Darmanin : le gaullisme social, héritier paradoxal mais naturel du macronisme

Si Gérald Darmanin apparaît comme un critique du Président de la République, le gaullisme social qu’il incarne est en fait un énième avatar du macronisme.

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Screenshot 2023-08-28 at 14-20-21 L'intégralité des discours de Gérald Darmanin et Élisabeth Borne à Tourcoing

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Darmanin : le gaullisme social, héritier paradoxal mais naturel du macronisme

Publié le 29 août 2023
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« Il ne faudrait pas que l’on remette notre avenir entre les mains de la technique et des techniciens ».

Cette phrase n’est étonnamment pas celle d’un opposant au président de la République le plus techno de la Cinquième République. Bien au contraire, puisqu’elle est sortie de la bouche de l’actuel ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

Ces propos, rapportés par nos confrères du journal Le Figaro, sont donc ceux d’un homme qui semble avoir oublié la nature du gouvernement dont il est une figure de proue.

Après Édouard Philippe, et sans doute avant le « moment Attal », c’est bien le ministre qui a demandé et fait exécuter le plus de dissolutions d’associations depuis neuf décennies qui est aujourd’hui considéré comme le futur incontournable de la prochaine élection présidentielle. Adoubé par Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin est, dans un gouvernement qui n’est qu’image, le mirage du dernier président de la République de droite que la France ait connue, comme Bruno Le Maire est celui de feu Jacques Chirac : des caricatures destinées à exciter la sympathie d’un électorat nostalgique de la vieille droite.

Pourtant, au-delà du mirage, Gérald Darmanin incarne parfaitement ce que pourrait être l’avenir de la Macronie, usant des mêmes méthodes, tout en adoptant une posture antagoniste.

 

L’éternelle peur du Rassemblement national

Dans des propos rapportés vendredi par Le Figaro, Jean-Luc Mélenchon, patriarche des Insoumis toujours prompt à voir l’autoritarisme partout sauf dans ses rangs, qualifiait Gérald Darmanin de « jonction de la droite et de l’extrême droite ».

L’extrême droite – ou droite anticonformiste, pour ménager les sensibilités -, le ministre de l’Intérieur la voit au pouvoir dans quatre ans. Ce n’est pas la première fois qu’une telle perspective est évoquée. Brandir la menace RN est le meilleur gage de mobilisation autour du camp dit « républicain ».

Gérald Darmanin ne s’y trompe pas : en appelant à l’unité face à cette menace, il rappelle à son camp qu’il en connaît la crainte immédiate et qu’il est prêt à assumer la charge de l’en débarrasser. Voici donc un remake du « c’est moi ou le chaos » déjà bien utilisé par le président actuel.

En cela, il est un successeur tout trouvé d’Emmanuel Macron.

 

La communication dans l’inaction

Un successeur d’autant mieux placé que, comme celui qu’il qualifiait de bobopopuliste quelques mois seulement avant de le rallier, Gérald Darmanin est un professionnel de la communication dans l’inaction.

Soutien des forces de l’ordre contre son collègue Éric Dupond-Moretti, il ira jusqu’à critiquer sa propre politique sans le dire. Le ministre de l’Intérieur est un spécialiste des effets d’annonce et des lois sécuritaires qui augmentent la pression, non sur les délinquants, mais toujours sur le quotidien des Français.

Dans ce sens, il perpétue un climat policier et une dérive autoritaire du pouvoir amorcée bien avant la présidence actuelle.

 

Un ministre à côté de la plaque

À côté de cette posture et de cette application de la politique sécuritaire présidentielle, Gérald Darmanin n’hésite pas à relativiser les chiffres de la délinquance de la Saint-Sylvestre et à attribuer les échauffourées en marge du match Real Madrid-Liverpool au Stade de France aux supporters anglais, préférant l’incident diplomatique aux émeutes, alors que les troubles étaient vraisemblablement le fait de jeunes de Seine-Saint-Denis qui n’avaient rien de hooligans ayant abusé de la Guinness.

 

Le gaullisme social comme posture consensuelle

Ayant des paroles dures sur les beatniks de Sainte-Soline et sur l’ultragauche d’Extinction Rebellion, Gérald Darmanin est avant tout un homme de posture dans une sphère macronienne qui en a fait son ADN.

Le potentiel futur candidat à l’élection présidentielle se positionne depuis longtemps comme un gaulliste social, à l’instar d’un Jean Castex, d’un Xavier Bertrand, ou même d’un Arnaud Montebourg. Cette pensée, qui était à l’origine celle de Philippe Seguin, est aujourd’hui celle des hommes politiques qui veulent se montrer proches du peuple, tout en jouant sur la nostalgie de la souveraineté nationale qui aurait été injustement volée par une poignée de fonctionnaires bruxellois.

Se dire gaulliste social, c’est trouver un qualificatif qui clivera le moins possible. C’est une forme de centrisme, et ce depuis les débuts de la Cinquième République. Les gaullistes sociaux ont une vision césariste de la social-démocratie. À la manière de René Capitant et Jacques Chaban-Delmas, ils se positionnent dans un arc allant du centre droit au centre gauche.

En somme, le gaullisme social est un de ces nombreux précurseurs du macronisme tout en constituant une antithèse parfaite. Il n’est ni de droite ni de gauche. Cependant, si le macronisme défend les cadres et les rentiers d’État dans une perspective europhile, le gaullisme social se focalise sur les classes populaires dans une perspective eurocritique.

En défendant ce positionnement, Gérald Darmanin reste dans l’arc social-démocrate initié par le président de la République, tout en pouvant s’en détacher en vue de conquérir un électorat qui a développé une véritable aversion pour la figure d’Emmanuel Macron sans parvenir à lui trouver un véritable opposant.

 

Une stratégie limitée

Se positionnant, dans les mots, comme un adversaire du président de la République, alors qu’il est un des piliers de son gouvernement, Gérald Darmanin est aujourd’hui dans une posture contradictoire si tant est qu’elle soit sincère, ce dont nous ne pouvons que douter.

Imaginons un instant qu’elle le soit. Gérald Darmanin serait en quelque sorte « prisonnier » de ce gouvernement, comme Emmanuel Macron aurait été prisonnier de la Hollandie il y a 10 ans. Dans ce cas, il ne pourra en sortir qu’en tuant le père, c’est-à-dire en démissionnant purement et simplement de l’exécutif.

Une manœuvre rendue compliquée pour l’ancien maire de Tourcoing. Ce dernier n’a pas, pour le moment, de machine politique lui permettant de s’émanciper de l’orbite d’Emmanuel Macron, contrairement à Édouard Philippe, déjà bien lancé dans la course pour l’héritage du président de la République, avec en ligne de mire l’élection de 2027.

Se limitant à des petites phrases et à la construction d’une image consensuelle tout en étant en contradiction apparente avec celui du macronisme, Gérald Darmanin est donc bien davantage un héritier d’Emmanuel Macron que ce que le tapage médiatique tente de faire croire.

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  • Avatar
    The Real Franky Bee
    29 août 2023 at 7 h 20 min

    Il fait l’unanimité contre lui, n’a aucune vision, et n’a rien de fait d’autre de sa vie à part de la politique : voilà donc le candidat parfait pour l’élection présidentielle. Il nous rejouera cet éternel air de flûte sur « la bête immonde », s’inscrira en héritier légitime du Général, et nous gratifira de quelques formules chocs inspirés d’un manuel de Karcher tout en allant draguer discrètement l’électorat californien. Évidemment, il faudra d’abord que ses chevilles enflées se confrontent à celle de Le Maire ou encore Philippe. En attendant, les médias généralistes se régalent de cette pathétique course aux invertébrés. Une quasi certitude de mon côté : je ne voterai plus à une élection française.

  • On assiste à la naissance d’un Sarkozy bis. Mais les Français ne sont plus dupes. Sarkozy s’est fait viré à son second quinquennat. Et contre Hollande en plus : pour dire que les Français ne sont pas prêts à revoter pour le même clown.

  • Comme le commentaire précédent
    Inutile de voter pour cette élection présidentielle qui n’est qu’une pantalonnade démagogique
    A chaque fois la France descend d’un cran à la mesure de sa dette incontrôlable
    Le macronisme du gaullisme social ? alors qu’on assiste depuis vingt ans à un appauvrissement ininterrompu
    du citoyen de base, au gré des impôts qui s’accumulent et du désert industriel, irrémédiable quoi qu’on en dise.

  • Il représente une étiquette incomplète, avec un charisme digne de Hollande, l’inconfort en plus.
    Je suis très surpris que Sarkozy le soutienne.

  • Dans les personnalités de droite, Darmanin est sans doute le plus intelligent et le plus malin. Darmalin.
    Hélas pour lui, ce n’est pas en servant force frites dans ses banquets qu’il va attirer le populo passé au RN depuis que la gauche fraye avec les islamistes, les écologistes et autres wokistes.

  • Reste le rejeton de Juppé. Monsieur 80 km/h.
    Le responsable de la plus grande « chienlit » depuis 1968 a-t-il une chance ?
    Aucune.

  • Il n’ira pas, il ne fait pas partie des leader mondiaux dont la France, pour une raison qui m’échappe, peut-être historique, est devenue une plaque tournante. Il n’est pas adoubé par le grand capital au travers des fondations comme la french-american fondation ou la China-French fondation (parrainée par Attali et Fabius) que Pompidou avait créé avec ses amis Rothschild et qui ont fait l’émergence de Macron, Philippe, Hollande, Pécresse, Mérieux, Clinton, Obama, j’en passe, dont énormément de grands patrons des grandes entreprises mondiales. Il restera le pantin qui occupera le peuple pendant que les « grands » s’amuseront à d’autres jeux plus intéressants.

  • Les commentaires sont fermés.

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