L’enfer est pavé de bonnes intentions (11) : la Révolution

Un très beau roman et très fort, sorti en avril, permet de retracer ce que les gens ont pu vivre, au quotidien, suite à la Révolution de 1979 en Iran.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Les Jacarandas de Téhéran (Crédits : Albin Michel, tous droits réservés)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’enfer est pavé de bonnes intentions (11) : la Révolution

Publié le 5 juin 2014
- A +

Il existe au moins deux sortes de révolutions : celles qui entendent renverser par exemple un dictateur en place, et celles qui ont pour prétention de changer la société, le monde ou l’Homme. Derrière ces dernières se cache généralement… l’enfer. Illustration à travers la Révolution iranienne.

Par Johan Rivalland

Avec les révolutions auxquelles nous nous intéressons ici, les choses se passent toujours à l’identique, selon un scénario qui semble tristement immuable. D’abord on trouve les intellectuels idéalistes et leurs délires de refondation de l’humanité. À leurs côtés se trouvent tous les combattants ou militants de la première heure, les « purs », ceux qui croient en la cause défendue et s’investissent totalement dans la fondation de la nouvelle Société. Puis vient l’heure des désillusions, des trahisons et du remplacement de cette première génération d’hommes par d’autres moins subtils et moins inspirés par les grands principes initiaux.

Quelle que soit la phase, les moyens utilisés sont les mêmes : l’éradication du passé, la destruction, la torture morale et physique, le totalitarisme, la mort. Au nom de principes plus que douteux.

Les Jacarandas de Téhéran

Un très beau roman, sorti en avril, écrit par un auteur qui s’inspire manifestement de sa propre histoire, permet de retracer une partie de ce que les gens ont pu vivre, au quotidien, suite à la Révolution de 1979 en Iran.

Née en 1983 dans la prison d’Evin à Téhéran et vivant aujourd’hui en exil à l’étranger, on sent à quel point cette narration est forcément très proche de ce que cet auteur, Sahar Delijani, et ses proches ont vécu.

JacarandasDébutant justement dans la prison d’Evin et la situation terrible, pour ne pas dire inhumaine, de la jeune Azar, sur le point d’accoucher, mais que l’on n’hésite pas à « interroger » et maltraiter jusqu’au bout, après l’avoir convoyée dans des conditions plus que précaires les yeux bandés à travers Téhéran, on comprend à quel itinéraire l’auteur nous prépare, à quelle évocation forte des réalités de l’Iran post-révolutionnaire elle nous convie. Le décor est planté et les choses ne font que commencer.

On va découvrir, au fur et à mesure de l’avancement de cette saga, comment trois générations d’Iraniens ont souffert dans leur chaire autant que dans leur âme de la tyrannie des hommes au pouvoir et leurs terrifiants Gardiens de la Révolution, que ce soit au moment de la Révolution de 1979, mais aussi dans les décennies qui vont suivre, jusqu’aux tentatives de contre-révolution, à l’image de celle de 2009 et la terrible répression à laquelle elle a donné lieu, n’étant que la partie apparente de celle qui existait depuis les débuts, mais de manière bien moins visible et non moins sanguinaire.

Une Révolution aux ressorts hélas bien classiques ; avec son lot d’espoir, puis de déceptions, de trahisons, de jusqu’au-boutisme, de souffrances, disparitions, tortures, exécutions et d’esprit totalitaire. Une vision cauchemardesque qui va entraîner des familles entières dans le traumatisme, la perte de la liberté, l’horreur et les cicatrices indélébiles qui marqueront les acteurs des événements comme leurs descendants, dans un processus infernal qui n’entrevoit pas encore de véritable aboutissement, malgré l’espoir et les illusions perdues.

Un roman témoignage fort, qui mérite toute notre attention. Bouleversant et très évocateur de certaines réalités. Bien écrit et qui a le mérite à la fois de nous faire connaître le sort qui fut réservé à tant d’hommes et de femmes disparus mystérieusement sans laisser de trace et sans que l’on puisse connaître exactement le sort qui leur fut réservé.

Et un roman qui permet de nous rappeler, au-delà des considérations géopolitiques habituelles, le calvaire vécu actuellement par tous ceux qui continuent d’être les victimes silencieuses de ces révolutions abominables, que ce soit en Iran ou ailleurs.

— Sahar Delijani, Les Jacarandas de Téhéran, Albin Michel, avril 2014, 300 pages.

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Vous m’avez donné envie de lire ce livre 🙂
    Petite question: plusieurs formes de révolution mais l’auteur n’en cite que 2 en exemple, ce serait quoi les autres et elles suivraient quels processus?
    Merci!

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
2
Sauvegarder cet article

Il est coutume dans nombre de régimes, où la contestation gronde, de lire ou d’entendre « mais que font les gens ? » tout en s’excluant soi-même de toute action immédiate ou à court terme. Le réflexe est très commun, et trouve son origine dans les mythes révolutionnaires.

C’est l’imagerie des peuples en armes ou des armées du peuple qui ont forgé cette fiction de masses d’individus capables d’infléchir le destin d’une communauté. En somme, faire accroire que les peuples sont les acteurs directs de leur propre histoire.

 Poursuivre la lecture

Si une part importante des vecteurs a été interceptée par le système israélien de défense antimissiles, le Hezbollah estime que l’opération de représailles a atteint son objectif, car l’une de ses fonctions était de démontrer sa capacité à frapper en profondeur le territoire d’Israël. Toutefois, le secrétaire général du Hezbollah a précisé que cette opération n’engageait que son organisation, laissant à l’appréciation discrétionnaire de l’Iran la décision de mener à son tour des frappes de rétorsion à la suite de l’assassinat sur son sol du l... Poursuivre la lecture

Le 7 juillet au soir, nous saurons quels sont les nouveaux rapports de force politiques dans notre pays. Chacun des camps opposés pourra compter son nombre de députés élus, et devrait suivre rapidement - probablement dès le lendemain ou dans les jours qui suivent - la nomination d’un nouveau Premier ministre par le président de la République (en attendant une éventuelle future démission de ce dernier, selon le scénario retenu, mais qui ne devrait pas être pour tout de suite). Avec les difficultés que l’on sait, car aucune majorité claire ne d... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles