[L’épopée économique de l’humanité] – De la Renaissance carolingienne aux dernières invasions (XIV)

La Renaissance carolingienne met provisoirement fin à l’anarchie ambiante avec des impacts économiques.

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[L’épopée économique de l’humanité] – De la Renaissance carolingienne aux dernières invasions (XIV)

Publié le 10 septembre 2023
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La conquête de la Méditerranée par les musulmans précipite l’évolution économique qui s’annonçait dès le VIe siècle.

Jusqu’alors, les villes, et avec elles une bourgeoisie libre, s’étaient maintenues vivantes par le commerce.

Mais dès la seconde moitié du VIIe siècle, tout négoce cesse sur les rives de la Méditerranée occidentale. Privée de navires, Marseille dépérit complètement. Soumises aux raids des Sarrazins qui ravagent aussi leur arrière-pays, les villes du Midi déclinent. Il y a de moins en moins de marchands de profession, la circulation des biens ralentit considérablement, et les rentrées fiscales des pouvoirs en place chutent. L’aristocratie foncière est de fait la seule force sociale subsistante.

C’est alors que se produit la Renaissance carolingienne qui met provisoirement fin à l’anarchie ambiante. En se faisant couronner empereur d’Occident par le Pape en 800, le fils de Pépin le Bref, devenu roi des Francs en 768, puis roi des Lombards, relève une dignité disparue depuis 476. Au sein d’un empire dilaté à la mesure d’un demi-continent par ses conquêtes militaires en Germanie, en Italie, et dans une moindre mesure en Espagne, on s’oriente vers une économie domaniale sans débouché, à base terrienne, militaire et cléricale, que Charlemagne et son entourage s’efforcent d’organiser.

 

Une économie d’inspiration cléricale

Henri Pirenne a brillamment souligné le contraste économique entre l’ère mérovingienne encore rattachée à l’économie méditerranéenne, et l’ère carolingienne qui ne l’est plus1. Charlemagne tire les conséquences de cette coupure. Son ambition est de rétablir l’ordre, de moraliser l’économie sur des bases chrétiennes, et la mettre en état de répondre à ses préoccupations militaires : ravitailler l’armée, équiper les soldats, armer l’ost2.

Dans le domaine monétaire, le monométallisme argent devient la règle.

Le métal précieux est fourni par les mines du Harz et de Bohème, ainsi que par celle de Melle située dans le Poitou. Les ateliers de frappe sont strictement contrôlés, et le monnayage devient un monopole de l’État. Le denier d’argent sera pour longtemps la seule monnaie en circulation. Le peu d’or dont on dispose est réservé au paiement des quelques échanges maintenus avec l’Orient pour se procurer des épices, de l’ivoire, et les étoffes de soie que produit Byzance depuis qu’en 554 deux moines ont rapporté de Chine des œufs de bombyx.

Chaque fois que possible, on s’oriente vers des substituts indigènes en remplaçant l’huile par la cire, le papyrus par le parchemin, et l’indigo par la guède. On entretient aussi quelques courants d’échange avec l’Angleterre dont on importe de l’étain et des saies3, ainsi qu’avec l’Europe septentrionale pour se procurer des fourrures. L’axe économique de l’Occident se déplace de ce fait vers le Nord.

Charlemagne tente aussi d’assainir les marchés en unifiant le système des poids et mesures, mais n’a pu atteindre son objectif du fait de la trop grande diversité des étalons existant au sein de l’Empire.

Toujours dans un souci de moralisation des comportements, et conformément aux prescriptions de l’Église, on interdit le prêt à intérêt. En 806, le capitulaire4de Nimègue fait de l’usure un crime, et condamne la spéculation. Les prix des biens de première nécessité sont contrôlés pour assurer leur stabilité. Le synode de Francfort en 794 fixe le cours maximum des principales céréales vendues au détail : l’avoine, l’orge, le seigle et le froment. Une échelle de prix maxima est fixée pour la vente de pain cuit. Un capitulaire de 803 exige que les ventes d’esclaves, d’animaux et d’objets précieux se fassent en public, et interdit qu’elles aient lieu la nuit. Le trafic des esclaves est réglementé par l’interdiction de les vendre en dehors de l’Empire, et à des acheteurs païens s’ils sont chrétiens.

 

Une économie domaniale

Le dirigisme de Charles le Grand se manifeste aussi dans le domaine de la production agricole.

Sur les grands domaines de l’époque on dispose de deux grandes sources documentaires.

Le capitulaire de villis porte sur l’administration des domaines impériaux et le polyptique d’Irmenon est un inventaire des biens de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Les villae qu’ils décrivent sont « une vaste entreprise, ferme et manufacture à la fois »5 dont la mission principale est de satisfaire les besoins de l’armée en ravitaillement, en équipement et en armement. Le personnel qui y est employé constitue la « familia » composée de serfs (servi) qui ne sont pas libres, et de colons qui le sont (franci). Les uns et les autres sont des tenanciers auxquels des terres (manses) ont été concédées, et qu’ils cultivent pour leur propre compte.

En contrepartie, le maître exige des serfs qu’ils lui consacrent la moitié de leur temps de travail hebdomadaire, alors que les colons ne sont astreints qu’à des travaux précis fixés à l’avance. Dans ce qui est d’abord une ferme, les hommes s’adonnent principalement à des travaux agricoles dont sont exclues les femmes. Mais c’est aussi une véritable fourmilière artisanale regroupant une multitude de métiers : préposés aux haras, cellériers, forgerons, tourneurs, charpentiers, fabricants de boucliers, de savon, d’instruments pour la pêche ou la chasse, cordonniers, oiseleurs, menuisiers, boulangers, brasseurs. Aux femmes sont réservées les tâches de filature et de couture.

 

Une économie sans entrepreneurs

Cette main-d’œuvre est encadrée par des agents, eux-mêmes supervisés par un intendant.

Dans ce système centralisé, une cascade de commandements descend du propriétaire aux travailleurs par l’intermédiaire d’une hiérarchie d’inspecteurs qui transmettent passivement aux exécutants les directives du maître quant aux types de biens à produire et à leurs quantités.

C’est une économie sans débouchés et sans entrepreneurs.

Ceux-ci n’apparaitront que plus tard, lorsque les conditions seront réunies pour que s’affirme une classe de négociants. Leur rôle sera d’identifier les demandes de biens sur les marchés et, en prenant des risques, de coordonner activement les processus de production et d’échange. Les premiers signes de cette organisation de l’économie qui se révèlera beaucoup plus efficace n’apparaîtront qu’à la fin du XIe siècle, et ne pourront pleinement jouer qu’au moment de la Révolution industrielle.

Ces grands domaines laïques et ecclésiastiques, qui sont les rouages majeurs de l’économie carolingienne, ne représentent toutefois qu’une petite portion des quelques 1,5 million de km2 que couvre le territoire de l’Empire franc. Le reste consiste dans des friches, des terrains incultes, mais aussi des petites exploitations.

On sait qu’au milieu du IXe siècle il y avait encore de nombreux villages habités par des paysans qui ne sont ni des serfs ni des colons, sur le mode de vie desquels on ne sait en revanche pratiquement rien : les villae sont « des îlots surnageant au milieu d’un océan inexploré et peut être inexplorable »6

 

La décomposition de l’Empire carolingien 

Après la mort de Charlemagne son empire se décompose rapidement.

En 843, le traité de Verdun le partage entre ses trois petits-fils. Il préfigure la division actuelle de l’Europe entre la France, l’Allemagne et l’Italie. Dans leurs régions respectives les comtes, au départ officiers du souverain, deviennent leurs propres maîtres et font valoir leurs seules volontés. Derrière chacun d’eux les particularismes locaux s’accentuent.

La société glisse à nouveau vers le régime de la propriété seigneuriale. Cette évolution est accélérée par le choc des dernières invasions qui précipitent l’avènement d’une économie médiévale insérée dans ses cadres féodaux.

  1. Henri Pirenne, Mahomet et Charlemagne, Paris, Alcan, 1937
  2. Service militaire dû par un vassal à son supérieur
  3. Sorte de manteaux dont le commerce est attesté par une lettre de Charlemagne à Offa, roi de Mercie, datée de 794
  4. Acte royal ou impérial de l’époque carolingienne, divisé en chapitres et contenant des décisions législatives ou administratives prises par le souverain en matière politique, économique ou sociale (dictionnaire Larousse)
  5. Marc Bloch, Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, 1931, p. 77
  6. Robert Latouche, opus cité, page 181

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