« Sous la Révolution » de Gosselin Lenotre

La Révolution française au quotidien. Ou comment tuer, spolier, pourchasser, massacrer, faire régner la Terreur, au nom de la « Liberté ».

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« Sous la Révolution » de Gosselin Lenotre

Publié le 22 janvier 2022
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Méfions-nous des révolutionnaires. Et de tous ceux qui entendent proclamer « la Liberté » – et non pas « les libertés » – en lui prêtant une vision qui leur est propre et est faite bien souvent de profonde intolérance, s’assimilant plutôt à des formes de totalitarisme qui cachent leur nom.

Ces révolutionnaires proclamés sont la plupart du temps des nostalgiques de la Révolution française, qui constitue leur point de référence, ainsi que pour ceux qui ont pu mener des révolutions par la suite, à l’instar de ce qui s’est produit en Russie en 1917 et a débouché sur l’enfer soviétique, puis a inspiré d’autres totalitarismes.

C’est le mérite du petit livre de Gosselin Lenotre que de nous faire vivre quelques monstrueux épisodes de la Révolution française au quotidien. Et de mieux percevoir ce qu’ont pu ressentir des personnes ayant vécu à cette époque, martyrisées au nom de la Liberté.

La Révolution au jour le jour

Xavier Martin, dans son brillant essai La France abîmée, nous faisait découvrir le quotidien des Français à l’époque de la Révolution. Celle du règne des médiocres et du conformisme exacerbé, où le vocabulaire à lui seul suffit à se rendre compte à quel point la défense proclamée de la liberté est antinomique avec celle-ci : les « ennemis du peuple » se trouvaient pourchassés, la « loi des suspects » pouvant faire de n’importe qui un coupable potentiel, susceptible d’être repéré par des « comités de surveillance », avant de subir la très expéditive « Justice révolutionnaire », particulièrement sommaire et sanglante.

C’est l’optique que retenait de manière particulièrement vivante, car narrative, Gosselin Lenotre, nom de plume de l’académicien du XXe siècle Théodore Gosselin, historien et dramaturge spécialiste de la Révolution, arrière petit-neveu d’André Le Nôtre.

Dans ce petit volume, il retrace plusieurs épisodes évocateurs de cette révolution, à travers des témoignages douloureux de victimes et de faits atroces qu’il nous narre avec le talent du chercheur puis du conteur qui parvient à restituer l’angoisse et la stupeur des mœurs décadentes de l’époque.

Terreur, massacres, noyades collectives, chasse à l’homme, échafaud

Ainsi assistons-nous à six moments particuliers, vus sous l’angle du témoignage et du présent restitué qui retracent particulièrement bien comment, au quotidien, dans une véritable surenchère de haine et de violence, des esprits illuminés, sous le prétexte d’idéaux de liberté, se transforment en véritables despotes et bourreaux d’innocents, sans que l’immense majorité des gens ose réagir, de peur de connaître le même sort.

D’abord les premières heures de la révolution, à Versailles, dans l’angoisse de la confusion, de l’agitation, de la menace, de l’hésitation, des mouvements de foule, de la violence et de l’horreur incontrôlée, déjà.

Puis, dans un deuxième chapitre, nous suivons les événements successifs qu’ont vécus les églises sous la Terreur, avec les spoliations, les prêtres qui doivent prêter serment et les « réfractaires », à qui sont promis les pires ennuis. Mais aussi les cloches – parfois multi-centenaires et véritables joyaux historiques – descendues des tours, brisées pour être fondues sans discernement et sans que cela ne rapporte rien, les fermetures d’églises et l’institution de la « fête de la Raison », suivie de destructions immondes et pitoyables, de massacres, sacrilèges, sans oublier la violation des tombes de Saint-Denis et le spectacle pitoyable qui est fait des dépouilles des grands rois.

Le troisième chapitre s’intéresse à l’itinéraire d’un jeune capitaine apprécié et bon vivant mais un peu intrépide qui, n’ayant sans doute pas bien pris la mesure des événements, se retrouve détenu sans en être inquiet dans un premier temps, avant d’assister heure après heure au massacre successif de ses co-détenus, jugés de manière très sommaire. Son passage devant le tribunal improvisé finit par venir, les monstres sanguinaires attendant leur proie dans l’arrière-cour, des spectateurs se réjouissant de l’épouvantable boucherie quotidienne. On suit d’heure en heure l’angoisse qui monte, la stupeur, le retournement de situation, … et Jourgniac qui, comme par miracle, en réchappe, acclamé par les sanguinaires par un époustouflant retournement de situation.

Le quatrième chapitre décrit dans le menu détail comment la première noyade collective a été planifiée et organisée à Nantes. Ce crime longuement prémédité, sous l’orchestration des acolytes de l’effroyable Carrier, nous révèle non seulement des heures particulièrement sinistres, mais aussi le sort peu enviable qui attendit les rares miraculés qui en réchappèrent momentanément.

Le cinquième chapitre narre l’histoire de deux femmes courageuses, les sœurs de Rénac, et la manière dont elles furent elles aussi emportées par les événements. Tandis que le dernier chapitre évoque les dernières heures de condamnés, leur transport par les charrettes à travers la capitale, jusqu’à l’échafaud.

Au nom de la liberté

Autant d’épisodes vécus de l’intérieur et qui vous glacent le sang. Il ne s’agit plus ici de la grande Histoire, mais de la petite. Celle du vécu au jour le jour des contemporains de la Révolution. Menée au nom de la Liberté.

Il faut « contraindre le peuple à être libre », selon les bons mots du féroce Turreau, se conformant ainsi tout comme d’autres à l’idée de Rousseau selon laquelle il faut « assujettir les hommes pour les rendre libres ».

De quoi laisser bien songeur…

 

Gosselin Lenotre, Sous la Révolution, Le cavalier, mai 2021, 128 pages.

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