Kate Sheppard, première suffragette – Les Héros du progrès (27)

Voici le 27ème épisode des héros du progrès, avec un portrait de Kate Sheppard qui s’est battue pour le droit de vote des femmes et l’a obtenu en… 1893 !

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Kate Sheppard, première suffragette – Les Héros du progrès (27)

Publié le 26 juillet 2020
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Par Alexander C. R. Hammond.

Voici le vingt-septième épisode d’une série d’articles intitulée « Les Héros du progrès ». Cette rubrique présente brièvement des héros qui ont apporté une contribution extraordinaire au bien-être de l’humanité.

Notre héroïne de la semaine est Kate Sheppard, la première suffragette célèbre dans le monde. Le fait que la Nouvelle-Zélande ait été le premier pays au monde à accorder le droit de vote aux femmes en 1893 est en grande partie dû à son travail inlassable et aux pétitions qu’elle a adressées au parlement dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Après l’adoption du suffrage universel, elle a inspiré avec succès d’autres mouvements suffragistes ailleurs dans le monde. De nos jours, les femmes ont le droit de vote presque partout.

Kate Sheppard, est née Catherine Wilson Malcom le 10 mars 1847 en Angleterre, à Liverpool. Après le décès de son père en 1862, elle part vivre avec son oncle, un pasteur de l’Église Libre d’Écosse, à Nairn. Il lui enseigne les valeurs du socialisme chrétien qui allaient l’accompagner toute sa vie. Bien qu’on ne connaisse pas de détails précis quant à son éducation, elle possédait un savoir étendu à la fois en sciences et en droit.

À la fin des années 1860, elle part s’installer à Chrischurch, en Nouvelle-Zélande, avec sa mère et sa soeur. Elle fait rapidement partie de la scène intellectuelle de Christchurch et se lie d’amitié avec Alfred Saunders, un homme politique et éminent promoteur de la tempérance qui a influencé ses idées sur le vote des femmes. Elle épouse Walter Allen Sheppard, un épicier, en 1871.

Elle prend une part active dans différentes organisations religieuses. Elle enseigne à la Sunday school et, en 1884, se fait élire secrétaire de l’association des Dames de la Trinité dont le but est de rendre visite aux paroissiens qui ne fréquentent pas régulièrement les services religieux.

En 1885, elle s’implique dans la création d’une branche de la Ligue internationale de Tempérance chrétienne des femmes à Christchurch.

L’intérêt de Sheppard pour l’activisme politique découle en grande partie de celui qu’elle porte à la tempérance. À la fin des années 1880, elle commence à rédiger et promouvoir des pétitions au parlement de Nouvelle-Zélande dans le but d’empêcher les femmes d’être barmaids. Après le rejet de ces pétitions par le parlement, elle en est venue à penser que les politiciens continueraient à rejeter celles qui seraient présentées par des femmes tant qu’elles n’auraient pas le droit de vote.

En 1887, elle est nommée directrice nationale pour la franchise et la législation de l’union néo-zélandaise pour la Ligue de Tempérance chrétienne des femmes (WCTU). En 1888, elle accède à la présidence de la branche de Christchurch de la  WCTU. Elle devient rapidement une figure de proue du mouvement suffragiste féminin et se révèle une puissante oratrice et organisatrice en coordonnant des événements politiques dans tout le pays.

En 1887 et 1890, des politiciens sympathisants à la cause de Sheppard ont échoué à introduire une législation qui accorderait le droit de vote aux femmes. En 1888, elle  rédige une brochure intitulée « Dix raisons pour lesquelles les Néozélandaises devraient voter », envoyée à chaque membre de la Chambre des Représentants. Elle en envoie aussi à des mouvements suffragistes partout dans le monde.

En 1891, elle attaque les pétitions parlementaires pour convaincre les politiciens de soutenir le vote des femmes. La même année, elle crée une pétition qui récolte 10.085 signatures. Celle-ci est présentée au parlement en même temps qu’un amendement à la loi électorale en vigueur qui autoriserait les femmes à voter par Sir John Hall, un membre de la Chambre des Représentants qui soutient également Sheppard. Cet amendement est adopté par la Chambre des Représentants mais rejeté par la Chambre Haute.

En 1892, elle crée une autre pétition, qui recueille 20 274 signatures, mais là encore, l’amendement échoue à la Chambre Haute.

Finalement, avec une pétition de 31 872 signatures, alors la plus importante que le parlement néo-zélandais ait jamais reçue, la loi électorale de 1893 est adoptée. Le gouverneur David Boyle promulgue la loi d’émancipation des femmes le 19 septembre 1893.

Sheppard a reçu un large crédit pour la loi électorale de 1893. Constatant le succès obtenu en Nouvelle-Zélande, des groupes suffragistes féminins partout dans le monde choisissent de suivre ses traces. Elle envoie ses écrits aux suffragettes du monde entier.

En tant que rédactrice en chef du mensuel de la WCTU, The White Ribbon, elle assure la promotion des groupes suffragistes de l’étranger. Très demandée sur le circuit des conférences, avant de partir pour l’Angleterre en 1903 afin d’y soutenir le mouvement suffragiste local, elle prononce des discours au Canada et aux États-Unis.

À cause de sa santé défaillante, Kate Sheppard revient en Nouvelle-Zélande en 1904 mais se lance dans une tournée en Inde et en Europe quelques années après. En 1916, elle est la première à signer une pétition exhortant Sir Joseph Ward, le Premier ministre de Nouvelle-Zélande, à soutenir l’émancipation des femmes en Grande-Bretagne.

Partout dans le monde, les mouvements suffragistes ont suivi la tactique de Sheppard avec un énorme succès. L’Australie a accordé le droit de vote aux femmes en 1902, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913, le Danemark en 1915, et l’Autriche, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Pologne et la Russie en 1918. Les États-Unis ont suivi en 1920 (NdlR : la France en 1944).

La tendance s’est poursuivie bien après la mort de Kate Sheppard. La Suisse a accordé le droit de vote aux femmes en 1971, un canton faisant de la résistance jusqu’en 1991. L’Arabie Saoudite n’a accordé le droit de vote aux femmes qu’en 2015.

Elle meurt à Christchurch le 13 juillet 1934, à 86 ans. Aujourd’hui, son buste figure sur le billet de dix dollars néo-zélandais et elle est toujours considérée comme la première suffragette célèbre. Sans son travail inlassable, il est probable que des milliards de femmes partout dans le monde attendraient encore longtemps pour jouir des droits civiques qui sont les leurs à présent. Pour toutes ces raisons, Kate Sheppard est notre 27ème héroïne du progrès.

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  • D’après wikipédia, en France, la royauté était déjà bien plus en avance que la république sur ce sujet. Dès le XIIe siècle dans certaines provinces les femmes pouvaient voter lors des élections consulaires (équivalent municipales), et pour l’élection des députés aux états généraux depuis le XIVe siècle.
    Toujours selon wikipédia, il fallait que les femmes soient soit veuves soit détiennent un commerce en leur nom propre.
    Toutes ces dispositions ont été abolies en 1791.
    Il serait intéressant d’approfondir ce sujet autrement qu’avec wikipédia mais je ne trouve rien d’autre pour l’instant.

    • On en peut pas dire que c’est la royauté elle-même mais la période du moyen-âge surtout et de l’ancien régime si l’on en croit Régine Pernoud médiéviste. L’antiquité dont le droit romain en particulier, déconsidéré la femme qui n’avait aucun droit. La chute de l’empire et l’arrivée des germains avec leurs coutumes plus favorables aux femmes (par exemple droit du sang égal) sur fond d’évangélisation à caractère humaniste ont donné à la femme un statut égal à celui de l’homme. Plus tard à la renaissance, la redécouverte du droit romain par les juristes a inversé la tendance jusqu’à la révolution et Napoléon grand fan de l’empire.

      http://christroi.over-blog.com/article-la-femme-au-moyen-age-et-sous-l-ancien-regime-42192293.html

      Il faut lire la conclusion, ça vaut le détour surtout écrit par une femme il y a quelques années déjà.

      • Merci pour ces précisions.
        Oui vous avez raison. On ne peut pas dire que ce soit la royauté en elle-même. Il s’agit plus de particularismes locaux et de droit. Mais d’un côté la structure du royaume de France a permis à ces particularismes de s’exprimer, ce qui n’aurait pas (et n’est pas) possible dans un état jacobin et idéologique. (Et puis je préfère le terme « royauté » à « ancien régime », beaucoup trop péjoratif à mon sens).

        Merci pour le lien, je vais m’atteler à cette lecture.

        • Contrairement à ce qu’on nous a enseigné la monarchie était moins contraignante que la République. La fameuse liberté est un mythe! Les impôts y étaient moins lourds, et surtout il n’y avait pas de service militaire. Les nombreux privilèges accordés par les rois au fil du temps émancipaient nombre de régions et de villes, ainsi que des sujets. Le fameux pouvoir absolu était en réalité très limité. Mais il fallait bien tromper et mentir pour s’emparer du pouvoir de ce pauvre Louis XVI.

          • Si seulement Turgot avait pu aller au bout des ses réformes.

          • Oui et non car le pouvoir royal s’est tout de même renforcé et étendu après le moyen âge, s’il restait des libertés c’est en raison de la concurrence/résistance de la noblesse locale.
            Ensuite c’est certain que la propagande révolutionnaire a noirçi le trait.

            • Le Roi de France a dû convoquer les États Généraux pour pouvoir lever un nouvel impôt en passant outre l’avis et l’enregistrement du Parlement de Paris, qui faisait de l’obstruction systématique. Il ne faut pas oublier que si ses édits n’étaient pas dûment enregistrés, ils restaient lettre morte dans le Royaume.
              Et comme les charges de Parlementaires étaient irrévocables (je crois, suite à une manœuvre manquée de Louis XVI, qui espérait retrouver leur faveur et en a juste fait des indéboulonnables adversaires) il était complètement bloqué.
              La Révolution a quand-même apporté un peu d’air dans l’activité économique en bannissant les corporations, qui régnaient chacune sur son activité et en régulaient intégralement l’exercice sur leur territoire (loi Le Chapelier, pas vraiment la plus libérale des lois révolutionnaires).

      • C’est le christianisme, puisque pour cette religion hommes et femmes sont égaux devant Dieu, qui a aboli le patriarcat romain.

        • Avec l’aide des «barbares» germains plutôt réceptifs au message chrétien sinon qui sait ce qu’il serait advenu du christianisme.

        • Le Christianisme place de la même manière que le judaïsme avant lui et l’islam après lui, la femme dans une position inférieure à celle de l’homme – après tout :
          1. la femme n’a pas été créée directement par Dieu, mais a été façonnée pour servir de compagne à Adam à partir d’une de ses côtes (voir Genèse 2.22, bien que ce verset soit un peu contradictoire avec Genèse 1.27)
          2. surtout, la femme, en se laissant séduire par le serpent, a provoqué la chute de l’homme hors du Paradis (Genèse 3.7, 3.13 et surtout 3.16 – ne riez pas, ces versets sont encore utilisés aujourd’hui pour justifier un statut inférieur)

          Au final, avec des pères de l’Église qui étaient aussi des patriarches romains bien implantés comme Saint Paul, le Christianisme s’est inscrit parfaitement dans le prolongement du patriarcat romain. Et le Gallicanisme, qui est la version française du Christianisme, n’a rien fait pour modifier cette tendance. Il ne faudrait pas penser que les 50 dernières années du Christianisme couvrent toute l’étendue de son Histoire.

          • Il est nullement indiqué que la femme est la compagne de l’homme mais au contraire que l’homme et la femme font un. Ce qui est déjà en opposition avec la conception romaine par exemple.
            Le déroulement des événements depuis 2000 ans semble plutôt vous donner tort. Le christianisme a purement dynamité la conception romaine de la femme, du couple et de la famille. En particulier au Moyen-âge.

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