L’énarchie, une technocrature à la française ?

Notre régime politique n’est plus une démocratie représentative, mais une technocrature – dictature de la technocratie – exercée, entre autres, par les 7000 anciens élèves de l’ENA.

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L’énarchie, une technocrature à la française ?

Publié le 7 octobre 2020
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Par Alain Goetzmann.

Depuis le début de la crise sanitaire, nos gouvernants ne cessent de prendre des décisions autoritaires. Souvent contradictoires, elles apparaissent toujours floues, sujettes à discussion et à comparaison, ce qui les rend inéquitables aux yeux des populations concernées.

Restrictives de nos libertés les plus élémentaires, elles sont de plus assorties de sanctions immédiates. Ce foisonnement d’incohérences n’est pas de leur seul fait. Il est soigneusement entretenu par la multitude de fonctionnaires qui peuple les cabinets ministériels et la haute administration, laquelle, nourrie de convictions jacobines, entend, de Paris, faire notre bonheur malgré nous.

Une technocrature

Notre régime politique n’est plus une démocratie représentative, mais une technocrature – dictature de la technocratie – exercée, entre autres, par les 7000 anciens élèves de l’ENA.

En 75 ans, ils ont investi toutes les administrations, tous les ministères, nombre de structures économiques et sociales, la plupart des postes politiques, Premier ministre et président de la République compris.

Ils ont rendu la chose publique à ce point complexe, que désormais seuls à en connaître les rouages dans le détail, ils entendent bien y prospérer. Dans le traitement de la crise sanitaire, associés aux médecins dont le spectacle médiatique quotidien conjugue dogmatisme et invective, ils ont créé ce que l’économiste Jean-Marc Daniel désigne, à juste titre, comme le complexe médico-technocratique.

Nous sommes ainsi passés du : « le masque ne sert à rien, il est même dangereux… » au : « le masque est obligatoire, sinon 135 euros d’amende ». Selon André Comte-Sponville « Il y a désormais un ordre sanitaire comme il y avait autrefois un ordre moral. »

Peu importe que de mai à août 2020, la mortalité n’ait pas progressé par comparaison avec 2019 (INSEE) ; peu importe que le chômage explose, tout particulièrement chez les jeunes, malgré les milliards déversés ; peu importe que la dette du pays s’envole en même temps que décroît son PIB, la technocrature parisienne, effrayée par les éventuels procès qui pourraient lui être intentés, maintient le cap, fait agir les préfets et arbitre au moins risqué pour elle, imposant ses décisions à des édiles indignés, pourtant fraîchement élus.

Cette nouvelle caste qui s’est arrogée tous les pouvoirs est pourtant totalement incompétente dès qu’il s’agit de la vie des entreprises au quotidien, cette méso-économie qui crée la richesse et l’emploi.

Citons Isabel Marey-Semper, présidente du jury de l’ENA, commentant le rapport qu’elle a remis au Premier ministre, en janvier dernier :

Ces jeunes gens sont excellents en droit public, finances publiques, macro-économie mais ils voient surtout le secteur privé comme une source de financement de l’action publique, par les recettes fiscales.

Il est urgent de décentraliser

C’est pourquoi il faut d’urgence, décentraliser, transmettre tous les pouvoirs aux collectivités locales et exiger que l’État se mette à leur service. Il est intolérable que les grandes métropoles, les départements, les régions se voient imposer par les préfets des décisions contraires à leur volonté.

Au lieu de pratiquer un autoritarisme sanitaire tatillon, la technocrature ferait mieux, pour dynamiser l’emploi, de s’occuper de notre attractivité – nous avons les compétences les plus basses de l’OCDE, les coûts salariaux et les impôts les plus élevés – en engageant une vraie réforme de l’État. Mais comment demander à une classe devenue dominante de scier la branche sur laquelle elle s’épanouit.

Dans Le nœud gordien, écrit pendant son éphémère retraite du pouvoir en 1968/69, Georges Pompidou prophétisait :

La République ne doit pas être la République des ingénieurs, des technocrates, ni même des savants. Je soutiendrais volontiers qu’exiger des dirigeants du pays qu’ils sortent de l’ENA ou de Polytechnique est une attitude réactionnaire qui correspond à l’attitude du pouvoir royal, à la fin de l’ancien régime, exigeant des officiers une certain nombre de quartiers de noblesse.

La République doit être celle des politiques, au vrai sens du terme, de ceux pour qui les problèmes humains l’emportent sur tous les autres, ceux qui ont de ces problèmes une connaissance concrète, née du contact avec les hommes, non d’une analyse abstraite ou pseudo-scientifique de l’homme.

J’appelle de mes vœux le retour à une politique hardie, animée par des femmes et des hommes courageux qui privilégient l’économie, le travail, la vie. Notre président nous a déclaré en guerre. Avons-nous jamais gagné une guerre, réfugiés dans un abri ? En laissant l’intendance définir la stratégie ? En sacrifiant la génération montante ?

Non, ce n’est pas en nous protégeant au-delà du raisonnable que nous surmonterons ce défi. Inquiétons-nous du chômage des jeunes plutôt que de leurs fêtes et libérons les énergies en laissant agir les élus au contact du terrain.

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  • Le constat est incontestable. Mais imaginer que cette technocrature lâchera le pouvoir, c’est se bercer d’illusions. Imagine-t-on Kim Jong-Un partir de lui-même ? D’autant que cette caste a pris soin de contrôler tous les médias grand public: elle contrôle donc le narratif de ce qui se passe et elle a les moyens de faire taire les voix dissidentes.
    Il faut admettre que la (relative) démocratie que nous avons connue est morte. C’est ça, le monde d’après.

    • L’énarchie est-elle héréditaire ?

      • Les milieux favorisés sont très largement surreprésentés parmi les énarques.

        • Ce qui s’explique peut-être aussi parce que les individus ayant vu concrètement le problème que posait le manque de libertés dans l’action humaine, puisque leurs parents en ont souffert, n’ont pas du tout envie de se mettre à participer à ce système criminel constitué de l’État et de tous ses démembrements (qui ont pour trait commun de recourir à la violence au lieu de la persuasion).

          Alors que dans les milieux favorisés, vivant le plus souvent soit directement de la redistribution politique, soit grâce aux pseudo-investissements faits par eux ou par d’autres dans la politique (par exemple : cabinet d’avocats fiscalistes), on ne voit pas du tout où est le problème.

        • C’est le cas de toutes les grandes écoles et tout à fait logique, un enfant de famille favorisée est poussé à ne pas faire un CAP. Mais il y a plein d’enfants d’enseignants aussi.

  • L’ena à bon dos, toutes les grandes écoles dans le monde placent leurs élèves dans les rouages du pouvoir. C’est normal, l’anormale est la médiocrité de nos élèves et c’est valable dès la maternelle.

    • « toutes les grandes écoles … »

      l’ENA n’est pas une grande école, c’est un club.

      • Exactement ! Une grande école normale révèle les qualités de ceux qui parviennent à y entrer, et ceux qui en sortent s’appuient sur la réputation des anciens pour se faire recruter à des postes où ces qualités sont requises. L’ENA, et les Grands Corps de l’Etat, ont mis en avant les « qualités » essentielles dans l’administration : le carnet d’adresses et le mode de pensée standardisé, au détriment de l’intelligence personnelle et de l’initiative souvent baroque mais souvent géniale aussi. Exactement ce dont les grandes écoles « normales » considèrent que ça n’appartient qu’aux conversations sur le terrain de golf et au club house et doit rester bien distinct de l’enseignement.

        • la capacité de l’ENA est le réseautage et ils sont très bons là dedans, si cela suffit pourquoi d’autres qualités ? CQFD.

    • Le problème n’est pas tant l’école que la consanguinité sociale qu’elle implique. Ces gens-là ont des parcours similaires, baignent dans le même jus…

    • L’ENA a été créée par Maurice Thorez traître à la France et agent de l’union soviétique négociant en Juillet 40 avec la Kommandantur la réouverture de l’humanité. Réfugié en URSS à la rupture du pacte germano soviétique en 41, il a oeuvré à l’infiltration de la Résistance française par le parti communiste. A la libération il a impulsé la création de l’ENA sur le modèle des écoles du parti soviétique.

      Si on veut sortir du socialisme, il faut abolir les écoles publiques d’administration comme l’ENA ou sciences po.

      • 100 pour 100 d’accord avec votre commentaire la seule réforme qui vaille est effectivement sa suppression et vous avez rappelé très bien les circonstances de sa création outil de propagande au service du socialisme soviétique qui a très bien réussi d’ailleurs

      • Oui oui c’est la faute à Thorez et au socialisme. Tout de même, 75 ans après peut-on encore affirmer une telle chose, l’eau a coulé sous les ponts ! Qu’une ENA (même mal conçue) existe n’est pas un problème en soi. On tourne en rond non en renvoyant sans cesse à sa création !
        C’est ce qu’on en fait d’une chose qui importe. Une arme à feu avant son usage n’est ni mauvaise ni bonne. En outre une arme peut s’améliorer dans le temps. Tout dépendra de.. Ainsi une ENA dans un pays dirigiste centralisée ne peut que se tranformer qu’en caste qui truste le pouvoir et l’administration. Notre problème de fond n’est pas l’ENA, celle-ci n’est que la partie émergée de l’iceberg, c’est notre organisation de fait centralisée. C’est un bouc émissaire parce qu’il est commode de désigner un coupable, généralement plutôt une personne, un groupe, une organisation plutôt qu’un système. Je ne défend pas l’ENA pour autant, mais dans une autre organisation décentralisée celle-ci se réformera naturellement.

        Maintenant supprimez l’ENA et vous aurez une autre caste au pouvoir.

        • Tous en choeur : C’est le socialisme qui nous baise, c’est la faute à Thorez, c’est l’administration qui rend con , c’est la faute à Macron.
          (merci Victor Hugo).

        • Oui, bien sur. Mais je trouve la remarque intéressante.

          Et tout se tient : la centralisation, les castes, le dirigisme et malheureusement le socialisme qui transforme le positif en négatif.

          • Dans des régions non centralisées, il se crée de petite ou grosse mafia ayant exactement les même défauts.
            Le problème est plutôt de ne pas autoriser l’exécutif et le législatif à se mêler de tout.

  • et ils ont le culot de nous promettre  » le changement  » s’ils sont élu ….ha vouiche , il est beau leur changement ….

    • On peut se poser la question de la compatibilité du changement et de la formation à l’administration.

      • Les politiciens aiment à dire qu’ils ont des « visions.

        Mais les visions ne servent à rien : il faut avoir des idées et de la compétence. Cela rejoint l’article de Silberzahn sur « l’ideal ». Lidéal ne mène nulle-part, il faut avoir au plus un but de progression et les moyens intellectuels ainsi que l’expérience pour arriver à un résultat.

  • Nos « Elites » le disent elles-mêmes : il faut supprimer l’ENA ! La farce, quand on a le jouet en main, on ne veut plus le lâcher !!
    On voit le résultat : la faillite.

    • Malheureusement la suppression de l’ENA ne changerait sans doute pas grand chose à ce stade. Comme l’article l’explique bien, c’est toute l’administration et la vie publique française qui ont été contaminées, « énarchisées ». À tel point que seul les énarques sont capables de faire tourner cette machine créée par eux et pour eux.

    • Il disent qu’il faut supprimer l’ENA, oui, mais pour les autres. Pour ceux qui sont maintenant trop nombreux à leur faire concurrence quand il s’agit de monter dans la hiérarchie…

  • Belle description de l’ennemi Intérieur qui prospère comme une sauterelle de champ en champ en faisant croire au paysan qu’elle est indispensable.

  • tant qu’il y a une haute administration, il y a une ENA…

  • Oui…. hélas excellente analyse !!!! Combien de temps encore allons-nous, pourrons-nous, supporter ce qui est devenu une tyrannie de la part d’une caste auto promue, suffisante, incompétente et incapable de comprendre ce qu’est une entreprise qui porte la prospérité d’un pays, d’un continent, des nations et crée la richesse à répartir ? Comment espérer que ces désormais nuisibles puissent un jour seulement avoir une idée des conditions à créer pour faire le bonheur du peuple avec nous et pas contre nous? Certainement pas en ayant comme seul réflexe congénital augmenter impôts, punitions et contraintes …. pour protéger leur illusoire pouvoir et faire croire qu’ils savent et sont utiles….!

  • Voeu pieux car ils n’ont aucun intérêt à changer puisque cela leur apporte pouvoir et privilèges!

  • On ne résout jamais les problèmes avec les idées de ceux qui les ont créés…..! Ni avec ceux qui les ont créés….! Donc….

  • « quand est-ce qu’on va exiger d’un chef d’état qu’il ait un passif de chef d’entreprise au minimum ? »

    Personnellement, je préférerais qu’il ait un actif plutôt qu’un passif.

  • Quand est-ce qu’on va avoir des électeurs aptes à scier les branches au lieu d’imaginer que c’est à d’autres de le faire ?

    • Dès qu’on aura des tronçonneuses électriques à batteries suffisamment puissante. Le gouvernement y travaille ardemment.

      • En attendant, je voyais ce matin les jardiniers de la communauté urbaine, 2 à souffler les feuilles mortes (souffleuses deux-temps) par vent de 70 km/h, 1 à conduire la balayeuse ramasse-feuilles (diesel), et deux à contempler le travail des autres appuyés sur de solides manches de pelle. On voit que ça n’est pas pour rien que dorénavant l’ENA s’ouvrira aux cantonniers…

  • Il faut bien évidemment supprimer l’Ena … et peut- être egalement Sciences Popo Paris !
    Caton le disait lui -meme : « Delenda est ENA ».
    Et surtout ne le remplacer par rien. Il y a suffisamment d’écoles en France pour attirer un certain à la gestion des affaires publiques.
    Ce sera un symbole fort , et le début du dégraissage du mammouth !

  • Bonjour,
    En effet probleme vieux comme la France.
    Actuellement , tous – ou presque – sont enarques.
    Mais quand un premier ministre se heurte à la haute administration, cela donne quoi ? Le premier ministre recule : lire l’excellent livre de Th. Pfister La vie à Matignon au temps de l’union de la gauche.

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