Le Canada traverse une importante crise de la représentation qui a culminé en février dernier durant la révolte des camionneurs. Si la confiance d’une partie de la population envers la classe politique est chancelante, sa confiance envers les médias traditionnels est en chute libre, la montée dudit « complotisme » étant la plus forte manifestation de cette récente rupture. Au Québec, 50 % des gens croient aujourd’hui que les journalistes cherchent délibérément à les tromper, selon un sondage de la firme Edelman, publié fin mars dernier.
Comme partout en Occident, le traitement médiatique de la pandémie a accentué le sentiment de milliers de personnes de ne plus être considérées par des médias ayant mené une véritable campagne de peur.
Le tournant de la pandémieÂ
Ces deux dernières années, les insultes ont fusé dans la presse pour décrire les opposants aux mesures sanitaires, en particulier au Québec, dont le Premier ministre s’est vanté d’appliquer les restrictions les plus sévères en Amérique du Nord.
« Covidiots », « touristatas » (combinaison de touristes et du mot tata désignant en français québécois un imbécile) : rien n’a mis fin à l’élan vindicatif de chroniqueurs et journalistes apparaissant de plus en plus comme les porte-paroles du gouvernement aux yeux d’une catégorie stupéfaite de la population. En mars dernier, le Conseil de presse du Québec a d’ailleurs tranché que l’utilisation de ces termes dans des articles factuels allait à l’encontre de la neutralité journalistique, blâmant trois fois pour cette raison Le Journal de Montréal, l’un des quotidiens les plus lus dans la Belle Province.
Au Québec, durant la pandémie, l’appui aux grands médias du gouvernement Legault a été considérable, pour ne pas dire scandaleux. Entre mars 2020 et novembre 2021, Québec a dépensé 228,2 millions de dollars canadiens en publicités consacrées à la prévention du virus dans les médias, en plus des 50 millions annuels sous forme de subventions directes, une somme qui aurait bien sûr pu être injectée dans le système de santé lui-même. Une manière de peser sur l’opinion de chroniqueurs et journalistes pourtant déjà sensibles à l’hystérie ambiante, personnalités dont les salaires dépendaient ainsi directement de l’État.
La cancel culture comme outil de censureÂ
Durant cette crise dont les séquelles se feront longtemps sentir sur le plan psycho-social, les moyens n’ont pas manqué pour tenter d’orienter l’opinion publique. En septembre 2020, durant la deuxième vague de l’épidémie, la Ville de Québec et des sociétés d’État comme Hydro-Québec ont pris la décision de retirer leurs publicités de la controversée station Radio X, média qui était doté d’une ligne éditoriale opposée au discours officiel. Sous la pression, plusieurs commerces et entreprises décidèrent de faire de même et donc de retirer leurs placements publicitaires, terrorisés à l’idée d’être associés aux idées condamnées par le clergé sanitariste.
Une autre manière d’annuler l’expression d’un point de vue pourtant partagé par de nombreux citoyens et présenté comme dangereux pour la santé, pouvant donc favoriser, dans cette logique, la mort de centaines de personnes.
Place aux nouveaux médias indépendants
Signe de la méfiance dans l’air, ils sont nombreux chez les électeurs du Parti conservateur du Canada à réclamer la privatisation de Radio-Canada pour mettre fin à ce qu’ils voient comme un régime de propagande. Ils reprochent au diffuseur public de faire entendre uniquement les points de vue progressistes dans un Canada où le sanitarisme en sera venu à concurrencer le multiculturalisme comme religion d’État. Une récente étude conclut qu’une majorité de Canadiens appuierait cette démarche si elle était mise en branle. Le favori dans la course à la chefferie des Conservateurs, Pierre Poilievre, s’est montré favorable à ce projet, un candidat aux accents « antisystèmes » disant vouloir « redonner aux Canadiens le contrôle sur leur vie ».
Au Canada, le financement public de médias reposant sur un modèle économique en partie désuet pose plus que jamais la question de leur neutralité. Heureusement, des médias alternatifs émergent au pays, comme Libre Média au Québec, dont la mission est d’œuvrer « à protéger la liberté d’expression, la liberté de presse et la démocratie », et qui, pour cette raison, refusera toute subvention. Dans un contexte où le libéralisme est affaibli par le nouvel ordre sécuritaire, il faut espérer que ces initiatives contribuent à défaire le monopole de la pensée unique.
Laisser un commentaire
Créer un compte