Zemmour, facteur X de la présidentielle

Zemmour a-t-il autre chose à nous apporter qu’ériger l’immigration en bouc émissaire bien pratique et pour solution un État fort et souverainiste ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Zemmour, facteur X de la présidentielle

Publié le 17 juin 2021
- A +

Par Elie Blanc.

À un an de la présidentielle, il est encore hasardeux de faire des pronostics sur les chances des candidats en présence, les dernières élections et leur lot d’affaires survenues au moment opportun nous forçant à rester très prudents.

Il y a tout de même un point sur lequel tout le monde s’accorde : si les choses devaient rester en l’état (ce qui, encore une fois, est une hypothèse forte), on assistera sans doute à un nouveau duel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. C’est probablement le scénario rêvé pour le Président : face à la candidate du RN, il sait qu’il pourra compter sur un vote de rejet d’une part considérable d’électeurs.

Pourtant, depuis quelques mois, circulent des rumeurs sur une possible candidature d’Éric Zemmour. Le polémiste n’a jamais affirmé publiquement être candidat, mais il se garde bien de démentir la nouvelle et certains disent même qu’il prépare déjà sa campagne.

Au sein du RN l’inquiétude grandit et Marine Le Pen a indiqué qu’une candidature d’Éric Zemmour « aiderait Macron », pendant que son père Jean-Marie Le Pen « déconseillait amicalement » au polémiste de se présenter. Le raisonnement est simple : le programme d’Éric Zemmour étant proche de celui de la candidate du RN, sa candidature diviserait l’électorat et ferait prendre le risque de n’avoir aucun candidat du camp national au second tour.

Une analyse diamétralement opposée est pourtant possible : une candidature de Zemmour pourrait bien être la meilleure alliée de Marine Le Pen. En effet, les sondages réalisés par le magazine Valeurs Actuelles semblent indiquer que Zemmour n’est pas capable de rassembler suffisamment pour menacer les chances de Marine Le Pen au second tour. Les conséquences d’une candidature du journaliste du Figaro seraient alors très positives pour la candidate du RN.

Elle permettrait de centrer les débats sur les thèmes de prédilection de son parti, à commencer par l’immigration, la sécurité, l’islam… Mais surtout, elle atténuerait son image de candidate d’extrême droite dans la mesure où même si son programme est proche de celui de Zemmour, elle est beaucoup plus modérée dans ses propos.

Sa stratégie de communication entamée depuis plusieurs années (la fameuse dédiabolisation) est à l’opposé de celle de Zemmour, qui, en polémiste, cherche précisément à être clivant et provoquant. De cette manière, Zemmour endosserait le statut de candidat d’extrême droite, et rendrait la candidature de Marine Le Pen socialement plus acceptable, puisqu’elle apparaîtrait par contraste comme plus modérée.

Il semble de toutes façons de plus en plus évident que la rhétorique de barrage à la haine ne fonctionnera pas éternellement.

Les mairies dirigées par des membres du RN n’ayant pas ouvert de camp de la mort, Trump n’ayant pas déclenché de guerre mondiale comme on nous l’avait prédit, les discours visant à assimiler le RN et toute personne qui ose se montrer un peu trop conservatrice au parti nazi trouvent logiquement de moins en moins d’écho chez les Français. Certains médias ont d’ailleurs déjà changé leur fusil d’épaule par rapport à 2017.

Présenter la candidature de Macron comme un rempart pour les libertés serait une farce : son gouvernement a pris tellement de mesures n’ayant rien à envier à certains régimes totalitaires qu’il serait trop long d’en faire la liste. Si l’on peut légitimement penser que le programme de Marine Le Pen constitue un danger potentiel pour nos libertés, le doute n’est plus permis pour le Président sortant.

Des débats sans profondeur

Une candidature de Zemmour serait également de mauvais augure pour la qualité des débats, qui se concentreront encore davantage sur l’immigration ou la sécurité.

Alors certes il est normal que ces thèmes soient abordés, et il faut arrêter de diaboliser tous ceux qui souhaitent une politique migratoire ou sécuritaire plus stricte. Mais faire de l’immigration un bouc émissaire ne permettra pas de discuter des problèmes structurels dont souffre la France et même sur ces questions la rhétorique de Zemmour est discutable.

En matière de sécurité, le problème de fond est-il l’immigration comme le soutient Zemmour, ou le fait que l’État préfère faire rouler des trains plutôt qu’avoir une justice efficace ?

Ne faut-il pas d’abord dénoncer la lenteur et l’inefficacité des procédures, les liens amicaux qui lient le parquet et la magistrature, la guerre absurde contre la drogue ou encore l’engagement politique des magistrats avant de chercher des liens entre immigration et insécurité ?

L’urgence est-elle de dénoncer la nomination d’une chanson du rappeur Youssoupha comme hymne de l’euro, comme il le fait chaque jour sur CNews, ou de parler du système scolaire qui s’effondre ?

Quelles solutions face au chômage, à la dette publique, et à l’instabilité économique qui suivra les mesures irresponsables prises pendant le covid ?

Comment simplifier les procédures et se débarrasser de la bureaucratie dans laquelle la France s’est embourbée ?

Face à ces problèmes, Zemmour a-t-il autre chose à nous apporter qu’ériger l’immigration en bouc émissaire bien pratique et en solution un État fort et souverainiste ?

La candidature de Zemmour ne se démarquerait ainsi pas de celles de ses opposants, tous convaincus d’être la personne providentielle qui sauvera le pays, chacun avec sa propre vision de la société qu’il entend imposer à tous et financer par l’argent magique des impôts. À défaut de voir un candidat aux idées libérales se présenter, peut-on au moins espérer qu’une seule fois dans le débat le rôle de l’État soit remis en question ?

 

Voir les commentaires (22)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (22)
  • Qu’il reste le polémiste talentueux qu’il est . La politique va le tuer.

  • que faire ? dans un pays ou la droite et la gauche se sont disputés le pouvoir depuis des décennies avec les résultats que l’on voit , n’est_il pas normal d’être tenté par autre chose ? je vois pourtant mal Zemmour président …. mais se taper encore 5 ans de macronisme , non merci ;

    • « la droite et la gauche se sont disputés le pouvoir » : se sont partagé serait plus juste…

    • Au regard du dernier sondage IFOP/le point qui donne Le Pen à 28% sans ou avec Zemmour qui serait à 5.5% quelques constats s’imposent :
      – il n’y a pas de candidat libéral en France : celui qui limiterait le périmètre de l’état à la justice, à l’armée, aux affaires étrangères et à l’intérieur débroussaillerait l’arsenal législatif en sanctuarisant le droit français et mettrait en place une constitution à la Suisse avec un recours massif à la votation au niveau national, régional et communal.
      – la première priorité est que Macron arrive 3e au premier tour
      -Zemmour doit se porter candidat
      -Le Pen, Dupont-Aignan, Zemmour, Asselineau et les autres souverainistes doivent se mettre d’accord pour préparer le second tour avec une plate-forme commune des souverainistes affichée avant le premier tour pour prendre date pour les législatives.
      – Le Pen n’a rien à craindre d’une candidature Zemmour ou d’un quelconque souverainiste bien au contraire et elle devrait se rapprocher et discuter avec ces candidats

  • Dans un pays démocratique toute alternance est nécessaire, pourquoi refuser un vrai gouvernement de droite dont la France a été privée depuis De Gaule

    • De Gaulle n etait pas de droite telle qu on la definit actuellement:
      – le gaullisme avait une composante sociale completement evacuee par la droite actuelle (pensez a la participation)
      – le gaullisme croyait en l etat et a la plannification (il y avait un ministere du plan, un plan calcul …)
      Je passe evidement sur le coté bling bling (Sarkozy), la propension a manger a tous les rateliers (Le Maire, Estrosi, Muselier) qui caracterise la doite actuelle

      Sinon c est assez piquant de voir Zemmour ou Le Pen encenser De Gaulle alors que ce sont les enfants de l OAS 😉

    • Purée mais c’est un gros non sequitur le commentaire du Papet, doublé d’une prémisse fausse et ça passe crème.

    • Pourtant on a pu constater une alternance de métronome entre socialisme assumé et cryptosocialisme.

  • La perspective d’avoir Zemmour candidat n’ennuie que le RN, et elle doit sûrement ravir le roitelet. Beaucoup de contestataires décidés à ne plus voter pour une alternance gauche/droite se dirigeaient tranquillement vers un vote RN, mais finalement ils pourraient se répartir entre Zemmour et Marine.
    Même si 50% de gens au bout du rouleau vont voter en 2022, on va se retrouver avec une partie chez Mélenchon, une partie chez Marine, une partie chez Zemmour, et sûrement une partie qui va se déplacer juste pour le plaisir de se défouler sur le bulletin en écrivant des choses salaces.
    Bref une belle dilution des voix des contestataires, pendant que les afficionados macronistes voteront tous pour un second quinquennat royal. Et ensuite, à la télé, on nous annoncera que le président sortant est au deuxième tour en ayant une majorité de voix…
    Est-ce que je suis 100% persuadé que Macron sera réélu ? Quasiment. Je ne vois qu’une possibilité pour qu’il ne le soit pas : s’il décide finalement de passer la main à Edouard Philippe, histoire d’en faire son Dmitri Medvedev.
    Après tout, depuis un an, on a déjà emprunté pas mal d’astuces soviétiques.

    • Pourquoi passer la main a Philippe ? Poutine l avait fait a cause de la constitution russe. Macron n a aucun interet a faire la meme chose

      Sinon vous avez raison, les votes protestaires vont se disperser et Macron sera reelu car il n a aucune alternative credible (personne ne croit serieusement a Le Pen presidente, l UMP n a plus ni programme ni candidat et le PS est un groupuscule. Quant a Melenchon c a sera l election de trop, il fera pas 10 %)

      • Je me dis que s’il n’est pas certain de repasser, plutôt que d’éviter une défaite, Macron pourrait bien être tenté d’envoyer Philippe à sa place. Son égo démesuré ne supporterait pas une défaite, et Doudou lui est fidèle et a une bonne image auprès des français.
        Ensuite, Doudou ferait un quinquennat laborieux vu qu’il reprendra un chantier en ruines, et du coup le petit Manu pourrait revenir après 5 ans de vacances, bien bronzé bien reposé et avec l’image du sauveur.
        Mais ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autres, et très peu probable en effet. Je ne vois pas notre épidémiologiste philosophe et leader du monde libre laisser sa place à quelqu’un d’autre, ami ou ennemi.

      • « Macron n a aucun interet a faire la meme chose »

        A part refiler la patate chaude à qui s’y cassera les dents et revenir dans cinq ans sauver les meubles.

      • « Il n’y a aucune alternative crédible. »

        C’est un commentaire qu’on entend souvent. Il laisse entendre que le pouvoir en place, au contraire de ses opposants, serait crédible.

        Qu’y a-t-il de crédible dans un pouvoir qui a dit que les masques ne servaient à rien, puis qu’il était obligatoire de les porter ? Qui refuse de fermer les frontières en disant « Le virus n’a pas de passeport »?

        Alors certes, on ne sait pas si l’un des autres prétendants au poste ferait mieux… mais il ferait difficilement pire.

        Et à défaut de gagner au change, les Français auraient au moins le plaisir de se défouler en virant Emmanuel Macron.

  • « Une candidature de Zemmour serait également de mauvais augure pour la qualité des débats, qui se concentreront encore davantage sur l’immigration ou la sécurité. »

    ce ne sera pas pire que la qualité des débats actuels !

  • Je crois que l’auteur ne regarde pas les chroniques cnews de Zemmour et ses collègues régulièrement, mais s’en tient aux propos qui ressortent dans la presse subventionnée. Quasiment tous voire tous les sujets énoncés ont été abordés par Zemmour.

    • L’auteur doit être pigiste à l’obs ou libé…
      Autant de mauvaise foi est consternant

    • Pour ma part, je confirme, je n’approuve pas Zemmour sur l’Etat et autres idées associées (Louis XIV et Napoléon), mais effectivement, l’auteur, encore étudiant, est sûrement bien entouré e termes de bien-pensance…

  • Dans tous les cas nous avons des étatistes communistes de gauche, des étatistes socialiste marcheurs et des collectivistes de droite qui sont en de gauche (Zemmour et Lepen sojnt des taxeurs qui pensent que « l’Etat stratège » est notre meilleur allié, donc des gauchistes) Amis libéraux, fuyez!

  • En lisant cet article, j’ai l’impression de tomber sur libé ou l’obs.

    Eric Zemmour, polémiste. C’est bien connu, on parle d’intellectuel de gauche et de polémiste de droite… Ca commence déjà assez mal.

    Réduire les propos de Zemmour à l’immigration est d’une part un mensonge mais surtout, un raccourci aussi consternant qu’idiot.
    L’auteur n’a visiblement vu ou entendu que ce dont il avait envie.

    Zemmour évoque aussi l’économie, la souveraineté juridique, l’obésité de l’administration, l’inaction de la justice (ou son incompétence), la liberté d’entreprise mais aussi une vision gaullienne des investissements publics sans parler de politique étrangère.

    Il développe ses arguments avec suffisamment de talent que plus personne n’ose venir lui apporter la contradiction sans se faire littéralement exploser.

    Zemmour d’extrême droite ? Que dis-je, un nazi !

  • Imaginer que l’Éducation Nationale est un sujet secondaire, après l’immigration, c’est l’apanage de l’innocence.
    L’En est bien en train de produire une nouvelle main d’œuvre : dotée de droits de toutes sortes, ne devant rien prouver, pourvue souvent de handicaps divers qu’il convient de traiter et qui excusent ses insuffisances (les dis… par exemple).
    Cette jeunesse est habituée à la bienveillance (ses notes ne doivent jamais être inférieures à 10/20), elle ne supporte pas les critiques franches et réalistes, elle arrive prochainement dans nos entreprises (les jours où elle sera disponible : pas de rendez-vous médical, pas de contrainte familiale, etc.)

  • J’apprécie généralement Contrepoints.org, mais je regrette que systématiquement votre journal tait ou s’oppose à deux sujets pourtant majeurs à notre époque : l’écologie et l’immigration.

    Non Zemmour ne parle pas que de sécurité et d’immigration. Il essaie de faire revivre ce qu’a été le Gaullisme, c’est-à-dire un nationalisme assumé – mais non extrême, un pays en ordre de marche et pouvant être fier de son oeuvre (ce qui n’est pas le cas depuis 45 ans d’endettement pour rien), une économie capitaliste mais qui se protège des tricheurs chinois, US et autres, du social mais modéré pour ne pas dissuader l’effort et voler les contribuables, une éducation plus méritocratique et élitiste pour donner un sens aux diplômes et répondre à la demande du marché, une écologie moins idiote et moins punitive… bref rien de facho là-dedans.

    Zemmour a ses marotes personnelles (Napoléon et l’histoire), mais c’est le diffamer que de prétendre qu’il est plus extrême que les Le Pen. Jamais le FN/RN n’a été en mesure de poser tous les sujets du débat public comme il le fait, avec de vraies propositions et avec beaucoup plus de nuances dans l’approche que ce que vous affirmez, y compris dans vos articles.

    Ce qui est au contraire choquant de la part d’un journal économique, c’est de ne l’entendre quasiment jamais sur l’immigration qui est un sujet capital de la France actuel, autant pour des raisons sociales qu’économiques : chômage de masse, baisse des qualifications disponibles, hausse du coût réel du travail via les cotisations sociales qui financent les aides des 400.000 migrants annuels qui n’arrivent avec rien depuis 45 ans et qu’il faut loger, nourrir, éduquer, soigner etc., montée de l’insécurité (criminalité, terrorisme islamique) et baisse corrolaire de nos libertés publiques et de notre qualité de vie.

    Contrepoints devrait apporter une critique utile et plus fine d’un homme qui ne critique que les excès du libéralisme et de l’UE, et qui est pour l’instant est le seul à représenter un espoir pour les Gaullistes et la vraie droite dans ce pays.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Peut-on dire que la motion de rejet du projet de loi immigration votée le 11 décembre 2023 est une illustration de la théorie du fer à cheval ? Forgée dans les années 1970, elle considère le spectre politique sous la forme d’un arc de cercle dont les extrémités gauche et droite se rejoignent. Mais disons-le d’emblée, la « horseshoe theory » est moins un postulat étayé qu’un jugement spontané. Il a pourtant eu l’intérêt de mettre la lumière sur la structure de l’offre et de la demande politique. Côté demande, si un tiers des électeurs de La Fr... Poursuivre la lecture

5
Sauvegarder cet article

On s’habitue sans se résigner, ni peut-être comprendre.

Jadis qualifiées de séisme suscitant la sidération, les victoires de partis qualifiés de populiste, ou d’extrême droite (nationaliste-conservateur serait plus exact) par analystes et commentateurs deviennent habituels en Europe. Une tendance inquiétante, vu la faible appétence de la plupart d’entre eux pour les libertés, ou leur complaisance envers le Kremlin. Mais qui devrait surtout pousser dirigeants et relais d’opinion, au lieu d’évoquer rituellement le « retour aux heures les... Poursuivre la lecture

Auteur : Catherine de Vries, Professor of Political Science, Fellow and member of the Management Council of the Institute for European Policymaking, Bocconi University

 

Les résultats des élections néerlandaises du 22 novembre dernier, qui ont vu la victoire du Parti pour la liberté (PVV), ont provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique européen. Les effets de ce scrutin pourraient bien aller au-delà des seuls Pays-Bas.

 

Une première dans l’histoire du pays

Pour la première fois dans l... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles