Par Alexander Hammond.
Un article de HumanProgress
Voici le vingt-huitième épisode d’une série intitulée « Les Héros du progrès ». Cette rubrique est une courte présentation des héros qui ont apporté une contribution extraordinaire au bien-être de l’humanité.
Voici Lucy Wills, notre héroïne de la semaine. Cette hématologue a découvert que l’acide folique pouvait permettre d’éviter des formes d’anémie mortelles chez les femmes enceintes – une pathologie de l’hémoglobine liée à une anomalie des globules rouges incapables de transporter suffisamment d’oxygène aux organes.
Les recherches de Lucy Wills sur la santé des femmes enceintes ont sauvé d’innombrables vies et amélioré les soins prénataux.
Aujourd’hui, l’acide folique est recommandé à toutes les femmes enceintes aussi bien pour les prémunir de certaines maladies que pour assurer un développement sain du bébé.
Lucy Wills est née le 10 mai 1888 à Sutton Coldfield, une ville de la périphérie de Birmingham, en Angleterre. Son père était diplômé en sciences et sa mère la fille d’un médecin connu. De ce fait, elle a reçu une solide éducation scientifique dès son plus jeune âge.
En 1903, elle fréquente la Cheltenham School, l’un des premiers pensionnats britanniques à former des jeunes filles en sciences et en mathématiques.
Quatre ans plus tard, en 1907, elle débute des études en sciences naturelles et botanique au Newnham College, exclusivement féminin, de l’Université de Cambridge
Elle y passe ses examens en 1911. Cependant, en tant que femme, elle n’avait pas le droit d’être diplômée de Cambridge (ce qui a changé à partir de 1947).
En 1915, elle s’inscrit à la London School of Medicine for Women, la première en Grande-Bretagne à former des femmes-médecins. En 1920, elle obtient un diplôme en médecine et en chirurgie, validé par le Royal College of Physicians London.
Ensuite, elle enseigne et effectue des recherches dans le service de pathologies des femmes enceintes au Royal Free Teaching Hospital de Londres.
En 1928, Lucy Wills est recrutée pour travailler à Mumbai, en Inde. Elle cherche à comprendre pourquoi des millions de femmes enceintes dans les pays en voie de développement souffrent d’une forme grave et souvent mortelle d’anémie.
Elle découvre que leurs globules rouges sont extrêmement gros et ne transportent donc pas suffisamment d’hémoglobine, la protéine responsable du transport de l’oxygène dans le sang des vertébrés.
Au départ, elle supposait que l’anémie pouvait avoir été causée par une bactérie ou un virus ; mais après avoir étudié les conditions de vie et de travail de ces femmes, elle ne détecte aucun agent pathogène.
Elle réalise vite que les femmes plus aisées en Inde, ayant souvent un régime alimentaire plus riche, risquaient beaucoup moins l’anémie pendant leur grossesse, ce qui l’amène à supposer une carence alimentaire.
Wills décide de nourrir des singes rhésus de laboratoire sur la base du régime alimentaire des femmes anémiques. Beaucoup d’entre eux déclarent une anémie. Elle découvre d’abord que l’extrait de foie, que l’on savait déjà être efficace pour traiter une autre forme de la maladie – l’anémie dite pernicieuse — est également efficace dans le traitement de l’anémie objet de ses recherches.
Néanmoins, elle découvre aussi qu’il faut une dose bien plus élevée d’extrait de foie pour combattre l’anémie chez les guenons gestantes. Ce traitement étant alors onéreux, elle savait qu’il ne pourrait pas être un traitement efficace pour les femmes les plus pauvres.
Un grand progrès est fait lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle peut traiter l’anémie par l’addition d’un extrait de levure dans la nourriture des singes.
Elle découvre que Marmite, une pâte à tartiner britannique pour le petit-déjeuner, populaire et bon marché, élaborée à partir de levure de bière concentrée, est extrêmement efficace pour traiter les singes anémiques.
Elle teste l’efficacité de Marmite, ainsi que des compléments alimentaires pour le foie, sur plusieurs femmes enceintes anémiques et conclut de leur efficacité. Comme Le foie étant beaucoup plus onéreux que la pâte à tartiner disponible dans le commerce, elle traite plusieurs femmes anémiques avec cette seule préparation.
Dans un article publié dans Asia-Pacific Journal, Wills a noté que l’amélioration de la santé des femmes enceintes “était étonnante … [car] elles ont retrouvé rapidement l’appétit… et une augmentation du nombre de globules rouges dès le quatrième jour”.
Elle publie ses résultats dans une édition de 1931 du British Medical Journal tout en admettant ne pas savoir quel est le composé de Marmite et de l’extrait de foie à l’origine de la guérison de ses patientes.
Les scientifiques du monde entier ont baptisé le composé inconnu Wills factor et incité les femmes à consommer Marmite ou de l’extrait de foie pendant leur grossesse.
En 1941, le mystérieux Wills factor a été isolé. Il est connu de nos jours sous le nom d’acide folique.
Wills est revenue à Londres pour travailler à temps plein au Royal Free Hospital en tant que pathologiste jusqu’à son départ en retraite, en 1948. Elle a abondamment voyagé durant les dernières années de sa vie, et poursuivi ses recherches sur la nutrition et l’anémie dans les pays en voie de développement.
Après son décès, en avril 1964, le British Medical Journal a écrit que la découverte du Wills factor dans l’extrait de levure « était l’une des observations simples mais importantes qui jalonnent l’histoire et le traitement des anémies nutritionnelles.”
Aujourd’hui, on encourage partout les femmes à consommer de l’acide folique afin de poursuivre leur grossesse en bonne santé.
Depuis cette découverte, on a découvert qu’en plus de prévenir l’anémie chez les femmes enceintes, l’acide folique réduit aussi fortement les risques d’anomalies congénitales telles que les malformations du tube neural aboutissant souvent à des infirmités permanentes, des dommages crâniens ou cérébraux, et fréquemment, à un décès prématuré.
En découvrant un remède à l’anémie pendant la grossesse, Wills a évité à des millions de femmes et à leurs bébés partout dans le monde de souffrir et même de mourir. Sa découverte permet également d’éviter d’innombrables malformations congénitales débilitantes. Pour cette raison, Lucy Wills est notre vingt-huitième héros du progrès.
Les Héros du progrès, c’est aussi :
- Kate Sheppard, première suffragette
- Wilhelm Röntgen, les rayons X
- Tu Youyou, l’artémisinine contre le palu
- Banting et Best traitent le diabète
- Willis Haviland Carrier invente la climatisation
- Virginia Apgar sauve la vie des nouveau-nés
- Alfred Sommer, la vitamine A
- David Nalin, la réhydratation par voie orale
- Louis Pasteur, père de la microbiologie
- Paul Hermann Müller, les propriétés insecticides du DDT
- Malcom McLean, les conteneurs de transport
- Abel Wolman et Linn Enslow, la purification de l’eau
- Pearl Kendrick & Grace Eldering vaccinent contre la coqueluche
- Gutenberg, la diffusion du savoir
- James Watt, la vapeur, moteur du progrès
- Joseph Lister, stérilisation et asepsie
- Maurice Hilleman, des vaccins vitaux
- Françoise Barré-Sinoussi, la découverte du VIH
- Richard Cobden, héros du libre-échange
- William Wilberforce : une vie contre l’esclavage
- Ronald Ross : la transmission du paludisme
- Alexander Fleming et la pénicilline
- Jonas Salk et le vaccin contre la polio
- Landsteiner et Lewisohn, l’art de la transfusion
- Edward Jenner, pionnier du vaccin contre la variole
- Fritz Haber et Carl Bosch, le rendement des cultures
- Norman Borlaug, père de la révolution verte
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Longue vie à cette série d’articles toujours plein d’enseignement.. Malheureusement, sur notre passé, les gens brillants actuellement nous manquent.
Vous voulez dire en France, car les candidats dont les travaux méritent un Nobel vous détrompent.