L’épopée économique de l’Occident face aux invasions des IXe et Xe

Les Vikings et les pirates musulmans ont tourmenté l’Europe médiévale. Mais ces envahisseurs étaient-ils uniquement des agents de chaos ou aussi des catalyseurs du changement ?

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L’épopée économique de l’Occident face aux invasions des IXe et Xe

Publié le 17 septembre 2023
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Les périls qui menacent alors l’Occident de dislocation sont multiples. Ils viennent de la mer d’où surgissent les pirates sarrasins et normands. Ils viennent de la steppe d’où déboulent les Hongrois.

Les incursions arabes

La Méditerranée est la proie des pirates musulmans.

À partir de 800 les Aghlabides, une dynastie d’émirs de la tribu arabe des Banu Tamim gouverne l’Ifriqiya, nominalement au nom du calife abbâsside de Bagdad. Son influence s’étend sur une vaste zone comprenant l’actuelle Tunisie, l’est de l’Algérie et la Tripolitaine. Après 827, cet émirat semi-indépendant basé à Kairouan dans l’ancienne province romaine d’Afrique, enlève les places grecques de Sicile, puis de Calabre, prend Bari et Trente, se poste en Sardaigne et en Corse, dévaste la Campanie, la Toscane et attaque Marseille et Arles.

En 846 il profane Saint Pierre de Rome. Les incursions violentes font régner un climat persistant d’insécurité sur les rives nord de la Méditerranée. Ils sont renversés en 909 par les Fatimides. Régnant depuis l’Ifriqya puis l’Égypte sur un empire englobant une grande partie de l’Afrique du Nord, la Sicile et une partie du Moyen-Orient, ils exercent une forte emprise sur les échanges en Méditerranée centrale (Adriatique, Grèce, Italie, Sardaigne, Sicile, Libye, Maghreb central et Ifrîqiya)

La saga des Vikings

À la même époque, les Vikings1 font irruption sur la scène européenne.

Venus de Scandinavie, ils sont en possession d’une batellerie remarquable, capable d’affronter le large comme de remonter les rivières. Leurs embarcations qui n’étaient pas pontées voguent à la fois à la rame et à la voile. Elles peuvent atteindre une vitesse d’une dizaine de nœuds et contenir un équipage de 40 à 100 hommes. Aux qualités techniques des bateaux s’ajoute la dextérité des navigateurs qui savent en tirer le meilleur parti.

Parmi ces peuples regroupés sous le nom de Normands, ce sont les Danois qui prennent l’initiative des expéditions qui vont ravager la France et la Grande-Bretagne.

À partir de 834, chaque année, ils dévastent le littoral atlantique de la Frise2 à la Gironde. Ils détruisent Dorestad et Quentovic, deux importants ports commerciaux qui avaient été la propriété personnelle de Charlemagne, mais aussi Rouen, Nantes et Bordeaux. Les Norvégiens se concentrent au départ sur l’Écosse et l’Irlande. Ils piratent volontiers sur leurs côtes et en ramènent des esclaves. En 834, ils pillent Londres ainsi que York et Bedford. Après 855 les Normands remontent l’Elbe, la Seine, la Loire, incendient Amiens, Paris, Orléans.

Sur ces évènements et les exodes qu’ils ont provoqués on dispose du témoignage laissé par Ermentaire, moine et historien de l’Abbaye Saint Philibert de Tournus au milieu du IXe siècle : « Tous les habitants prennent la fuite, et rares sont ceux qui osent dire : « Restez, restez, résistez, luttez pour votre pays, pour vos enfants, pour votre famille »3.

La ponction opérée par les Normands suit une séquence en trois temps : pillage, chantage pour obtenir un tribut, installation définitive.

L’Occident à nouveau disloqué 

À ces nouveaux dangers s’ajoutent ceux plus traditionnels venus de l’Est du continent où se manifeste une poussée slave puis hongroise à la fin du IXe siècle. Ces derniers mènent des raids en Saxe, en Bavière, en Lorraine, et jusqu’en Bourgogne dans les années 910. Attirés par l’Italie, ils ruinent le nord de la péninsule et la Toscane vers 920. Ils seront finalement écrasés en 955 par Otton le Grand à la bataille du Lechfeld, près d’Augsbourg.

Sous cette triple menace, l’Occident se disloque. Dans une Gaule livrée à l’anarchie, le domaine royal se limite aux villae de l’Oise et de l’Aisne. La Flandre, la Bretagne, l’Aquitaine ne sont plus contrôlées. L’axe commercial qui reliait la mer du Nord à la Méditerranée s’est brisé.

En Allemagne, qu’il s’agisse de la Saxe, de la Bavière, de la Franconie ou de la Souabe, chaque région développe ses particularismes et se coupe des autres.

Les conséquences destructrices

C’est durant ces sombres années d’insécurité généralisée que l’Occident prend les caractéristiques de sa vie médiévale. Sur son économie, les invasions normandes ont eu des conséquences considérables à la fois en termes de destruction et de création.

Elles ont donné un coup d’arrêt à la renaissance carolingienne. Elles ont aussi porté un coup mortel au régime des grands domaines ecclésiastiques dont l’organisation se décompose4. Les agents laïques qui les administraient profitent du désordre général pour capter les biens dont ils ont la charge. Les paysans n’accomplissent plus leurs corvées qui seront ensuite remplacées par des versements. La réserve est démembrée. Un peu partout sur le sol de la Gaule apparaissent de nouvelles seigneuries rurales, et se dressent des forteresses pour lutter contre les Normands. Ceux qui les bâtissent s’y installent avec une garnison, usurpent les droits régaliens du souverain et pillent les biens de l’Église. L’insécurité générale accélère l’avènement du régime féodal dont les bases deviennent héréditaires vers 880.

Les aspects stimulants 

L’économie de la Gaule, du nord de la Germanie et de la Grande Bretagne a donc durement pâti des invasions normandes.

Mais elles ont aussi eu des aspects positifs. Cessant progressivement d’être des pirates, les Normands sont devenus de véritables conquérants et des résidents à demeure. Créateurs de l’État de Normandie, les Danois ont donné à la France une marine. Ils ont initié leurs contemporains à l’art de la grande navigation. De la Neva à Gibraltar, ils ont inséré toute la façade atlantique dans un bloc unique de navigation.

Les Norvégiens ont découvert l’Islande au IXe siècle, le Groenland au XXe, le Labrador et probablement la côte orientale des États-Unis vers l’an 1000.

À cette expansion vers l’Ouest s’ajoute le rôle joué par les Vikings pour développer l’économie de la mer du Nord et de la Baltique. Ils y ont été les précurseurs des navigateurs et des marchands allemands de la Hanse. Au Danemark, le port d’Hedeby commande tout le commerce avec la Suède et la « Slavonie »5. Parmi les îles de la Baltique, celle de Bornholm est une escale pour les navires qui se rendaient chez « les Barbares et les Grecs » pour reprendre les termes d’Adam de Brême, chroniqueur et géographe germanique du XIe siècle. De Suède partent vers les pays slaves des aventuriers, mi-brigands et mi-marchands, faisant surtout le commerce des fourrures. À travers les plaines polonaises et russes, les plus audacieux établissent un contact avec Byzance.

Globalement, les Normands ont donc joué un rôle clef dans l’élargissement des perspectives européennes vers l’Atlantique, la mer du Nord et la Baltique. En favorisant l’intégration de nouvelles régions dans l’économie du continent, ils ont contribué à déplacer vers le Nord son centre de gravité, et à modifier son axe qui s’éloigne de la Méditerranée. C’est alors que la notion d’Europe occidentale commence à prendre un sens et que s’élargit l’horizon de sa civilisation.

 

  1. De vik qui signifie baie dans la toponymie scandinave
  2. Actuelle Hollande
  3. Cité par Robert Latouche, opus cité, page 250-251
  4. C’est ce qu’illustre le cas de l’Abbaye de Saint Wandrille mis en avant par Ferdinand Lot, Etudes Critiques sur l’Abbaye de Saint-Wandrille, Paris, 1913
  5. Soit la Poméranie et la Prusse
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  • Merci pour cette rubrique toujours aussi intéressante. Je ne me lasse pas de revoir mon histoire de France.

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