Transformer les élections européennes en plébiscite pour Macron est une erreur

La manœuvre politicienne d’Emmanuel Macron pourrait lui coûter cher, et coûter cher à nos institutions.

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Transformer les élections européennes en plébiscite pour Macron est une erreur

Publié le 17 mai 2019
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Par Frédéric Mas.

L’affaire a fait scandale : ce n’est plus Nathalie Loiseau, tête de liste LREM, qui assurera la promotion de sa propre liste aux élections européennes sur les affiches de campagne, mais Emmanuel Macron lui-même. Les commentateurs n’ont pas manqué d’ironiser ou de se scandaliser de cette reprise en main par l’exécutif de la liste proposée par le parti présidentiel.

Ce changement altère jusqu’au sens de la campagne : nous sommes passés d’une campagne centrée sur le sens à donner à l’Europe d’aujourd’hui à une forme de plébiscite en faveur d’un Président qui résume à la fois campagne, parti et positionnement du « nouveau monde ». C’est un formidable et très inquiétant aveu de faiblesse de la part du président de la République, et du pain bénit pour son principal concurrent nationaliste, le Rassemblement national.

L’Europe ne fait pas recette. Le couple franco-allemand, qui s’est longtemps présenté comme le moteur de l’Union européenne, a du plomb dans l’aile. Emmanuel Macron a révélé avoir des relations conflictuelles avec la chancelière Angela Merkel, même si selon lui ce conflit est positif. Il se dit dans les milieux diplomatiques que les représentants de l’État français sont lassés d’une Allemagne qui cherche essentiellement à défendre ses intérêts exclusifs sous couvert de politique européenne. Il y a donc de la part du parti présidentiel une réticence à embrasser un projet politique commun qu’il perçoit lui-même comme assez peu en phase avec ses propres objectifs de politique nationale, essentiellement socialistes.

La catastrophe Loiseau

Nathalie Loiseau fait une campagne catastrophique. Après la polémique sur ses engagements de jeunesse, c’est la personnalité même de madame Loiseau qui ne semble pas convenir au poste. Insipide, mal préparée aux débats politiques, elle a réussi en quelques semaines à cristalliser sur sa personne la détestation d’une frange du public hostile à la technocratie qui tient les rênes du pays. Il ne s’agit pas que d’une impression diffuse : l’incapacité à dynamiser la campagne LREM s’est traduite très immédiatement par la remontée de François Xavier Bellamy et surtout le passage en tête dans les sondages du Rassemblement national, liste pourtant menée par un autre quasi inconnu, Jordan Bardella.

Le programme de LREM est totalement inepte. Il ne faudrait pas seulement blâmer la personnalité de Nathalie Loiseau dans cette campagne désastreuse, mais aussi l’absence d’imagination, voire la totale déconnexion de l’équipe de campagne sur la situation politique du pays. Les 9 priorités de la liste Renaissance pour les élections européennes semblent entièrement commandées par la communication politique. On y propose de dépenser 1000 milliards pour le climat, de refuser les accords de libre-échange avec les pays refusant les principes de l’accord de Paris, de taxer les GAFA ou encore de consolider le droit d’asile et de créer un énième comité Théodule citoyen (mais à échelle européenne).

C’est comme si la crise du Brexit n’existait pas, que la contagion populiste déclenchée par la panique politique et morale liée à l’immigration était un non-sujet, que la crise des Gilets jaunes, qui a mobilisé des milliers de personnes partout en France au nom de la fiscalité verte, n’avait jamais existé et que le socialisme anti-libre échange n’était pas un facteur d’appauvrissement généralisé. Les invocations rituelles de l’écologie politique et de l’antifascisme, qui furent le fond de sauce de toutes les formations social-démocrates de la dernière décennie, ne les ont pas vraiment aidés, les scores du PS et de Benoît Hamon dans les sondages parlent pour eux.

Personnalisation de la campagne de Macron

Le choix du plébiscite de Macron est un enjeu risqué. C’est pour toutes ces raisons que Macron a décidé de refaire le coup de la présidentielle. Les électeurs n’ont pas voté pour une formation, très largement fantomatique, ni pour un staff novateur, puisque la plupart de ses proches collaborateurs sont inconnus du grand public, mais pour la figure du Président.

Comme Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron pense pouvoir fédérer sur sa personne et uniquement sur sa personne. C’est d’ailleurs ce que remarquait Jean-Marc Daniel dans son essai consacré au chef de l’État : il est le seul lien qui unit l’équipe politique disparate des marcheurs. L’idée sous-jacente, en dehors de la volonté de rattraper les bourdes de l’actuelle tête de liste LREM, est de prendre l’électeur en étau : moi ou le chaos, LREM ou le RN, le reste n’existant pas dans cette parodie de clivage démocratique. Vieille recette socialiste qui permet de vendre au citoyen des recettes vieilles comme Mathusalem sous prétexte que le produit de la boutique d’en face mène à la ruine et au fascisme.

La stratégie de personnification de la campagne est à double tranchant : si Emmanuel Macron est sans doute plus connu que Nathalie Loiseau dans l’électorat, il n’est pas certain qu’il soit plus apprécié. Si la « marque » Macron ne parvient pas à rattraper le Rassemblement national, c’est toute la Macronie qui pourrait en être affectée, puisque l’image du Président serait atteinte. Plus que la Macronie, le sentiment de totale improvisation du parti présidentiel est en train d’offrir un boulevard aux formes diverses de protectionnismes, populismes et autres nationalismes qui nous promettent, par choix ou par incompétence, l’avenir du Venezuela. Sans le soleil.

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  • Superbe analyse que je partage. En réalité voter LREM ou voter FN cest in fine la même chose : c’est sponsoriser le second mandat de Macron.

    Maintenant je ne sais pas vraiment quelle est la meilleure alternative.

  • Quand on vous presente matin midi et soir une saucisse et qu’on vous affirme que tout le monde mange des saucisses , le jour ou on vous donne le choix entre un saucisse et un poulet , vous choisissez la saucisse….vous avourez que nos poulets ne sont pas tres presentables et ou totalement inconnus.
    Alors , erreur d’un conseiller en marketing ,…les pros ne font pas d’erreurs.loiseau a ete choisi pour mettre macron en valeur, d’ailleurs l’electeur ne se souviendra que de ca:
    La renaissance de macron……..les mots ne sont jamais choisis au hasard ..

    • macron a un socle de 20%… il veut refaire le coup de « c’est moi ou le fascisme » et il va perdre..
      Pourquoi? parce que le meilleur moyen de se débarrasser du RN c’est de le mettre au pouvoir, une fois..
      Apres tout va s’éclaircir..
      Mais est ce que Le PEN va se dérober comme la derniere fois pour sauvegarder sa PME bien a l’abri dans l’opposition?.. c’est possible aussi

      • On peut se demander si son socle du premier tour de 2017 est intact…
        Si les sondages parus n’étaient pas bidonnés, il n’y aurait pas autant de panique chez LREM…

      • Vous avez raison : pendant 40 ou 50 ans, on a vu ce que les « compétents » autoproclamés de l’UMPS-LREM ont donné comme résultat. Rien ne vaut une période d’expérimentation pour évaluer les qualités d’un « bord » ou de l’autre. Pour le moment nous (en tout cas un nombre impressionnant de Français) ne voyons pas du tout quelles sont les qualités déployées par ces hommes et femmes de l’UMPS-LREM jusqu’à présent. Les défauts attribués par ces donneurs de leçon aux hommes et femmes de l’autre « bord » sont sans doute les qualités qui font défauts aux guignols qui nous ont gouvernés et qui nous gouvernent depuis trop longtemps.

  • les deux sujets de  » préoccupation de macron :le RN et les problèmes écologiques …..il est vrai qu’en France , tout marche comme sur des roulettes donc pas besoin de focaliser les électeurs sur d’autres sujets qui fâchent , n’est il point vrai ?…….

    • J’ai comme l’impression que la Pravda a été coaché afin de décrypter aux français que « tout marche sur des roulettes ».

      Les bobos seront surement convaincus …

  • L’Europe a du plomb dans l’aile : union technocratique coûteuse, incapable de parler d’une voie politique unie, nous ne pourrons plus la réformer de l’intérieur sans l’unanimité illusoire des 28. Ah oui, il y a aussi le Brexit mené de belle façon, avec des élections européennes tellement bienvenues en Grande-Bretagne ! Face à ce grand n’importe quoi administratif et budgétaire, qui conforte surtout l’emprise bureaucratique sur nos sociétés, nous voyons les principaux candidats qui pensent électoralisme et très peu à l’avenir européen de la France, parmi 34 listes dont beaucoup sont farfelues… Comment voulez-vous que ce vote ne soit pas l’occasion d’un chamboule-tout : à défaut de pouvoir débattre sur des enjeux européens, avec Macron en tête d’affiche, on ne voit que la figurine de l’étagère sur laquelle on a envie de tirer.

  • « Il se dit dans les milieux diplomatiques que les représentants de l’État français sont lassés d’une Allemagne qui cherche essentiellement à défendre ses intérêts exclusifs sous couvert de politique européenne. » L’éclair de lucidité est souvent le signe que la fin arrive 🙂

    • La duplicité de l’Allemagne n’est pas une nouveauté. Ni la naïveté des dirigeants français. Cf. le traité d’Aix-la-Chapelle

    • L’Union Européenne (pas l’Europe, il ne faut pas mélanger allègrement les torchons et les serviettes) a été créée, dès le départ, par l’Allemagne pour l’Allemagne, avec l’aide appuyée des Américains US. Beaucoup d’argent lui a été donné après la seconde guerre mondiale et un montant impressionnant de ses dettes a été purement et simplement effacé (d’où l’insistance des grecs à demander pour eux un traitement équivalent ou à faire rembourser les dettes de guerre par l’Allemagne). C’est ce qui explique la suprématie politique, économique et financière de l’Allemagne, mais pas sa suprématie sociale et sociétale (elle n’a pas été chouchoutée pour cela !).

    • Mais on peut en dire exactement la même chose de la part de la France qui cherche à imposer son modèle technocratique et d’Etat-providence aux autres et à noyer sa dette dans celles des autres.
      Evidemment, la France n’y arrive pas! Ce qui n’est pas étonnant d’une part en raison de ses résultats économiques et sociétaux et d’autre part parce que faire appliquer son modèle aux autres nécessite au minimum une puissance économique ad hoc.

  • Ça ne se décrète pas d’en haut: les dénis de démocratie qui s’enchaînent depuis 2017 entraînent de fait cette situation qui pousse à sanctionner E. Macron.
    Sans compter que c’est le président lui-même qui a voulu transformer cette élection en plébiscite pour ou contre le RN et le « populisme ».
    L’arroseur arrosé en quelque sorte…

  • Je m’étonne que l’auteur s’inquiète de ce fiasco potentiel de Macron. Macron a été élu sur des mensonges et par manipulation. Ces faits programmaient sa chute dès le départ. Cette chute est nécessaire, les impostures ne peuvent pas mener à une quelconque amélioration.

  • « La manœuvre politicienne d’Emmanuel Macron pourrait lui coûter cher, et coûter cher à nos institutions ». Qu’une bonne volée de bois vert à la liste LREM (UMPS-Modem) coûterait cher à Macro., je suis d’accord et je l’appelle de tous mes voeux. Qu’elle coûterait cher à nos institutions, sûrement pas ! Ce qui coûte cher à nos institutions, c’est la présidence « anormale » de Macro. Qu’il dégage et l’air de France comme celui de lEurope (pas de l’UE) pourrait recommencer à devenir respirable !

    • En ce qui concerne le « coût à nos institutions », tout dépend de la façon de voir la démocratie : Pour certains, une bonne démocratie est censitaire, tenue par des personnages « éclairés », sachant mieux que quiconque ce qui est bon pour eux (d’abord) et les autres (ensuite).

      La dernière évolution constitutionnelle avec les législatives suivants les présidentielles vont exactement dans ce sens…

  • Si Macron parvenait à réunir plus de 10% du corps électoral sur son nom, ce serait un miracle. Il sera sans doute plus proche de 5%, avec même le risque de passer en dessous.

    Cette élection est un véritable test de légitimité pour le pouvoir. Quelle serait la légitimité d’un pouvoir qui ne fédèrerait même plus 5% de la population ? Au nom de qui parlerait-il ? Au nom de qui agirait-il ? Pas de la France ni de la République, en tout cas.

  • Au contraire c’est très bien.
    Cette élection doit être un coup de pied au cul Gigantesquissime !

  • On en revient aux « péchés originaux » :

    Le premier signe d’espoir aurait été de voir en 2017 un gouvernement resserré de 15 ministres. De revoir IMMEDIATEMENT à la baisse les dépenses de l’état central non régaliennes.

    Un deuxième signe aurait pu être la rédaction de novo d’un code du travail de moins de 300 pages (en s’inspirant de la concision de celui en vigueur en Suisse par exemple ?).

    Un troisième signe aurait pu être l’obtention d’un budget excédentaire dès 2018 suite aux serrages de ceintures concernant les dépenses.

    Un quatrième signe aurait pu également être la mise au rancart des projets sociétaux clivants propre à satisfaire des minorités, des lobbies, historiquement « progressistes » : lire socialistes (LGBT etc…)

    Un cinquième aurait pu être un abord technique et réellement scientifique du bien être futur de notre planète sans céder donc aux diktats des premiers imbéciles venus sortant de l’école de journalisme par exemple (Hulot…) en favorisant le réalisme.

    Bref une réelle rupture par rapport aux 40 dernières années.
    Donc échec total y compris en terme de communication (propagande).

    Conséquence, chaos pour chaos , beaucoup de Français sont prêts à « renverser la table ». Je viens de voir la dernière « folie » du maire de Grenoble écologiste : https://immobilier.lefigaro.fr/article/grenoble-veut-obliger-les-proprietaires-a-reloger-les-mauvais-payeurs_64ae4dfa-77b0-11e9-bd3e-c5c9f39cf40a/

    Je crois que Desproges aurait changer son « étonnant?…non? » en « terrifiant…non ?) !

  • « La stratégie de personnification de la campagne est à double tranchant »

    C’est vrai : c’est une stratégie et non pas une tactique pour remonter les sondages ou aider une tête de liste à problèmes.

    D’abord, cela confirme la présidentialisation du régime français. Ensuite, LREM profite qu’il ne s’agit pas d’une élection locale pour utiliser l’image de Macron et rejeter l’argument d’un président d’un parti et non de tous les français. Ils vont défendre le regroupement de la nation derrière le combattant français, contre les méchants… une légitimité de fait en sorte.

    Evidemment, le message est très flou (entre Macron qui défendrait la nation française) et la tête de liste LREM (qui dit le contraire).

    On est vraiment dans une stratégie de type du PS, où on cherche à obtenir une majorité à partir de la somme de minorités hétéroclites et absolument séparées.

  • Cette photo, ce n’est pas un montage pour discréditer M. Macron? Je n’imagine quand même pas qu’avoir choisi Mme Loiseau, il lui assène ce coup de poignard dans le dos en l’humiliant de la sorte! En plus, ce n’est pas son rôle. Il mélange tout!

  • Que je sache, c’est Macron qui a tranché pour la nomination de Loiseau (comme il le fait d’ailleurs pour tout). Donc qu’il reprenne la main en constatant son ratage et ne trouve personne d’autre de « digne » que lui donne une excellente image du bordel ambiant. Et il faudrait le féliciter?

  • « la figure du président », l’expression me fait immanquablement penser à ‘la gueule d’atmosphère » d’Arletty! Ceci étant, je trouve le choix de M. Macron de se mettre en scène et de piétiner allègrement Mme Loiseau, qu’il a choisie comme tête de liste, parfaitement indigeste et rédhibitoire!

  • « l’avenir du Venezuela. Sans le soleil. »
    Qu’est-ce que vous faites du réchauffement climatique ?
    Bref, j’ crois que Macron est le premier élément du fascisme vert, il n’ont pas l’allure car ils ne marchent pas au pas, mais ils en ont la pensée, l’esprit, la philosophie accompagnés des interdictions, impôts et ségrégation qui accompagnent cette dérive.
    Cette dérive que les citoyens refusent encore, pour combien de temps.
    Vivent les toilettes sèches, on peut aussi y mettre nos rebuts.

  • excellente analyse. Merci

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