La Chine, un exemple à suivre pour sa limitation des libertés ?

À l’occasion de l’épidémie du coronavirus Olivier Véran a osé dire que la limitation de la liberté d’expression a été en Chine un élément positif pour endiguer la contagion.

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La Chine, un exemple à suivre pour sa limitation des libertés ?

Publié le 21 février 2020
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Par Loïk Le Floch Prigent.

La lecture des déclarations des politiques français, qu’ils appartiennent au gouvernement, à la majorité ou à l’opposition laisse pantois. La Chine est donnée en exemple à la fois en matière de traitement des réseaux sociaux en limitant les libertés et de politique de santé à l’occasion de l’apparition d’une pandémie.

On connait bien le déni de réalité qui empoisonne notre vie politique et économique depuis des dizaines d’années, mais nous atteignons là un degré de plus en parvenant à trouver des vertus dans un système très éloigné du nôtre et qui devrait au contraire conduire à réfléchir pour ne pas tomber dans une désorganisation liberticide.

Essayons de réfléchir avant de parler à tort et à travers.

La Chine est un pays-continent traversé de provinces et de conurbations énormes dont chacune a souvent la superficie ou la population de la France. Son héritage, ses traditions, sont la domination d’un empire, avec un empereur qui régnait, confisquait les ressources et punissait. Sa disparition n’a pas modifié ce fonctionnement ; simplement la période Mao-Tsé Toung a étouffé l’économie avec la confiscation des biens et la mise aux commandes de commissaires incompétents.

C’est avec Deng-Xiaoping que le domaine industriel a changé en laissant aux chefs d’entreprise une importante partie des gains engendrés par leur action. C’est ainsi que la Chine est devenue une part importante dans l’industrie mondiale, gagnant année après année de la technicité comme le montre désormais notre dépendance à son égard, en termes de marchés des matières premières et de composants.

C’est la naissance des milliardaires et d’une importante classe moyenne aisée ouverte sur le monde. Mais du point de vue politique rien n’a vraiment changé, les nouveaux empereurs contrôlent la population comme en témoigne le traitement d’Internet. La liberté de s’enrichir est grande régionalement mais l’expression des opinions contraires au pouvoir est limitée à la sphère privée, ou à l’exil.

Par ailleurs, au plan économique, la richesse est acceptée, mais ce qui est essentiel pour la survie du régime demeure sous tutelle de l’organe central ; on dirait qu’existe une politique patriote à long terme qui s’assure que les intérêts du pays sont préservés.

La France s’honorerait de bien comprendre ce fonctionnement car elle fait exactement le contraire, et j’en conteste chaque jour le résultat qui est une vente à la découpe de l’industrie française ou l’abandon de ses fleurons comme la fermeture de Fessenheim le démontre, ce qui est impossible à imaginer en Chine.

L’épidémie du coronavirus n’a pas été jugulée en Chine malgré la fermeture des réseaux sociaux, malgré la surveillance s’étendant aux capteurs corporels comme le confinement de la région émettrice, le nombre de morts est élevé et la pandémie s’est étendue à travers le monde.

La raison en est simple, elle réside dans les traditions impériales : la province touchée essaie de cacher son dysfonctionnement le plus longtemps possible pour que ses responsables locaux ne soient pas punis. Il y a toujours un retard lorsqu’il s’agit d’un problème de santé, les hommes au pouvoir central étant avant tout des ingénieurs et non des biologistes.

Par contre, comme je l’ai déjà expliqué, le SRAS en 2003, puis le lait maternel à la mélamine, puis la peste porcine et la grippe aviaire n’ont pas connu le traitement rapide de nos démocraties à réseaux sociaux et surtout à grande liberté d’expression. Le coronavirus a suivi le même chemin : le lanceur d’alerte Li Wenliang n’est plus là pour témoigner.

Au contraire des politiques français qui s’expriment continuellement sur ces sujets, je ne crois pas aux vertus liberticides de la fermeture des réseaux sociaux, sans en nier les dangers de fonctionnement actuel. Les dictatures africaines pratiquent la censure de l’Internet pendant la période électorale, bénie en revanche par beaucoup de politiques français, que l’on ne peut non plus citer en exemple. Il faut réfléchir avant d’agir et cesser d’écouter nos émotions sans en contester quelquefois la légitimité.

C’est un problème complexe. Il serait bon de connaître d’abord l’opinion des experts. La liberté d’expression est un fondamental de la démocratie et de notre République, la liberté de pensée encore davantage.

Mais que l’épidémie du coronavirus soit l’occasion d’oser dire à un échelon élevé que la limitation de la liberté d’expression a été en Chine un élément positif pour limiter la contagion est une énormité.

Par ailleurs, toutes les mesures prises en Chine pour contenir le virus ont échoué. Je ne doute pas que le pragmatisme chinois va tirer les conséquences de ce cataclysme mettant à l’arrêt le poumon industriel du pays ; cependant, le gouvernement chinois ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la poursuite de la gestion économique à millefeuilles positif et de la gestion politique d’un autre millefeuilles catastrophique.

À partir de ce constat le peuple a-t-il parvenir à augmenter la liberté d’expression ou, au contraire le pouvoir va-t-il accentuer les contrôles ? L’avenir nous le dira. Mais à la lumière de ce qui arrive à Hong Kong, si la liberté d’expression ne se desserre pas, c’est la politique économique et industrielle qui en pâtira.

Le coronavirus peut donc être le Tchernobyl de la Chine. Rien n’est écrit et je souhaiterais qu’en attendant nos politiques bien intentionnés ne prennent pas les mesures ou les lois liberticides pour des modèles.

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  • Ah, la complaisance de la France vis à vis de la Chine ! Que les USA ou l’Italie pratiquent le quart de la moitié de leurs exactions et ça ferait la Une tous les jours.

  • copier la chine pour entraver notre liberté , ça intéresse nos zélés zélus ; copier d’autres pays qui ont réussi à remonter la pente via des réformes intelligentes et indispensables , ça les branche beaucoup moins ;

  • A une époque, Contrepoints présentait et analysait certaines variables économiques, et nous permettait de découvrir les théories autrichiennes et autres.

    Aujourd’hui, les analyses des petites phrases débiles de nos politiciens débiles concluent à une chose : elles sont débiles, ce qu’on savait.

    Ça fait leur jeu.

  • A la fois c’est RTL … une ânerie de plus ou de moins …

  • Merci pour ce rappel nécessaire.
    Il incite aussi à se demander si l’existence de lanceurs d’alerte et de réseaux sociaux libres est un atout pour les autres pays parce qu’ils permettraient d’éviter une telle crise, ou en fait parce qu’ils représentent un obstacle difficile à surmonter pour ceux qui rêvent de les diriger. La première hypothèse est bien faible : si l’alerte initiale avait été lancée en France sur des cas d’origine française, il faut beaucoup de complaisance pour penser que la contagion aurait mieux été maîtrisée… C’est la seconde qu’il faut mettre en avant, cette ambition malsaine de pouvoir qui anime nos politiciens.
    En Chine, comme en France, comme dans les multinationales, la voie du lanceur d’alerte est totalement inefficace. On n’est considéré que par les chausses qu’on lèche de ceux qui vous surplombent et qu’on peut espérer alors rejoindre un jour.
    Malgré la question de la dictature, la Chine a deux points forts que les Français feraient bien de prendre en considération.
    1) le petit chef ou autre intermédiaire hiérarchique qui échoue, que ce soit sa faute ou non, est destitué.
    2) celui qui dispose de longue date d’expérience et de compétence technique est respecté et cru, le nouveau venu beau causeur qui joue les Cassandre et n’a pas fait ses preuves personnelles est écarté sans ménagement.
    La préservation de ces règles culturelles devrait primer. Ce sont elles qui permettent de faire vivre la liberté, en remettant à celui qui reçoit l’information la responsabilité de la juger et de l’utiliser à bon escient. Personnellement, je suis aussi déçu de les voir décliner en Chine que de ne pas les voir apparaître en Occident.

    • Je précise que ces règles doivent être, à mon sens, appliquées par chacun et non imposées par des lois et des décrets.

      • Vous faites bien de préciser qu’à votre sens le petit chef se destituera de lui-même et que Cassandre s’écartera d’elle même sans ménagement, s’en y être forcé par un loi et un décret. Vous rêvez d’une homme idéal, surpris je suis ( ou je n’ai pas compris )
        Je dirai plutôt que c’est de la responsabilité du propriétaire de se séparer de l’incompétent, du pénible, ou de qui il veut, sans être milité par les lois ou des décrets. Non ?

  • IL faut comprendre nos politiciens. La chine ca les fait rever: unm pays ou les familles des gens au pouvoir peuvent s enrichir dans des proportions inconnues en europe (Fillon est un rigolo pour les chinois). Un pays ou la classe dirigeante et leur famille sont au dessus des lois et ou la censure veille (c est pas en chine ou un politicien devra se retirer pour avoir envoye un film ou il montre son membre en action … En chine il aurait pu violer la fille sans que personne y trouve a redire)

    Bon evidement ca a quelques inconvenient. La corruption est endemique, quand il y a un probleme, la reaction est de le cacher pour ne pas faire de vague (et on met le lanceur d alerte en prison si necessaire) et comme personne n ose critiquer le chef, si lq decision est mauvaise on va droit dans le mur (cf le grand bond en avant)

    • Nos politiciens veulent d’abord jouir d’imposer leurs choix au vulgus pecus, leur richesse et impunité personnelles sont un bonus secondaire pour eux.

  • Nul besoin de copier la Chine,

    La France est touché depuis fort longtemps par le socialovirus. Cette épidémie a déjà fait des centaines de millions de morts à travers le monde.

    Le seul vaccin connu à ce jour pour enrayer cette pandémie s’appelle le minarchisme-jusnaturalisme.

    Parait-il que ce vaccin est produit en toute petite quantité, dommage…

  • Merci à Loic Le Floch Prigent de nous avoir relaté l’épisode de la pandémie du coronavirus traité par la tradition impériale chinoise.
    Un pays ou la contestation de « l’efficacité Étatique » est forcément limitée à la sphère privée ou à l’exil…
    Un pays chinois où il n’est pas envisageable de vendre les fleurons industriels à la découpe…
    OH! le vilain qui croit se souvenir que c’est une certaine vente à la découpe d’un fleuron industriel français qui a permis à un beau parleur Énarque de percevoir une importante prime de rendement lui ayant servi de rampe de lancement pour tirer profit de toutes les arcanes du Bonapartisme institutionnel franchouillard…
    Un comble!.. Presque à en regretter l’esprit de l’impérialisme chinois qui aurait pu contraindre à l’exil un habile chasseur de primes!

    • C’est pas bien de s’auto censurer ; il a fallu que je relise trois fois votre commentaire pour comprendre qui était  » visé  » ou  » dénoncé  » !!!! Il suffisait d’appeler u chat un chat et un m… un m… !!!Mais peut-être que des esprits plus alertes que le mien ont compris dès la première lecture !!!

  • L’expression répétitive d’énormités a ceci de positif qu’il n’y a plus le moindre doute sur la nature profonde de Macron et de ses janissaires.

  • Il n’est pas facile d’analyser la Chine. Pour un régime totalitaire une épidémie comme le coronavirus n’est douloureuse que temporairement mais sans doute positive à terme. En effet la mortalité est faible (2 à 3% et plutôt des vieux) et les personnes contaminées seront pour la plupart vite sur pied et sans séquelles. Et passé un certain nombre de cas l’épidémie s’arrêtera spontanément quand une partie suffisante de la population aura développé des anticorps (le plasma des guéris sera bien sur réservé en priorité aux dirigeants !). Donc temporairement l’industrie restera au régime ralenti mais elle pourra repartir ensuite à pleine puissance quand le gros de l’épidémie sera passé. C’est à ce moment que les pays occidentaux seront confrontés au vrai début de l’épidémie chez eux car il est illusoire de croire que l’on pourra contenir tous les voyageurs. Et dans les pays occidentaux, la tolérance à quelques pour cent de morts, même âgés est infiniment moindre. On peut donc penser que des moyens considérables seront mis au service d’une lutte sans doute perdue d’avance. Comme en Chine l’épidémie finira par s’éteindre mais elle aura fait bien plus de dégâts dans des sociétés qui se soucient infiniment plus de leur population que la Chine qui se fiche complètement de quelques pour cent de pertes dans le vulgum pecus.

  • Effectivement, prendre la censure chinoise comme modèle de traitement d’une épidémie, c’est oublier très vite que la Chine est un tel foutoir politique, environnemental et décisionnel que c’est d’abord son propre fonctionnement qui est à l’origine de ce genre de problème.

    Revenant à nos contrées, je crains que la sortie verbale de Veran sur le traitement « autoritaire » des crises sanitaires traduise en réalité un mal plus profond : un tropisme de plus en plus marqué de nos démocraties libérales pour les régimes politiques hybrides, où l’Etat, lorsqu’il l’estime utile, n’hésite pas à rogner sur les libertés individuelles…

  • Voila un ministre qui confond allègrement cause et conséquence et qui si on tire les conclusions de ses affirmations conduirait à punir le facteur qui vous amène de mauvaises nouvelles comme s’il en était l’auteur !!! Stupide ; anti démocratique ; contre productif en un mot rien pour plaire !!!!

  • On peut aussi penser que ce Véreux, pardon, Véran, comme ses camarades socialistes, pardon marcheurs, fait et fera feu de tout bois pour pousser vers la censure d’Internet. Le coronavirus et sa gestion par la Chine communiste n’est qu’une occasion, un prétexte parmi d’autres qui ne manquent en ne manqueront pas. Les politiciens aux penchants liberticides procèdent toujours comme ça : on trouve un prétexte, et on tape.

  • Le système chinois tient parce qu’il est le passager clandestin de la mondialisation, se spécialisant sur la mise à disposition de main d’oeuvre docile et non l’entreprise.

    Heureusement pour les Chinois aussi, il y a d’énormes pans de la société que l’Etat ne controle pas, qui forme des bulles d’air extra-légales pour l’économie.

    Cependant, à cause de leur système de controle répressif et donc le risque d’être envoyé en prison pour avoir déplu à un bureaucrate pour un oui ou pour un non, fait que les gens ne peuvent pas faire d’initiative trop visible.

    Un système qui ne tolère pas la critique est un système qui ne peut se remettre en question quand il est dans l’erreur et donc persister dans celle-ci.

    L’économie de la Chine serait bien plus mobile si elle libéralisait.
    Mais tout est tellement structuré par le répressif qu’elle subirait un effondrement façon URSS…

    • Si la France copiait la Chine, elle se planterait lamentablement, vu qu’elle n’a pas ses avantages.
      La machine à mouvement perpétuel Chinois ne tourne parce que liée à un moteur capitaliste occidental.

    • OUI. Ayant beaucoup vendu de machine en Chine et été copié évidemment sans vergogne, je confirme votre point de vue.
      Le plus étonnant est que malgré ce système répressif et cette coercition sociale séculaire, il se trouve des sociétés chinoises pour » frelater » leurs produits sachant que les utilisateurs vont en mourir. CF la scandale de l’héparine 2008 .

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