Laurent Wauquiez peut-il trouver sa place à droite ?

C’était censé être l’événement majeur de la droite, celui qui redonne moral et confiance à un parti morose, un courant sans boussole et des militants déprimés depuis plus de six ans maintenant : le retour de Laurent Wauquiez sur le devant de la scène politique, dans les colonnes du journal Le Point.

Il n’est pas certain que cette opération puisse rebattre les cartes à son avantage puisqu’une question se pose : quelle est la droite portée par Laurent Wauquiez ?

Un nouveau Laurent Wauquiez ?

Après deux années de silence, retranché dans sa région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a décidé de revenir dans l’arène politique. Son entretien au journal Le Point permet de tracer les premières lignes de ce que veut porter le futur candidat.

D’emblée, on comprend qu’il est sur une stratégie toute gaullienne : comme le Général, il adopte la posture de celui qui revient après la traversée du désert pour sauver la France. De Gaulle était revenu après douze années loin des affaires pour sauver un pays ingouvernable, empêtré en Algérie. Wauquiez fait le pari que la situation actuelle est similaire : majorité relative bloquant les projets gouvernementaux, Assemblée éparpillée, sentiment de dégradation généralisée… Autant de maux qui lui permettront de se présenter comme celui qui, après s’être retiré, a pensé, mûri et revient sauver le pays. Mais ce n’est pas évident.

Laurent Wauquiez a une stratégie assez compliquée à décrypter : bonapartiste et décentralisateur, autoritaire en évoquant Octave-Auguste, anti-élites et populiste alors qu’il est un pur produit des élites, identitaire… Surtout, il se dit en lutte contre la décadence du pays. Ce n’est pas anodin, car ce thème est cher à une partie de la droite, tant des Républicains que de Marine Le Pen ou Éric Zemmour. C’est aussi le terme employé fréquemment par de nombreux intellectuels, tels Patrick Buisson ou Michel Onfray. Wauquiez se veut moins sombre et estime que sous la gouvernance d’Emmanuel Macron, la France a suivi une pente dangereuse. Les Français en auraient conscience, et à terme, le pays deviendra une puissance moyenne dans le meilleur des cas.

Le président de région n’insulte pas l’avenir puisque, à rebours des propos souvent entendus à droite, il estime que le bilan du président Macron comporte des points positifs. Alors qu’on aurait pu attendre des mots condamnant le président pour toute son action, il lui reconnaît d’évidentes qualités. Il réfléchit en termes électoraux et fait le pari qu’en 2027, beaucoup de citoyens à la sensibilité de droite seront orphelins du président et chercheront une nouvelle maison. Wauquiez veut être leur hôte.

Des rivaux partout

Le problème majeur de Laurent Wauquiez est qu’il sera confronté à une multitude de concurrents.

Au sein de son propre parti, la ligne sociale aura son mot à dire. Elle est représentée par Xavier Bertrand, inusable et toujours convaincu de son destin, et par Aurélien Pradié qui a acquis une notoriété et surtout un réel poids politique depuis l’épisode de la réforme des retraites. À l’heure du retour en force de la notion d’État dans les esprits, ils auront des atouts à faire valoir et des profondes différences avec la ligne Wauquiez, qu’ils dénoncent comme trop focalisée sur l’identité.

La deuxième ligne qui va concurrencer le président de région sera celle des « historiques » et « sages » du parti : Bruno Retailleau, par ses paroles avisées, sa stature d’homme lettré, ainsi que Gérard Larcher, représentent la droite historique dans ce qu’elle avait de calme, d’élégante, d’intellectuelle et propice à rassembler les électeurs modérés et d’autres plus à droite. Peut-être envisageront-ils de jouer un rôle et faire valoir leurs légitimes ambitions. Compte tenu de leurs positions respectives, ils font figure d’autorité au sein d’un parti qui ne compte plus beaucoup de personnalités d’envergure.

Enfin, un futur candidat se dégage, car il porte une voix singulière : David Lisnard, libéral, humaniste, citant Hayek sur Europe 1. La droite n’a pas connu cela depuis un moment. Le maire de Cannes, et président de la puissante Association des Maires de France, peut susciter une réelle curiosité. Là où Wauquiez s’est construit une réputation d’ennemi de la culture dans sa région, via des coupures de subventions qui scandalisent, à tort ou à raison, beaucoup d’éditorialistes et de citoyens, David Lisnard fait de la culture un pilier de son projet global et de la construction d’une nation forte. Laurent Wauquiez creuse son image autoritaire. Les Français n’apprécient pas les comportements chavistes de Mélenchon à gauche, ce n’est pas pour applaudir ceux de Wauquiez à droite.

Enfin, à l’extérieur du parti, il va devoir faire preuve d’ingéniosité pour trouver un espace politique. En 2022, il avait refusé de prendre part à la compétition, estimant n’avoir aucun espace. Il n’est pas certain qu’il en trouve un en 2027.

Sur l’aile libérale-modérée, on retrouve Édouard Philippe qui se prépare depuis son départ de Matignon. Il dispose d’un parti, d’élus, d’une image positive que n’a pas et n’aura sûrement jamais Wauquiez. Les électeurs macronistes de droite modérée auraient davantage tendance à aller vers lui.

Sur l’aile plus radicale, Wauquiez est confronté à Éric Zemmour, ou à Marion Maréchal. Sur le terrain d’une droite nationale, adhérant à la théorie du grand remplacement et du constat de la décadence du pays, inutile de dire qu’il aura du retard pour la simple et bonne raison que leurs électeurs préféreront les originaux à la copie. Ils ont quitté LR pour Reconquête, principalement parce qu’ils estiment que le vieux parti de droite est devenu trop centriste, trop mou. Même Laurent Wauquiez ne les fera pas changer d’avis.

Enfin, sur le versant droite nationale et populaire, il devra se frayer un chemin face à Marine le Pen. Elle est solidement installée, progresse dans les sondages et dispose d’un électorat fidèle qui connait son programme. Wauquiez, pur produit de l’élite, est jugé sévèrement pour son manque de sincérité et de connexion avec les Français. Il ne pourra jamais prétendre être populaire. Il se rêve en Chirac, mais ressemble plutôt à Giscard. Il n’est pas certain que cela parle aux Français, surtout après dix années à reprocher au président Macron des paroles et des actes qu’ils ne supportaient pas.

En conclusion

Quel est le chemin de Laurent Wauquiez  ?

La droite radicale est partie vers des offres qui répondent à sa demande. La droite nostalgique des victoires est chez Macron et aura tendance à se ranger derrière Philippe. À la limite, Lisnard pourrait initier un mouvement, dans la mesure où il est nouveau et propose des idées en rupture avec celles de la droite traditionnelle.

Laurent Wauquiez n’est pas un homme neuf. Il a largement perdu les élections européennes 2019. Son programme, esquissé dans Le Point, est de droite, mais assez illisible tant il mélange différentes notions que sont l’autoritarisme, la décentralisation, la décadence et, en même temps, une main tendue aux électeurs d’Emmanuel Macron et à son bilan.

À lui de trouver un chemin cohérent. Sinon, il risque de subir une énième défaite et, cette fois, un silence de plusieurs années ne suffira pas à le ramener sur le devant de la scène politique.