Le néant idéologique de gauche

La gauche croit au progrès par la politique, mais elle a perdu aujourd’hui l’espoir du progrès par la science, élément pourtant essentiel.

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manifestation pour une autre réforme des retraites by parti socialiste (creative commons) CC BY-NC-ND 2.0)

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Le néant idéologique de gauche

Publié le 3 septembre 2023
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Contrairement à la droite, la gauche a besoin d’une idéologie.

La droite adapte la société pragmatiquement, mais se dispense d’un vaste projet à long terme. Avec réalisme, elle configure politiquement l’évolution du réel.

La gauche, par essence, promet une vie meilleure, une société plus juste, plus égalitaire. Elle imagine même aujourd’hui, c’est une première historique, la maîtrise par la coercition étatique de l’évolution du climat terrestre.

Mais la gauche du XXIe siècle décline, car elle est privée d’idéologie.

 

À droite, le nationalisme populaire se renforce

Dans les démocraties, la droite se partage entre pragmatiques et nationalistes.

Le pragmatisme est représenté par la droite traditionnelle de gouvernement (en France, LR, Renaissance, etc.), qui poursuit son chemin en se restructurant. Sa vocation étant de gérer au mieux la société qui existe, il importe peu, historiquement, que LR chute électoralement au profit de Renaissance, ou inversement.

La droite nationaliste est parvenue à élargir son électorat aux milieux populaires, alors qu’elle recrutait principalement dans la bourgeoisie traditionnaliste il y a une trentaine d’années. Pour cela, il a fallu promettre des avantages sociaux et une protection contre les menaces extérieures (un certain protectionnisme économique, une maîtrise des flux migratoires).

Le peuple a toujours voulu être protégé par un État fort. Une telle évolution n’est donc pas très originale. Elle avait déjà eu lieu, mutatis mutandis, dans les années 1920-1930 en Europe.

 

Le rêve des socialistes est devenu réalité

La situation est beaucoup plus périlleuse à gauche.

Les communistes n’ont plus qu’un électorat marginal. Quant à la vieille social-démocratie, elle a réalisé son programme historique avec des prélèvements obligatoires de 47 % du PIB en France, et des dépenses publiques de 58 % du PIB.

Jean Jaurès n’aurait jamais pu imaginer une telle évolution à la veille de sa mort en 1914. Le rêve socialiste s’est réalisé !

Que faire désormais ? Que promettre ?

Personne n’a rien trouvé d’aussi enthousiasmant pour le peuple que la promesse d’égalité économique par le jeu politique, qui était celle des socialistes d’antan. Électoralement, il s’agit aujourd’hui de circonvenir des minorités (immigrés, LGBT+, écologistes radicaux, féministes radicales, etc.) pour recueillir suffisamment de voix aux élections. LFI s’y emploie et parvient ainsi à disposer d’un groupe assez important à l’Assemblée nationale (75 membres). Mais la politique politicienne et ses tactiques ne permettent pas à la gauche de consolider l’avenir. Il faudrait une idéologie.

 

Un échec idéologique irrémédiable

Une idéologie politique suppose une vision de l’histoire et la promesse d’un avenir meilleur.

Le marxisme en était l’archétype. Il permettait de faire rêver sur la base d’une analyse très générale, présentée comme rationnelle, voire même scientifique par les plus fanatiques. Le futur idéologique doit être enviable, l’optimisme est indispensable. À tout le moins faut-il, pour reprendre Gramsci, avoir le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté.

L’horizon édénique de la société sans classes, qui constituait l’élément central de la doxa marxiste, ferait désormais rire aux éclats le plus naïf des militants de gauche. Pire encore, la dictature du prolétariat, jugée incontournable pour atteindre l’Eden communiste, s’est transformée en totalitarisme féroce en Chine et en Corée du Nord, ou en dictature mafieuse en Russie. L’impérialisme, qui était selon Lénine « le stade suprême du capitalisme » n’est absolument pas le fait des démocraties libérales mais celui des autocraties russes (guerre de conquête en Ukraine) ou chinoise (absorption de la démocratie de Hong Kong, visées sur Taïwan), c’est-à-dire de pays ayant adhéré au marxisme.

Comment se remettre d’un tel échec idéologique ?

Mais l’aspect le plus médiatique de ce néant idéologique est aujourd’hui l’abandon de la laïcité par une partie de la gauche : LFI et certains écologistes. En se plaçant aux côtés des islamistes radicaux remettant en cause de façon insidieuse la neutralité idéologique de l’institution scolaire, une certaine gauche a trahi les valeurs les plus fondamentales de notre République. Il n’est pas possible de défendre les lycéennes portant l’abaya dans les établissements scolaires, et de se prétendre républicain. Ce vêtement traditionnel est porté avec ostentation pour contourner l’interdiction du voile et se réclamer d’une appartenance religieuse. Il est d’ailleurs tout aussi impossible de justifier le port du voile islamique, imposé par des hommes, et de critiquer la domination masculine en Occident, seule civilisation où elle a massivement reculé.

Ce sont là des évidences pour tout esprit disposant d’une once de rationalité. Mais cette gauche-là n’est constituée que de petits politiciens médiocres à la conquête d’un électorat musulman. Elle ne pense pas, elle compte les voix.

 

La peur de l’avenir comme instrument politique

La gauche tout entière, faisant feu de tout bois, s’est aussi repliée sur la grande peur de l’avenir, empruntée à l’écologisme politique. Le catastrophisme de gauche propose l’apocalypse comme horizon-repoussoir pour instrumentaliser politiquement la peur. Mais cette peur panique de l’avenir ne peut en aucun cas constituer une base idéologique.

La croyance dans le progrès par la créativité se situe désormais à droite. Le capitalisme est créatif par essence puisqu’il se pérennise par les évolutions techniques (destruction créatrice). La gauche sociale-démocrate du XXe siècle avait fait un bout de chemin avec le capitalisme, parce qu’elle était également productiviste. Elle voyait dans la croissance économique un moyen indispensable de l’égalisation des conditions sociales.

La gauche actuelle, très réticente, voire carrément hostile à la croissance, n’a rien d’autre à proposer pour améliorer le sort de la population.

Le progrès scientifique et technique, qui devait constituer un levier essentiel de la libération, est aujourd’hui suspecté de détruire l’environnement et de modifier le climat. Le progrès des sciences de la nature (physique, chimie, biologie, etc.) a permis d’agir concrètement sur le destin des Hommes.

Le monde dans lequel nous vivons, bien préférable à celui de nos ancêtres, a été configuré par elles : alimentation, logement, industrie, transports, informatique, médias, etc.

En suspectant les sciences de la nature de détruire la planète, et en se réfugiant dans une réflexion sociologique pauvre (le wokisme, l’intersectionnalité), la gauche se coupe du noyau dur de l’intelligence humaine. Elle ne peut même pas prétendre être révolutionnaire, puisqu’il faut alors proposer un autre monde, une véritable idéologie. Elle est seulement subversive, ce qui représente le plus bel aveu de faiblesse.

 

La tentation totalitaire

Pas plus que la droite, la gauche ne représente le camp du bien, comme aiment souvent à le croire ses partisans les plus déterminés.

Mais le risque totalitaire lui est inhérent pour une raison simple : elle croit connaître un avenir politiquement préférable au passé et au présent. Elle croit au progrès par la politique, mais elle a perdu aujourd’hui l’espoir du progrès par la science, élément pourtant essentiel. Il suffit alors de manquer de modération pour sombrer dans un fanatisme quasi-religieux.

C’est ainsi que le passage du socialisme démocratique au communisme dictatorial s’est réalisé au XXe siècle. Aujourd’hui, le glissement de constatations sociologiques plus ou moins intéressantes sur les phénomènes de domination à la quasi-religion woke est bien entamé. Il ne s’agit pas d’une véritable idéologie (weltanschauung, conception globale du monde), tout simplement parce que les idéologies sont mortes.

Mais même dans le vide idéologique, la tentation totalitaire reste présente à gauche.

 

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  • Les deux plus graves erreurs de la gauche devenue archaïque, faible et à la merci de minorités activistes antidémocratiques et fondamentalement aux visées totalitaires :
    – l’abandon de la la laïcité
    – l’instrumentalisation de la peur de l’avenir

    • Vous oubliez la 3ieme : le marxisme leninisme. 90% des Français ont désormais compris l’échec du marxisme-léninisme tant vanté par notre gauche qui y reste toujours attaché. Même l’URSS ne croit plus à l’international socialisme.
      En dehors de Chavez, Kim Il Sung et Castro, il ne reste que nos politiciens pour y croire. Même les Chinois n’y croient plus.

    • Gauche faible ?
      La gauche est actuellement au pouvoir et a la majorité à l’assemblée.
      Et je peux vous garantir 100% sur facture que les 3 prochaines élection présidentielles aboutiront sur un gourvernement de gauche.
      Après tout, ce n’est pas le choix qui manque en france dans les partis socialistes (les socialistes, les autre socialistes, les socialiste en marche, les eco-socialiste, les socialiste rouge, le national socialisme, les sociao-souverainiste etc…)

      Quant aux visées totalitaire, la gauche est par nature et définition totalitaire, donc aucun problème de ce côté.

  • Déjà , promouvoir une politique qui a besoin de se fonder sur une idéologie … que dire , n’est pas en son sein déjà le poison mortel ? N’est ce pas dans son fondement même une contradiction avec la laïcité, la porte ouverte à deux battants à tous les totalitarismes ? Et sans surprise , c’est ce qui est advenu.

  • Classer Renaissance à droite est discutable. Une majorité de ses représentants est issue du PS, ce sont certes ceux qui étaient les plus réalistes et les moins sectaires mais tout de même.

  • Privée d’idéologie, la gauche peut-elle finir comme la droite ? Double non.
    L’auteur le reconnaît. Elle a vite épousé d’autres causes : wokisme, écologisme… En fédérant par l’intersectionnalité.
    Et non parce qu’à droite aussi il y a idéologie [système prédéfini d’idées, appelées aussi catégories, à partir desquelles la réalité est analysée].
    C’est ainsi qu’on explique qu’en réduisant l’immigration ou la dette, ou le poids de l’Etat, tout ira mieux, sinon bien.
    Le faire ? Certainement si le peuple le réclame. Pas en promettant la multiplication des pains.
    Plus généralement, libéralisme, marxisme et autres « ismes » sont des philosophies politiques. Félicitations à qui pourra objectivement expliquer que l’une ou l’autre n’est pas une idéologie.
    La règle est simple. La philosophie politique de l’adversaire est une idéologie. La notre est plus que du pragmatisme, c’est une évidence incontournable.
    Faites le test autour de vous. Ça marche à tous coups !
    Si je devais analyser tout ça, je laisserais tomber ces arides accusations d’idéologie. Pour observer une caractéristique identique entre tous partis : l’identification d’un « bouc émissaire » source de tous maux, dont l’extinction procurera paix et bonheur à la société.
    Ici, l’homme blanc hétérosexuel chrétien ou ju.f. Là, l’ogre étatique. Ailleurs, l’imm.gré. Etc. Bref la peur comme instrument politique est de tout bord. Pas seulement à gauche. Peur de l’autre ; et de l’avenir si l’autre plie le match.
    Ce constat fait, on peut rester pragmatique. Et observer qu’il y a de philosophies politiques/idéologies qui fonctionnent mieux que d’autres. Qui tiennent leurs promesses. Libéralisme et capitalisme en font partie. Pas le communisme.
    Pour paraphraser : une philosophie politique, c’est une idéologie qui a réussi.
    Ce constat fait, je considère que l’auteur a bien analysé la triple traîtrise de la gauche :
    – abandon du peuple qui s’est réfugié plus à droite,
    – abandon du progrès et de la croissance comme moteur de la société,
    – abandon de la laïcité au profit de ses nouveaux pauvres, les islam.sés.
    Evidemment, cette gauche-là périra. Car « que reste-t-il au traître démasqué, quand celui même qui le payait craint de se déshonorer en lui donnant un asile ? » (Malesherbes)

  • l’écolgie et la climatologie sont des sciences….

    • Petite rectification: ‘l’écolgie et la climatologie étaient des sciences’ dévoyées hélas de plus en plus parcdes idéologues qui n’acceptent pas la contradiction et la remise en cause de dogmes sectaires.

  • Les commentaires sont fermés.

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Pierre Valentin est diplômé de philosophie et de science politique, ainsi que l'auteur de la première note en France sur l'idéologie woke en 2021 pour la Fondapol. Il publie en ce moment Comprendre la Révolution Woke chez Gallimard dans la collection Le Débat.

Contrepoints : Bonjour Pierre Valentin. Avant d'entrer dans le vif du sujet : le wokisme, ça existe ou pas ? Pourquoi utiliser le terme wokisme plutôt qu’un autre, comme gauche identitaire ou encore gauche postmoderne ?

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