« Ce matin, on a discuté avec la société avec laquelle on fait nos déplacements pour savoir si on ne pouvait pas se déplacer en char à voile. »
Ces quelques mots, teintés d’ironie, auront suffi à mettre le feu aux poudres. Une ironie peu bienvenue dans un pays où des élus demandent à demi-mot d’en finir avec l’humour.
C’est ainsi qu’a démarré lundi une polémique entourant les propos de l’entraîneur du PSG Christophe Galtier.
L’occasion pour les ecclésiastiques de l’écologisme moderne de lancer une nouvelle inquisition stérile.
Une levée de boucliers contre le PSG
Certaines veilles de matchs sont plus animées que d’autres. Pourtant, celui prévu ce mardi n’était pas un derby, mais simplement la rencontre du PSG et de la Juventus de Turin au Parc des Princes en phase de poules de la Ligue des Champions qui se soldera par une victoire de la capitale par deux buts à un.
Seulement, l’animosité n’avait rien à voir avec cette rencontre, mais avec la précédente, un match contre Nantes qui s’est déroulé samedi soir dans la Venise de l’Ouest.
Le score de trois buts à zéro y est non plus pour rien. À vrai dire, la polémique du jour n’a rien de sportive.
Lundi, une conférence de presse réunit l’entraîneur du club parisien et Kylian Mbappé. Le héros national d’il y a 4 ans sera surpris à rire d’une boutade de son entraîneur, une réaction qui n’est pas au goût des nouveaux puritains.
La boutade en question a pour origine une question du journaliste de LCI Paul Larrouturou, ancien collaborateur de Yann Barthes sur Quotidien, évoquant le jet privé utilisé pour le déplacement de l’équipe parisienne à Nantes.
Ce qui n’était qu’une blague aurait dû en rester une si les indignés médiatiques n’avaient pas ajouté leur grain de sel, et en premier lieu la ministre de tutelle des deux stars du jour, Amélie Oudéa-Castera, qui s’est fendue d’un tweet désapprobateur, rapidement suivie par la maire de Paris. Cette même Anne Hidalgo qui souhaite interdire le stationnement des deux-roues thermiques dans une ville où les automobilistes vivent déjà un enfer et où les alternatives proposées ne sont guère plus séduisantes, d’un métro en état et au service déplorables à un déplacement en vélo inaccessible au million de travailleurs dans l’impossibilité de se loger dans la capitale en raison de la notoire inflation des prix de l’immobilier.
L’indignation a évidemment contaminé l’ensemble du spectre politique à l’exception de la droite. À gauche, la levée de boucliers n’est guère moins vigoureuse, qu’il s’agisse d’Olivier Faure, de François Ruffin, de Clémentine Autain où de l’inépuisable Sandrine Rousseau, jamais avare d’une calembredaine pour ensuite mieux pouvoir se plaindre des moqueries qu’elle inspire.
Au centre, Bruno Le Maire, sans doute trop fier de pouvoir se refaire une santé morale alors qu’il est embourbé dans l’inflation des prix de l’énergie, la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et la Première ministre Élisabeth Borne, à la tête d’un gouvernement qui se veut très vert, y sont également allés de leur petite pique à l’endroit du milieu footballistique. Un milieu habitué à être le bouc émissaire d’une certaine gauche en raison des sommes astronomiques gagnées par certains joueurs ; à croire d’ailleurs que nous aurons bientôt une loi pour interdire aux supporters d’acheter des places, mais ne parlons pas trop fort, ça pourrait donner des idées à certains…
Depuis début août, le football est désormais le bouc émissaire des écologistes.
Dernier commentaire en date : celui de la fédération française de char à voile, par la voie de son président, Christophe Roger, moins indigné qu’amusé en profite pour inviter les joueurs parisiens à découvrir cette pratique née dans l’Égypte antique et aujourd’hui iconique du nord de la France.
Derrière l’indignation politicienne et le brin d’humour entre sportifs se cache quelque chose de malheureusement bien moins léger, deux ans après l’annonce de la fin des vols domestiques, une mesure qui tarde à être appliquée.
Des alternatives inexistantes
Mardi soir, après le match contre la capitale piémontaise, Christophe Galtier a exprimé des regrets.
Peu avant, le journaliste de Libération Gregory Schneider a révélé que le PSG serait en négociation avec la SNCF pour adapter la mobilité de son équipe aux enjeux environnementaux, sur le modèle de nombreux clubs européens. Seulement, de nombreux problèmes se posent, notamment en matière de sécurité et de disponibilité des trains, en particulier la nuit.
Qu’il s’agisse du déplacement des habitants de la capitale ou de ses joueurs, la question est donc bel et bien celle des alternatives. Cette question se pose évidemment aussi en province dans un pays encore très attaché à la ruralité et à l’automobile. Une voiture vue comme l’alpha et l’omega de la vie sociale de beaucoup de gens qui n’ont pas la possibilité de s’en passer malgré un matraquage permanent qui a abouti il y a 4 ans à la crise des Gilets jaunes.
Ce manque d’alternatives pose la question de l’innovation, largement oubliée par les écologistes, privilégiant une vision religieuse du combat environnemental.
Une orthopraxie
L’indignation autour de la boutade de Christophe Galtier est symptomatique du problème posé par la pensée écologiste.
Si le communisme est régulièrement comparé à une religion, ses deux dérivés modernes que sont le wokisme et l’écologisme peuvent également être qualifiés ainsi. L’écologisme a sa divinité (le climat), ses blasphèmes, ses sacrifices (médiatiques) et son apocalypse. Une religion très païenne de par son rapport à la nature, mais aussi très proche de certains monothéismes de par son orthopraxie, ensemble de règles appliquées à la vie quotidienne : prendre des douches et non des bains, ne pas utiliser sa voiture, ne pas prendre l’avion, ne pas manger de viande, ne pas avoir de piscine…
Une orthopraxie teintée également, comme le wokisme, d’un profond rigorisme.
La question environnementale n’a pourtant pas besoin de cultes, mais d’adaptation et d’innovation.
L’épisode Galtier est une brillante démonstration de notre naufrage intellectuel.
Alors que l’humour était considéré comme une forme supérieure d’intelligence, il est devenu blasphème quand il concerne certains sujets, voire pratiquement tous avec la montée des intolérances.
Le plus consternant dans cette séquence est la réaction grotesque de nos ministres.
Quand on a réussi à creuser la dette de plusieurs centaines de milliards d’euros, comme Bruno Le Maire l’a fait, on ne se permet pas de faire la leçon à un dirigeant de club de foot qui a quand même un bilan plus honorable que celui de notre économie.
Quand Madame Borne se vante d’avoir fermé Fessenheim alors que les Français découvrent qu’ils vont se geler cet hiver, il conviendrait à cette dernière de la jouer modeste voire de fermer sa gueule.
Que ce gouvernement travaille plutôt que d’alimenter la twittosphère et les commérages médiatiques !
excellent article qui nous rappelle ce qu’est une orthopraxie, avec tous les commandements qui relèvent du mystique.
Hé oui, jusqu’à présent seuls ces patrons riches étaient des salauds, voleurs et exploiteurs des travailleurs. Les sportifs riches étaient admirés et leurs richesses totalement acceptées car eux ne font travailler personne. Nos écolos ont trouvé l’angle d’attaque contre ces sportifs (noter qu’ils ont un rôle sociale extrêmement important en fournissant les Jeux de cirque au petit peuple qui ainsi ne se révolte pas). Va falloir les taxer ; qu’en pensez-vous ?
Si on les taxe, ils partiront à l’étranger… MBappé aurait dû se méfier quand Macron lui a demande de rester.
Non c’est faux. Les sportifs se font régulièrement remettre à leur place, y compris par leurs supporters qui veulent s’auto-identifier à eux et clairement pas se sentir inférieurs (surtout que pour beaucoup le spectacle sportif leur sert à se défouler de tout un tas de sentiments d’humiliation). Dans le foot l’augmentation des salaires et la « financiarisation » des clubs a toujours été attaquée, et en fait on pourrait parler de dynamiques de gentrification y compris culturelle qui marginalisent le public traditionnel de ce spectacle. Les politiques de leur côté ont bien conscience du contrôle de la libido sociale que représente le foot… je pense qu’ils auraient un intérêt, comme les fédérations, à travailler dans le sens d’une acculturation de son public pour accompagner ces dynamiques de gentrification qui semblent inévitables plutôt que d’essayer de le déposséder des enjeux culturels du spectacle et de continuer à surfer sur les sentiments d’appartenance territoriale ou communautaire et d’auto-identification.
La taxe ne changera rien aux dynamiques socio-économiques en cours autour du foot, et on peut regarder ce qui s’est passé dans d’autres pays où le phénomène est plus avancé. On peut aussi regarder ce qui se passe en NBA (avec aussi un sentiment de dépossession d’une partie du public avec une révolution du jeu qui déconstruit les discours virilistes d’affrontement en 1-contre-1 et de démonstration de domination… mais beaucoup mieux compris, encadré, géré par la ligue). Ce qui serait éventuellement possible de faire pour les pouvoirs publics, c’est s’attaquer à la monétisation du foot par l’industrie médiatique traditionnelle, en allant vers plus de libéralisme : fréquences audiovisuelles aux FAI, neutralité des réseaux, copyleft… ; cependant relativement à l’attractivité du foot aujourd’hui il y aurait rapidement une réorganisation du système économique, avec enfin une monétisation rationnelle et en prise avec la réalité, et les dynamiques de gentrification perdureraient sans doute.
Je pense que c’est beaucoup plus simple que ça.
1) La réponse de Galtier n’est pas une blague, c’est de l’ironie qui lui permet de faire semblant de prendre de la hauteur, en gardant une face médiatique paternaliste conformément au story-telling choisi par le club relativement aux campagnes médiatiques et aux revendications incohérentes des supporters de la saison dernière, alors qu’il n’a aucune idée de la réponse à y donner.
Ce n’est donc pas la réponse qu’il faut retenir, complètement creuse, mais la forme choisie pour soutenir cette posture du manager père-fouettard infaillible et omniscient suivant, et en fait une certaine culture du travail qu’on trouve sans doute à la fois chez les classes populaires soumises à des injonctions paradoxales liées à des changements dans leurs entreprises et aux journalistes qui travaillent dans des entreprises subventionnées (proto-nationalisées) au management complètement obsolète.
2) La couverture médiatique de cette histoire est complètement creuse elle-aussi. En effet la presse spécialisée a fait une véritable démonstration de force l’année dernière relativement à la stratégie d’ascétisme médiatique de la direction et du staff du club. Il existe donc un contrat tacite qui veut que tant que le club suit un story-telling défini et une politique d’alimentation en information et en réaction à des (fausses) polémiques des journalistes, permettant une écriture automatique des articles et aux reporters sur place de se prendre pour des vedettes à force d’en côtoyer, il y aura une trêve.
Mais d’un autre côté, l’industrie médiatique traditionnelle n’ayant plus aucune légitimité technique ou économique, elle cherche systématiquement à justifier son existence, les subventions perçues, les avantages dans les moteurs de recherche, les exceptions administratives et les licences de toute sorte, en jouant un rôle de moralisateur. Les journalistes n’ont absolument aucune idée de ce qu’est l’écologie, celle-ci ne leur sert que de girouette de moraline.
3) Les hiérarchies des institutions, dont l’évidence de la légitimité s’affaiblit aussi et qui a besoin (ou pense avoir besoin) de l’industrie médiatique traditionnelle pour la consolider, sont dans des entreprises de comm’ elles aussi pour justifier un certain nombre de mesures, de régulation voire de restriction. Elles profitent du coup de cette fausse polémique pour peser elles aussi sur l’industrie médiatique traditionnelle et attaquer le PSG qui en plus est utilisé comme symbole pour justifier des politiques autoritaires. Comme ce sont elles qui permettent encore l’existence de cette industrie, le chantage fonctionne.
Alors évidemment il y a une réalité concrète et matérielle à considérer avec le déplacement des équipes de sport et l’organisation des compétitions. Remarquons l’absence de toute réaction de toutes les fédérations sportives sur le sujet, sans doute sans qu’elles aient eu besoin de se concerter. J’imagine les présidents de fédération se cachant sous leur couverture en remerciant les cieux qu’aucun journaliste n’ait eu l’idée de leur poser la moindre question sérieuse. Parce que la NBA par exemple, ce grand monstre capitaliste ultralibéral très très méchant, prend bien la question au sérieux et communique dessus, trouve des améliorations sans forcément s’en satisfaire… bref, les mecs touchent beaucoup d’argent peut-être, mais ils bossent ! tout en produisant une communication responsable et sans besoin de faire semblant d’avoir de la hauteur juste grâce à la compétence… et du coup, ils peuvent faire de vraies blagues parfois, puisqu’elles ne servent à rien masquer.
« PSG : l’écologie a besoin d’innovations, pas d’inquisitions » mais a-t-on besoin du PSG ?
Par contre j’aime beaucoup l’humour de Galtier et d’humour il en faut en ce moment…
Etait-ce bien de l’humour ? Je n’ai pas eu l’impression qu’il cherchait à faire rire, mais plutôt de se débarrasser du sujet sans perdre la face de grand-schtroumpf qu’il est censé avoir dans la nouvelle stratégie de comm’ du PSG. La véritable ironie aurait été de prétendre décider tout, du style « oui j’ai décidé de prendre l’avion, c’est moi aussi qui fais le calendrier des rencontres »… toute l’idée de la réponse était de ne pas y répondre tout en laissant penser qu’il était effectivement le bonhomme de l’histoire, le mec en charge… dans cette stratégie pour faire de l’humour il aurait sous-entendu que c’était lui qui pilotait l’avion en disant « la SNCF m’interdit de conduire mon TGV » un truc comme ça. Personnellement je détecte de la gêne masquée par un ton humoristique mais pas de l’humour.