Loi Pacte : quand la gouvernance déraille

L’examen de la loi Pacte en séance publique commence ce mardi à l’Assemblée Nationale. Ce texte illustre une fois cette gouvernance qui imagine que la loi peut tout, même créer la croissance.

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EPP Summit, Brussels; December 2014 By: European People's Party - CC BY 2.0

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Loi Pacte : quand la gouvernance déraille

Publié le 26 septembre 2018
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Par Éric Verhaeghe.

La loi Pacte compte 244 pages ! Son ambition affichée est dévoilée dès le début de l’exposé des motifs prononcé par Bruno Le Maire :

Ce projet de loi vise à relever un défi majeur, celui de la croissance des entreprises, à toute phase de leur développement, pour renouer avec l’esprit de conquête économique. Cela passe notamment par une transformation du modèle d’entreprise français pour l’adapter aux réalités du 21e siècle.

Voilà donc une loi avec ses 73 articles, qui prétend permettre aux entreprises de croître, les faire renouer avec l’esprit de conquête et les adapter au 21e siècle. Elle est présentée par un ministre qui, au terme d’un parcours dans la fonction publique, n’a qu’une connaissance livresque (ce qui n’est pas bon signe) des entreprises qu’il prétend moderniser. Le même ministre est à la tête d’une administration qui se révèle, année après année, incapable de diminuer les dépenses publiques, pourtant record en France.

Dans ce projet de loi qu’aucun chef d’entreprise n’aura le temps de lire, on trouve une espèce de melting pot de mesures hétéroclites, qui vont des enregistrements des entreprises à leur création, jusqu’à l’épargne salariale en passant par les seuils sociaux, sans oublier la création des entreprises à mission.

La loi Pacte ou l’immobilisme caché

Ceux qui s’épuiseront à prendre connaissance de ce texte disparate noteront immédiatement ses faiblesses et sa tiédeur, qui frisent un immobilisme regrettable.

Par exemple, l’article 1 « vise à simplifier les démarches que les entreprises sont tenues d’accomplir lors de leur création, de la modification de leur situation et de la cessation de leur activité ». Les chefs d’entreprise se loueront de cette intention. Mais l’article 2 douche leurs espoirs en expliquant que « les attributions des officiers publics et ministériels teneurs de registres ne seront pas remises en cause ». Il faudra donc continuer à engraisser les greffiers des tribunaux de commerce, en leur payant les dépôts annuels d’actes, revendus ensuite à prix d’or à des opérateurs en tous genres.

La loi Pacte simplifie, donc, et se goberge de postures sur l’esprit de reconquête économique. Mais elle ne pousse pas la simplification jusqu’à s’attaquer aux vrais sujets. Rappelons ici que le juteux privilège des greffiers des tribunaux de commerce leur rapporte une rémunération annuelle d’environ 350 000 € par an et par greffier, sans que plus personne ne se souvienne des raisons qui justifient cet état de fait.

C’est le triomphe de l’immobilisme à la française. Derrière les annonces triomphales de simplification, le texte ajoute plus qu’il ne retire. Il participe à l’inflation législative par des mesures tièdes qui se juxtaposent à d’autres mesures tièdes prises par le passé, qui transforment le droit de l’entreprise en capharnaüm impraticable.

Le fétichisme de la loi et la technostructure française

Le réflexe qui pousse quinquennat après quinquennat à promulguer une loi touffue, hétéroclite, complexe, supposée relancer la croissance et faciliter la vie des entreprises, procède d’une croyance fétichiste propre à la haute administration française.

Pour celle-ci, les ralentissements économiques sont dus à une insuffisance de lois. Le marché est à la peine parce qu’il n’est plus assez encadré, ou parce que son cadre juridique vieillit. Pour relancer l’activité, il faut donc légiférer, donner un coup de peinture sur les murs de la prison réglementaire qui permet de « réguler » la libre concurrence entre les entreprises. Un bon texte de 200 pages, et la machine repart.

En 1789, les révolutionnaires imaginaient que la loi pouvait tout. En 2018, les inspecteurs des finances et les administrateurs de Bercy sont convaincus que la loi peut même fabriquer la croissance.

Dans son essence, la loi Pacte participe d’une réaction quasi-viscérale à la liberté d’entreprendre, à la libre concurrence. Elle se nourrit de l’angoisse qui étreint un fonctionnaire face au marché. Pour calmer cette angoisse, seule la production législative peut apporter une solution.

La loi Pacte et le mal governo français

Qui, au gouvernement, croit vraiment qu’un texte de 244 pages rédigées à l’eau tiède peut redynamiser l’économie française ? Il faudrait mener l’enquête pour vérifier que Bruno Le Maire soit lui-même convaincu que cet enchevêtrement de mesurettes puisse avoir la moindre prise sur la réalité des Français.

Il faudrait, pour changer la société française, des mesures à la manière de  M. Hartz, en Allemagne. Il faut faire tomber des cloisons, abattre des murs, restructurer le bâtiment France. La loi Pacte cherche à nous faire croire que de simples changements dans la décoration intérieure, un clou planté par-ci, une fenêtre bouchée par-là, une porte percée ailleurs pourrait avoir les mêmes effets que le mouvement de fond que nous attendons. C’est évidemment illusoire.

Pour les entrepreneurs, la loi Pacte procède de ce mal governo français qu’Emmanuel Macron avait une chance de changer, mais dans lequel il se coule avec complaisance. Comme par le passé, une armée de fonctionnaires à Bercy a sorti la plume pour saigner l’administré, l’assujetti, pour le plonger dans un bain rafraîchi d’instabilité réglementaire qui l’insécurise sans améliorer son sort.

Comme par le passé, la loi passe, permet à un ministre de dire qu’il a agi. Avec un peu de chance, ce ministre pourra s’attribuer les mérites d’une reprise de la croissance future, totalement indépendante de son action, mais il fera comme si. Pendant ce temps, les entrepreneurs vont absorber un temps colossal à apprendre de nouvelles règles qui  changeront dans cinq ans. L’impact favorable de ces règles sera, comme toujours avec ces lois, inférieur au coût qu’il aura fallu payer pour les apprendre et les maîtriser, puis pour les oublier, une fois qu’une autre loi sera votée.

Le vrai sujet de la croissance est bien là : l’instabilité réglementaire étouffe l’initiative individuelle en augmentant fortement les risques dont elle est porteuse. C’est le mal governo français. Bercy croit que la croissance procède de la loi, quand c’est tout l’inverse…

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  • il ne fallait rien attendre de lemaire et ce texte de loi pacte, quand on sait que pour la primaire de droite il avait fait plus de 1000 propositions , il avait deja du a l epoque se gratter sa tete bien pleine pour en trouver autant, car ce monsieur est surdiplome et a ce titre il est plus intelligent que vous et moi, c est meme lui qui le dit, comme avant l autre ignare de juppe. ces pseudos droitistes liberaux qui ne sont que de bons socialistes.

  • heureusement que tout ces politiques ne sont pas médecins ou chirurgiens ; ils ne sont bons qu’à mettre des pansements sur une jambe de bois……

  • Enarques, politiciens ,hauts fonctionnaires , tous d’accord pour emplir leurs poches et ruiner les entrepreneurs ( avec leur argent ) et leurs nombreux salariés . Rien à espérer de ces élus fantoches et parasites.

  • Une grande réforme n’est pas de créer du neuf, mais de se débarrasser du vieux.
    Les meilleures lois ont toujours été et seront toujours celles qui annulent d’anciennes lois…
    Une réforme pour la gloriole personnelle n’a aucune justification.

    Mais même un monde parfait ne serait pas à l’abris des enragés de la réforme.

  • Bien sûr qu’il faut multiplier les lois : cela justifie d’occuper les centaines de jeunes gens bien sous tous rapports et surtout fils de avec de gros avantages dans les ministères et autres assemblées . Ce n’est pas demain que les loups vont se manger entr’eux !

  • Seuls des imbéciles peuvent ignorer à ce point et s’enferrer aussi obstinément dans l’erreur depuis près de 40 ans! Pourtant pour accéder à l’ENA faut avoir un excellent cursus scolaire. Alors la conclusion est que les bons élèves ne sont pas forcément intelligents!

  • mais dans quelle discipline, littéraire? mais certainement pas scientifique de haut niveau, ça se saurait .
    E Macron par exemple:
    Admis en hypokhâgne au lycée Henri-IV , il échoue à deux reprises à l’écrit du concours d’entrée de l’École normale supérieure .
    Il intègre l’Institut d’études politiques de Paris en 199834. D’abord étudiant au sein de la section « Internationale », il se réoriente en troisième année au sein de la section « Service public ». Il sort diplômé de Sciences Po en 200135. Il suit en parallèle un cursus en philosophie à l’université Paris-Nanterre et y obtient successivement une maîtrise en 2000 et un DEA en 2001 ; ses mémoires d’études sont dédiés à des penseurs politiques35 : Machiavel et Hege.
    De 1999 à 2001, il assiste le philosophe Paul Ricœur et travaille sur l’appareil critique de son livre La Mémoire, l’histoire, l’oubli. Il devient de ce fait membre du comité de rédaction de la revue Esprit. que peut t il comprendre a la bonne gestion d’un pays?
    ce n’est pas un patron, mais un philosophe !

  • « que cet enchevêtrement de mesurettes puisse avoir la moindre prise sur la réalité des Français. »
    Si si cela aura un effet sur la réalité des français. Un effet désastreux mais un effet quand même !!!

  • le problème de notre pays ,c’est que la démocratie est confisqué par les pouvoirs en place: parti politique ,média..si vous vous présenté, vous n,avez aucun temps de paroles, confisqué par les partis traditionnels !! tout ceux qui se sont lancé dans la politique ont tous été écarté..ne viens pas qui veux participé au repas !!! on ne partage pas c’est ces gens là !!! la pourriture à de l’avenir ….jusqu’à quand ??

    • si seulement ce n’était que les politiques… c’est surtout toutes les petites mains qui font que la France ne subit aucune vacance du pouvoir entre 2 gouvernements, entre 2 présidents. Parce-que bien évidemment les tête changent, mais ce qui sont derrière sont toujours les mêmes.
      Et ce sont eux qui, en réalité, gouvernent le pays.

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