Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre
Jamais auparavant dans l’histoire nous n’avons eu autant de pouvoir au bout des doigts. Internet, et plus globalement les nouvelles technologies, ont renversé l’ordre du monde : une poignée de citoyens peut se mesurer à un État, le temps et l’espace sont abolis, les identités se brouillent entre réel et virtuel, notre vulnérabilité s’accroît.
Dans leur ouvrage commun, Éric Schmidt et Jared Cohen nous rassurent : l’avenir et la modernité qui le caractérisent sont porteurs d’optimisme.
Ce monde nouveau est en train de se construire, portant avec lui les anxiétés et les craintes générées par le cyber-terrorisme, la question de l’identité personnelle ou encore la protection de nos données.
Notre avenir personnel : l’avenir de notre identité, de la citoyenneté et du journalisme de reportage
Qui pouvait imaginer l’ampleur du phénomène qui allait nous dépasser aux commencements d’internet.
Internet est l’une des rares créations de l’homme qu’il ne comprend pas tout à fait. Ce qui n’était au départ qu’un mode de transmission électronique de l’information – d ‘un ordinateur gros comme une maison à un autre ordinateur gros comme une maison – est devenu le réseau omniprésent et multifacétique de canalisation de l’énergie et de l’expression humaine.
Une expérience qui a généré de l’anarchie puisqu’elle avait en elle les germes d’une liberté toute nouvelle. La première décennie du XXIe siècle a vu le développement des nouvelles technologies à une cadence sans précédent.
Nous sommes passés de 350 millions à plus de 2 milliards d’individus connectés à internet dans le monde, selon les chiffres de l’ ITU – estimated internet users pour l’année 2000. La propagation de la connectivité à travers les objets connectés et en premier lieu le téléphone portable est le signe le plus concret de ce basculement du pouvoir.
Bientôt, tout le monde sera connecté sur Terre : un boom de la connectivité qui aura des répercussions positives sur la productivité, la santé, l’éducation, et de nombreux autres domaines du monde physique.
Pas de remède miracle pour autant, mais des progrès majeurs sont déjà notables : « la connectivité ne résoudra pas l’inégalité des revenus, mais elle allègera certaines des causes les plus intraitables, comme le manque d’accès à l’éducation et aux opportunités économiques. Il convient donc de situer l’innovation et de la célébrer dans son propre contexte ».
D’ici dix ans, la population virtuelle aura dépassé la population mondiale créant des communautés dynamiques, qui vont elles-mêmes générer une masse de données – certains parlent de révolution des données.
Une révolution qui présente aussi des limites comme le rappellent Éric Schmidt et Jared Cohen « pourtant malgré tant de progrès, une réserve demeure centrale et singulière : cette révolution des données aura pour effet de priver le citoyen d’une part importante de la maîtrise de ses informations personnelles dans l’espace virtuel, et cela sera lourd de conséquences dans le monde physique ».
Le citoyen 2.0 se trouve aujourd’hui confronté à un choix : c’est à lui de déterminer jusqu’où il est prêt à aller pour reprendre le contrôle de sa vie privée et de sa sécurité.
Mais la révolution des données est également porteuse de bienfaits pour ce même citoyen, celui d’un contrôle démocratique amplifié « cette révolution lui donnera à voir comme jamais la façon dont les autres pensent, se comportent, adhèrent aux règles ou s ‘en écartent dans son pays et dans le reste du monde ».
Pour les auteurs, la possibilité d’obtenir en ligne et dans leurs langues maternelles des données en quantité infinie propulsera des sociétés alors isolées et pauvres en infrastructures dans une ère de la pensée critique.
L’avenir de la révolution
Les printemps arabes l’ont déjà démontré, mais il ne fait plus aucun doute que l’avenir nous réserve une multitude de mouvements révolutionnaires en ligne.
Les nouvelles stratégies de diffusion de l’information, de nouvelles tactiques de mobilisation des foules, participent de la mise en place de nouveaux mouvements et du basculement politique de certains pays.
Avec un si grand nombre d’individus connectés, nous allons voir éclore la société civile la plus active, la plus expressive, la plus mondialisée que le monde n’ait jamais connue.
Des révolutions qui seront pour certains le moyen de chercher le changement ou d’exprimer leur mécontentement à l’égard du statu quo, mais aussi des opportunités pour d’autres groupes d’individus de réaliser des actions violentes ou extrêmes en utilisant les moyens les plus dévastateurs qui soient : le cyber-terrorisme.
L’avenir du terrorisme
Les nouvelles activités terroristes se déclinent dès aujourd’hui en actions physiques et virtuelles, qu’il s’agisse du recrutement ou des actions. Les États avaient déjà beaucoup de mal à protéger leurs frontières physiques, mais ils s’avèrent encore plus vulnérables lorsque la menace est virtuelle.
Parce que le monde développé s’est montré de plus en plus dépendant de sa propre connexion – la quasi totalité de nos réseaux est reliée d’une façon ou d’une autre à un réseau virtuel, nous sommes particulièrement vulnérables au cyber terrorisme sous toutes ces formes.
Des technologies et des connexions qui rendent également les cyber-terroristes plus vulnérables qu’ils ne le sont aujourd’hui. C’est dans le monde physique que se trouvent les failles de leurs actions, du téléphone portable aux déplacements géo-localisés.
Le terrorisme se réinvente dans la sphère virtuelle, mais le terrorisme de demain est contraint de vivre à la fois dans cet espace physique et numérique : cette double existence fragilise son modèle de clandestinité et de discrétion qui est appelé à souffrir.
Un avenir numérique rempli d’optimisme
Cette coexistence de deux nouveaux espaces est aussi une source d’optimisme pour Éric Schmidt et Jared Cohen : « ces civilisations coexisteront de façon plus ou moins pacifique, chacune atténuant les aspects négatifs de l’autre. Le monde virtuel permettra au citoyen d’échapper à la répression de l’État, lui offrant de nouvelles occasions de s’organiser, de se révolter (…). Le monde physique imposera des règles et des lois qui canaliseront en partie la nature anarchique de l’espace virtuel et protègeront les individus du piratage terroriste, de la désinformation et même des traces numériques de leurs propres excès de jeunesse ».
Qu’il soit question de prospérité économique, des droits de l’homme, de la justice sociale, d’autodétermination, la connectivité remplira une mission centrale.
Et si l’inclusion technologique ne viendra pas, seule, à bout des inégalités sociales ou des abus de pouvoir, elle favorisera implacablement le transfert du pouvoir à des citoyens plus éclairés.
Pour aller plus loin :
– « L’avenir selon Google : si vous n’êtes pas connecté, vous êtes suspect », Nouvel Obs.com
– « The New Digital Age by Éric Schmidt and Jared Cohen: review », The Telegraph.co.uk
– « Google Ideas: The Future According to Eric Schmidt and Jared Cohen », Bigthink.com
– « Éric Schmidt and Jared Cohen: We Must Prepare Ourselves for the Cyberwars of the Future », Time.com
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« …elle favorisera implacablement le transfert du pouvoir à des citoyens plus éclairés. »
Quel mythe stupide ! Depuis des dizaines d’années tous les citoyens savent lire et écrire et cela n’a pas plus favorisé le transfert de pouvoir. Plus tôt la diffusion de l’imprimerie donc de l’information n’a pas plus chamboulé directement le pouvoir. Tous ces outils comme les NT ne sont que des outils supplémentaires au service des forces agissantes dans une société humaine. Ils ne peuvent pas changer la structure puisque l’information est certes accessible mais reste aussi variée que dans la réalité sociale. Un âne ne cherchera pas à savoir ce que pense un chien.
Ce sera d’abord une mode, puis cela restera un outil, plus ou moins utile et plus ou moins intrusif, car les fausses informations personelles seront l’unique façon de garder un espace de liberté.