Décentralisation : encore un effort, M. Macron !

Il est difficile d’admettre pour un énarque, formaté par et pour l’État, qu’il faut ramener le pouvoir de base à l’individu.

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Décentralisation : encore un effort, M. Macron !

Publié le 18 juin 2020
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Par Francis Richard.

Dans son Adresse aux Français du 14 juin 2020, le président de la République Emmanuel Macron a fait une légère entorse au centralisme démocratique de la France jacobine en déclarant pour faire plaisir aux territoires :

Tout ne peut pas être décidé si souvent à Paris.

En même temps, il a dit vouloir en premier lieu « reconstruire une économie forte, écologique, souveraine et solidaire » et en second lieu unir autour de la République afin d’assurer « l’indépendance de la France pour vivre mieux. »

Le fait du Prince

Il ne faut pas rêver. Il ne s’agit donc pas, pour le moment, ni dans son esprit ni dans ses dires, de véritablement décentraliser les prises de décisions :

Face à l’épidémie, les citoyens, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités locales, les agents de l’État dans les territoires ont su faire preuve d’ingéniosité, d’efficacité, de solidarité.

Il s’agit plutôt, sans dire comment, de récompenser certains d’avoir pallier quelque peu l’impéritie et l’imprévoyance de l’État-providence :

Faisons-leur davantage confiance. Libérons la créativité et l’énergie du terrain.

En bon Prince, il veut accorder à ces individualités et à ces collectivités quelques libertés et responsabilités :

C’est pourquoi je veux ouvrir pour notre pays une page nouvelle donnant des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies, libertés et responsabilités pour nos hôpitaux, nos universités, nos entrepreneurs, nos maires et beaucoup d’autres acteurs essentiels.

Bref, ce seront au moins des miettes, ce qui ne mange pas de pain.

Conformité au principe de subsidiarité européen

La décentralisation des décisions telle que la comprend Emmanuel Macron est conforme au principe de subsidiarité inscrit dans le Traité sur l’Union européenne et à celui de la Doctrine sociale de l’Église. Car il s’agit d’une subsidiarité verticale descendante, voire condescendante.

Dans sa fiche technique consacrée au principe de subsidiarité, le Parlement européen donne cette définition :

La signification et la finalité générales du principe de subsidiarité résident dans l’octroi d’un certain degré d’indépendance à une autorité subordonnée vis-à-vis d’une autorité de niveau supérieur, notamment d’une autorité locale envers le pouvoir central. Il y va donc du partage des compétences entre les divers échelons du pouvoir, principe qui constitue le fondement institutionnel des États à structure fédérale.

Le fédéralisme suisse

En Suisse, le principe de subsidiarité, même s’il est malheureusement moins respecté de nos jours qu’en 1848 (en raison de transferts de compétences indus), est celui d’une subsidiarité ascendante, consentie de bas en haut.

C’est pourquoi le terme juste pour définir ce principe est celui de fédéralisme suisse. Le site www.ch.ch/, qui est une offre de la Confédération, des cantons et des communes, ne parle donc pas de la même chose que l’Union européenne.

Après avoir dit que « les différentes compétences sont réparties entre Confédération, cantons et communes conformément au principe de subsidiarité », le site précise ce qu’il faut entendre par là :

La Confédération n’assume que les tâches qui excèdent les possibilités des cantons ou qui nécessitent une réglementation uniforme par la Confédération. Selon ce principe [c’est moi qui souligne], la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le problème d’elle-même. Si un canton n’est pas en mesure de s’acquitter de la tâche qui lui a été confiée, l’entité supérieure, c’est-à-dire la Confédération, devrait l’aider.

Une telle décentralisation est-elle probable en France ?

Le doute est permis qu’une telle décentralisation des compétences soit possible en France. Cela correspond à un changement des mentalités qui est à l’opposé de ce que pense Emmanuel Macron lui-même.

En effet Emmanuel Macron se réjouit encore au début de son Adresse aux Français de tout ce qui a été fait, pendant la crise sanitaire, grâce à « la force de notre État et de notre modèle social » qui, pourtant, s’est traduit, se traduit et se traduira par un accroissement phénoménal de la dette publique.

Là encore c’est l’État-providence qui, par sa voix d’en-haut, décide, quoi qu’il en coûte, de ce qui est bon pour les Français d’en bas et de ce que seront les reconstructions économique, écologique, sociale et solidaire, bénéficiant de la manne étatique.

De plus, Emmanuel Macron disait, il y a un peu plus d’un an, véritable déni de réalité, que le modèle suisse n’était pas un exemple à suivre. Il faut dire qu’il est difficile d’admettre pour un énarque, formaté par et pour l’État, qu’il faut ramener le pouvoir de base à l’individu.

Soyons toutefois optimistes. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis et, après tout, fût-il uniquement mental, c’est le premier pas qui coûte…

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  • La suppression de moult fonctionnaires amènera automatiquement une décentralisation “naturelle”

  • Vous avez voulu éviter les robots au prix de l’emploi. Vous avez le chômage et vous aurez les robots.” ysmv

  • “il est difficile d’admettre pour un énarque, formaté par et pour l’État, qu’il faut ramener le pouvoir de base à l’individu.”

    Ce n’est pas difficile, c’est impossible ! Il faut supprimer l’Ena et le statut de la fonction publique.

  • J’ai établit un rapport qui comprend des propositions: “3D pour la Bretagne, Décentralisation-Différenciation-Déconcentration”. Il est en main de J. GOURAULT Ministre de la Cohésion des Territoires. Pour se le procurer Email à roka35400@orange.fr. Les parlementaires, conseillers régionaux ont reçu le document. Hormis quelques exceptions leur vision est limitée au rattachement de la Loire atlantique à la Bretagne et à faire reconnaître le breton comme langue régionale. Les transferts de compétences, un nouveau mode d’élection les intéressent peu.

  • L’art et la manière de parler pour ne rien dire. C’est un exercice d’éloquence qui permet de donner l’impression aux auditeurs qu’il y a un contenu dans le discours et que l’on agit alors que l’idée est plutôt de planter un arbre pour cacher la forêt. C’est un art enseigné à l’ENA.
    Pour changer surtout ne changeons rien…

  • Soyons toutefois optimistes. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis et, après tout, fût-il uniquement mental, c’est le premier pas qui coûte…

    Restons prudents. Il fait semblant.

    • les mots dans la bouche de Macron sont peu souvent suivis d’effets sauf pour taxer ou limiter nos libertés …l’espoir fait vivre me direz-vous mais bon là vous êtes clairement bien trop naïf

  • Décentraliser nécessiterait, dans un premier temps, de revoir la carte des collectivités locales. Héritage de l’incompétence de “Coup de Menton” et “Capitaine du Pédalo”. Enfin, je dis “incompétence” mais cette aberration qu’a été la “Réforme des Régions” a sans doute été voulu afin d’enterrer un peu plus la décentralisation. Décentralisation qui, si elle était effectivement mise en place, signifierait une perte de pouvoir énorme de la part des élus nationaux. Cela ils ne peuvent l’accepter.

    Et si on pouvait partir de la base (c’est-à-dire des habitants) pour construire (et donc d’une feuille blanche …) une nouvelle carte plutôt que des baronnages locaux … Une bonne piste de réflexion a été proposé par un certain LEVY (https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2015-7-page-277.htm).

    Mais bon, on a autant de chance que cela se produise que de voir des cochons voler par leurs propres moyens.

  • Comment peut-on croire ce petit Monsieur qui a fait instrumenter la justice pour se débarrasser de Fillon et fait du chantage auprès des présidents de région, ces deux attitudes étant illégales et indignes d’un homme d’Etat!
    Il trouvera un moyen de contourner ses promesses pour nous priver encore un peu plus de nos libertés.
    Avoir un tel arriviste à la Présidence me fait honte d’être français!

  • En vrai Macron est faible et n’a pas de pouvoir réel sauf quand il prend des mesures qui sont dans l’intérêt des bureaucrates, syndicats, journalistes et tout ce que l’état compte de haut parasites influents.
    Le pouvoir est morcelé, il n’y a aucune direction ni trajectoire autre que la sauvegarde d’une multitude de privilèges politiques et économiques.

  • Les regions sont représentées aux sénat et à l’assemblée nationale.. Ils semblent tous se satisfaire de ne pas avoir de responsabilités face à leurs électeurs.. Ça marche pas, c’est la faute de l’état. Et quand on suit les question au gvt, rares sont les questions ou propositions sensées. Si tout le monde est content….

  • Une des premières décisions de Macron, la suppression de la taxe d’habitation, a eu comme principal objet de limiter l’indépendance des communes.
    Je le vois mal faire un virage à 180°

  • Il n’y a aucune décentralisation réelle à attendre de l’état.
    Paris est le centre d’un entonnoir qui saigne les régions.
    Les régions n’ont que 2 choix, ou bien accompagner l’état central dans sa faillite, ou reprendre leur indépendance.
    Suivi de l’actualité indépendantiste en Europe : https://libland.be

  • Décentraliser la France à la Suisse est à portée de main, et cela en modifiant trois fois rien dans le Code général des collectivités territoriales : http://www.courrierdesmaires.fr/86655/decentralisation-generation-libre-veut-passer-de-la-theorie-a-la-pratique/

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