LA science, les scientifiques…
Ces termes reviennent sans cesse dans les argumentaires et les conversations. En appeler à LA science, c’est se prémunir d’un argument massue mais de nombreuses personnes, pour qui le terme épistémologie se rapporte, je gage, à la philatélie, ne s’en privent guère…
L’épistémologie, philosophie des sciences, a plus que jamais à nous enseigner les objectifs et les méthodes.
Qu’est-ce que la science ?
Comment éviter qu’elle ne sombre dans son travers récurrent, le scientisme, cette religion scientifique. Heidegger le disait, faisant suite à Nietzsche. L’homme a tué Dieu. Il a éloigné la spiritualité dans un objectif louable de rationalité mais son nouveau Dieu est devenu la rationalité. Certes, vive la rationalité, mais doit-on se prosterner face au Dieu science, vénérer sa sainte parole et se soumettre sans contester ou bien doit-on prendre la science pour ce qu’elle est, une construction humaine trop humaine ?
Le conseil scientifique s’est largement exprimé et j’ai largement ignoré ses déclarations. Je le confesse, afin que me soient pardonnées les incorrections éventuelles. Dès le départ, j’ai considéré que l’épidémie menaçait quasi exclusivement les personnes âgées et à risque. J’ai toujours su que l’hypothèse d’une submersion de l’intégralité de nos services de réanimation était totalement farfelue. J’ai toujours voulu croire que l’épidémie, comme les huit précédentes depuis 1895, s’étalerait sur deux à trois ans. Les patients croisés dans mon établissement m’ont donné raison.
Les quelques rares décès n’appartenant pas au groupe des hommes âgés nous obligent évidemment à ranger la covid dans une case différente de celle de la grippe mais 99,6 % de survie, ça ne l’apparente pas à la peste bubonique.
Le ministre Olivier Véran, évoquant un malheureux jeune homme de 28 ans emporté par le virus, a commis une faute lourde, qui ne serait pardonnée à aucun praticien en fonction. Ou bien alors je peux terroriser toute victime de lithiase urinaire, soit 10 % des hommes et 5 % des femmes, en évoquant une mortalité probablement similaire à celle de la covid. J’obtiendrai qu’ils se soumettent mais est-ce vraiment éthique ? J’œuvre précisément à obtenir l’inverse, l’apaisement.
Mais le conseil scientifique dans tout cela ?
Revenons un bref instant à l’épistémologie. En médecine, nous pratiquons l’Evidence Based Medecine. Les données sont étudiées, des preuves sont établies et des niveaux de preuves déterminés.
Quand, comme pour la lithiase, la pathologie frappe 10 % des hommes, les preuves de haut niveau abondent. S’il s’agit d’une maladie orpheline, c’est hélas la disette. Le praticien, comme le patient, se doivent de composer. Dans le cas d’une maladie émergente, ainsi la covid, aucune publication ne vient soutenir les argumentations. Les épidémiologistes maîtrisent évidemment la gestion de ces situations (ainsi la remarquable prise en charge d’Ebola) mais accordons-leur une marge liée aux incertitudes.
Le pékin moyen, lui, a érigé le scientifique au rang de divinité. Ne l’oubliez pas… La divinité ne se trompe jamais. On songe à Kipling et l’Homme qui voulut être roi. Un simple mortel est désigné Dieu jusqu’au moment où son sang coule, exposant à ses adorateurs sa condition de malheureux bipède. Gare à la chute…
La science étant en perpétuelle construction, certains auteurs opposent des thèses divergentes, ce qui est leur rôle. Le pékin les range parmi les hérétiques, les sceptiques, oubliant que le scepticisme est la plus haute vertu du scientifique. La science ne connaît pas les clans. Elle n’évalue pas des hommes ou des institutions mais des données et c’est uniquement sur elles que l’attention doit rester focalisée.
Et selon Karl Popper, qui édicta huit critères permettant de ranger un énoncé dans la catégorie science, ledit énoncé doit être réfutable. S’il ne l’est pas, alors il glisse vers le tiroir religion métaphysique. La fameuse brouille Einstein/Bohr illustre à merveille les hésitations de la science, qui bénéficie autant de ses erreurs que de ses avancées. Personne ne connaît l’aspect définitif de l’édifice, qui, brique à brique, se construit au fil des siècles…
Parfois, il faut des décennies avant d’obtenir une réponse. En deux mots, souvenons-nous qu’Einstein, qui se trompait en 1935 au sujet de l’intrication quantique (il publia le fameux article EPR), bénéficiait d’un consensus auprès de l’opinion. Sans son scepticisme, il n’aurait jamais révolutionné la physique en 1905.
Dans les années soixante, John Stewart Bell, autre génial physicien, écrivit un article visant à proposer une méthode permettant de trancher entre la thèse d’Einstein et celle de Bohr. Il fut publié dans une revue non peer reviewed, autre fondement de la science moderne, aux qualités indéniables mais aux travers embarrassants, qui fut entrepris dès le XIXe siècle.
Un groupe d’experts désignés se doit de valider une publication avant son édition dans une revue prestigieuse. Parfois, un article test falsifié est accepté. Une autre fois, un même article est ici accepté une fois, refusé une autre. Là encore, le pékin n’a aucune hésitation : l’article est faux si non peer reviewed.
Pas même besoin de le lire. Il est complexe de se bâtir une opinion à partir de données source mais transférer l’intégralité de la charge de la science à quelques-uns, avant de se soumettre inconditionnellement à leurs conclusions, est hasardeux. Certains auront saisi mes sous-entendus mais la conclusion demeure : prudence…
La médecine ne progresse pas à tâtons ni grâce au marc de café mais par la preuve. Gare au piège le plus évident : corrélation n’est pas causalité. Tout comme pour la justice, faute de quoi nous pourrions tous être embastillés un jour au prétexte de suspicions.
En l’absence de preuve, le conseil scientifique a émis des avis, cédant à l’occasion aux corrélations hasardeuses. Je gage que les praticiens en charge étaient compétents dans leur domaine mais compétence ne sous-entend pas pouvoir de divination. On met souvent en cause leur spécialité, dans les commentaires, comme si seul le spécialiste pouvait aborder sa spécialité.
Autre fâcheux travers moderne… Un universitaire maîtrise les revues de bibliographie. Il connaît la méthode et il connaît la médecine. Dans un autre domaine, le climat, quand j’ose émettre des opinions, on me renvoie invariablement à ma condition de professionnel de l’urine. Je n’aurais pas le droit de m’exprimer sur tout autre sujet.
Je réponds chaque fois : si un climatologue vous dit que le tabac tue, croyez-le ! Si seul le spécialiste a voix au chapitre, la science se change en église où l’on vient recevoir la parole du sachant… On y revient toujours. Mes confrères se sont trompés parfois mais cela fait partie du processus. Ils ont été victimes de l’ambiance et du poids de leurs responsabilités. Certains ont subi l’effet centre. La maladie a été, comme toute épidémie, menaçante dans les régions de brassage social, grandes cités et zones de confluence.
Les patrons parisiens n’avaient sûrement pas le même point de vue que celui de leurs confrères des nombreuses régions épargnées. Ils ont certainement subi les pressions politiques, ouvertement ou non.
À la lumière des déclarations de certains membres, les influences politiques pré-existaient : discrimination et toutezetous au programme… Ils ont parfois vu miroiter des aubaines ou ont subi leur propre vanité. Parfois, les luttes internes dirigées contre des praticiens nommément désignés m’ont rendu honteux. Je me moque des tenants de ces règlements de compte car je gage qu’ils n’avaient rien de scientifique.
Ont-ils trahi leur devoir ? Non. Se sont-ils montrés humains ? Oui, parfois trop. On leur demandait de rester scientifiques mais, ne disposant pas des précieuses preuves, ils sont parfois tombés dans les travers décrits. Cela dit, ils n’étaient pas réellement à la manœuvre.
Parfois entendus, le plus souvent poliment écoutés ou froidement écartés, ils se sont exposés et en ont payé le prix… Ce sont eux que l’on montre du doigt mais les commandes restaient entre les mains de la technocratie et de ses désormais célèbres sous-traitants du privé. C’est vers eux qu’il faut se tourner car ils sont les uniques décisionnaires.
Le constat est plutôt affligeant. Médicalement, tout d’abord. On a affolé dans le but de soumettre, ce qui est éthiquement indigne. Pensant disposer de l’arme absolue, on a divisé une population épuisée. Je n’ai pas de problème avec le vaccin mais je continue de penser qu’il devrait être réservé aux patients à risque.
En désignant nommément les proscrits, les antivax, les hérétiques, on a fait se crisper de bien braves gens, justement inquiets. L’ambiance était pesante et, sans les partager aujourd’hui, je prends les angoisses avec empathie. J’avoue avoir eu peur, une fois l’aiguille sous ma peau.
En ce domaine, les politiciens et certains commentateurs se sont montrés inhumains. Et ce sont les mêmes qui nous enseignent l’art de ne pas discriminer… L’objectif était-il d’obtenir le consentement à la vaccination ou d’imposer des leçons de vertu aux ânes, attirant sur eux la foudre, comme l’a fait minablement le président ?
Nos politiciens sont nuls en sciences et ils nous l’ont démontré une fois de plus.
Ils ne sont que des acheteurs d’avions renifleurs. Ils sont ceux qui ferment les centrales nucléaires, à l’heure où l’énergie va cruellement faire défaut, pour les remplacer par des moulins à vent. Que le ministre de la Santé ait connu la faculté de médecine n’y fait rien. Il a été politicien, pas médecin. Pass, PCR à outrance, réglementations ubuesques, rien n’a manqué.
De quoi alimenter la littérature comique pour un siècle entier… Encore que : considérant la facture de 100 milliards d’euros, nous pourrions rire jaune. Un patient juge du tribunal de commerce me confiait récemment que les administrations ont levé le pied sur les collectes mais 230 000 sont maintenant à liquider. Quant à la bulle des PGE…
La France se meurt mais elle est immortelle, bien sûr. Cet interventionnisme forcené qui n’a fait qu’aggraver les conséquences de l’épidémie, nous garrote lentement depuis trop longtemps. Les rois recevaient leur pouvoir de Dieu, les technocrates le puisent dans la technologie. Ils sont les ingénieurs de nos existences et la nation, sans eux, partirait en biais… Combien de temps ces infatués continueront-ils de se comporter comme s’ils étaient à même de solutionner des problématiques qui les dépassent totalement ?
Les fonctions régaliennes, c’est déjà pas mal. L’épidémie a également été l’occasion de constater l’état déplorable de notre système de santé, que j’ai connu premier dans les classements quand j’ai débuté mes études. Alors, le revenu du Français égalait celui de l’Helvète. Le système français a chuté en deçà du dixième rang, sur une liste au sommet de laquelle culmine aujourd’hui la Suisse.
Dans notre établissement, nous réunissons au quotidien une cellule de crise afin de déterminer si nous disposerons de suffisamment de personnel infirmier pour œuvrer le lendemain. Et parfois c’est non et des interventions sont annulées.
Et que dire de tout le reste, justice, police, armée, diplomatie ?
Où trouver l’espoir, dans une nation en ruines qui entend, de surcroît, se ruiner plus encore au nom d’hypothèses scientifiques elles aussi contestables et contestées ? La misère embarrassait le pouvoir, autrefois : la voilà appelée de ses vœux, objectif 2050… Hélas, les exemples du Sri Lanka ou de la Hollande n’incitent guère à l’optimisme.
La solution ?
Dix ans d’efforts. Moins de charges, de taxes, de réglementations, de codes, de technocratie, de nuisance d’un pouvoir s’immisçant en tout secteur. La liberté et la responsabilité.
J’enrage qu’après une telle démonstration d’incompétence, d’ignorance et de suffisance, cette conclusion ne soit sur toutes les lèvres. N’en avez-vous pas vu suffisamment ? Libérons-nous du joug de cette technocratie pour la ramener à son unique rôle, le goudron sur les routes et les toilettes publiques au village. Le reste, on s’en charge…
Il n’y a aucune différence entre « si un climatologue vous dit que le tabac tue, croyez-le ! » et « si un climatologue vous dit que le tabac est inoffensif, croyez-le ! « . Les méthodes scientifiques de validation du genre « peer review » sont certes imparfaites, mais au moins elles évitent la plupart du temps que l’on puisse croire ce qui vous arrange au prétexte qu’un « scientifique » à la carrière plus politicienne que de terrain et à l’élocution fleurie le soutient.
et n(‘importe qui comprend que l’affirmation est fausse..le tabac est donc nous sommes morts.. ou nous devrions l’être..
le tabagisme augmente sensiblement la probabilité de décis par cancer du poumon chez toutes les populations étudiées.. ce qui nous laisse à penser fortement que c’est valable pour vous monsieur dupond… on en est même pas sur à 100%!
on a un constat épistémologique..
mais on a aussi une extrapolation pour les individus car les mécanismes causal ne sont pas élucidés à 100%.
la partie extrapolation exige le consentement du patient. ne pas en faire été conduit à l’hygiensime…une tyrannie comme une autre..
et pour éviter la critique je précise que le tabagisme est quantifié plus on fume plus la probabilité augmente.. mais que on ne considère pas comme tabagisme le fait de fume rune clope à 18 ans.. pour le faible tabagisme on ne sait pas.. je dois ajouter une description du tabagisme..
Merci. Je pensais avoir dit la même chose ! Système imparfait, système humain… La revue qui publia l’article de Bell en 1964 ne disposait pas d’une revue par pairs et elle disparut quelques mois plus tard. Bell serait-il entendu aujourd’hui ? Probablement et il est normal qu’une théorie nouvelle peine à s’imposer mais en libéraux, ne dressons pas de barrière infranchissable. Je n’écris pas que les pairs sont systématiquement dans l’erreur ou qu’ils servent une quelconque cause. L’afflux de publications est aujourd’hui phénoménal et un tri est indispensable mais il est, à la marge, aux 2 extrémités de la courbe de Gauss, mal conduit. Mais certains le disent mieux que moi ! https://youtu.be/CP8haBCxBi4
Merci pour cet excellent billlet d’humeur.
Je partage vos inquiétudes concernant la technocratie qui se nourrit de scientisme et s’évertue d’ostraciser toute voix (et voie) discordante(s) en la faisant passer pour du complotisme.
Ce que je retiens surtout de cet excellent papier (d’humeur ?) c’est « le scepticisme est la plus haute vertu du scientifique ». Bravo pour l’ensemble, et cruellement, je constate que les « politiques » sont bien les moins compétents, mais qu’ils ont -malheureusement- le pouvoir de décider. En l’occurrence, ils se sont appuyés sur l’effet « peur » pour imposer des décisions quasiment inutiles ; c’est tout à leur déshonneur ! Shame on them…
Merci Monsieur Dupuy pour cet article qui remets bien les choses à leur juste place. J’irai même un peu plus loin que vous en affirmant que quiconque prétend que quoi que ce soit est « prouvé scientifiquement » est une personne qui n’a fondamentalement rien compris à ce qu’est la science. En effet, comme Popper l’explique, et bien mieux que moi, la science pose des hypothèses, ces hypothèses sont considérées comme vraisemblable jusqu’à ce qu’un scientifique réussisse à prouver qu’elles sont fausses. Les hypothèses réfutées sont alors remplacées par d’autres, considérées vraisemblables, et ainsi de suite depuis la nuit des temps. Au final, rien n’est jamais prouvé. Fuyez donc comme la peste le politicien qui vous invite à vous comporter comme ci ou comme ça, au motif que « c’est prouvé scientifiquement qu’il faut faire ainsi ».
« Les quelques rares décès n’appartenant pas au groupe des hommes âgés nous obligent évidemment à ranger la covid dans une case différente de celle de la grippe »
Regardez les statistiques, alors… Car oui, il y a une différence c’est que la grippe tue PLUS les jeunes en « bonne santé » (hum) que le COVID. Chaque année il y a en France bien plus de jeunes de moins de 15 ans mourant de la grippe qu’il n’y en a sur la totalité de l’épisode COVID.
Sinon, tout à fait d’accord, la confiance accordée à « la science » (mais la médecine est-elle une science?) est généralement le fait des gens ne connaissant ou ne pratiquant pas la science. C’est particulièrement vrai de la foi aveugle dans le « peer review ». Avoir eu un papier (mal) reviewé et avoir soi même reviewé quelques papiers remet « l’église au milieu du village » : ça peut aider pour éviter de publier n’importe quoi, mais ce n’est ni un gage de qualité ni pour le papier refusé un gage de biais ou d’erreur.