France : des comptes publics à la dérive et un gouvernement irresponsable

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France : des comptes publics à la dérive et un gouvernement irresponsable

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 juillet 2025
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La date a enfin été annoncée. Ce sera donc le 15 juillet prochain, soit le moment précis où chacun ferme boutique pour s’évader dans la décompression des grandes vacances, que François Bayrou présentera son grand plan 2026-2029 de retour à un certain équilibre des finances publiques“. L’idée serait de toucher le point où la dette n’augmente plus, objectif possiblement réalisable selon lui à la fin de ladite période.

Merveilleux ! Ne dirait-on pas que cette fois, l’exécutif a vraiment pris conscience de la gravité de la situation budgétaire du pays et qu’il va proposer un train de mesures effectives de réduction des déficits, juré, craché ?

Eh bien, non, pas merveilleux. Disons plutôt discours lénifiant, méthode Coué et langue de bois. Quand un Premier ministre vous parle d’un “certain équilibre” en lieu et place d’équilibre et quand il vous assure que tout sera nickel chrome à la fin d’une période de plusieurs années au terme de laquelle il y a peu de chances qu’il soit encore en poste, vous pouvez être sûrs qu’il vous balade dans un mélange de “demain, on rase gratis” et de “après moi, le déluge”.

Ne croyez pas que je me plaise à jouer les Cassandre par pur plaisir de toujours trouver de quoi critiquer le gouvernement et alarmer mes lecteurs. C’est plutôt l’expérience qui parle, une expérience vécue par tous les Français. Lors de sa campagne électorale de 2012, le futur président François Hollande promettait de ramener le déficit public du pays à 3 % du PIB en 2013. L’objectif fut péniblement atteint en 2017 à la faveur d’un petit regain de croissance, ce qui autorisa alors le nouveau locataire de Bercy, Bruno Le Maire, à tabler (dans le PLF 2018) sur un retour à l’équilibre en 2022 :

Alors oui, évidemment, le Covid, le quoi qu’il en coûte… Résultat, le déficit public de 2022 fut en fait de 4,7 %. Encore pouvait-on arguer du fait que des événements exceptionnels, imprévus, imprévisibles étaient venus perturber les merveilleux plans bercynois. Sauf qu’en 2023 et 2024, périodes sans la moindre anicroche extérieure ou exceptionnelle, le déficit a continué à se creuser, à 5,4 % puis à 5,8 % du PIB. Ce qui n’a pas empêché Bruno Le Maire d’annoncer en avril 2024 un nouveau plan de stabilité 2024-2027 se terminant sur un déficit tout juste inférieur à 3 % en 2027 :

Facile d’écrire des chiffres agréablement décroissants dans des petites cases. Toujours est-il que François Bayrou semble maintenant vouloir obtenir ces 3 % en 2029. Pourquoi serait-ce plus sérieux que d’habitude ? Sans compter qu’un déficit de 3 % ne signifie nullement que l’on revient à l’équilibre des comptes, mais que l’on reste dans la dérive maximale autorisée par les traités de l’Union européenne. Ce n’est pas comme cela que l’on va stabiliser la dette.

Or dans son dernier rapport extensif sur la situation et les perspectives des finances publiques publié la semaine dernière, la Cour des comptes n’y va pas par quatre chemins. Verbatim (soulignement de mon fait) :

  • “La France vient de traverser deux années noires en matière de finances publiques.”
  • “Cette dérive ne doit rien à des circonstances extérieures : elle est la conséquence d’hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes, mais surtout d’une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d’économies pérennes.”
  • “Elle trouve sa première cause dans une forte progression du ‘cÅ“ur’ de la dépense publique (c’est-à-dire de la dépense publique hors charge de la dette et hors mesures exceptionnelles).”
  • “Alors que tous les autres pays européens très endettés – la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie – ont tiré parti des années d’inflation pour réduire leur ratio de dette publique, la France, dont le déficit (en points de PIB) est désormais le plus élevé de la zone euro, diverge de plus en plus.” Pour l’avenir, la Cour déplore que :
  • “La modeste réduction prévue du déficit en 2025, de 0,4 point, repose exclusivement sur d’importantes hausses d’impôts, dont près de la moitié sont annoncées comme temporaires, et au-delà, sur des prévisions de recettes sans marge de prudence dans un contexte de fortes incertitudes sur la croissance.”
  • “Les efforts structurels d’économies ont donc une nouvelle fois été reportés et ne sont pas du tout précisés dans la trajectoire pluriannuelle publiée par le Gouvernement en avril 2025.”

Dans ces conditions, elle estime qu’un retour à la soutenabilité de la dette publique ne sera possible que si la France parvient à retrouver durablement un excédent primaire d’environ 1,1 point de PIB, ce que le pays n’est plus parvenu à réaliser depuis près de 25 ans.

Excédent… Un mot qui a déserté les dictionnaires de la politique française depuis belle lurette.

J’en profite pour rappeler que le solde public est la différence entre les recettes et les dépenses prévues dans la loi de Finances. En France, ce solde est perpétuellement négatif, on parle donc de déficit. Au sein de ce déficit, le déficit primaire s’entend avant prise en compte des intérêts dus au titre de la dette publique, tandis que le déficit structurel est le solde dont on retire les éléments conjoncturels sur lesquels le pays n’a pas de prise.

Autrement dit, si le plan de M. Bayrou ne s’attelle pas dès maintenant à la réduction des dépenses structurelles de notre modèle social franco-français, s’il ne s’attaque pas au “cÅ“ur” de la dépense publique dans l’État, dans les collectivités territoriales et dans la sécurité sociale, il ne sera qu’un coup d’épée dans l’eau de plus, et il exposerait le pays, en cas de défiance soudaine de ses créanciers, à devoir procéder dans l’urgence à des ajustements brutaux et préjudiciables au potentiel de croissance et à la cohésion sociale.” Dixit la Cour des comptes dans son rapport. Le ton est policé, pondéré, urbain, comme toujours, mais ne nous y trompons pas, c’est bien d’une potentielle faillite de l’État qu’elle nous parle.

Un avertissement qui n’a manifestement pas atteint toutes les cervelles du gouvernement. Pas plus tard qu’avant-hier (le 6 juillet 2025), la ministre de la Culture Rachida Dati annonçait que le spectacle vivant bénéficierait d’une enveloppe supplémentaire de 6 millions d’euros venant s’ajouter aux 22 millions déjà actés en septembre 2024. L’idée serait d’aider le secteur à relever les défis sociétaux, économiques et environnementauxauxquels il serait dramatiquement confronté. De leur côté, les collectivités territoriales apporteront 7 millions d’euros supplémentaires, ce qui permet à Mme Dati de se réjouir :

“L’État réaffirme son engagement, avec les collectivités. Ce sont, au total, plus de 35 millions d’euros alloués en 2024 et 2025 pour le développement de logiques coopératives et vertueuses.”

Parenthèse. À noter que l’avertissement de la Cour des comptes n’a pas atteint non plus toutes les cervelles de l’audiovisuel public. L’article de FranceInfo relatant la même information commence ainsi : Un soutien financier bienvenu. L’Etat va verser 6 millions d’euros supplémentaires etc. Celui du Figaro que j’ai mis en lien plus haut attaque directement avec “L’Etat va verser.

Je reviens à nos moutons. Trente-cinq millions d’euros face à 170 milliards de déficit, ce n’est rien ! C’est du moins ce que l’on a toujours considéré, et pas seulement dans le financement de la culture. Pensons aux subventions à la presse, aux embauches à la cantine scolaire, aux stages de remise en selle vélo, etc. Jusqu’à arriver aujourd’hui à 3 346 milliards de dette publique.

Dès lors, Rachida Dati fait-elle acte de responsabilité ? On sait surtout qu’elle aimerait bien succéder à Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Alors évidemment, dans le contexte de la fronde contre les coupes, aussi minimes soient-elles, dans les budgets de la culture dans certaines (rares) régions, elle cherche à montrer son meilleur profil culture-friendly aux électeurs de la gauche parisienne… De quoi conforter son agenda personnel, certainement pas le redressement du pays.

Bref, les comptes publics de la France vont à la dérive tandis que les ministres que cela devrait préoccuper se comportent en irresponsables. Ça promet.

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