[L’épopée économique de l’humanité] – Le triomphe de Rome (VII)

Durant le siècle d’or des Antonins, Rome atteint une prospérité exceptionnelle grâce à une politique d’expansion et d’exploitation des richesses. Mais les résistances grandissantes et les excès internes menacent-ils la stabilité et la puissance de l’Empire romain ?

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[L’épopée économique de l’humanité] – Le triomphe de Rome (VII)

Publié le 17 juillet 2023
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À son zénith, aux Ier et IIe siècles après J.-C., l’Empire romain taxe 100 millions de personnes, entretient une armée permanente de plusieurs centaines de milliers de soldats, et impose sa paix armée à tous ses sujets. Il prélève des ressources sur l’ensemble du monde connu qui, d’une manière ou d’une autre, lui verse tribut.

Il est au centre d’un prodigieux système de prédation.

 

L’élimination des concurrents

Fondée en -753 selon la légende, Rome se rend d’abord maîtresse de l’Italie centrale, puis de toute la péninsule.

Pour dominer le monde méditerranéen, elle doit ensuite s’attaquer à Carthage gouvernée par une aristocratie de marchands qui s’est assurée le contrôle de la Sicile et la maîtrise des échanges dans toute la Méditerranée occidentale. Lors de la première guerre punique, Carthage est évincée de Sicile.

À l’issue de la deuxième guerre, l’Espagne lui échappe, elle perd l’exploitation des plus riches mines d’argent du monde antique1 et Rome lui impose le versement d’un énorme tribut.

Mais il faudra une troisième guerre et trois ans de siège pour que soit définitivement éliminé l’ennemi principal de Rome : en -146 Scipion Émilien l’emporte, la détruit, vend sa population et en déclare le sol maudit.

Entretemps, Rome a abattu la Macédoine en l’an -197.

Philippe V doit livrer sa flotte, payer une très forte indemnité et abandonner la Grèce également réduite en province. Pour achever d’imposer sa domination à l’ensemble du bassin méditerranéen, Rome profite des luttes intestines au sein de la dynastie séleucide et de la décadence de l’Égypte. Elle étend aussi son influence au nord et à l’ouest de l’Europe. À la fin du IIe siècle avant J.-C., la Gaule méditerranéenne est organisée en province, puis c’est la Gaule tout entière qui est soumise par César entre – 58 et – 50.

Les légions romaines s’implantent également dans les îles britanniques et repoussent le limes2 de plus en plus loin, en Germanie jusqu’au désastre de la forêt de Teutoburg qui engloutit trois légions en l’an 6. La frontière est alors ramenée au Rhin.

 

La fin de la République romaine

Au plan interne, guerres et conquêtes bouleversent la société romaine.

Elle se détourne du travail de la terre, subit le gonflement d’une plèbe urbaine avide de pain et de jeux et est en proie à toutes les perversions du luxe. Chroniquement, les esclaves se révoltent. Entre – 73 et – 71 il faut deux ans à la République romaine en pleine décadence pour réprimer dans le sang celle que mène Spartacus. En – 49, après avoir franchi le Rubicon, César créé dictateur réprime les troubles sociaux. Cinq années plus tard, il adopte Octave, son petit neveu, qui l’emporte sur Antoine3, devient impérator sous le nom d’Auguste et ramène la paix civile. À la République succède un empire capable d’imposer à tous la Pax romana jusqu’à la fin du IIe siècle après J.-C. Sous son impulsion, la culture grecque, que les élites romaines se sont appropriée en l’altérant, s’universalise et s’étend de l’Espagne à l’Inde.

Sur le plan économique, Rome, telle une pieuvre, est pendant ces deux siècles en mesure d’attirer les produits du monde entier.

 

D’Auguste aux Antonins : les vertiges du succès

Placée au centre de la toile qu’elle a patiemment tissée, Rome est en mesure de capter des ressources venues des quatre coins de l’univers connu.

Cette capacité de prédation est optimisée et amplifiée par les excellents administrateurs que sont Auguste et Tibère qui parviennent à la projeter plus loin encore en annexant la Galatie4 et la Judée.

Les empereurs suivants la compromettent par leurs excès privés, leurs défaites militaires ou leurs errements politiques. Mais ils ne l’altèrent pas en profondeur. Si Néron vide le Trésor, multiplie les condamnations pour s’emparer des héritages et fabrique même de la fausse monnaie, Vespasien ne se contente pas de taxer l’urine, comme le rapporte Suétone. En impulsant une gestion rigoureuse, il restaure les finances et lance de grands travaux pour occuper les chômeurs.

 

Le siècle d’or des Antonins

Lorsque la dynastie des Antonins accède au trône en l’an 98 s’ouvre pour Rome une période d’exceptionnelle prospérité.

En soumettant la Dacie5dont la population est déportée, Rome fait main basse sur le pactole des mines d’or transylvaines. Cet « or des Daces » finance de grands travaux d’amélioration des ports de la péninsule et permet d’entreprendre l’assèchement des marais pontins. À la même époque, la conquête de l’Arabie, complétée par le succès des campagnes menées contre les Parthes fait affluer, sous la protection des légionnaires de Syrie et de leurs alliés du désert, les richesses de l’Inde et de l’Extrême-Orient.

Mais cette politique d’expansion se heurte à des résistances de plus en plus fortes qui conduisent Hadrien à y mettre fin.

L’objectif n’est plus d’annexer de nouveaux territoires, mais d’éloigner les dangers menaçant l’Empire. Aux frontières sont aménagées des fortifications permanentes et continues, les limes. Pour des raisons avant tout financières, le régime est réorganisé. L’administration est renforcée, et l’État accroît son ingérence dans l’économie : mise en valeur des domaines impériaux, exploitation des mines d’Espagne, perception directe des impôts, contrôle renforcé des finances locales. Antonin le Pieux succède à Hadrien en 138. Sous son règne, l’Empire atteint le summum de sa puissance et de sa prospérité. Avec Marc-Aurèle qui prend sa suite, la situation reste brillante, même si l’assaut des barbares se fait de plus en plus agressif.

Le siècle d’or des Antonins marque l’apogée de l’Empire romain qui ne sera jamais plus aussi riche et pacifié que sous les « cinq bons empereurs »6que furent Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin et Marc Aurèle.

Mais au roi philosophe succède Commode, son fils ivrogne et débauché qui pille le trésor, veut se faire reconnaître dieu et abandonne le pouvoir à ses favoris. Son comportement remet en lumière le point faible de la construction politique impériale qui est de concentrer trop de pouvoir aux mains d’un seul.

  1. Selon Pline, XXXIII, 97, la seule mine de Barbello aurait fourni à Hannibal 100 kilos d’argent par jour ; cité par E. Cavaignac, Les métaux précieux : les mines d’Espagne au IIe siècle avant J.-C., Annales, 1953, 8-4, pp. 498-501
  2. Limes : sous l’Empire romain, ligne fortifiée courant parallèlement à la frontière face aux pays barbares ou aux déserts (dictionnaire Larousse).
  3. Bataille d’Actium, -31 avant J.-C.
  4. Région située au centre de l’Asie mineure, autour de l’actuelle ville d’Ankara
  5. Région correspondant approximativement aux territoires de la Roumanie et de la Moldavie actuelles
  6. Expression inventée en 1503 par Machiavel et reprise dans l’ouvrage Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain de l’historien Edward Gibbon, 1776

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