3 grands types de libéraux : messire Ours, dame Aigle et maître Renard

Alors que l’on voit se multiplier depuis quelques années des lois pour lutter contre l’insécurité d’une part et l’islamisme de l’autre, les libéraux sont loin d’avoir une analyse partagée de ce qui se passe sous leurs yeux.

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3 grands types de libéraux : messire Ours, dame Aigle et maître Renard

Publié le 26 novembre 2020
- A +

Par Thomas Comines.

Il existe sans doute autant de libéralismes que de libéraux. Mais cela n’interdit pas de distinguer des grands groupes d’affinités ou de tempéraments. En l’occurrence, l’attitude des libéraux face à la question sécuritaire constitue certainement une pierre de touche intéressante pour distinguer certains caractères. D’autant que cette question sera probablement un des étendards de la présidentielle de 2022.

Inspirons-nous de La Fontaine, pour le plaisir du portrait, en allant chiner du côté de la métaphore animalière. Trois grands types de libéraux semblent se dessiner derrière les tribunes et débats qui animent notre vie démocratique : messire Ours, soucieux d’un certain mode de vie en communauté, issu du droit ; dame Aigle, qui plane au-dessus de la mêlée et anticipe de loin les mouvements à venir ; et maître Renard, bien sûr, débrouillard et sachant tirer profit de toute situation.

Messire Ours et son confort

La préoccupation première de messire Ours, c’est le droit. Il considère la société comme un tout relativement organique, aux articulations délicates régies par du droit. À cet égard, il est parmi les premiers à s’inquiéter, depuis quelques années, d’une tendance sécuritaire et répressive face à l’islamisme (loi sur le voile à l’école de 2004, loi sur le voile dans l’espace public de 2010, loi sur la sécurité intérieure de 2017, projet de loi sur la fin de l’instruction à domicile, etc.) et à la délinquance des quartiers dits populaires (proposition de loi sur la sécurité globale avec la question du visage des policiers, interdiction des mortiers d’artifice, etc.). Même les propositions de lois sur la haine en ligne, depuis l’affaire Mila et Paty, lui semblent relever d’une telle logique.

Ours, minoritaire chez les libéraux, fait le raisonnement suivant : nos sociétés ouvertes se sont montrées naïves face à d’autres modes d’organisation, venus de l’extérieur, qui minent actuellement nos fondements libéraux ou les détournent de leur fin. À contre-courant du mouvement dominant porté par ses collègues libéraux, il est devenu sceptique sur l’immigration non choisie.

Au fil des années, les lois sécuritaires se multipliant, il en est venu à juger que nous compensions les effets de bord, suscités par des difficultés d’assimilation aux valeurs libérales, par des lois de plus en plus restrictives de nos libertés. Selon lui, plus ces effets de bord se multiplient, plus, au lieu d’interroger la politique migratoire, nous multiplions les lois ad hoc pour y répondre et notre liberté va se rétrécissant.

Ours lit Jean-Éric Schoettl et est effaré : bientôt un contrôle des prêches religieux, pour caractériser les discours déviants sur l’égalité homme/femme ? Il ne veut pas de ce monde illibéral qui se profile.

Les mouvements de droite dure lui font de l’œil, car il pense également que les lois illibérales sont une conséquence de l’immigration non choisie, mais les solutions de cette droite, tout autant illibérales, lui font également horreur. Parti de Karl Popper et de Hayek, il se rapproche de plus en plus de Montesquieu et croit que décidément, les démocraties reposent sur la vertu de leurs citoyens, que le droit ne saurait commander.

Seigneur Aigle et la griserie de l’altitude

Dame Aigle plane et son œil voit loin. Elle s’éloigne souvent de son aire pour observer des contrées éloignées et mettre en perspective. Elle est fascinée par les nouvelles technologies dont elle pense qu’on ne calcule pas encore les répercussions spectaculaires qu’elles auront sur nos modes de vie.

La question sécuritaire ne l’inquiète pas outre mesure. De son aire, elle voit bien que le rapport de forces est totalement inégal. Une petite voix lui murmure que si la situation venait vraiment à dégénérer, le pouvoir aurait toujours à sa main des moyens disproportionnés pour rétablir l’État de droit.

Même si elle ne souhaite aucunement cette extrémité (et elle n’envisage pas cette possibilité comme sérieuse), cette évaluation rationnelle des forces en présence lui permet de ramener la controverse à sa juste proportion ; par exemple, le nombre de morts du terrorisme, très faible, lui vient souvent à l’esprit.

En somme, dame Aigle considère la question sécuritaire comme la queue de comète d’une société en métamorphose. La question de l’islamisme lui paraît secondaire : elle voit bien que le visage de l’islam dans 50 ans n’aura rien à voir avec celui que nous lui connaissons actuellement, que les débats du jour seront périmés demain.

Et surtout, la question religieuse deviendra probablement dérisoire par rapport aux bouleversements sociétaux qui arrivent, sous l’impact des nouvelles technologies. Elle est passionnée par Harari et n’a qu’une peur : ne voir les problèmes que par le petit bout de la lorgnette, sans apercevoir les grandes tendances de fond.

Aigle a un rêve : pouvoir jeter un coup d’œil 50 pages plus loin dans le livre d’histoire que nous sommes en train d’écrire. Elle est en effet persuadée que les débats et empoignades d’une époque ratent souvent l’histoire se faisant et ne feront même pas l’objet d’un encadré dans la marge. Elle lit assidument Pinker et sait que le monde va de mieux en mieux.

Maître Renard et les opportunités d’un monde qui change

Maître Renard est débrouillard. Il connaît ses affaires et a davantage la tête à l’économie. Il est convaincu que le nerf de toute guerre, c’est l’économie. La situation sécuritaire ne l’inquiète donc pas davantage :  il envisage sereinement une véritable dissolution des revendications identitaires par l’économie et la responsabilisation de l’individu qui en découle. Cette solution n’a encore jamais été essayée. Il est persuadé de sa pertinence.

Par ailleurs, la communautarisation ne lui semble pas la fin du monde. Tout au plus, c’est une réinvention des modes de vie et une réorganisation des rapports sociaux avec quelques effets de bord relativement mineurs.

La fameuse sécession brandie successivement par les responsables politiques (la litanie des « apartheid », « côte à côte, face à face ») n’est pas l’apocalypse selon saint Jean. Il est convaincu que la pyramide de Maslow fonctionne : ce que veulent d’abord les individus, c’est un salaire et une reconnaissance sociale. Sauf fanatisme, les questions spirituelles ne viennent se greffer qu’en périphérie et dans la vie privée.

Ours, Aigle et Renard à la cour du Lion

Bien entendu, messire Ours, dame Aigle et maître Renard sont des tempéraments, parfois mêlés de manière complexe, au gré des sujets. Ours chérit le droit et a la passion sociologique, Aigle scrute les ruptures technologiques et a l’âme d’un moraliste, quand Renard aime l’économie et voit le monde comme un entrepreneur.

Ils ont le même corpus théorique, mais en déduisent des conclusions différentes selon leurs idiosyncrasies et leurs humeurs. Dans le meilleur des mondes, on souhaiterait qu’Ours, Aigle et Renard soient capables de proposer à la cour du Lion une synthèse de leurs perspectives.

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  • mouais…

    à mon opinion vous auriez du commencer par définir islamisme….
    L’islamisme est un courant de pensée musulman, essentiellement politique, apparu au xxe siècle. L’usage du terme depuis sa réapparition dans la langue française à la fin des années 1970 a beaucoup évolué1,2.

    Il peut s’agir, par exemple, du « choix conscient de la doctrine musulmane comme guide pour l’action politique »3 – dans une acception que ne récusent pas certains islamistes –, ou encore, selon d’autres, d’une « idéologie manipulant l’islam en vue d’un projet politique : transformer le système politique et social d’un État en faisant de la charia, dont l’interprétation univoque est imposée à l’ensemble de la société, l’unique source du droit »4. C’est ainsi un terme d’usage controversé.
    tout comme terrorisme,
    « Terrorisme

    Vidéo de sécurité du bâtiment du Pentagone pris pour cible lors des attentats du 11 septembre 20011.
    Le terrorisme est l’emploi de la terreur2 à des fins idéologiques, politiques ou religieuses 3.

    Les multiples définitions (Alex Schmidt et Berto Jongman en 1988 en listent 109 différentes4) varient sur : l’usage de la violence (certaines comprennent des groupes n’utilisant pas la violence mais ayant un discours radical4), les techniques utilisées, la nature du sujet (mettant à part le terrorisme d’État), l’usage de la peur, le niveau d’organisation, l’idéologie, etc. Dans nombre de définitions intervient aussi le critère de la victime du terrorisme (civile, désarmée, innocente, attaque contre un État démocratique qui aurait permis au terroriste de s’exprimer légalement5).

    Un grand nombre d’organisations politiques ou criminelles ont cependant recouru au terrorisme pour faire avancer leur cause ou en retirer des profits. Des partis de gauche comme de droite, des groupes nationalistes, religieux ou révolutionnaires, voire des États, ont commis des actes de terrorisme. Une constante du terrorisme est l’usage indiscriminé de la violence meurtrière à l’égard de civils dans le but de promouvoir un groupe, une cause ou un individu, ou encore de pratiquer l’extorsion à large échelle (mafias, cartels de la drogue, etc.). »

    islamisme et terrorisme peuvent être des non sujets

    Le problème des libéraux me semble t il est de toujours devoir composer avec des sociétés qui ne sont jamais véritablement libérales , on pourrait dire que résister aux attaques constantes contre les libertés individuelles ou à la socialisation rampante suffisent à occuper entièrement un libéral..

    Les crimes du au terrorisme ne sont pas un « souci » propres aux libéraux, ils doivent être réprimés point barre.
    L’islamisme..si un jour la société devient islamique, un liberal devra fuir..ou se cacher; tout comme dans une société communiste..
    et se battre si elle le devient de façon violente.

  • Il existe une (petite) fracture entre Ours d’un côté et Aigle et Renard de l’autre. La synthèse me semble compliquée sans la domination d’une des partie un peu au détriment de l’autre.

  • Messire Loup étudie les données socio-économique et les libertés des 49 pays à majorité musulmane et ce dit qu’entre les va t’en guerre musulmans, les collabos qui sont déjà prêt à concéder toutes les libertés pour avoir un peu de paix et la majorité silencieuse qui n’a jamais eu aucune importance quand une minorité violente agissait on est pas sorti de l’auberge. Ni l’histoire passée et présente, ni les données actuelles ne sont rassurantes.
    .
    Messire Loup lit Milton Friedman, fait des additions avec ses grosses pattes et sait bien qu’on ne peut pas avoir 400’000 entrée par année (12 millions en 30 ans auxquels il faut ajouter la natalité) ET un système social généreux dont une AME qui coûte déjà 130 milliards.
    .
    Messire Loup estime donc libéralement que soit on ne lui fait quasi rien payer et dans ce cas il n’y a pas lieu d’agir, soit l’état lui fait payer très cher sa présence sur un territoire et dans ce cas il lui « appartient » et qu’à titre de propriété, il devrait à minima avoir le droit de décider qui il accueille chez lui et/ou qui a le droit de profiter de son argent.
    .
    Pour finir, Messire Loup estime libéralement que toutes les opinions ont le droit d’être exprimées, y compris des oppositions verbales et militantes au socialisme, à l’étatisme et à l’immigration, y compris la ferme conviction que des cultures incapables d’avoir des libertés, de la prospérité et de la paix dans tous leur pays passés et présent ne l’auront pas plus une fois ici.
    .
    Messire Loup est un libéral réaliste, il sait qu’une trajectoire actuelle à zéro chance de bien tourner.

    • Messire Loup oublie de préciser que ce chiffre de 400.000 entrées n’existe pas, ne différencie pas les étudiants et travailleurs détachés et ne prend pas en compte les sorties.
      Messire Loup aussi semble dire que ces (fausses) 400.000 entrées concernent uniquement des gens tenants du même islamisme, sans tenir compte des très larges différences de vision de l’islam.
      Messire Loup semble dire aussi que ces individus sont incapables de choisir librement d’autres voies, et que eux et leurs enfants sont incapables de s’intégrer et d’intégrer les valeurs de la République, portant de ce fait la détermination sociale à l’avant-plan et utilisant de facto les thèses de victimisation chères à la gôche.
      Messire Loup n’a aucune confiance en l’individu, il a uniquement peur des cultures.

  • Le libéralisme vit un double drame: Tout d’abord sémantique, et d’origine essentiellement anglo-saxonne. « Liberal » = gauchiste. Cela paraît superficiel mais entretient une consternante confusion, même dans les esprits très cultivés. On voit par exemple un M. Zemmour citer Bastiat hier soir sur CNews, tout en vomissant le « libéralisme ». Ensuite, il se trouve que les concepts des « liberals » américains métastasent la sphère libérale « classique » française (européenne?). C’est le cancer « bobo » et qui n’épargne rien. Je n’arrive pratiquement plus à avoir une conversation politique avec mes amis (surtout des grandes villes) tant ils sont ravagés par la doxa. J’en viens à trouver les marxistes repentis plus intéressants et parfois plus ouverts. Finalement, en paraphrasant H16, on pourra dire ce pays est foutu, parce que son libéralisme est foutu.

    • Le libéral dérange parce qu’il n’est pas binaire, ni à gauche ni à droite, donc « ailleurs », soit au dessus comme l’aigle, soit dans sa tanière comme l’ours, soit dans la subtilité comme le renard.
      Le genre de savonnette marginale que les despotes ne peuvent pas saisir.
      Il ne peut que se contenter d’avoir raison sans espérer convaincre les foules.

      • Il n’y a que les libéraux qui se considèrent « ni à droite, ni à gauche »… Pour la gauche les libéraux sont des « salauds de droite » même s’ils affichent quelques opinions sociétales « correctes » (souvent pour se donner bonne conscience parce que ces trucs sont en fait pas vraiment libéraux puisqu’ils impliquent des interventions de l’Etat et le viol de la liberté de pas mal de parties prenantes). Pour les gens de droite les libéraux sont clairement « de gauche », vendus à Mammon et suppôts de la déliquescence sociale, qui n’avancent quelques idées de bon sens et de bonne gestion que pour faire avaler leurs amour des grandes banques mondialistes et des drogues.
        Bref, le libéral se pense au dessus du débat, mais il est finalement perçu comme le diable par tout le monde surtout par la gauche, alors que ce qu’il emprunte à la gauche est souvent non-libéral. En se voulant au dessus, il se prend les pieds dans le tapis et finit en dessous de tout (en termes d’influence, de voix aux élections, et de considération par Joe Public).
        Il ne dérange pas, il est un « épouvantail », un homme de paille incarné et tout le monde est ravi de l’avoir pour les « minutes de la haine ».

        • Cette séparation est surtout valide en France ou la droite est aussi étatiste, voir socialiste que la gauche.
          En Suisse les libéraux ont pignon sur rue, c’est une force politique respectable et elle s’allie sans problème avec la droite conservatrice sur nombre de sujets et de temps en temps (rarement) avec la gauche sur des sujets plus sociétaux.
          Mais je trouve qu’ils déconnent ces temps : transition énergétique oui, salaire minimum oui etc. etc.

  • « Selon lui, plus ces effets de bord se multiplient, plus, au lieu d’interroger la politique migratoire, nous multiplions les lois ad hoc pour y répondre et notre liberté va se rétrécissant »

    Vous pouvez remplacer migratoire par plein d’autres domaines, comme la pauvreté, la santé, le travail, l’économie…

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