Pourquoi le Conseil national de Refondation ne changera rien

Le Conseil national de Refondation n’est rien d’autre qu’un palliatif au mal démocratique français.

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Emmanuel Macron, président de la République by Mutualité Française on Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

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Pourquoi le Conseil national de Refondation ne changera rien

Publié le 2 septembre 2022
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Et de cinq ! Après les refus de la CFDT, de LFI, de LR et du RN d’y participer, c’est au tour du deuxième personnage de l’État, Gérard Larcher, président du Sénat, de signifier une fin de non-recevoir à Emmanuel Macron pour son projet de Conseil national de Refondation. Un événement à l’acronyme loin d’être anodin, annoncé quelques jours avant des élections législatives peu réjouissantes pour la majorité sortante et qui devrait se dérouler le jeudi 8 septembre.

Un conseil dans la lignée des nombreux comités Théodule créés depuis 2017 et destinés à masquer la réalité d’une démocratie française profondément autocratique.

 

Un doublon institutionnel

L’acronyme du Conseil national de Refondation, CNR, ne laisse guère indifférent. La communication du président de la République étant sans doute l’aspect de sa présidence qu’il maîtrise le mieux, la coïncidence avec le comité créé par le général de Gaulle en 1944, réunissant, comme aujourd’hui, partis et représentants sociaux et destiné à proposer un programme de réformes, ne peut qu’être constatée.

De la guerre militaire à la guerre sanitaire, il n’y a qu’un pas, surtout lorsque le chef de l’État fait sa rentrée avec un conseil de défense ce vendredi.

Seulement, là où 1944 visait à sortir de la dictature vichyste, 2022 n’est rien d’autre qu’une continuité du contournement du Parlement. C’est ce qui ressort de la lettre du 26 août envoyé par le président du Sénat à Emmanuel Macron pour lui signifier son refus d’y participer.

Davantage que le Parlement, ce comité, qui vise à rassembler les forces politiques, économiques, sociales et associatives fait doublon avec le Conseil économique, social et environnemental et le Commissariat au Plan.

Le CNR n’est rien d’autre qu’un palliatif au mal démocratique français. Ne soyons pas naïfs : l’élection d’Emmanuel Macron a été un chèque en blanc. Le CNR, et ce, davantage avec un Parlement quasi hostile à l’Élysée, ne vise qu’à fixer le programme du quinquennat.

 

Une comitologie française

Énième tentative de donner une illusion de démocratie dans ce pays, le CNR fait écho à une longue liste de comités Théodule. Après le Grand débat national, après le comité consultatif sur les retraites, après la Convention climat et après les Grenelles qui émaillent notre actualité politique depuis 1968, le Conseil national de Refondation constitue une nouvelle tentative de masquer l’absence de véritables contre-pouvoirs dans un pays où le chef de l’État est régulièrement accusé de mépriser les corps intermédiaires.

En voyant cet inventaire la Prévert, il est très difficile de ne pas penser à la comitologie, mode de prise de décisions très en vogue à Bruxelles et fondé, comme son nom l’indique, sur des comités : consultatifs, gestionnaires et réglementaires. Une comitologie d’autant plus présente à l’esprit que le chef de l’État est notoirement un des plus européens de la Cinquième République mais qui masque mal la réalité de la démocratie française.

 

La réalité d’un pouvoir autocratique

Car nous le savons et nous le rappelons régulièrement dans nos colonnes : la France est plus proche des régimes d’Europe orientale telles que la Russie ou la Turquie que des démocraties libérales de nos voisins directs.

Cette comparaison avec le régime poutinien m’avait amené, dans ces mêmes colonnes fin 2019, à reprendre à mon compte le concept d’élyséologie. Un concept repris à l’historien Julian Jackson, calqué sur le modèle de la soviétologie et de la kremlinologie, études des pouvoirs soviétiques puis russes et visant à étudier la pratique du pouvoir du président français à travers le temps.

Et si Emmanuel Macron et Vladimir Poutine disposent de nombreux points communs, la réalité institutionnelle de l’Hexagone n’est guère plus réjouissante. Un régime où l’ensemble des pouvoirs dépendent de la seule élection présidentielle, qu’il s’agisse du pouvoir législatif dont les membres sont renouvelés quelques semaines plus tard, de l’absence de véritable respiration démocratique en cours de quinquennat malgré les promesses salutaires, mais miragineuses de retour du septennat et de midterms à la française, ou encore de la privation d’un authentique pouvoir judiciaire, relégué institutionnellement au statut de simple autorité.

Une situation particulièrement bien décrite par Philippe Fabry dans son dernier ouvrage.

Ce régime ne se démocratisera pas par des comités, Grenelles ou conventions. Il se démocratisera en décentralisant au maximum les pouvoirs dans ce pays.

 

Ramener la présidence à sa place

Le pouvoir est une constante de l’histoire humaine. Il innnerve nos sociétés. Concentré, il est le pire adversaire d’une société libre et prospère. Éclaté, disséminé, il est le gage de la justice et du progrès.

Seulement, cela n’est guère simple. À mon sens, le principal frein psychologique à la diffusion des idées libérales est que celles-ci supposent de faire confiance aux individus, chose très contre-intuitive pour certains. De la même manière, la démocratie suppose que les dirigeants aient confiance dans les peuples dont ils ont la charge, et réciproquement. Cette confiance n’existe pas à l’heure actuelle, mais il est fondamental de forcer en débloquant nos institutions.

La clef de la démocratisation de ce pays passera donc par une décentralisation intégrale, sortant de la logique de jacobinisme régional et métropolitain en place dans notre organisation territoriale depuis 40 ans et visant à remplacer le diptyque département-commune par le duo région-métropole. Il nous faut impérativement faire du mille-feuille, de la diversité et de l’expérimentation des valeurs cardinales de notre organisation politique et non pas seulement de notre organisation territoriale.

Ce cadre permettra peut-être de ramener la présidence de la République à sa fonction historiquement légitime : celle d’une incarnation et d’un garant des institutions, tandis que depuis 1962 elle s’est fourvoyée dans une concentration des pouvoirs que quelques comités ne suffiront malheureusement pas à écorner.

 

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  • Avatar
    The Real Franky Bee
    2 septembre 2022 at 7 h 08 min

    Encore un gadget bureaucratique qui va coûter des millions, verser de beaux salaires aux copains, et ne servir strictement à rien. Ce pays fait de la peine à voir.

    • Tout à fait d’accord. En plus ce machin permet à Macron d’y piocher ce qui l’intéresse et de dire aux députés : voyez, c’est ce que les Français veulent : vous ne pouvez pas voter contre. Quant à ce qui ne l’intéressé pas, oubliez!

  • Macron est un technocrate qui croit tout savoir : il écarte les institutions démocratiques en créant de pseudos instances de discussion au sein desquelles il décide seul, car il n’écoute rien, il cherche seulement à convaincre qu’il a raison… Car c’est bien là son sujet : parloter pour se montrer, pas d’action. Plus de Gouvernement : un conseil de défense ; plus de Parlement : un conseil de la refondation. Bientôt le soviet suprême ? (Ah non, c’est Mélenchon qui en rêve…, décidément on va dans le mur…)

  • Pfff , mais c’est parce qu’il manque tout d’abord des conseils départementaux, avec la commission de contrôle et celle de régulation. Puis des conseils régionaux avec les mêmes commissions mais avec en plus des rapporteurs. Enfin il faudra bien entendu ne pas oublier le haut conseil, mais cette fois ci sans contrôle…..c’est à ce prix que nous aurons l’efficacité……. je ne sais plus qui disait… : « ce pays est foutu »

  • « la privation d’un authentique pouvoir judiciaire, relégué institutionnellement au statut de simple autorité »
    Pour avoir un réel pouvoir judiciaire, il faudrait une élection des juges. Certains juristes y sont favorables mais j’imagine déjà la levée de boucliers, notamment chez les magistrats proches du Syndicat de la Magistrature (dont les prises de position ne font pas l’unanimité chez les citoyens lambda).

    Concernant la décentralisation, vous commettez une erreur, me semble-t-il.
    Le couple Département-Région a toujours sa pertinence et les Français sont attachés à la proximité et à la connaissance fine du terrain qu’il impose. Il aurait simplement besoin qu’on le laisse travailler. E. Macron en particulier n’a cessé de rogner ses pouvoirs (la suppression de la Taxe d’Habitation, par exemple, n’est qu’une façon de priver les communes d’autonomie fiscale).
    En revanche, les Régions et les Métropoles, plus récentes sont un chef d’oeuvre de technocratie et d’opacité.

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