Néonicotinoïdes et oiseaux des champs : des picogrammes dans des microlitres

Une équipe de chercheurs a publié un rapport sur la présence de néonicotinoïdes chez les oiseaux des champs. Que penser de ce rapport ?

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Néonicotinoïdes et oiseaux des champs : des picogrammes dans des microlitres

Publié le 4 mars 2023
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Une équipe de chercheurs que nous relierons ici à la Zone Atelier Plaine et Val de Sèvre (Chizé) – Elva Fuentes, Agathe Gaffard, Anaïs Rodrigues, Maurice Millet, Vincent Bretagnolle, Jérôme Moreau et Karine Monceau – a publié dans Chemosphere « Neonicotinoids: Still present in farmland birds despite their ban » (néonicotinoïdes : toujours présents chez les oiseaux des champs malgré leur interdiction).

L’historique de cet article est plutôt étonnant : il a été reçu le 3 janvier 2023, révisé le 5 février 2023, accepté le 6 février 2023, mis en ligne le 10 février 2023.

C’est de la publication Speedy Gonzales ou Road Runner !

 

Résumé

Comme d’habitude, pour ne rien perdre de l’essentiel de la pensée des auteurs, voici le résumé (découpé pour faciliter la lecture) :

« Les néonicotinoïdes (néonics) sont les insecticides les plus utilisés dans le monde et sont considérés comme présentant un faible risque pour les organismes non ciblés tels que les vertébrés. En outre, ils seraient (reported to be) rapidement excrétés et métabolisés, ce qui réduit leur toxicité potentielle. Néanmoins, les preuves croissantes des effets négatifs des néonics sur les espèces d’oiseaux des champs soulèvent des questions sur la nature prétendument inoffensive de ces pesticides.

Nous avons tenté de rechercher des résidus de pesticides chez des espèces de différents niveaux trophiques et à différents stades de vie, en utilisant plusieurs programmes de surveillance des oiseaux sur une plateforme de recherche socio-écologique à long terme (LTSER).

Trois passereaux – le merle (Turdus merula), le bruant zizi (Emberiza cirlus) et le rossignol (Luscinia megarhynchos) – qui se nourrissent de graines et d’invertébrés ont été suivis pendant leur période de reproduction, et la perdrix grise (Perdix perdix) qui se nourrit de graines a été suivie pendant sa période d’hivernage. Nous avons également suivi les poussins d’un prédateur ultime, le busard de Montagu (Circus pygargus), qui se nourrit principalement de campagnols communs mais aussi d’insectes.

Nous avons constaté que les échantillons de sang des oiseaux montraient la présence de résidus de cinq néonics : trois interdits depuis 2018 en France – la clothianidine, le thiaclopride et le thiaméthoxame – et deux – le dinotéfurane et le nitenpyram – utilisés uniquement à des fins vétérinaires.

Si aucun de ces néonics n’a été détecté chez les merles, tous étaient présents chez les perdrix grises. La clothianidine a été détectée chez toutes les espèces, à l’exception des merles.

Les concentrations des trois néonics interdits étaient similaires ou supérieures aux concentrations trouvées chez les oiseaux contrôlés ailleurs avant l’interdiction. Ces résultats soulèvent des questions sur la persistance des néonics dans l’environnement et le mode d’exposition de la faune sauvage.

De futures recherches sur les effets sublétaux de ces néonics sur les traits de l’histoire de vie de ces oiseaux de milieux agricoles pourraient aider (may help) à mieux comprendre les effets de l’exposition des populations d’oiseaux à ces insecticides, ainsi que les effets conséquents sur la santé humaine. »

 

Ça pue le militantisme !

Dès le titre !

L’interdiction des néonicotinoïdes en agriculture a une chronologie plutôt complexe en France et dans l’Union européenne (ils restent autorisés et utilisés ailleurs). On peut cependant admettre qu’ils ont légalement disparu du paysage en France au 1er septembre 2018. Qui – de raisonnable – pourrait s’étonner de la présence de résidus dans l’écosystème quelque deux, trois ou quatre années après ?

Dès l’introduction, les auteurs se font marchands de doute. « Les néonicotinoïdes (néonics) […] sont considérés… », alors que leur excellent profil s’agissant des vertébrés fait consensus… au point que l’imidaclopride est utilisée à forte dose pour l’antipuçage de nos animaux de compagnie.

De même, « ils seraient (reported to be) rapidement excrétés et métabolisés ». Ils seraient également d’une nature « prétendument inoffensive… ».

C’est de la science bruits de couloirs !

Que penser aussi de ce titre fort sélectif quand les auteurs rapportent la présence de résidus, non seulement d’insecticides anciennement agricoles, mais aussi de médicaments vétérinaires ?

La réponse est assez simple : les techniques d’identification sont maintenant tellement sensibles que l’on trouve à peu près tout dans tout (à condition de chercher). Ainsi, en mars 2013, grâce à 60 millions de Consommateurs, les médias ont pu faire du chiffre de vente et d’audience parce qu’on avait trouvé des traces de pesticides et de médicaments dans des eaux minérales.

 

Nous supputons…

Le résumé ne s’éternise pas sur les médicaments vétérinaires dinotéfurane et nitenpyram… Ils ne sont pas dans le collimateur du militantisme anti-néonicotinoïdes.

Du reste, on peut se demander pourquoi ils ont été inclus dans l’étude et pas l’acétamipride ni l’imidaclopride, l’insecticide agricole qui fut le plus largement utilisé. Selon les explications des auteurs, « ces composés n’étaient pas détectables avec la méthode multi-résidus utilisée dans cette étude ». Le choix de la méthode aurait donc été malheureux…

Pourtant, l’acétamipride et l’imidaclopride avaient été détectés dans Fritsch et al., l’étude précédente sur les poils de petits mammifères.

Les auteurs de la nouvelle étude se sont du reste empressés d’ajouter :

« Cependant, connaissant le contexte historique de la zone d’étude et les résultats des études menées dans la même zone avant l’interdiction des néonics […], si le titrage avait été possible, nous nous serions attendus à trouver de grandes quantités d’imidaclopride dans le sang des oiseaux et probablement aucune ou de très faibles concentrations d’acétamipride. »

C’est de la science au doigt mouillé.

 

Capture oiseaux 2

 

Une conclusion délirante

Les auteurs ne s’interrogent donc pas plus avant dans leur résumé sur la présence de ces médicaments vétérinaires dans le sang de certains oiseaux ; ils se lancent cependant dans des suppositions dans le texte (notamment des « contaminations » dans les fermes d’élevage des perdrix). Ni sur l’absence de traces de néonicotinoïdes chez les merles.

Le résumé – le seul élément qui sera peut-être lu par les prêcheurs d’apocalypse (l’article est derrière un péage, sauf pour quelques extraits) – est aussi très vague sur les résultats. Aucune indication quantitative, ni sur les teneurs observées, ni sur le nombre d’oiseaux « contaminés ».

« La clothianidine a été détectée chez toutes les espèces, à l’exception des merles », écrivent-ils ? Chez trois busards de Montagu sur 55 (5 % des effectifs), du reste à des doses très élevées, huit perdrix sur 31 de l’hiver 2021-2022 (26 %), mais aucune sur les 23 piégées lors de l’hiver précédent. Et le 100 % de bruants et de rossignols « contaminés » au thiaclopride le sont pour des teneurs inférieures à la limite de quantification.

Mais les auteurs ne se posent pas de questions sur la pertinence de leurs résultats. Non, pour eux, les questions sont la persistance dans l’environnement et le mode d’exposition, ici des oiseaux.

Il y a pourtant mieux : une étude scientifique se conclut généralement par une suggestion d’entreprendre de nouvelles études.

Ici, bien que la question n’ait visiblement pas été abordée dans l’étude, ce serait sur les « effets sublétaux de ces néonics »…

… Et même sur les « effets conséquents sur la santé humaine ».

On ne se refuse rien dans la recherche militante…

« Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison » – Paracelse

Les auteurs rapportent leurs résultats dans une curieuse unité : des picogrammes par microlitre de sang. Faisons court : c’est (aussi) des microgrammes par litre (et en gros un tiers de gramme dans une piscine olympique de 3000 mètres cubes).

Par exemple, pour la clothianidine les concentrations moyennes observées varient de 0,05 microgramme par litre (µg/L) chez… deux rossignols à 951,60 µg/L chez… trois perdrix.

Selon le site canadien SagE Pesticides : « [l]a clothianidine est pratiquement non toxique chez le colin de Virginie (DL50 supérieure à 2 000 mg/kg p.c.) » (la DL50 est la dose qui tue 50 % des animaux dans un test de laboratoire). Nous ne parlons certes pas de la même chose (effets sublétaux et dose létale), pas de la même matrice (sang dans un cas, corps entier dans l’autre), ni des mêmes espèces. Mais nous sommes dans des rapports de 1 à 4 millions et de 1 à 2000, respectivement.

À ces doses-là et avec un brin d’ironie, on peut évoquer des effets homéopathiques…

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  • D’accord, on peut faire l’autruche et trouver les pesticides fantastiques, n’en reste pas moins que les populations d’insectes et polenisateurs diminuent dangereusement (indirectement les oiseaux), et que l’auteur devrait avancer des solutions plutôt que de vomir sur ses détracteurs.

    -8
    • Source ? A ma connaissance, par exemple, la disparition des abeilles est moindre que ce que la présence du frelon asiatique devrait impliquer…

    • Ce n’est pas en cherchant au mauvais endroit qu’on trouvera une solution pour enrayer la diminution de ces espèces. Et ce n’est certainement pas avec de mauvaises études qu’on la trouvera, au contraire, perte de temps. C’est même une escroquerie intellectuelle de se dire soucieux de l’environnement et en réalité faire un faux combat, qui ne résoudra donc pas le problème qu’on pose. Mais peut-être leur problème n’est-il pas la préservation des oiseaux mais la disparition pure et simple des pesticides , quelqu’en soit l’utilité et in fine le prix à payer pour les humains, ces prédateur sans foi ni lois (mais en fait, si, les lois existent et sont raisonnables en fait).

      • Euh… Depuis une vingtaine d’années, les lois ont cessé d’être raisonnables. Auparavant, le sens commun en remplaçait beaucoup et avec une grande efficacité. Pour la préservation des oiseaux, il vaudrait peut-être mieux trouver un remède à la grippe aviaire que chercher au microscope des substances dont l’innocuité n’a pas encore été démontrée dans les fientes des étourneaux dont le nombre a doublé et pour l’effarouchement desquels les villes bretonnes dépensent chaque année un peu plus… Tiens, mais peut-être, si ces oiseaux disparaissaient, les revenus des effaroucheurs aussi ?

    • Bien sûr que ça diminue chez les oiseaux ! Enfin il paraît…
      Mais c’est la faute aux éoliennes, c’est évident.
      A la déforestation, c’est évident.
      Au rechauffement climatique, c’est évident.
      Aux pratiques agricoles, c’est évident.
      Aux chats qui pullulent, c’est évident.
      Coche la bonne case et choisis ton camp camarade !

  • Je suis très inquiet…. on a trouvé des phosphates dans mes urines ???? question dois-je continuer de ma laver avec de la lessive ? (https://fm.univ-ouargla.dz/images/CoursMedecine/2emAnne/3-Composition_De_Lurine.pdf) . Encore une corrélation …. A quand les explications ?

  • Camarade ! Les insectes sont la nourriture de demain des hommes. S’il n’y en a plus, comme qu’il va faire l’écolo ? Et surtout, interdisons toute étude sur les flatulences des insectes végétariens ; des fois qu’ils pètent du méthane comme les vaches.

  • Une autre conclusion eût été possible : la perdrix grise est incompatible avec les néonicotinoïdes.

  • Pour avoir fréquenté le monde de l’ornithologie et le fréquenter encore occasionnellement, disons que les causes des raréfactions ou disparitions d’oiseaux y sont très rarement étudiées de manière scientifique.
    La plupart des « spécialistes », dont beaucoup seraient bien avisés de davantage vivre dans les campagnes, la « nature » ne s’étudiant pas par observation ponctuelle quelques jours par an ou par mois, évaluent les causes des raréfactions ou disparitions selon la méthode du doigt mouillé. Les pesticides sont souvent mis en cause par des ornithologues à trois balles qui lorsque vous leur demandez des références d’études, quelque soit l’oiseau en question, vous répondent un truc du genre « tout le monde le sait ».
    Les vraies études scientifiques sont très rares car coûteuses techniquement (captures et balisages des oiseaux) et en temps (beaucoup de volontaires motivés sont nécessaires).
    Il en existe cependant pour certaines espèces d’oiseaux, notamment la perdrix grise et la perdrix rouge, car les fédérations de chasseurs s’en inquiétant beaucoup ont mis le paquet dans ce domaine.
    Toutes les études sur la perdrix grise ou rouge ont donné exactement les mêmes résultats à quelques % près : -mort par prédation 80% environ dont renards dans les 30 %, prédateurs indéterminés pour le reste (chats, loups, belettes, lynx, sangliers) – mort par oiseaux de proie 10% environ – mort par maladies 4-6%, -mort de cause inconnue ou par machine agricole 4 à 6%, en précisant, qu’en principe, seules les perdrix qui font une seconde nichée suite au massacre de la première sont affectées par les machines agricoles, pour des questions de timing. S’agissant d’intoxication aux pesticides, des cas ont parfois été relevés, mais ils sont trop rares pour être signifiant en pourcentage.
    Le cas des perdrix est emblématique de tous les oiseaux nichant au sol ou près du sol et qui sont aujourd’hui dramatiquement impactés par la pullulation des prédateurs : chats (rares dans les campagnes avant le XXème siècle, beaucoup de gens l’ignorent !), renards, belettes, fouines, loups, lynx, sangliers, oiseaux de proie, écureuils (un rat en tenue de soirée qui aime se gaver d’oeufs et d’oisillons). Les ignorants des villes se félicitent de l’explosion des populations de prédateurs et appellent cela la biodiversité !
    Cela en dit long sur leur ignorance crasse.
    L’explosion des prédateurs entraine la diminution drastique de leurs proies, et notamment des proies les plus facilement accessibles comme un nid au sol ou près du sol ou comme les moutons d’un troupeau, si faciles à croquer pour un loup ou un lynx.
    Sans rentrer dans la question de l’élevage en plein air, en situation tragique dans de nombreuses régions, comme celle de la pisciculture de plus en plus moribonde en raison de la pullulation des oiseaux piscivores du fait d’une protection qui a également viré à la surpopulation, disons que la biodiversité est en train d’en prendre un sacré coup, en France bien sûr, mais également ailleurs en Europe et qu’une grande partie des oiseaux nichant au sol ou près du sol sont en première ligne pour le massacre et ceux nichant à mi hauteur en 2ème ligne. Les corvidés qui nichent très haut ne sont pas affectés, ce qui est d’autant plus tragique qu’ils concourent eux aussi au massacre puisqu’ils sont également consommateurs d’oeufs et d’oisillons et pas seulement ravageurs des cultures.
    A affirmer des absurdités sans fondement et à refuser de considérer les vraies causes par fanatisme écolo, on est en train de précipiter une réelle tragédie.

  • Un modèle d’objectivité de ces écolos : « si le titrage avait été possible, nous nous serions attendus à trouver de grandes quantités d’imidaclopride dans le sang des oiseaux » On ne peut pas le mesurer, mais sûr il doit y en avoir ! . Et comme le précise l’auteur, l’imidaclopride, désormais interdit en élevage et an agriculture mais autorisé sur les animaux de compagnie, a été utilisé pour lutter contre les poux des poules pondeuses (1). Il est curieux de prétendre qu’un produit alors utilisé sur des volatiles d’élevage serait responsable de la raréfaction des volatiles sauvages.
    (1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Scandale_des_œufs_contaminés_au_fipronil

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