Le retour du clivage gauche-droite : une nécessité pour un système politique sain

Reconstruire les partis traditionnels est essentiel pour un renouveau de la politique en France.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 1

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le retour du clivage gauche-droite : une nécessité pour un système politique sain

Publié le 20 avril 2023
- A +

Qui ne connaît pas le naufrage du Radeau de la Méduse ? Il y a le tableau de Géricault et le récit historique qui, par certains aspects, peut évoquer la situation politique actuelle.

Le navire Méduse partait de France pour rallier Saint-Louis au Sénégal et reprendre cette colonie perdue. Il était commandé par Chaumareys, un officier de marine qui n’avait plus exercé depuis deux décennies. Proche de l’Afrique, le navire heurte un banc de sable et s’échoue. Alors, tous les passagers partent à bord de chaloupes, canots et du fameux radeau qui sera abandonné en mer. Ce qui est intéressant à mettre en parallèle pour nous est que le radeau, transportant une centaine de personnes, était immergé à un mètre sous l’océan tant il succombait sous son poids. Sur un radeau de 120 mètres de long, les officiers prenaient la meilleure place au centre, là où l’eau était la moins haute et les conditions plus vivables. Les simples soldats et matelots étaient relégués à l’extrême gauche et à droite du radeau.

Dans un état extrême, les personnes présentes se sont battues, tuées et même dévorées. Tout le monde voulait éjecter les officiers du centre du radeau et prendre leur place. Les officiers rejetaient leurs assaillants sur les extrémités. Au final, quinze survivants sont arrivés à Saint-Louis.

Ce drame de l’histoire de la marine fait étrangement écho à la situation politique actuelle. La scène est divisée en trois blocs, chacun accusant l’autre d’une forme d’extrémisme. Cela laisse peu de place aux idées nuancées et modérées. Et si nous en venions à regretter le vieux clivage gauche-droite ?

 

Le chaos des partis de gouvernement depuis 2017 

Que n’a-t-on réclamé pendant des années la fin des partis ! Vieille rengaine électorale, les partis  classiques devaient disparaître.

En 2017 Jean-Luc Mélenchon réclamait déjà, dans une formule pleine de poésie « dégagez-les tous ! »  et « sortez les sortants ! ». Droite, gauche, centre, FN, RN, MoDem, LR, PS : tous semblables et tous devaient céder leur place. Une volonté quasiment réalisée puisque 2017 a tout chamboulé dans le jeu politique national. Un nouvel ordre est né du chaos avec l’élection du président Macron. Un nouvel ordre qui n’a toujours pas trouvé son agencement car, en 2023, le paysage politique n’est toujours pas clair, les partis dits de gouvernement ne sont pas reconstruits et cherchent encore des leaders.

Regardons la situation du Parti socialiste.

L’élection de 2017 fut rude. François Hollande a dû renoncer bien tôt, en décembre 2016 : une réelle erreur stratégique car il a ouvert le boulevard à Emmanuel Macron alors qu’au fond, rien ne le pressait, si ce n’est l’organisation de la primaire de la « Belle Alliance Populaire ». Lors de celle-ci, Manuel Valls, l’héritier présomptif a perdu et n’a pas respecté son engagement de soutenir le vainqueur, qui fut Benoit Hamon, le plus à gauche d’entre tous. Il n’a finalement récolté que 6 % des suffrages.

S’en est suivie la fuite des grands noms vers le macronisme naissant et triomphant ou la disparition des poids lourds du socialisme dans les élections législatives suivantes. Le vieux parti de Mitterrand a totalement perdu pied jusqu’à devenir invisible pendant tout le premier quinquennat du président Macron. Un parti qui se revendiquait de gouvernement, naviguant sans boussole ni inspiration ne pouvait, à terme, que se dévoyer et se perdre. Ce fut chose faite puisque le parti s’est dirigé vers Olivier Faure qui a su lui redonner, contre toute attente, une forme de vie. C’est son mérite. Mais il n’en devient pas plus crédible aux yeux des électeurs. Depuis un an, le vieux PS est sous la coupe de la France Insoumise. Cette année, il est bousculé par une scission interne qui menace de le diviser de façon définitive. Hors de la NUPES, aucune alternative de gauche pour l’instant et d’autant moins lorsqu’on voit comment Olivier Faure a fait du PS un parti d’agitateurs et non plus un parti digne de diriger le pays.

De l’autre côté, la situation de la droite dite de gouvernement n’a pas été plus glorieuse. Pulvérisée par l’affaire Fillon, elle pensait avoir du temps pour penser sa refondation autour d’idées nouvelles, d’un projet innovant et de personnalités marquantes. Problème, il n’y a rien eu de tout cela. Pire, aucun observateur politique n’est capable de dire qui incarne franchement cette droite historiquement habituée à diriger le pays, puisqu’Éric Ciotti, jadis si farouchement opposé au président, se dirait désormais prêt à accepter d’entrer au gouvernement, Laurent Wauquiez déçoit car il n’intervient jamais, Xavier Bertrand court les plateaux et les médias mais n’imprime pas. La droite n’a plus ses vieux ténors. Elle voulait dépoussiérer et proposer de nouveaux visages et usages. Jusqu’à présent, ce n’est pas un pari réussi.

Ce constat des vieux partis en déshérence interpelle le commentateur politique et appelle à un constat : après plusieurs années de gouvernance par le bloc central, il est temps de ressusciter le clivage gauche-droite.

 

L’impossibilité du en même temps

Plaider pour le retour du vieux clivage oblige à dénoncer le fameux « en même temps ». L’honnêteté intellectuelle exige de constater qu’il est impossible d’être ET de gauche ET de droite, tant sur le plan philosophique que dans la traduction politique concrète. On ne peut penser une chose et son contraire. On ne peut s’accommoder de tout et avec tout le monde. Autrement, cela s’appelle le renoncement et le projet initialement pensé ne peut aboutir. Les petits arrangements, les pas de deux prennent l’ascendant.

Or, lorsqu’on a une vision politique, un but et des objectifs pour son pays, on les présente frontalement aux électeurs et on les porte. Depuis 2017, cette philosophie était dénoncée mais elle est devenue une faille béante en pleine majorité relative depuis l’échec, relatif, des législatives 2022. Cela se voit notamment avec ce que propose la Première ministre et ses « majorité de projet » ou majorité texte par texte. Il s’agit de saucissonner les propositions de lois, de faire en sorte que telle partie plaise à tel groupe et que l’on puisse s’accommoder avec un autre pour ne pas renoncer totalement au projet de loi. Par nature, cela implique un texte dénaturé et une forme de renoncement.

Autre exemple à venir du problème que représente le « en même temps » avec le projet de loi sur l’immigration portée par la majorité dans les prochains temps. Elle aura énormément de mal à aboutir à moins de plusieurs renoncements. Il faudra aller chercher des voix à droite sans pour autant déplaire à l’aile gauche de Renaissance. Les Républicains pensent pouvoir imposer leurs idées à un gouvernement affaibli par la séquence des retraites mais encore faut-il qu’elles soient acceptées et que la partie gauche de la majorité y souscrive, ce qui est loin d’être gagné. Finalement, face à l’électeur, que reste-t-il ? Une mesure de droite, de gauche ? Juste, injuste ? Utile ou inutile ? C’est flou et c’est ce balancement qui ne fait qu’agrandir l’incompréhension des citoyens.

La place pour les vieux partis et des nouveaux visages 

Tout système politique sain doit naviguer dans la clarté. Dans la mesure du possible, les hommes et les partis doivent être identifiables.

À une époque pas si lointaine et imparfaite nous avions des personnalités politiques avec des positionnements bien plus clairs que ce que nous voyons en 2023. Ainsi, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Laurent Fabius, Philippe Séguin, Michel Rocard, Lionel Jospin, Raymond Barre étaient clairement identifiés par les Français. Aujourd’hui, peut-on sincèrement dire qu’un LR est réellement LR ou un socialiste un socialiste ?

Geoffroy Didier, ancien directeur de la communication durant la campagne de Valérie Pécresse l’a formulé dans une jolie formule récemment :

« Macron fait semblant de vouloir une alliance avec la droite mais ne la veut pas. À droite, ils font semblant de ne pas la vouloir alors qu’ils la veulent ».

Malgré tout, il y a un point positif dans cette situation : le paysage semble se renouveler et proposer des profils intéressants de tous les côtés. Peu importent nos opinions, nos positions, dans un pays libre politiquement il est toujours sain de voir des nouvelles têtes et de ne pas être réduit à devoir choisir entre le président, Jean-Luc Mélenchon Marine Le Pen. En ce sens, il est intéressant de voir émerger des François Ruffin, David Lisnard, Bernard Cazeneuve, Nicolas Meyer-Rossignol, Jordan Bardella, Aurélien Pradié, Carole Delga tout simplement parce qu’ils offrent des alternatives, des choix différents, des perspectives. Beaucoup craignent d’être enfermés, et les derniers sondages le montrent, dans un sempiternel combat entre Renaissance et les extrémités du paysage politique. Mais ce n’est pas une fatalité.

Si un citoyen ne vote pas pour l’alliance NUPES, peut-être ne se tournera-t-il pas pour autant vers Renaissance car il estimera qu’il existe un monde entre sa vision de la gauche et les deux seules options proposées. Si un autre vote à droite, peut-être qu’il ne se retrouvera pas dans les idées prônées par le Rassemblement national sans pour autant se retrouver dans l’aile droite de la majorité ou Horizons. Il est donc vital de proposer des projets qui ne soient pas nécessairement des outrances ou des ruptures fondamentales.

À cette aune, il faut saluer tous les partis, toutes les initiatives et tous les visages qui vivent, se déploient, font preuve de différence dans le paysage actuel. De droite ou de gauche, ils sont essentiels à un système politique sain. La situation du Parlement remet beaucoup de choses en perspective et offre des opportunités. À tous les volontaires de les saisir et surtout à la droite et à la gauche classiques de profiter de cet espace pour se reconstruire une légitimité, un cadre, un corpus et avancer.

Alors, oui, il faut revenir au vieux clivage gauche-droite d’antan : parce qu’il avait le mérite d’être clair, de différencier les partis, d’avoir des offres rationnelles et pas exclusivement radicales, parce qu’il laissait la place à des oppositions et personnages modérés alors qu’aujourd’hui le système politique ne laisse la place qu’aux outrances, à beaucoup d’inculture et d’inconséquence.

 

Voir les commentaires (13)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (13)
  • L’auteur semble ignorer l’existence de Reconquête dans le nouveau paysage politique. On aime ou on n’aime pas, mais on ne peut passer sous silence un parti qui, bien que tout récent, a fêté (et, semble-t-il, fait constater par huissier) son 100000ème adhérent.

  • Cette absence de clarté ne serait-elle pas qu’apparente ? Avec un Président omniprésent et décideur de tout, donc un exécutif fort, les dés sont pipés. Cette fameuse verticalité du pouvoir, qui ne se cache plus, et qui imprègne le pays jusqu’à la strate la plus locale et éloignée du centre du pouvoir, qui se distille par l’incontournable « cage d’acier » bureaucratique, voilà le mal dont nous souffrons. Hier en écoutant Macron en déplacement d’une oreille discrète, j’ai cru entendre un père de famille qui s’adressait à ses enfants. Nous ne sommes plus très loin de l’original « petit père du peuple ».
    Osons briser les chaînes de cette infamante verticalité.

  • L’auteur est-il naïf à ce point concernant son descriptif de la situation de 2017 ? J’espère qu’il n’a pas voté Macron…
    Hollande a créé Macron, Fillon a été mis de côté par l’ensemble de la politique car ses idées et son programme était justement plus « libéral » que d’habitude ; et le libéralisme, les politiciens n’aiment pas ça.
    Depuis disons Chirac, il n’y a plus de clivage gauche droite en effet : c’est clairement tourné à gauche ; et le capitalisme de connivence qui s’ensuit…

    • Fillon a d’abord payé le mal actuel : ne pas être une personne qui défend un programme, mais avoir un programme qui défend sa personne. C’est de cela qu’il nous faut sortir, et on n’en prend de toute façon pas le chemin.

  • J’aimerais mieux un clivage haut-bas.

  • Je me demande qu’elle est la différence entre le parti socialiste et l ex parti RPR dénommé maintenant les républicains qui dirige le pays depuis des lustres n en déplaise à l auteur de ce billet..
    Tout ces partis sont tous à mettre dans le même sac.

  • Ah ? J’avais plutôt l’impression qu’en France on avait le choix entre 15 partis socialistes, plus ou moins sécuritaires, islamistes, idéalistes ou criminogènes…

  • Quand on parle d’un système politique sain pour notre pays, on est en danger qu’on fasse l’erreur de penser systématiquement au système américain traditionnel. Le socialisme de France, la Gauche, s’est construit sur la prérogative qu’il est le véritable fondateur de la démocratie française et de la république qui va avec, et se comporte inconsciemment comme s’il en était le propriétaire. En somme, un genre de cohabitation avec une opposition qu’il se force de supporter par un esprit de liberté d’expression de principe, que par ailleurs il semble regretter de plus en plus. À chaque fois qu’il est au pouvoir, il passe son temps à entraver l’alternance avec ses adversaires, à démolir leurs prétentions et à les accuser soit d’une déviation psychotique, soit d’une malsaine idéologie. L’objectif fondamental de la Gauche est donc incessamment de s’approprier ou de se réapproprier son bien. En quelque sorte, le mythe de l’Ange et du Diable…

  • Le clivage droite gauche existe toujours. A gauche NUPES, à droite RN. Faites votre choix.

    • Mdr! Faire le choix entre deux partis qui veulent tous les deux plus d’impôts et taxes, plus de gouvernement, plus de lois et décrets, plus de transferts sociaux, plus de réglementations, plus de protections et de protectionisme, plus de … Staline, Mao, Hitler, Mussolini, Pol Pot, Ho Chi Minh, … RN, NUPES, tous les mêmes.

  • Avatar
    Diagoras L Athee
    21 avril 2023 at 18 h 23 min

    Concernant le Clivage politique il y a un auteur de Contrepoints qui a fait un travail passionnant. Il s’agit de Philippe Fabry.
    Son bouquin Islamogauchisme, populisme et nouveau clivage gauche-droite est une espèce de tarte intellectuelle dans la face. C’est fouillé, c’est original c’est profond, et cette analyse du clivage à travers le temps sur plusieurs pays sur de nombreuses années donne une perspective d’analyse que je n’avais jamais vu ailleurs.

  • Il n’y a plus de clivage gauche droite depuis le 2e mandat de Jacques Chirac. L’UMP n’a non seulement jamais appliqué ses idées quand elle était dans l’opposition mais en plus elle a entériné tout ce qui a été fait par le PS.

    Si le FN a toujours parlé de l’UMPS ce n’est pas pour rien. Rien ne les distingue vraiment. LREM n’est rien d’autre que ce que les Le Pen ont toujours dit.

  • Avatar
    jacques lemiere
    23 avril 2023 at 9 h 46 min

    EN ce qui me concerne..non..j’opte pour un repli du domaine d’action du politique..

    tiens mon gars prends la politique énergétique.. et la volonté de planifier..

    pif je fais le grand plan de relance de l’electronucleaire..
    paf rousseau élue…

    parfois ça fait mal au c.l

    On voit l’idée… la visibilité et l’idée d’uns gouvernance tenable dans le secteur économique par des coups de barre à droite puis à gauche ou si vous voulez libéralisation car risque de faillite puis régulation pour apaiser le social.

    je ne me reconnais ni dans la droite et la gauche… chaque élection devient alors quelle main couper la droite ou la gauche?
    je préfère ne pas avoir à voter sur certaines chose tout simplement…

    on vote désormais pour…ce qu’on met dans nos assiette!!! comment on chauffe nos maisons;.quel véhicule conduire..

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
La négligence et l’imprécision dans le langage, aussi bien dans le quotidien qu’en littérature et en politique, peut être lourde de conséquences.

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivit un jour Albert Camus. Autre formule parmi les plus connues, autour du même sujet, celle de Nicolas Boileau, « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ».

C’est bien sur ce même thème de l’importance du langage que George Orwell écrivit cet article paru en 1946 dans le magazine... Poursuivre la lecture

3
Sauvegarder cet article
A l’image de l’impôt sur les portes et fenêtres sous la Révolution, une nouvelle piste inédite pour le gouvernement actuel ?

On sait que le fisc n’est jamais à court de bonnes idées lorsqu’il s’agit de trouver de nouvelles sources de financement pour tenter de combler tant bien que mal une partie des déficits.

Dans le contexte actuel de déficits et d’endettement vertigineux, le gouvernement nouvellement aux affaires n’a donc d’autre préoccupation que de chercher activement des moyens de dégager de nouvelles recettes, sans toutefois don... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article

Il est coutume dans nombre de régimes, où la contestation gronde, de lire ou d’entendre « mais que font les gens ? » tout en s’excluant soi-même de toute action immédiate ou à court terme. Le réflexe est très commun, et trouve son origine dans les mythes révolutionnaires.

C’est l’imagerie des peuples en armes ou des armées du peuple qui ont forgé cette fiction de masses d’individus capables d’infléchir le destin d’une communauté. En somme, faire accroire que les peuples sont les acteurs directs de leur propre histoire.

 Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles