Par Alexander C. R. Hammond.
Un article de HumanProgress
Voici le vingtième épisode d’une série d’articles intitulée « Les Héros du progrès ». Cette rubrique présente une courte description des héros qui ont apporté une contribution extraordinaire au bien-être de l’humanité.
Notre héros de la semaine est David Nalin, le scientifique qui a développé la formule précise permettant la thérapie de réhydratation par voie orale (RVO). Il a dirigé l’équipe qui a réalisé avec succès les premiers essais de RVO et contribué à sa diffusion sur la planète.
La réhydratation par voie orale sert à réhydrater des patients souffrant de pathologies qui engendrent une grave déshydratation. On estime que depuis sa création en 1968, elle a permis de sauver plus de 70 millions de vies.
Avant la découverte de la RVO, le seul moyen efficace de réhydrater un patient atteint d’une maladie gravement déshydratante, comme le choléra, était d’injecter des solutions en intraveineuses. La perfusion intraveineuse est un traitement cher et souvent inaccessible dans la mesure où il nécessite des installations médicales modernes fréquemment indisponibles dans les pays plus pauvres. Sans traitement, un cas de choléra peut tuer une personne saine en quelques heures à peine. C’est ici qu’intervient David Nalin dans notre histoire.
David Nalin est né le 22 avril1941 à New York City. Après avoir fréquenté le lycée scientifique du Bronx, il s’inscrit en 1957 à l’université de Cornell dans le but d’obtenir une licence en zoologie. Une fois son diplôme en poche, en 1961, il s’assure une place au Medical College d’Albany et quatre ans plus tard décroche son doctorat en médecine.
Après un an passé comme interne à l’hôpital Montefiore de New York, il part s’installer à Dhaka en 1967. Dans la capitale du Pakistan oriental, il travaille sur le choléra pour l’Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est (SEATO). L’année suivante, une grande épidémie de choléra éclate à Dhaka et Nalin réalise rapidement que la thérapie à base de perfusion en intraveineuse utilisée habituellement pour soigner le choléra coûte trop cher et est trop lente à administrer.
Alors qu’il travaille dans un petit hôpital missionnaire dans la jungle de ce qui est aujourd’hui le Bangladesh, Nalin dirige une petite équipe de chercheurs pour développer et mener à bien le premier essai réussi de thérapie de réhydratation par voie orale. La réhydratation par voie orale mêle des sels et des sucres à de l’eau afin de remplacer les minéraux que le patient a perdus à cause de la diarrhée ou des vomissements. Les sels sont nécessaires au fonctionnement des organes et les sucres aident les sels à être absorbés dans les intestins.
Nalin a lui-même admis que la réhydratation par voie orale est une solution très simple, mais la subtilité de sa découverte provient des ratios très spécifiques d’eau, de sel et de sucre nécessaires pour que le traitement fonctionne efficacement.
Les sachets de réhydratation par voie orale sont très bon marché et leur production ne coûte qu’entre 3 et 4 cents américains. Il n’est pas nécessaire que le traitement soit administré par des professionnels de santé. Elle utilise également entre 70 et 80 % de liquide en moins qu’une perfusion intraveineuse.
En 1969, Nalin commence à travailler comme consultant pour l’Organisation mondiale de la santé. Il aide à mettre en place avec succès des programmes de réhydratation par voie orale pour lutter contre les maladies diarrhéiques dans le monde entier, notamment au Costa Rica, en Jamaïque, en Jordanie et au Pakistan. En 1971, pendant la guerre d’indépendance du Bangladesh, la réhydratation par voie orale a contribué à abaisser le taux de mortalité du au choléra, le faisant passer de 30 % à seulement 3,6 %.
En 1978, la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet a qualifié la réhydratation par voie orale de « progrès médical potentiellement le plus important de ce siècle ». De même, en 1987, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF) a noté que : « aucune autre percée médicale du XXe siècle n’a eu le potentiel de prévenir autant de décès sur une période aussi courte et à un coût aussi faible » que la réhydratation par voie orale.
De 1983 jusqu’à son départ en retraite en 2002, Nalin a occupé plusieurs postes de directeur au sein du laboratoire de recherche Merck. En 2002, il a reçu le tout premier prix Pollin pour la recherche pédiatrique.
En 2007, le roi de Thaïlande lui décerne la médaille Mahidol, une récompense pour des réalisations exceptionnelles dans le domaine de la médecine et de la santé publique. Depuis sa retraite, il continue à travailler comme consultant en vaccinologie. Il est actuellement professeur émérite au Medical College d’Albany.
En plus des 70 millions de vies sauvées grâce à la réhydratation par voie orale, la découverte de Nalin continue d’en sauver des milliers d’autres chaque jour. C’est pourquoi David Nalin est notre vingtième héros du progrès.
Les Héros du progrès, c’est aussi :
- Louis Pasteur, père de la microbiologie
- Paul Hermann Müller, les propriétés insecticides du DDT
- Malcom McLean, les conteneurs de transport
- Abel Wolman et Linn Enslow, la purification de l’eau
- Pearl Kendrick & Grace Eldering vaccinent contre la coqueluche
- Gutenberg, la diffusion du savoir
- James Watt, la vapeur, moteur du progrès
- Joseph Lister, stérilisation et asepsie
- Maurice Hilleman, des vaccins vitaux
- Françoise Barré-Sinoussi, la découverte du VIH
- Richard Cobden, héros du libre-échange
- William Wilberforce : une vie contre l’esclavage
- Ronald Ross : la transmission du paludisme
- Alexander Fleming et la pénicilline
- Jonas Salk et le vaccin contre la polio
- Landsteiner et Lewisohn, l’art de la transfusion
- Edward Jenner, pionnier du vaccin contre la variole
- Fritz Haber et Carl Bosch, le rendement des cultures
- Norman Borlaug, père de la révolution verte
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Merci pour le portrait de ce héros si peu connu dans nos pays épargnés par le choléra
Belle histoire. Encore un exemple qui prouve que pour faire progresser l’humanité il n’y a pas forcément besoin de technologies ultra sophistiquées ni de budgets R&D pharaoniques. Il faut avant tout comprendre les besoins et trouver un moyen d’y répondre efficacement et pour le moins cher possible. Faire simple est souvent peu valorisé mais c’est pourtant ce qui fonctionne le mieux.