son terme. Bilan : 1,5 milliard d’euros dépensés pour un retentissant échec commercial. Influencés par une décision prise antérieurement, les gouvernements français et britannique ont succombé au biais des coûts irrécupérables.

Octobre 2020. Alors que le nombre de cas de covid explose, le gouvernement est confronté à un dilemme : confiner la France à nouveau ou accepter des milliers de décès supplémentaires ? Un élément complique l’analyse : choisir la deuxième option, ce serait rendre, a posteriori, le premier confinement vain, puisque la plupart des décès évités au printemps surviendraient à l’automne. C’est donc en partie la volonté irrationnelle de ne pas « avoir fait tous ces efforts pour rien » qui guide le choix de re-confiner, plutôt qu’une analyse mettant en balance les coûts et bénéfices futurs des différentes options.

Lors de guerres déclenchées par des rois trop orgueilleux, il fallait ne jamais capituler pour que les soldats ne soient pas morts en vain.

Aujourd’hui, il faut restreindre éternellement la liberté pour que les confinements n’aient pas été vains.

Le biais de pensée désidérative

Il s’agit du biais qui nous pousse à former nos croyances non pas en fonction de la réalité mais en fonction de ce qu’il est agréable d’imaginer.

Depuis 18 mois, beaucoup sont tombés sous l’emprise d’une pensée désidérative : nous n’avons à compromettre ni notre santé ni notre liberté puisque nous pouvons éradiquer le virus.

Prenant leurs désirs pour des réalités, ces commentateurs passent à côté du fait que la situation des pays zéro-covid n’est en rien comparable avec la situation française : ces pays ont agi tôt, n’ont pas six frontières terrestres, ne font pas partie d’une union politique de 447 millions d’habitants, et surtout, il n’est pas donné qu’ils s’en sortent mieux que la France sur la durée. Tant pis, cette pensée désidérative a beaucoup d’influence dans le débat public, puisqu’elle motive consciemment ou inconsciemment la position de beaucoup de partisans d’un durcissement des mesures : pourquoi laisser traîner le problème alors qu’il suffirait de taper un grand coup pour en finir ?

En 2011, Christopher Booker, écrivain britannique, décrit ce qu’il nomme le cycle du fantasme (les parenthèses sont les miennes) :

Lorsque nous nous lançons dans une ligne de conduite inconsciemment motivée par une pensée désidérative (nous pouvons vaincre le virus), tout peut sembler aller bien pendant un certain temps : c’est l’étape du rêve (le confinement). Mais ce faux-semblant ne peut jamais être réconcilié avec la réalité et cela conduit à une étape de frustration dès que les choses commencent à mal tourner (la remontée des courbes), ce qui incite à un effort plus déterminé pour maintenir le fantasme en vie (re-confinement).

Le biais de pensée désidérative nous pousse aussi à sous-estimer la durabilité de ce qui nous affecte négativement.

En mars 2020, nous sommes persuadés que le confinement n’est qu’une courte parenthèse et que la vie normale (le monde d’après, encore mieux que le monde d’avant) ne tardera pas à reprendre. Aujourd’hui, une des raisons du large soutien au passe sanitaire est la certitude qu’il disparaîtra dans quelques mois. Personne n’a envie de présenter pendant plusieurs années un QR code pour s’asseoir en terrasse et donc personne ne s’imagine qu’il faille pendant plusieurs années présenter un QR code pour s’asseoir en terrasse. Pourtant, les vaccins nécessiteront sûrement des rappels.

Le biais de conformisme

En 1951, Salomon Asch, pionnier de la psychologie sociale, pose à plusieurs participants une question simple.

Certains répondent seuls : ils se trompent dans moins de 1 % des cas.

D’autres, soumis à la même question, observent d’abord six autres participants (des complices de l’expérimentateur), choisir, unanimes, une mauvaise réponse. Ceux-ci se conforment, dans 37 % des cas, au choix des six complices.

C’est l’illustration du biais de conformisme : nous avons tendance à adopter sans fondements rationnels les comportements de ceux qui nous entourent.

Plusieurs raisons l’expliquent.

Premièrement, nous considérons que si les autres modifient leur comportement, ils possèdent peut-être des informations que nous n’avons pas et/ou comprennent mieux la situation que nous. C’est ce que Salomon Asch nomme l’influence informationnelle.

En février, lorsque l’Italie est frappée par le virus, la seule région qui a connu une tension hospitalière comparable est la région de Wuhan. Incertaine de la voie à suivre, l’Italie se conforme donc à la méthode chinoise : le 9 mars, elle confine ses 60 millions d’habitants. Les dirigeants italiens auraient-ils même eu l’idée d’employer une telle méthode sans le précédent chinois ?

Deuxièmement, dès lors que face à un problème, certains agissent, la charge de justification est modifiée : ce n’est plus à ceux qui adoptent le comportement d’expliquer pourquoi ils agissent, mais à ceux qui n’agissent pas de justifier leur inaction. Il s’agit d’une forme de pression sociale. Dans les jours qui suivent la décision italienne, dans les pays touchés par la maladie il devient plus difficile de justifier de ne pas confiner que de justifier de confiner. Preuve de la modification de cette charge de justification : depuis 18 mois, c’est le choix suédois de ne pas confiner qui est scruté et interrogé.

Enfin, (surtout ?) il est toujours beaucoup moins coûteux de se tromper avec les autres (diffusion de la responsabilité) que seul (s’exposer, cible unique, aux critiques).

Ainsi, il sera souvent rationnel de préférer la quasi-certitude d’avoir tort avec la majorité au petit risque d’avoir tort seul (voire au risque d’avoir raison seul). C’est ce que Salomon Asch nomme l’influence normative.

En mars 2020, Boris Johnson attend sept jours avant de se conformer à la décision des autres grandes nations européennes (la France confine le 17, le Royaume-Uni le 24) : il subit encore, dans l’opinion publique, les répercussions de ce choix.

Phénomène de mimétisme qui soulève une question intéressante : que ce serait-il passé si le virus n’était pas né en Chine, dictature qui par essence accorde moins de poids à la liberté, mais dans une démocratie libérale ?

Le biais d’induction

Le problème de l’induction désigne le fait d’utiliser le passé pour prédire le futur et donc de surestimer la probabilité que le futur ressemble au passé.

Une idée énoncée dès le XVIIIe siècle par le philosophe David Hume :

Ce n’est pas la raison mais l’habitude qui permet de supposer que le futur sera conforme au passé.

Et reprise de façon amusante par Bertrand Russell, qui ironise sur la mauvaise surprise qui attend le poulet raisonnant par induction :

L’homme qui l’a nourri tous les jours finit par lui tordre le cou.

Dans le cadre politique, le biais d’induction nous pousse à sous-estimer la probabilité de chamboulements majeurs dans les 10, 20 ou 50 prochaines années. Ainsi, lorsque nous évaluons les conséquences à long terme des restrictions, nous projetons ces conséquences dans une France semblable à celle d’aujourd’hui et accordons peu d’égard aux coûts liés à la constitution d’un précédent.

Par exemple, le fait que les confinements et les couvre-feux soient devenus des outils de politique publique conventionnels augmente la probabilité d’utilisation de ces outils dans le futur. Problème auquel nous accordons peu d’égard puisque le biais d’induction nous projette dans un monde où nous serons toujours d’accord (ou pas trop en désaccord) avec les justifications des confinements.

De même, si on n’est pas anti-vaccin, on aura tendance à sous-estimer la probabilité que l’on puisse un jour se retrouver dans la frange de la population qui refuse une pratique sociale ou médicale encouragée par le gouvernement.

Ainsi, lorsque l’on analysera les coûts du passe sanitaire, on accordera un poids insuffisant aux conséquences de la normalisation du procédé d’exclusion d’une partie de la population possédant certaines convictions (ici, convictions anti-vaccin).

Le biais de dictature des minorités intransigeantes

Nassim Nicholas Taleb, qui a théorisé le processus, prend l’exemple d’un dîner où deux invités sur vingt sont des juifs pratiquants. Asymétrie fondamentale : les non-juifs peuvent manger de la nourriture casher alors que les juifs pratiquants ne peuvent pas ne pas manger casher. L’hôte préparera donc un dîner casher. La préférence d’une minorité est imposée à tous.

Dans le cadre du covid, il existe de nombreuses asymétries de ce type.

Par exemple : une personne ne craignant pas le virus accepte de porter un masque, alors qu’une personne craignant le covid refusera certaines interactions avec des interlocuteurs non-masqués. Imaginez qu’un vendeur préfère interagir sans masque mais ne connaisse pas les préférences du client qui entre dans sa boutique. Le client préfère lui aussi interagir sans masque mais ne connaît pas les préférences du vendeur.

Dans le doute, les deux garderont leur masque : le coût potentiel de ne pas le porter (l’autre peut refuser l’interaction ou formuler une remontrance) est supérieur au coût de le porter (buée dans les lunettes). La préférence d’une minorité intransigeante est imposée alors même qu’aucun membre de cette minorité n’est présent.

Limitée au phénomène ci-dessus, la dictature de la minorité est plutôt bénéfique, le covid étant une maladie contagieuse. Le problème, c’est qu’il s’agit d’un processus sans fin. Lorsque le port du masque devient la norme, une nouvelle minorité intransigeante naît, exigeant qu’on s’écarte de la situation en place pour aller vers une nouvelle norme permettant encore davantage de limitation des risques. Et de cette nouvelle norme naissent encore d’autres intransigeants…

L’important est donc de garder en tête que les codes de conduite en vigueur ne reflètent pas toujours les préférences de la majorité. La loi, puisqu’elle permet de renforcer ou d’affaiblir ces normes, doit tenir compte de ce biais.

Le biais de méconnaissance de l’effet nocebo

Il conduit à une surestimation de l’ampleur du problème posé par le covid long.

Le 24 juin 2021, The Guardian publie un article abondamment repris affirmant que 37,7 % des malades du covid développent un covid long, c’est-à-dire des séquelles persistant plus de 12 semaines après leur rétablissement.

La méthodologie de l’étude : on présente à 508 707 anciens malades une liste de 29 symptômes (variant d’insuffisance respiratoire à simple fatigue) et on leur demande s’ils souffrent encore d’au moins l’un de ces symptômes. Il y a 37,7 % de réponses positives.

Le 31 décembre 2020, Pfizer publie les résultats d’efficacité de son vaccin. Chez les 2298 participants du groupe contrôle (ceux à qui on n’a rien injecté, mais qui ne le savent pas) 33,4 % déclarent ressentir, suite à l’injection, de la fatigue, 33,7 % des maux de tête, 11,7 % des coups de froid, et 10,8 % des douleurs musculaires. C’est l’effet nocebo : lorsque l’on s’attend à souffrir, le cerveau peut anticiper la douleur et déclencher par lui-même des symptômes psychologiques ou même réels. Dans l’estimation de l’ampleur du covid long, en plus de l’effet nocebo, s’ajoute un autre biais : la fausse attribution de maux réels (fatigue, dépression…) au fait d’avoir eu le covid.

Ainsi, il est évident que :

  1. La plupart des études qui visent à estimer la réalité du covid long, puisqu’elles ne comparent pas avec un groupe contrôle (idéalement, des patients qui croiraient avoir eu le covid mais ne l’auraient pas eu, ce qui est impossible à trouver en pratique), surestiment massivement l’ampleur du phénomène.
  2. Plus les médias reprendront ces études sans esprit critique en alarmant sur les prétendus dangers du covid long, plus les gens souffriront du covid long.

Ce biais peut sembler mineur mais il devient important de le pointer du doigt car à mesure que la couverture vaccinale progresse et que sont éliminées la plupart des formes graves de la maladie, le danger du covid long sera de plus en plus évoqué pour justifier la poursuite de certaines restrictions.

Le biais de continuation du plan

En 1999, la Nasa analyse dix-neuf catastrophes aériennes. Première cause d’accidents : l’incapacité du pilote à dévier du plan initial pour s’adapter à des éléments nouveaux. L’étude constate même que plus le pilote s’approche de la piste d’atterrissage, moins les conditions extérieures n’ont d’influence sur ses décisions. C’est le biais de continuation du plan : lancés vers un objectif, nous devenons aveugles à notre environnement et réticent à tout changement de trajectoire.

Au début de la crise, il existe une différence non seulement de degré mais aussi de nature entre le covid et la grippe : contrairement à la grippe, le covid pose un problème d’ordre collectif. Cela pour deux raisons : 1) les taux de contagiosité et de létalité sont suffisamment élevés pour conférer à chacun le devoir de ne pas contaminer l’autre 2) le risque de débordement des hôpitaux est élevé. Face à un problème collectif, nous nous tournons vers des solutions collectives.

Dix-huit mois plus tard, un élément change complètement la donne : le vaccin. Le point 1) semble être rendu inopérant par la possibilité de réduire son risque individuel de décès de 95% et le point 2) semble être rendu inopérant par la forte couverture vaccinale des personnes à risque (le Royaume-Uni vient par exemple de connaître une vague de variant Delta avec un pic à plus de 50 000 cas quotidiens sans le moindre problème de capacité hospitalière). Le covid devient donc, comme la grippe, un problème d’ordre individuel.

Pourtant, ce changement ne semble pas avoir été internalisé puisque nous continuons à chercher des solutions collectives (pass sanitaire, masques obligatoires, fermeture de frontières…) sans réintroduire le concept de responsabilité individuelle face au risque. Approuver le pass sanitaire, par exemple, c’est accepter l’idée que la société possède encore le devoir de limiter la circulation virale alors que le vaccin est individuellement accessible à tous : une pente glissante puisque cette idée légitimise la poursuite de restrictions à jamais.

Lancés depuis un an et demi vers un objectif (la limitation de circulation virale) et proche de ce qui nous semble être le graal (l’immunité collective), nous ne dévions pas de trajectoire (les solutions collectives) car nous ne nous adaptons pas à notre nouvel environnement (le changement de paradigme qu’induit l’accessibilité d’un vaccin).

(Notez que je n’écris pas que le pass sanitaire est indéfendable, simplement que pour le défendre il faudrait (au minimum) démontrer que le covid reste un problème d’ordre collectif et donc que a) les vaccinés contre le covid sont considérablement plus à risque du covid que de la grippe et/ou que b) le pourcentage de vaccinés chez les personnes à risque est encore insuffisant pour garantir la non-saturation des hôpitaux. Se contenter d’affirmer que la mesure limitera les contaminations et incitera à la vaccination est insuffisant puisque le même raisonnement justifierait la mise en place d’un pass de vaccination contre la grippe.)

Le biais de confirmation

Le biais de confirmation est le fait de remarquer de manière disproportionnée ce qui permet de confirmer ses opinions pré-existantes.

Si, par exemple, l’auteur d’un texte sur les biais cognitifs pense que les restrictions sanitaires ont été excessives, il risque de s’intéresser uniquement aux biais ayant conduit à trop restreindre la liberté, oubliant que d’autres biais ont pu avoir l’effet inverse.

Article mis à jour le 13/08/21 à 17h44
Article publié initialement le 11/08/2021.

 

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  • Merci de rappeler la possibilité d’orienter dans un sens ou un autre l’opinion… pour ne pas écrire la manipuler.
    Dernier paragraphe compris.

    Sinon, un Lecteur peut-il, s’il lui plaît et si disponible, indiquer une source fiable pour le nombre de lits en réanimation (publics & privées) début pandémie et actuellement?
    Par avance merci.

    • Nous ne sommes pas vos larbins.
      Faites le vous-même.

    • Cet article ne parle pas de manipulation, ni d’orienter l’opinion.
      Il explique comment notre cerveau nous trompe et la conclusion de l’article est tout a l’honneur de l’auteur qui explique qu’il n’est pas exempt de biais comme nous tous.
      Certains moins que d’autres car ils ont la connaissance de ces biais et sont vigilants de ne pas se faire avoir par leur propre raisonnement.
      Alors vos lits d’hôpital…vous démontrez précisément ce que l’auteur dénonce.

    • @mandataire Il y a aussi le biais de saturation : il est impossible à l individu de lire et de comprendre quelquechose qui n entre pas dans ses cases de cerveau absolument encombrées. Vous en êtes actuellement victime. 😉

    • Lisez Système 1 & système 2 de Kahnemann qui est cité dans cet article. Si vous avez trouvé cet article intéressant, ce livre ne vous décevra pas.

      • mais l’article ne répond pas à la question initiale..
        qui est biaisée..

        en premier lieu la société aurait été rationnelle..
        et le serait moins…

        et paradoxalement, la juxtaposition du titre et de l’article répond un peu à la question..

  • Très bon article. Les biais, les biais les biais.
    Tout le monde a des biais, moi le premier.

  • Très bon article.
    Oui tout le monde a des biais, mais la connaissance de leur existence aide à tomber moins souvent dans les chausses-trappes de la pensée.

  • Article passionnant, merci !
    J’ajouterais le biais de responsabilité qui fait qu’être pénalement responsable de ses décisions politiques et sanitaires conduit à agir avec une logique différente des 60 millions d’épidémiologistes irresponsables (devant la loi j’entend)

    • Parce que vous avez déjà vu un politique ou un administratif condamnés pour ses mauvaises décisions? Je n’en connais pas

      La crainte principale du politique est de ne pas être réélu. Cela ne va pas bcp plus loin que cela.

    • ????? C’est-à-dire?
      Vous en connaissez des politiques pénalement responsables ( et donc condamnés) à cause de leurs décisions politiques ( et bientôt sanitaires)? Responsables mais jamais coupables, oui!!!!

        • Il restent humains même si on l’oublie parfois.
          Certes il ne sont jamais condamnés, mais des années de procès et auditions ne sont jamais agréables à vivre.

          J’entends votre réaction épidermique à mon post, mais loin de oi l’idée de défendre leurs décisions que je trouve souvent irrationnelles, je pointais simplement un biais souvent oublié qui est la responsabilité de ses actions. Ce biais explique aussi pourquoi il est plus difficile humainement de licencier un salarié dans un petite entreprise que dans une grande.

          Et oui aussi, çà ne va pas vous plaire, mais il est toujours facile de critiquer derrière son écran, ce qu’on appelle les « y’a qu’à faut qu’on »…

          • Ils ont tous des procès, ce sont leurs avocats qui suivent la procédure.
            Ils savent qu’ils ne risquent pas grand chose, mais c’est mauvais d’avoir des casseroles pour les élections suivantes, l’opposant ne manquera pas de le rappeler.
            En un mot, ils n’ont pas peur de la justice, sauf si les médias s’emparent de l’affaire.

            • Ils ont quand même des familles, des proches… Personne n’aime être en procès. Je disais simplement que la crainte pénale influence la prise de décision.

              Pour le politique, chacun à son avis. Moi je pense que nous avons les politiques que nous méritons malheureusement.
              La France baby boomeuse méritait un Macron dans le sens où leur souhait était que rien ne bouge (continuer à surconsomer, s’endetter, baser son économie sur l’exploitation des pays en développement, polluer sans se poser de questions désagréables sur son mode de vie).
              Le mouvement gilets jaunes–>antivax–>antipass–>antiimmigration–>antiécologie mérite un populiste et l’aura (par sa volonté de trouver des solution simplistes et rassurantes à un problème complexe et structurel)…

              • « Le mouvement gilets jaunes–>antivax–>antipass–>antiimmigration–>antiécologie mérite un populiste et l’aura (par sa volonté de trouver des solution simplistes et rassurantes à un problème complexe et structurel)… »

                Vous pouvez aussi aller en Afrique pour critiquer la corruption, en Chine pour critiquer le communisme ou en Iran pour critiquer la religion. Mais ça vous avance à quoi ? Et à 1 contre des milliards, êtes vous sur de détenir LA vérité ?

              • ce n’est pas un biais c’est une force qui joue dans un prise de décisions parmi toutes les autres….une décision n’est jamais rationnelle.. la rationalité permet de défendre plusieurs décisions possibles.. sans pouvoir trancher..

                j’achète le pull rouge qui me plait plus pull vert moins cher…
                la « rationalité » s’arrete à pouvoir lister toutes les conséquences possibles des deux choix…

                les sociétés ne sont jamais « rationnelles »..

                et selon moi… voila le problème des gens essaient deme convaincre que d’acheter le pull vert est « rationnel »..parce qu’ils sont plus rationnels que moi..

                scientisme..

              • Pour résoudre un problème complexe ( structurel ou autre) il faut déjà identifier clairement ce problème, examiner toutes les solutions possibles ( y compris leur impact négatif probable à long terme), évaluer les moyens disponibles, les coûts, l’adhésion des populations aux solutions proposées ( donc les informer honnêtement, avec arguments vérifiés et vérifiables) et in fine, voir quelle solution sera la mieux adaptée à la résolution du problème, sachant qu’il n’y a JAMAIS de solution idéale mais juste des compromis.

          • « Il restent humains même si on l’oublie parfois. »
            être humain ne justifie pas l’irresponsabilité, bine au contraire, un humain digne de ce nom ( c’est-à-dire « civilisé ») a conscience d’être responsable de ses décisions et de ses actes, dans l’impact qu’ils peuvent avoir sur autrui.
            « des années de procès et auditions ne sont jamais agréables à vivre. »
            Bien sûr mais croyez vous que si on leur donne le choix entre la prison et ces années de procès, ils choisiront la prison?
            Et pour finir, ma réaction n’est ni épidermique ni une critique de vos propos derrière mon écran, mais juste une mise au point qui m’a paru utile au débat. Et je doute aussi que la dilution des responsabilités dans un licenciement dans une grande entreprise laisse de marbre le DRH responsable. Dans une PME, ce sont plutôt les liens tissés au cours des années de collaboration proche entre le patron et ses salariés qui rend la chose difficile.

    • Pourtant l’article énonce des passages de médecins et scientifiques… Donc à priori des experts parmi les 60 millions… Donc pour vous ces experts n’en sont pas vraiment ? Un bon deux poids deux mesures hein…

  • J’adore la conclusion ☺️
    Merci pour cet article passionnant !

  • « 29 janvier 2020. Donald Trump annonce la suspension de tous les vols en provenance de la Chine. La décision est condamnée unanimement »
    Euh non, c’étais le seul truc pertinent à faire à ce moment, et si justement il n’y avait pas eu le biais « c’est trump qui la dit c’est mal » on aurait peut être ralenti la diffusion du virus. Au lieu de ça on a rapatrier les gens de Wuhan n’importe comment et l’état a créé un des premiers « cluster » comme ils disent…
    Le virus avait pas de passeport soit disant, par contre le vaccin en a un, une blague à laquelle on va pouvoir rire jaune un moment…

    • Il était aussi critique pour son « virus chinois » et derrière on a eu les variants britannique, indien etc, on va avoir le colombien aussi (manque plus que le jamaïcain comme certains le rappellent régulièrement lol)

  • Excellent article qui définit très bien les travers de l’humain. Je n’ai pas vu dans les média depuis quelques decennies qui que ce soit à la hauteur de cette page d’écriture. MERCI!

  • Merci pour votre très bel exposé dont chaque biais est appliqué à des situations présentes ou relativement récentes.
    Biais qui, par ailleurs, sont renforcés par les algorithmes présents dans nos moteurs de recherche et réseaux sociaux puisque le but est précisément de renforcer la dépendance à ces outils favorisant ce que nous souhaitant voir et entendre.

  • Les biais sont nombreux, en nombre peut-être illimité si on ne cherche à les réduire à des fondamentaux. Il me semble d’autant plus étonnant que peu de gens ont conscience de ces biais ou admettent en être victime eux-même.

    Un des plus sournois pour celui qui prétend raisonner et s’apparente au biais d’ancrage est de ne jamais remettre en question sa première déduction, son premier pas : dans la mesure où l’on ne sait pas où l’on va, quelles sont les implications d’une première analyse apparemment anodine, on ancre la toute première affirmation comme vérité absolue alors qu’on ne la pas véritablement confronté de façon critique.

    Je connais des « casse-tête » consistant à faire accepter un dessin faux, qui conduisent à une absurdité qu’on ne sait résoudre. On en vient à remettre en cause ses tables de multiplications plutôt que de concevoir que l’on s’est fait berner (et qu’on s’est abusé soi-même !) dès le départ.

    Si l’on applique cela à la crise du Covid, cela explique que les « mesures » acceptées au départ car ressenties évidentes et à faible contrainte apparente sont impossible à remettre en cause dans leur intérêt, leur coût ou leurs effets contre-productifs.

    • La première impression est aussi la dernière ?…

    • En effet, et cette crise le montre : seul un vaccin nous sauvera alors il faut vacciner tout le monde » au lieu de cibler les personnes à risques. De même maintenant qu’il y a un pass sanitaire, on l’applique partout, mais en réalité, quel intérêt dans les musées, cinémas etc puisque tout le monde est masqué ? J’avoue que je ne comprends pas, si ce n’est ce travers depuis 18 mois qui consiste à superposer des couches : on n’avait pas de masque, il fallait distance + sens de circulation, on a les masques on garde ces mesures + le masque. Maintenant c’est le pass en +.

  • Merci pour cet excellent article qui explique bien les différents biais. Appliqués à notre société, l’on comprend mieux pourquoi nous avons de moins en moins covid ou pas !

  • Excellent article, que l’on devrait garder en permanence à l’esprit en ces temps où l’on entend tout et le contraire de tout à propos du Covid. Et merci pour la petite blague finale, très élégante.

  • N’y a-t’il pas un biais à associer à postériori un biais à chaque situation comme dans le cas présent avec covid. Car on dénombre des biais à la pelle au point de se demander si le seul véritable biais serait un fonctionnement non biaisé du cerveau. En exagérant à peine, en connaissant les biais, je pourrais alors prévoir le déroulé des décisions et acceptations en fonction des hypothèses d’évolutions du virus. En réalité les biais ne concernent pas tous les individus au même degré et pas en même temps. Du coup rien de systématique. Ouf !

    Désolé par avance si ce message s’avérait biaisé d’une manière ou d’une autre.

    • En un sens, « biais » ne fait que donner un nom scientifique à la c…

      Mais cela permet de l’accepter plus facilement quand on se l’applique à soi-même. C’est déjà ça de gagné.

  • Et pour conclure la conclusion inattendue de cet article, je dirais qu’il y a ultimement un biais de biaisage : la crainte d’émettre un jugement biaisé conduit à suspendre tout jugement.
    C’est ce qui arrive quand on atteint un tel stade de saturation où la raison ne peut plus avoir de place.

  • Article excellent mais coupable d’un biais bien peu connu : celui de négativation des biais.

    En effet, en économie et en psychologie moderne on considère les « biais cognitifs » comme étant des « biais » au sens mathématique du terme : des estimateurs ne donnant pas en moyenne la valeur attendue. Mais ces « biais » sont issus de l’évolution du cerveau humain confronté à des décisions compliquées conditionnant sa survie (aujourd’hui si on se plante dans son évaluation du risque, on perd un peu d’argent, il y a 6000 ans on perdait la vie presqu’à coup sûr).

    On a donc des « biais » qui correspondent réellement à des heuristiques de décision justes pour permettre à l’individu d’abord, l’espèce ensuite, de survivre et prospérer.

    Il est donc possible qu’une rationalité plus profonde que celle mise en exergue dans la théorie économique soit à l’oeuvre dans ces biais et que des décisions « biaisées » soient in fine, à long terme, plus efficaces et bonnes que d’autres qui le sont moins.

    Avoir l’humilité de reconnaitre quand on ne sait pas et la bienveillance de ne pas en vouloir à ceux qui font ça, ça permet plus facilement d’avoir des décisions « bonnes » (et surtout évolutives en fonction de l’information disponible) que de traquer les biais.

    Les marchés sont blindés de biais… Mais aucun économiste ou psychologue expert en biais n’a réussi à faire mieux (oui, Stiglitz je regarde dans ta direction !)

    • Tout à fait, à préciser que les biais au sens mathématique utilisés en économie concernent des estimateurs. Par exemple une variable explicative dans une régression linéaire, son estimateur sera biaisé si la moyenne empirique ne converge pas vers la moyenne théorique. Un poil plus compliqué que le terme « biais » si souvent prononcé !

  • C’est sûr qu’aux prochaines élections je voterai pour un candidat qui proposera de supprimer le pass sanitaire et les obligations vaccinales pour la COVID-19. J’éliminerai définitivement tous les députés qui ont voté cette ignominie.

  • Excellent article, merci à Contrepoints d’être toujours là pour nous faire découvrir de nouveaux auteurs. Malgré son jeune âge, cet auteur-ci nous montre un angle de vue très intéressant. Continuez cher Monsieur !!

  • Excellent. Merci.

  • Très bon billet, illustrant parfaitement la frénésie des restrictions anti covid. Dans la lignée de son article sur l’ouverture des terrasses en avril dernier, Samuel Fitoussi nous livre une fois de plus une analyse fine et pleine d’humour sur la gestion (peut-on vraiment la qualifier de gestion?) de la crise.

  • Article très mal écrit (enfin… écrit par quelqu’un qui a subi l’enseignement catastrophique français du début du 21e siècle, donc puisque c’est une victime on lui pardonnera beaucoup), mais on arrive tout de même, en décortiquant les phrases et en les relisant, à comprendre à peu près ce que l’auteur veut dire, qui n’est pas dénué d’intérêt.

    • Bonjour Monsieur, quelles phrases avez-vous eu du mal à saisir dans ce texte ?

    • non…. biais du lettré.. c’est écrit ! et facilement compréhensible pour moi…
      les lettrés n’ont pas l’apanage du discours rationnel et logique , DIEU MERCI.. vous avez le droit de juger mais vous n’etes pas un juge « légitime » hors de votre subjectivité.

      on va le redire mais la forme n’est un but que pour les littéraires, pour les autres ce n’est un moyen. ..suffisant et necessaire..

      pour faire simple, dites j’ai eu du mal à vous comprendre ou vous lire ..ne dites pas que c’est quasi incompréhensible… une chose est exacte l’autre non..

  • « LE BIAIS D’INSENSIBILITÉ AUX ORDRES DE GRANDEUR »
    Ce phénoméne est essentiel, il est la traduction de Lacunes quasi criminelles dans notre systéme educatif. Cette notion elementaire fondementale n’est plus enséignée. D’abord en mathématique, le lieu ou elle doit etre initialement abordée avec des chiffres et le « Bon Sens », Mais les lacunes viennent aussi de l’enseignement des sciences humaines. L’Histoire enseignée de façon chronologique fait prendre conscience de ce que sont des causes et des conséquences dans l’enchainement des evnements chaque evenement n’est pas vu de façon abstraite, mais tous sont compris en relativité au précédent et au suivant. L’enseignement de l’histoire a travers des thémes, qui peuvent avoir eté choisis selon des idéologies partisannes, sans lien entre eux , Ces methodes conduisent a ce qu’un auteur

  • autre exemple de biais d’ancrage : un voyageur habitué à un plat du jour de 15 euros dans un petit restaurant de province trouvera cher un bon steak de zébu à 30000 MGA dans un restaurant à Antsirabe, vu la grandeur du chiffre ; en fait, cela fait environ 6,6 euros (change de ce jour), le salaire mensuel moyen à Madagascar étant de 43 euros environ

  • C’est donc en partie la volonté irrationnelle de ne pas « avoir fait tous ces efforts pour rien » qui guide le choix de re-confiner, plutôt qu’une analyse mettant en balance les coûts et bénéfices futurs des différentes options. –
    Cela me rappelle l’offensive du chemin des Dames.
    Objectif de Nivelle percer rapidement les lignes Allemandes acec une offensive restreinte dans l’espace (largeur) et dans le temps : en 24 ou 48 heures (!).
    Résultat : après un échec patent des premières 48 heures, Nivelle va s’obstiner-> 30 000 tués et 100 000 blessés Français en 10 jours du 16 au 25 avril 1917, Après les pertes énormes des deux premiers jours on ne pouvait avoir fait cela pour rien…

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