Le rapport de la gauche à la violence

Si tous les gens se sentant proches de la gauche ne sont évidemment pas adeptes de la violence, loin de là, celle-ci semble malheureusement bien faire partie de ses gênes.

Par Johan Rivalland

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Le rapport de la gauche à la violence

Publié le 30 juin 2024
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Le 7 juillet au soir, nous saurons quels sont les nouveaux rapports de force politiques dans notre pays. Chacun des camps opposés pourra compter son nombre de députés élus, et devrait suivre rapidement – probablement dès le lendemain ou dans les jours qui suivent – la nomination d’un nouveau Premier ministre par le président de la République (en attendant une éventuelle future démission de ce dernier, selon le scénario retenu, mais qui ne devrait pas être pour tout de suite). Avec les difficultés que l’on sait, car aucune majorité claire ne devrait en sortir.

 

Des risques très élevés de violences

Nous pouvons cependant pronostiquer une chose : en cas de victoire du Rassemblement national et de nomination de Jordan Bardella comme Premier ministre, alors il semble évident à à peu près tout le monde que le pays s’embrasera.

Il n’est pas besoin d’attendre les résultats des élections pour que, déjà, tout ce que la gauche collectionne de « forces en mouvement » soit mobilisé pour, comme toujours, « faire rempart » à la menace fasciste ou « d’extrême droite », qui menacerait le pays, à travers des manifestations et des appels multiples à lui faire barrage. Ce n’est pas nouveau.

Dès le lendemain des résultats, et surtout après cette éventuelle nomination, les manifestations géantes se succéderaient, les violences se multiplieraient (toujours dans l’idée sacrément paradoxale qu’il faut combattre la violence de « l’extrême droite », vieille rengaine éculée). Violences naturellement considérées comme parfaitement légitimes face au péril qui toucherait notre pays. Une sorte de devoir de « résistance » dont certains à gauche savent se parer et justifier lorsqu’ils l’estiment légitime.

Une grande partie des Français a beau être lassée des stars donneuses de leçons (et on peut dire qu’il y en a !), celles-ci continuent par ailleurs à se draper dans leurs vertus bien-pensantes qui exaspèrent de plus en plus de Français. Mais parmi elles, certains n’hésitent pas à nous donner un avant-goût de ce qui nous attend inexorablement dans ce scénario de victoire potentielle du RN.

Ainsi, faisant mine de se présenter en personne respectueuse du verdict des urnes, un Mathieu Kassovitz ne nous en promet pas moins, même s’il évite évidemment de lancer ouvertement un appel en ce sens, un recours « à la violence face à la violence », nous laissant présager de ce qu’il pourrait advenir dans le cas où certaines mesures politiques étaient prises, il ne dit pas lesquelles. Lorsqu’on connaît l’utilisation du mot « violence » dans le vocabulaire d’une certaine gauche, on se doute qu’il ne faudra pas longtemps pour en trouver des signes même très indirects, ni des idées de ripostes qui vont avec.

 

Un scénario tout autre

En revanche, nous pouvons aussi pronostiquer qu’en cas de victoire de la gauche, cette fois, il n’y aura pas de manifestations géantes, ni de violences – si ce n’est de la part d’individus bien douteux et isolés -, dont la gauche semble bien depuis toujours avoir le monopole. La démocratie sera comme toujours respectée, car ce n’est pas dans les gènes ou la culture des autres bords politiques de contester le verdict des urnes. À l’exception de certains mouvements assez minoritaires, la gauche se dit démocrate, mais elle a toujours eu un problème avec la démocratie… Sa conception de celle-ci (une fois encore, je ne parle évidemment pas de toute la gauche, et je plains ceux qui sont authentiquement de gauche et subissent cet état de fait) est éminemment restrictive.

Ce qui n’empêchera pas le Nouveau Front Populaire, et à travers lui une grande partie de la gauche, d’avoir quelques difficultés à gouverner, à cela près qu’elle est habituée aux compromissions (on s’en est d’ailleurs spectaculairement aperçus le soir-même des résultats des élections européennes, à l’heure des petits et grands reniements…). Gageons qu’elle saura trouver les alliés de circonstance, eux aussi prêts à se renier (les Français ne se font plus beaucoup d’illusions depuis longtemps au sujet de la politique) ou à défaut les moyens de diluer ses promesses, étant passée maître depuis longtemps dans l’art de considérer, selon l’antienne historique bien connue et parfaitement cynique, reprise par Jacques Chirac : « Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ».

 

Une situation relativement inextricable

Dans tous les cas, la France sera plus difficile que jamais à gouverner. Les finances du pays sont exsangues, les promesses délirantes, la cohabitation quasi-impossible quel que soit le scénario (sauf celui d’un gouvernement « d’experts » régulièrement évoqué), et ce faute de majorité.

Les gouvernements précédents, plus encore les deux ou trois derniers, ont été incapables de mener une politique ambitieuse, assumée et cohérente. Les atermoiements permanents et la tendance à succomber un peu trop facilement aux sirènes des appels multiples et répétés à l’argent public et aux subsides en tous genres de l’État – non financés – ont conduit notamment à l’impasse financière que nous connaissons. Qu’ils soient de la droite ou du centre, les gouvernants ont été, depuis trop longtemps, victimes de ce que Thierry Wolton dénommait « le complexe de gauche ».

Quant à la gauche, ou une grande partie d’entre elle, elle n’a cessé depuis quarante ans d’agiter l’épouvantail du Front national, puis du Rassemblement national, dont j’ai pendant longtemps pensé qu’ils n’avaient aucune chance d’arriver un jour au pouvoir… sauf si cette diabolisation à courte vue finissait par lasser des Français de moins en moins dupes, à la fois de ce qui apparaît bien comme une grosse ficelle politique maintenant bien usée, et de l’incapacité des partis traditionnels à mener des politiques véritablement ambitieuses et courageuses, et non elles aussi à courte vue.

La montée du Rassemblement national ne doit au final qu’à leur inconséquence. Et au lieu, les uns et les autres, de se contenter d’argumenter, de commenter point par point le programme de ce parti,  de montrer ses limites, ses incohérences, ses contradictions, ils n’ont toujours pas compris que c’est justement cette diabolisation à outrance qui finit, non seulement par vexer inutilement les électeurs de ce parti et les braquer, mais ils ont en outre banalisé complètement l’idée « d’extrême droite », en qui de moins en moins de monde croit encore, faisant perdre peu à peu complètement la portée de leur attaque. Une erreur stratégique devenue évidente, mais tant que la ficelle n’est pas définitivement cassée et qu’il en reste encore quelques filaments, ils espèrent en retirer les dernières tensions.

Dans cette guerre des idées et les nouvelles fractures intellectuelles qui se sont développées, il y a donc peu à espérer dans les temps qui viennent. Et il ne reste à la gauche – du moins à une partie d’entre elle – que ce qui constitue l’un de ses marqueurs ancestraux : les rêves de révolution.

 

La violence, un marqueur d’une partie de la gauche

Chassez le naturel, il revient au galop. Ce qui m’a toujours troublé est cette capacité de la gauche à se prétendre démocrate, mais à en avoir une idée fortement restrictive. Plutôt que de symboliser la carte politique par un axe allant de gauche à droite, je la vois plutôt comme une sphère, au même titre que les deux représentations traditionnelles de la Terre et de ses continents. Il me semble depuis longtemps que nombre d’électeurs passent bien plus facilement d’une extrémité de cette carte à l’autre extrémité (l’électorat ouvrier, par exemple, passé parmi les premiers de la gauche communiste au Rassemblement national) que par tout autre déplacement. La description en tant que sphère me semble donc bien plus pertinente.

Toujours est-il que dans l’esprit de beaucoup de gens de gauche, on le sait, toute idée est acceptable et compatible avec la démocratie dans la mesure où elle intègre bien le champ restrictif défini de manière plus ou moins consciente, allant du Nouveau parti anticapitaliste ou Lutte ouvrière au Centre-gauche, grosso modo. Au Centre-gauche, on pourra considérer que c’est encore acceptable démocratiquement, même si on y est hostile. Mais au-delà, il faut se boucher le nez (ceux qui se disaient mettre une épingle à linge sur le nez en 1995 pour aller voter en faveur d’un Chirac qu’ils avaient tant exécré à une certaine époque, pour déjà « faire barrage au Front national »). Quant aux libéraux, heureusement qu’ils ne sont pas engagés – ou très rarement – en politique, car il s’agit là d’une des pires espèces aux yeux de la gauche…

Il faut dire qu’à l’exception de quelques esprits historiques indépendants bien que symboles forts de la gauche, l’un des héritages forts de celle-ci – et rêve permanent de certains jusqu’à aujourd’hui – est la Révolution française (et les révolutions en général), au prix des dérives qui les accompagnent. Un homme de gauche profondément convaincu et d’expérience, fidèle à ses idées et à son bord politique, comme Jean-Yves Le Drian, le déplore lui-même ces jours-ci et ne s’y reconnaît plus : l’alliance du Nouveau Front Populaire, et les idées qu’elle met en avant, a plus à voir avec la gauche de Robespierre (« et encore ! » précise-t-il) qu’avec celle de Delors ou Badinter.

C’est à une véritable culture de la censure, de l’appel à la rue, du recours estimé en certains cas justifié à la violence, pouvant aller parfois jusqu’à la chasse à l’homme, qu’une partie de la gauche est mue, ayant beau jeu de se référer à tel ou tel acte ponctuel détestable et bien évidemment totalement condamnable d’une « ratonnade » qui aurait eu lieu dans d’autres sphères d’influence que la sienne, pour mieux tenter de masquer ce qui est bien plus consubstantiel à son camp ou du moins certains qui s’en réclament. De manière stupéfiante, sans égard, de manière plus générale, pour le respect de la liberté d’expression.

Certains entrevoient déjà, dès leur arrivée au pouvoir, une purge dans les médias, à commencer bien sûr par la chaîne CNews, dont le Fouquier-Tinville des temps modernes Aurélien Saintoul (LFI) tente déjà de manière à peine voilée d’Å“uvrer à sa disparition. Sans oublier le JDD, et tant d’autres médias qui gênent la bonne conscience « démocrate » de cette partie de la gauche.

Même au sein de LFI, la purge a commencé, sans même attendre les élections, comme on le sait. Fidèle aux principes de tous les mouvements révolutionnaires et aux révolutions elles-mêmes, où on commence toujours par éliminer les initiateurs de la première heure.

 

Le gouvernement introuvable ?

Pour conclure, que ces élections se concluent par l’une ou l’autres des hypothèses décrites ci-dessus, il va être bien difficile de gouverner. La France semble bien dans une impasse. Celle liée à tous les renoncements passés, à toutes les compromissions, à tous les excès, au manque de courage, aux atermoiements, à l’économie du diable, ou tout simplement à la bêtise…

Mais après tout, si on se rappelle l’expérience de la Belgique, qui avait connu une situation de crise, sans gouvernement pendant près d’une année… On garde le souvenir qu’elle ne semble jamais s’être si bien portée que cette année-là. Serait-ce donc si dramatique que cela si nous nous trouvions temporairement, en évitant la violence, dans une situation un peu similaire ? Il n’est pas (encore) interdit de rêver…

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  • La gauche étant le camp du bien, qui travaille au bonheur de l’humanité, il est évident que ceux qui ne sont pas d’accord soient éliminés!

    • C’est exactement ce qu’on fait Lénine (puis Staline), Mao, Castro, Pol Pot (bien formé par le PC français de l’époque), Maduro. En démocraties de gauche, rien ne vaut quelques purges sanguinaires pour faire comprendre au peuple quel est son intérêt ; sinon il ne comprend rien et c’est à désespérer ! De toute façon, le peuple ne comprend que la violence de ses dirigeants. Le socialisme a déjà quelques centaines de millions de morts. 1 ou 2 en plus en France si le NFP passe sera absolument nécessaire pour rester dans la tradition démocratique.

      • Vous nous donnez des démocraties populaires dont les leaders se servent de violentes purges pour garder le pouvoir ( voir comment le camarade Xi a nettoyé le PCC des son arrivée au sommet pour bien sur lutter contre la corruption……🤣🤣🤣)
        En_France le NPF avec 30% des voix n a aucun chance d avoir une majorité absolue d autant plus que cette nupes 2 n est qu un pur
        accord électoral dominé par LFI
        Inutle de se faire peur en annonçant de manière grotesque et ubuesque des millions de morts….🤣🤣🤣🤣

  • Je ne connais que peu de personnes se réclamant de la gauche et qui ne soient pas violents (soit en parole , soit en actes, soit en visée ) . Pourquoi ? Ils détiennent le Bien, ils sont bons . Pour nombreux d’entre eux la droite c’est le Mal et leurs électeurs des immondices. Il faut se souvenir des slogans utilisés contre Sarkozy . A ma grande surprise , une des personnes avec laquelle j’ai pu discuter était une LFI.

  • La violence est consubstantielle aux 2 extrêmes qui étant minoritaires, ne peuvent qu agir en dehors des urnes qui leurs sont défavorables
    La violence a gauche est essentiellement dans les bras LFi, NPA avec une minorité verte ainsi que la CGT…..Le PS PCF, EELV, CFDT, FO…..rejette cette hystérie gauchiste
    Quant à la violence a droite, elle existe également les groupuscules extrêmes y prennent part volontiers, la FNSEA l a très souvent utilisée
    Reconnaissons que les violence de droite passent plus souvent et plus sévèrement en justice alors que leurs compères de gauche ont droit a beaucoup trop d indulgence voir d admiration……

  • Ceux qui ont annihilé une civilisation en égorgeant ceux qui l’avaient construite afin d’instaurer le système politique de leur préférence, qui impose un mot de pensées factices, repousse toute contrainte morale et dont ils se pensent depuis toujours les seuls propriétaires, se serviront fatalement de la même cruauté pour se le conserver.

  • “en cas de victoire du Rassemblement national et de nomination de Jordan Bardella comme Premier ministre, alors il semble évident à à peu près tout le monde que le pays s’embrasera.”
    C’est bien sûr impossible à mesurer mais je suis certain que cette peur de l’embrasement a retenu de nombreux électeurs de voter RN.
    Dans un pays qui se veut une démocratie, c’est pour le moins inquiétant.

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