Méfiez-vous de l’attrait des « solutions » simples

Les attitudes et les opinions de la soi-disant « élite » d’aujourd’hui sont enfantines et reposent sur des solution simples et simplistes.

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Méfiez-vous de l’attrait des « solutions » simples

Publié le 10 juin 2022
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Par Donald J. Boudreaux.

Les attitudes et les opinions de la soi-disant élite d’aujourd’hui – ces formateurs d’opinion publique que Deirdre McCloskey appelle « la cléricature » – sont infantiles. La plupart des journalistes et des essayistes travaillant pour la majorité des grands médias et des entreprises de divertissement, ainsi que la plupart des professeurs et des intellectuels publics, pensent, parlent et écrivent sur la société avec la perspicacité d’un enfant de maternelle.

Cette triste vérité est masquée par la seule caractéristique qui distingue la cléricature des jeunes enfants : la virtuosité verbale. Pourtant, sous les beaux mots, les belles phrases, les métaphores saisissantes et les allusions affectées se cache une immaturité de pensée notable. On croit que chaque problème social et économique a une solution, et cette solution est presque toujours superficielle.

Contrairement aux enfants, les adultes comprennent que bien vivre sa vie commence par l’acceptation du caractère inéluctable des compromis. Contrairement à ce que vous avez pu entendre, vous ne pouvez pas tout avoir. Vous ne pouvez pas avoir plus de telle chose si vous n’êtes pas prêt à avoir moins de telle autre chose. Et ce qui est vrai pour vous en tant qu’individu l’est aussi pour tout groupe d’individus.

Nous, les Américains, ne pouvons pas demander à notre État d’augmenter artificiellement le coût de la production et de l’utilisation des carburants carbonés, à moins que nous ne soyons prêts à payer des prix plus élevés à la pompe et, par conséquent, à avoir moins de revenus à dépenser pour acquérir d’autres biens et services. Nous ne pouvons pas utiliser la création monétaire pour atténuer aujourd’hui la douleur des blocages du covid sans endurer demain la plus grande douleur de l’inflation.

Alors que les enfants tapent du pied en signe de protestation lorsqu’ils sont confrontés à la nécessité de faire des compromis, celle-ci est acceptée comme une évidence par les adultes.

Il est tout aussi important de noter que contrairement aux enfants, les adultes ne se laissent pas séduire par le superficiel.

Observez attentivement la manière dont les ecclésiastiques (qui sont pour la plupart, mais pas exclusivement, des progressistes) proposent de « résoudre » presque tous les problèmes, réels ou imaginaires. Vous découvrirez que la « solution » proposée est superficielle ; elle est ancrée dans l’hypothèse naïve que la réalité sociale au-delà de ce qui est immédiatement observable n’existe pas ou n’est pas affectée par les tentatives de réarranger les phénomènes de surface. Pour la cléricature, la seule réalité qui compte est celle qui est facilement visible et apparemment facile à manipuler par la coercition. Les « solutions » proposées par la cléricature consistent donc simplement à réarranger, ou à tenter de réarranger, les phénomènes de surface.

 

Des solutions simplistes

Certaines personnes utilisent-elles des armes à feu pour tuer d’autres personnes ? Oui, malheureusement. La « solution » superficielle de la cléricature à ce problème réel consiste à interdire les armes à feu.

Certaines personnes ont-elles une valeur financière nettement supérieure à celle d’autres personnes ? Oui. La « solution » juvénile de la cléricature à ce faux problème consiste à taxer lourdement les riches et à transférer les recettes aux moins riches.

Certains travailleurs reçoivent-ils des salaires trop bas pour faire vivre une famille dans l’Amérique moderne ? Oui. La « solution » simpliste de la cléricature à ce faux problème (« faux » parce que la plupart des travailleurs qui gagnent des salaires aussi bas ne sont pas chefs de famille) consiste à demander à l’État d’interdire les salaires inférieurs à un certain minimum stipulé.

Certaines personnes subissent-elles des dommages matériels importants, voire perdent leur vie, à cause des ouragans, des sécheresses et d’autres épisodes de mauvais temps ? Oui. La « solution » paresseuse de la cléricature à ce problème réel consiste à modifier le climat en réduisant les émissions d’un élément, le carbone, dont on pense aujourd’hui (de manière un peu trop simpliste) qu’il détermine fortement le climat.

Les prix de nombreux biens et services « essentiels » augmentent-ils de manière significative immédiatement après une catastrophe naturelle ? Oui. La « solution » contre-productive de la cléricature à ce faux problème – « contre-productive » et « fausse » parce que ces prix élevés reflètent et signalent précisément les réalités économiques sous-jacentes – consiste à interdire la facturation et le paiement de ces prix élevés.

Lorsque des pressions inflationnistes s’accumulent en raison d’une croissance monétaire excessive, ces pressions sont-elles évacuées sous la forme d’une hausse des prix ? Oui, en effet. La « solution » infantile de la cléricature au problème très réel de l’inflation est de le mettre sur le compte de la cupidité tout en augmentant les impôts sur les bénéfices.

Le virus SRAS-CoV-2 est-il contagieux et potentiellement dangereux pour l’homme ? Oui. La « solution » simple d’esprit de la cléricature à ce problème réel consiste à empêcher les gens de se rencontrer.

De nombreux Américains ne reçoivent-ils toujours pas un enseignement de qualité minimale acceptable au lycée ? Oui. La « solution » paresseuse de la cléricature à ce problème réel consiste à accorder des augmentations de salaire aux enseignants et à dépenser plus d’argent pour les administrateurs scolaires.

Certains travailleurs américains perdent-ils leur emploi lorsque les consommateurs américains achètent davantage d’importations ? Oui. La « solution » de la cléricature consiste à empêcher les consommateurs d’acheter des produits importés.

Certaines personnes sont-elles des fanatiques et éprouvent-elles une aversion ou une peur irrationnelle à l’égard des Noirs, des gays, des lesbiennes et des bisexuels ? Oui. La « solution » de la cléricature à ce problème réel consiste à interdire la « haine » et à obliger les personnes sectaires à se comporter comme si elles ne l’étaient pas.

De nombreuses personnes ayant le droit de voter aux élections politiques s’abstiennent-elles de le faire ? Oui. La « solution » privilégiée par une partie au moins de la cléricature à ce faux problème – « faux » parce que dans une société libre, chacun a le droit de s’abstenir de participer à la politique – consiste à rendre le vote obligatoire.

La liste ci-dessus de « solutions » simplistes et superficielles à des problèmes réels et imaginaires peut facilement être étendue.

 

Allons au-delà des solutions simplistes

La cléricature, confondant les mots avec les réalités, suppose que le fait de réussir à décrire verbalement des réalités qui lui plaisent davantage prouve que ces réalités imaginées peuvent être rendues réelles en réorganisant simplement les phénomènes de surface pertinents. Les membres de la cléricature ignorent les conséquences involontaires. Et ils négligent le fait que nombre des réalités sociales et économiques qu’ils abhorrent sont le résultat non pas d’une méchanceté ou d’imperfections corrigibles, mais de compromis complexes effectués par d’innombrables individus.

L’ingénierie sociale ne semble réalisable que pour ceux qui, ne voyant qu’un nombre relativement restreint de phénomènes de surface, sont aveugles à l’étonnante complexité qui s’agite constamment sous la surface pour créer ces phénomènes de surface. Pour ces personnes, la réalité sociale apparaît comme à un enfant : simple et facile à manipuler pour réaliser les désirs qui motivent les manipulateurs.

Les rangs de la cléricature sont remplis en grande majorité d’individus simples d’esprit qui confondent leur aisance avec les mots et leurs bonnes intentions avec une réflexion sérieuse. Ils se donnent les uns aux autres, ainsi qu’au public sans méfiance, l’apparence d’être des penseurs profonds alors qu’ils pensent rarement avec plus de sophistication et de nuance que ce qui est exposé quotidiennement dans chaque classe d’enfants de maternelle.

Traduction Contrepoints.

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  • Merci pour cet excellent article.

  • « …fait de réussir à décrire verbalement des réalités qui lui plaisent davantage prouve que ces réalités imaginées peuvent être rendues réelles en réorganisant simplement les phénomènes de surface pertinents. Les membres de la cléricature ignorent les conséquences involontaires »

    La cléricature ignore les conséquences involontaires ou elle invente des conséquences qui l’arrange bien : elle utilise des situations possibles pour justifier des situations présentes comme un moindre mal par rapport à un mal, qui quelque probable qu’il soit n’a pas encore existé. Cela leur permet de justifier à peu près TOUT au nom de d’horreurs potentielles qui ne sont pas arrivés.
    C’est tellement pratique que je les envie un peu de manier ce procédé , mais réflexions faites, je préfère ne pas les imiter et continuer à pouvoir me regarder dans un miroir.
    Bonne journée à tous.

  • Ben oui, tout « simplement ».

  • Nous sommes attirés les solutions simples car elles évitent l’effort. Et quelque part en chacun de nous sommeille un feignant (voire un roublard) qui veut le résultat sans la sueur. C’est ce que j’appelle l’attrait de la martingale. L’éducation bien menée consiste à enseigner que l’effort en vaut la peine, qu’il peut ne pas fonctionner comme on l’espère mais qu’au bout du compte il satisfait et fait grandir sur le long terme . A l’inverse la martingale procure un plaisir vif sur le moment, mais non durable . Aujourd’hui nous sommes entourés par des vendeurs de martingales, ils mènent le haut du pavé. Ils considèrent que les partisans de l’effort sont des méchants quand ils y arrivent ou des andouilles s’ils se cassent la gueule. Les valeurs sont inversées c’est caractéristique du socialisme .

    • Dans mon quotidien et mon existence jusque là je constate peu de nuance et de sophistication dans la pensée des personnes. C’est un trait de l’esprit ! Le résultat de la société actuelle est en partie le fruit de pensées simplistes passées (les croyances). Le monde fonctionne ainsi, croyances + corrections = progression. Les corrections sont l’épreuve du réel (fonctionne ou non, la connaissance, la diversité/concurrence..).

      C’est dommage et même une erreur de s’en prendre à une seule catégorie de la population comme un bouc émissaire, c’est presque un peu simpliste non ?

      • @indivisible « s’en prendre à une seule catégorie de la population comme un bouc émissaire » vous parlez de qui ? (qui s’en prend et qui comme bouc émissaire )

        • Vous sortez mon propos de son contexte ! Je ne vous suivrez pas. La pensée simpliste n’est pas l’apanage de la cible de l’auteur. C’est tout ! Pour moi c’est une question qui concerne la société dans son ensemble. Il y a probablement quelque chose d’un peu plus subtil et nuancé dans cette histoire. Ma devise est pour trouver les bonnes solutions il faut se poser les bonnes questions, ce que l’auteur semble promouvoir seulement dans ces exemples.
          Ok c’est certainement volontairement partisan de sa part mais quelle portée alors en espérer ?

  • Afin d’appliquer cet excellent article à la France, j’aurais remplacé le mot « cléricature » qui désigne les ecclésiastiques (fort nombreux et influents aux USA) par, au choix, les mots suivants :
    – les socialistes (de l’extrême gauche à l’extrême centre
    – les politiques (qui prêchent tous comme les socialistes (voir au-dessus)
    – les commentateurs de France Inter. (journalistes et invités).

    • Ce terme de clericature me fait plutôt penser à la bureaucratie, littéralement « pouvoir du clerc », le clerc étant celui qui tient les registres d’où découle son autorité.
      Il y a eu bifurcation sémantique, aussi bien en anglais qu’en français, lorsque cette fonction réservée au clergé est devenue laïque (évêché -> préfecture).
      L’administration ne pouvant s’encombrer de nuance ni de subtilité est nécessairement simpliste et là où elle conquiert l’exécutif (suivez mon regard) elle devient nécessairement contagieuse et dévastatrice.

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