Lisnard vs Philippe : qui pour refonder la droite libérale ?

Dans un moment de reconfiguration de la droite française, qui sera le plus à même de représenter son versant libéral ? Pour Jonathan Frickert, deux personnalités se démarquent : Édouard Philippe et David Lisnard.

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Lisnard vs Philippe : qui pour refonder la droite libérale ?

Publié le 5 juillet 2023
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En avril dernier, un sondage de l’IFOP analysait le regard des Français sur les présidentiables de droite pour 2027. Ce sondage mettait en concurrence plusieurs personnalités en vue.

Selon une étude du même institut publiée deux semaines plus tard, les catégories sociales les plus favorables aux idées libérales sont les retraités, les dirigeants d’entreprise, les professions intermédiaires, les 35-49 ans, les titulaires de diplômes supérieurs, les non-diplômés et les classes moyennes.

La comparaison de ces deux études montre que si Édouard Philippe est celui qui est, aujourd’hui, le plus à même de rassembler la droite selon 47 % des Français, David Lisnard, tout en étant sans doute le moins connu et donc le dernier de cette liste, fait ses meilleurs scores dans les catégories sociales les plus sensibles aux enjeux de libertés.

Entre la popularité de l’un et le travail de fond de l’autre, il est plus qu’intéressant de mener une petite comparaison entre les hommes politiques les plus en vue de la sphère libérale.

 

Origines sociales : avantage Lisnard

Si les deux hommes ont approximativement le même âge, le comparatif de l’origine d’Édouard Philippe et David Lisnard montre déjà une tendance.

L’ancien Premier ministre est normand et fils d’enseignants. Ses arrière-grands-parents ont été militants PCF et CGT.

Le maire de Cannes est né à Limoges d’une mère danseuse de ballet et d’un père footballeur professionnel issu d’une famille de pêcheurs cannois implantés depuis le XVe siècle. Ses grands-parents et arrière-grands-parents sont entrepreneurs dans le domaine du BTP, du commerce et de l’hôtellerie.

 

Cursus scolaire : avantage Lisnard

Le simple fait qu’Édouard Philippe soit énarque suffirait à le disqualifier de la prétention à représenter la droite libérale, mais allons tout de même au bout des choses, car le maire du Havre a fait successivement hypokhâgne, Science Po puis l’ENA.

De son côté, le maire de la cité cannoise s’est contenté de la deuxième étape, tout en faisant plusieurs petits boulots pour financer ses études : déménageur, boucher puis commerçant.

 

Carrière : ex-aequo

En sortant de l’ENA, Édouard Philippe est devenu conseiller d’État puis avocat avant de devenir lobbyiste pour Areva, quelques années avant que l’entreprise d’État fondée par Anne Lauvergeon, l’ex-secrétaire générale adjointe du président Mitterrand, ne devienne Orano.

Après son départ de Matignon, Édouard Philippe entrera au conseil d’administration du géant français de gestion informatique Atos.

De son côté, David Lisnard n’occupera que des fonctions politiques, comme directeur de cabinet du député-maire de Lons-le-Saunier et vice-président de l’AMF Jacques Pélissard.

Adjoint au maire de Cannes, il sera président de plusieurs bâtiments et syndicats mixtes où il obtiendra des résultats impressionnants en termes de baisse de dépenses.

 

Parcours partisan : avantage Lisnard

Édouard Philippe a débuté son engagement politique au Parti socialiste, chez Michel Rocard, dans les années 1990. Un engagement qui ne l’a semble-t-il jamais réellement pénalisé, vu son parcours à partir de 2017. Il passera toutefois directement du PS au RPR avant de retourner vers le centre.

David Lisnard n’a pas eu autant de difficultés à se chercher. Engagé dès la fin des années 1980 au RPR, il militera pour son président en 1988 et 1995, restant fidèle au Corrézien.

 

Mandat : avantage Philippe

Au niveau de l’expérience du pouvoir, difficile de rivaliser avec quelqu’un qui a occupé Matignon durant plus de trois années après avoir été maire, conseiller général, président de communauté de commune, député et avant d’être président-fondateur de parti, à savoir Horizon.

De son côté, David Lisnard aura suivi le même parcours, à l’exception évidente du poste de chef de gouvernement, jusqu’à devenir président-fondateur de son propre mouvement, Nouvelle Énergie, parti intégré à LR.

 

Idéologie : avantage Lisnard

Le parti d’Édouard Philippe se revendique ouvertement du libéralisme, mais également du républicanisme et de l’europhilie. Ce dernier point met la puce à l’oreille quand on se souvient du plus évident : Édouard Philippe et les siens se sont fourvoyés dans un gouvernement jacobin et fortement teinté de saint-simonisme.

Sur les retraites, Édouard Philippe n’a rien proposé d’autre qu’une évolution paramétrique déjà bien trop connue : le recul de l’âge de départ.

Avec Gérard Longuet, David Lisnard a été un des seuls, à droite, à avoir évoqué la nécessité d’intégrer à notre système de retraite une part de capitalisation.

Nouvelle Énergie s’appuie explicitement sur des valeurs de liberté et de responsabilité individuelle, d’initiative locale et de performance publique au service de l’autorité régalienne de l’État.

Citant régulièrement Montesquieu, Tocqueville, Bastiat, Aron ou même Revel, David Lisnard parle régulièrement de l’urgence de débureaucratiser nos institutions.

Seul bémol, souligné par notre collègue Nathalie MP dans les colonnes d’Atlantico : David Lisnard aurait fait des appels du pied à Emmanuel Macron en 2016, époque où de nombreux libéraux s’étaient, eux aussi, laissés tenter.

 

À la recherche du Disraeli français

Si le duel semble inégal, n’oublions pas la popularité d’Édouard Philippe dans un électorat qui préfère décidément les élagueurs aux déracineurs, ceux qui coupent périodiquement les branches à ceux qui prennent le mal à la racine.

C’est pourtant bien de ce dernier profil que la droite libérale aurait besoin aujourd’hui. Après dix années de présidence occupée par un énarque jacobin, la droite doit s’incarner dans un entrepreneur girondin.

Malgré les rumeurs, il y a très peu de probabilités pour qu’Emmanuel Macron puisse réellement se représenter pour un troisième mandat. Le niveau d’exaspération à son égard est trop grand et cette proposition ne fait que montrer l’extrême fragilité de l’édifice sur lequel repose la majorité présidentielle. Après Emmanuel Macron, Renaissance ne sera qu’un tas de cendres éparpillées entre les forces politiques de l’Ancien Monde.

De son côté, la droite française se cherche. Tel est en particulier le cas des Républicains, point d’équilibre des droites, entre Renaissance et le Rassemblement national, et dont la situation est aujourd’hui celle du Parti conservateur britannique au XIXe siècle : un parti de petites chapelles et d’élus locaux sans chef ni colonne vertébrale idéologique, avant d’être repris en main par Benjamin Disraeli.

Depuis 2012, elle a perdu son chef, Nicolas Sarkozy, puis deux de ses intellectuels organiques : Patrick Buisson puis Éric Zemmour.

Depuis 11 ans, la droite se cherche un chef qui ferait ce que Benjamin Disraeli a fait aux Tories à la fin du XIXe siècle : unifier et structurer le Parti autour d’une doctrine.

Or, elle se fourvoie dans la recherche d’un chef comme un individu enchaînant les conquêtes afin de trouver la personne qu’elle épousera sans prendre la peine de se demander quel est le bon profil.

Ce profil n’est autre que celui d’un entrepreneur promoteur de l’initiative locale après des présidences Hollande et Macron menée par des énarques socialistes.

Aujourd’hui, David Lisnard est donc sans aucun doute le meilleur candidat pour devenir le Benjamin Disraeli français.

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  • Edouard Philippe a quitté les Républicains pour Emmanuel Macron après l’avoir pourtant décrié quelques mois avant sa nomination. Rien que pour ca il est disqualifié dans un role de rassembleur. Il a aussi largement montré avec les gilets jaunes qu’il était contre les automobilistes et qu’il ignore tout de la France laborieuse, coeur de l’électorat de « droite ».

  • Effectivement David Lisnard est sans aucun doute le meilleur candidat, c’est donc Edourd Philippe qui sera choisi.

    • Si on parle de refonder la droite libérale, qui choisit ? Edouard Philippe n’est ni de droite ni libéral, il a une formation aussi littéraire que Bruno Le Maire, donc c’est un causeur opportuniste, un vague reflet de Macron qui a eu la chance de moins se mouiller dans la décadence actuelle mais sans jamais s’y opposer. Il refondera peut-être quelque chose, mais sûrement pas une droite libérale.
      Pour Lisnard, je ne sais pas, mais c’est un peu inquiétant qu’on semble avoir besoin de lui mettre en concurrence un faire-valoir comme Edouard Philippe.

  • Édouard Philippe a démontré ce dont nous n’avons pas besoin qu’il reste au Havre et qu’il continue de faire couler Atos. Pouah !

  • Edouard Philippe, un homme de droite libérale?
    Mais vous délirez!
    Cet homme a emprisonné la france en 2020, a conduit l’un des gouvernements les plus dirigistes de notre histoire!
    Quelle farce!

  • Philippe c’est le gars qui a déclenché la crise des gilets jaunes avec une nième taxe sur le carburant que personne ne lui demandait, et accessoirement le 80km/h, qui est devenu une trappe à perte de points, notamment lorsqu’on passe d’un département à 90 à un à 80, sans parler de tout l’argent inutilement dépensé pour cette opération. Quand à la magnifique gestion de la crise du Covid, avec l’interdiction de soigner, restez chez vous et prenez du doliprane, chacun appréciera.

    10
  • Perpétuez l’énarchie, perpétuez le déclin.

  • Je me permets de signaler une erreur dans l’article : David Lisnard n’a pas « qu’exercé des fonctions politiques » et il n’y a donc pas « match nul ». David Lisnard a géré le commerce familial de PAP jusqu’à son élection à la mairie de Cannes.

  • Aucun des deux : l’un est un bel hypocrite, l’autre est une plateforme pour que LREM soit réélu aux prochaines élections.

    -1
    • L’un des deux est un Young-Leader de l’association franco-américaine, nommé en 2011. Cet adoubement fait que l’autre candidat n’aura aucune chance face aux « forces de l’argent ».

  • Lisnard est mal connu. Philippe est connu en mal.
    Si l’avenir des Republicains m’importait, je me ferais des noeuds au cerveau.
    Heureusement, je m’en moque autant que de celui du PS.
    « Là où loge le souci, le sommeil ne s’abat jamais » (Shakespeare)

  • Refonder la droite libérale avec Edouard Philippe, c’est un peu demander aux Khmers rouges de redonder un courant social-démocrate.
    Le parcours d’E. Philippe montre à quel point l’opportunisme est sa seule constante.
    Son action en tant que Premier Ministre est marquée par le dirigisme, le jacobinisme, les atteintes aux libertés publiques.
    Qu’il soit convaincu que l’Etat doit tout régenter, c’est son droit. En revanche, il est clairement disqualifié pour représenter un courant politique libéral.

    Quant à David Lisnard, son action en tant qu’élu montre qu’il sait réduire les dépenses publiques et, de tout le personnel politique actuel, c’est celui qui défend le plus les idées libérales.
    Je n’ai pas beaucoup d’illusions, mais c’est celui qui me semble le plus qualifié.

  • Edouard Philippe, un étatiste convaincu, sans idée novatrice, partisan de la réduction des libertés de chacun, créateur dans les faits des gilets jaunes …. C’est sur avec lui, l’état sera encore un peu plus verrouillé.
    David Lisnard, pas encore très connu, peu présent dans les médias, a au moins 2 très bons projets, une part de capitalisation dans nos retraites, c.a.d. le moyen de sauver NOS retraites, et une diminution de la bureaucratie qui paralyse notre pays et l’entraine tout doucement au fond du goufre.
    Pour moi il n’y a pas photo.

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