Partant du constat que la première moitié des deux révolutions industrielles passées n’a eu que peu d’impact sur les progrès de la productivité du travail, avant la survenue d’une forte accélération de celle-ci au cours de la deuxième moitié, Christian Saint-Étienne pense que nous sommes à la veille de cette deuxième phase de la révolution industrielle en cours, dans son dernier livre « Trump et nous, comment sauver la France et l’Europe ». Pour lui, la France et l’Europe sont actuellement démunies pour anticiper la conjoncture économique mondiale qui devrait donner lieu à de nouvelles décennies glorieuses, sous réserve de l’absence d’une troisième guerre mondiale.
L’économiste considère en effet qu’on ne peut pas prétendre gouverner une nation ou un ensemble d’États sans comprendre le tropisme séculaire ci-dessus et, surtout, sans analyser les accélérations techniques actuellement à l’œuvre. La première d’entre elles est née de la révolution iconomique intervenue au cours des années 1990 sous l’effet de la mise en réseau de centaines de millions de micro-ordinateurs par Internet. La deuxième est apparue vers 2007 avec la commercialisation du premier smartphone, l’iPhone d’Apple, capable de mettre un ordinateur dans un téléphone et de rendre son usage facile grâce à un écran tactile. La troisième accélération est en cours depuis 2015, avec la montée en puissance simultanée de l’intelligence artificielle et de la 5G appelées à se déployer massivement d’ici à 2027. Cette troisième accélération est déjà bousculée par la quatrième en cours de déploiement.
Cette dernière nous promet déjà la création d’un double médical virtuel de l’homme, progressivement abordable pour tous, permettant de simuler les interventions sur le corps humain, ainsi que la numérisation de l’espace par des constellations de satellites qui accéléreront la virtualisation de la planète. Les doubles virtuels des usines permettent de tester de nouvelles configurations des usines réelles, de qualifier de nouveaux équipements et de simuler les interactions entre tous les équipements, d’analyser les effets de pannes potentielles, ce qui accélère la transformation du système productif. La conception à grande échelle de doubles virtuels de villes entières permettant d’optimiser les réseaux de transport, d’anticiper l’impact des travaux, d’imaginer de nouveaux quartiers et leur interaction avec le reste de la ville, etc… est déjà une réalité.
Les agents IA vont accélérer les effets de transformation de la troisième révolution industrielle. En fonctionnant avec l’intelligence artificielle générative, ils deviennent des assistants numériques capables d’automatiser certaines tâches répétitives et/ou associées à de nombreux emplois. Ils vont amener d’importants progrès de productivité allant beaucoup plus loin que les assistants conversationnels tels que ChatGPT, Copilot ou autre Mistral, en constituant la deuxième étape de l’IA générative ; de sorte qu’on ne devrait bientôt plus avoir qu’à leur poser ou à leur formuler des questions de type « prompt ». On peut déjà donner des instructions à un automate faisant appel à ces agents IA en continu, sans nécessité d’interagir avec lui. Ces derniers peuvent interpréter la donnée, planifier les tâches requises et proposer des actions nécessaires ou souhaitables. À partir de 2025, Microsoft, Google, Amazon, Anthropic, OpenAI, Salesforce, H et beaucoup d’autres entreprises vont proposer d’innombrables agents IA transformant la recherche, la production, la vente et le service client de produits actuels et nouveaux. Google prépare un Jarvis capable de se substituer à l’internaute pour surfer sur le Web avec Chrome et réaliser des recherches ou des achats.
Plusieurs milliards d’agents IA seront actifs dès la fin de 2025, avant leur généralisation sur les ordinateurs personnels et sur les portables avant 2030. Des entreprises chinoises, comme DeepSeek, excellent déjà en la matière.
L’accélération de toutes les formes d’IA – usages de la blockchain, réalité virtuelle augmentée, cryptomonnaies et autres jetons non fongibles NFT – instaurent peu à peu le « métavers », pour méta univers, l’une des composantes de la révolution iconomique dans laquelle la voiture pleinement autonome finira par prendre toute sa place. Ainsi, il ne faut surtout pas confondre accélération technologique et révolution industrielle pour expliquer et agir convenablement. Car ceux qui ne comprennent pas la signification de ces accélérations et la nature de la révolution iconomique ne voient pas qu’elles façonnent les nouvelles chaînes de production de valeur, créant une nouvelle hiérarchie des puissances. Les pays qui n’investissent pas massivement dans les nouvelles technologies seront soumis à la loi de ceux qui les maîtrisent. En dépit de la qualité de ses scientifiques, ingénieurs et ouvriers, l’Europe est en voie de sous-développement technologique.
S’il est un pays qui ne doute guère du bien-fondé du diagnostic et du pronostic sommairement rapportés ci-dessus de Christian Saint-Étienne sur la révolution iconomique, ce sont bien les États-Unis dont le Président Donald Trump a promis à ses entreprises de les aider à disposer d’autant d’électricité que nécessaire, lors du lancement du Stargate (1). Outre-Atlantique, on n’a manifestement pas prévu que pareil service national rendu aux capitaines d’industries passe par la programmation pluriannuelle d’une quelconque transition écolo-énergétique, l’évidence à laquelle le journal Le Monde n’a pu que se rendre (2).
De fait, quand Microsoft et Constellation Energy ont déjà programmé pour 2028 le redémarrage de Three Mile Island 1 en cours de remise en état – une tranche nucléaire arrêtée en 1979 ! (3)(4) –, Bill Gates, le fondateur du premier partenaire cité et Chris Levesque de la société Terra Power prévoient la construction dans le Wyoming d’un réacteur à neutrons rapide semblable à notre infortuné Superphénix. D’autres projets privés de Jeff Bezos cofondateur de Breakthrough Energie Ventures, ou de NusCale Power pour le développement des réacteurs modulaires SMR ou X-energy voient le jour pour la construction de réacteurs à haute température refroidi au gaz avec la bienveillance de l’Etat plutôt qu’avec la multiplication de contraintes de sa part.
Mais le témoignage le plus significatif d’une mobilisation électro-énergétique américaine aux antipodes de ce qui est observé en Europe est cette décision de la Commission américaine de réglementation nucléaire (NRC) d’autoriser l’exploitation des deux tranches nucléaires de Diablo Canyon, en Californie, pour 20 années supplémentaires, au-delà de la date de fermeture initialement prévue (5) ; deux tranches respectivement de 1138 MW et de 1 118 MW mises en service commercial en 1985 et 1986.
Pendant ce temps, que fait la France non pas pour hisser dans les délais requis sa production de KWh à la hauteur du défi iconomique dont il vient d’être question, mais seulement pour prévenir l’effet falaise de l’obsolescence d’un parc électronucléaire qui faisait naguère l’admiration du monde, prévue sous moins de 20 ans ? Bien qu’elle ne sache toujours pas où trouver les quelque 70 milliards d’euros que devrait coûter la construction de ses six premiers réacteurs EPR2, ses dirigeants n’en finissent pas de se perdre en réunions stratégiques byzantines faisant assauts de résolutions tout en postures (6), tranchant avec la planification gravée dans le marbre d’une PPE3 dont les Français ne réaliseront que trop tard la ruineuse stérilité. On ne reviendra pas, en effet, sur les quelque 200 milliards d’euros que va globalement leur coûter ce plan depuis longtemps démonétisé, dont RTE, à lui seul, se fait fort de consumer la moitié (7).
Il est un lien que les fondés de pouvoir des artisans de la mutation anthropogénétique verte, aux manettes de tous les gouvernements européens depuis 25 ans, et leurs disciples (8) se sont toujours gardés de faire, celui entre le potentiel énergétique d’un pays et sa puissance militaire, sa capacité à mener avec succès toute guerre préventive ou subie. C’est pourquoi les peuples de l’UE doivent plus que jamais exiger de leurs gouvernements la réponse sans ambigüité à la question suivante : selon vous, les redoutables complexes militaro-industriels américain, russe et chinois sont-ils principalement nourris de KWh photovoltaïques et éoliens ?
 (3)  https://www.sfen.org/rgn/decouvrez-le-calendrier-du-redemarrage-de-three-miles-island/
(4) Quid de l’empressement de nos fossoyeurs à rendre irréversibles les sabotages de Superphénix et de Fessenheim !
 (5)  https://www.nucnet.org/news/nrc-finds-diablo-canyon-safe-for-extended-operation-beyond-2025-6-1-2025
(6) Â https://www.sfen.org/rgn/nucleaire-contrat-de-filiere/
(8)  Boris Vallaud : … face au retard pris dans le développement des énergies renouvelables, attendre cinq ans et un retour d’expérience sur la construction des nouveaux réacteurs, avant de s’engager sur des capacités supplémentaires : https://www.bfmtv.com/politique/parlement/quel-avenir-pour-l-atome-bataille-en-vue-a-l-assemblee-nationale-autour-de-la-relance-du-nucleaire_AD-202506160074.html
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