Retraites : la réforme devrait mettre fin aux injustices, mais fait fausse route

En instaurant un régime complémentaire obligatoire par capitalisation, on aurait évité la controverse sur l’âge-pivot, le risque réel que les pensions futures baissent par manque de financement, le mécontentement des indépendants et des fonctionnaires.

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It's a dead end baby By: Andrew Mason - CC BY 2.0

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Retraites : la réforme devrait mettre fin aux injustices, mais fait fausse route

Publié le 24 décembre 2019
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Par Alain Mathieu.

Pendant ces deux semaines de trêve des négociations, et depuis le départ de Jean-Paul Delevoye, une nouvelle réflexion sur la réforme des retraites est possible.

Le programme électoral d’Emmanuel Macron annonçait :

« Nous mettrons fin aux injustices de notre système de retraites. »

 

Ces injustices sont patentes

En termes de montants de pension mensuelle moyenne

  • salariés du secteur privé (CNAV+ Agirc-Arrco) : 1167 euros
  • fonctionnaires civils de l’État : 2223 euros ( + 90 %)
  • agriculteurs et des commerçants : 740 euros et 970 euros

 

Ces pensions sont trois à cinq fois inférieures à celles de la RATP, d’EDF et de la SNCF soit respectivement : 3700 euros, 3600 euros et 2600 euros.

En termes d’âge réel de départ en retraite

  • moyenne du secteur privé : 63 ans
  • fonctionnaires de « catégorie active » : entre 55 et 57 ans
  • pour la RATP et la SNCF : roulants à 52 et 53 ans, les autres à 57 et 58 ans

 

Mettre fin à ces avantages motivait inévitablement de fortes réactions des privilégiés. En faisant connaître clairement ces injustices, le gouvernement aurait pu mettre l’opinion publique de son côté.

Agnès Buzyn qualifiait d’« extrêmement avantageuses » les retraites du secteur public. Mais les autres ministres refusaient de « monter les Français les uns contre les autres » en faisant connaître la vérité. Le gouvernement se privait ainsi du soutien essentiel de l’opinion publique, qui reste favorable aux grévistes.

 

La méthode choisie n’est bonne qu’en apparence

« Un système universel avec des règles communes de calcul des pensions sera progressivement mis en place. »

Certes, un « système universel » mettant fin aux « régimes spéciaux » assure en principe l’égalité entre Français : « à carrière identique, des droits identiques ».

Mais un système universel, assorti d’une « Caisse nationale de la retraite universelle » supprimant les régimes complémentaires Agirc-Arrco, ceux des professions indépendantes, des agriculteurs, des fonctionnaires contractuels (mais pas des titulaires), de la RAFP (retraite additionnelle de la fonction publique, assise sur les primes), sera en fait un système étatique, « piloté par la loi » et le Parlement.

Le système n’a d’universel que le nom, puisque des régimes spéciaux subsisteront pour les policiers, gendarmes, militaires, artistes, marins, journalistes, cheminots, électriciens.

Les carrières longues, les métiers pénibles, les chômeurs et les malades auront un traitement spécial. La cotisation unique à 28,1 % sera réduite à 12,9 % pour les professions indépendantes (au-delà du plafond de la Sécurité sociale).

De plus, et fort heureusement, dans ce système universel, la date de départ en retraite ne sera pas la même pour tous, mais laissée au choix de chacun.

En revanche, tout le reste, les cotisations et pensions, les caisses de gestion des retraites, et même le rendement (5,5 euros de pension annuelle pour 100 euros de cotisation) sera fixé par le système.

 

Le mauvais choix

Dans son rapport, Jean-Paul Delevoye avait bien décrit le choix qui s’imposait :

« Deux modèles s’affrontent, l’individualisation et l’assurance ou le collectif et la mutualisation. »

Il avait choisi :

« Contre le chacun pour soi, je retiens le choix d’une mutualisation collective de nos risques individuels. »

Ce choix n’est pas le bon.

Certes, dans la plupart des pays développés le système de retraites comprend un minimum vieillesse financé par les impôts, et un système de retraites financé par des cotisations obligatoires sur les salaires les plus bas jusqu’à un plafond, et versées à une seule caisse en monopole, qui les répartit entre les retraités.

Mais des choix existent pour les retraites complémentaires. En France ce choix est très limité. Il porte au niveau de l’entreprise sur les cotisations Arrco-Agirc. Ailleurs le choix est plus large. Il peut être individuel, entre de nombreuses caisses, dont certaines fonctionnent par capitalisation.

On cherche en vain dans le rapport Delevoye le terme de capitalisation.

Pourtant la loi des intérêts composés fait grossir une épargne pour la retraite. La durée moyenne des placements pour la retraite est de 30 ans : 20 ans en moyenne pendant les 40 ans de cotisation, plus 10 ans en moyenne pendant les 20 ans de retraite. Avec un rendement de 5 % par an, une cotisation est multipliée par 4,5 au bout de 30 ans. C’est la différence avec la répartition.

C’est pour cela que les fonctionnaires sont attachés à la RAFP, leur retraite additionnelle par capitalisation assise sur les primes, dont le rendement moyen depuis l’origine est de 4,8 % par an.

En outre, l’État les y encourage par une subvention égale à leur cotisation. De même les avocats et autres pharmaciens veulent conserver leur régime, qui assure de meilleures pensions grâce à une bonne part de capitalisation.

Les fonds de pensions anglo-saxons n’ont pas de problèmes d’équilibre, particulièrement après une année 2019 où les indices boursiers auront bondi de 25 %. Les retraités d’Europe du Nord profitent de leur retraite complémentaire obligatoire par capitalisation, et les Allemands de leur retraite complémentaire facultative par capitalisation, subventionnée, comme la RAFP, par leur gouvernement. Alors que pour trouver l’équilibre du financement des retraites, le gouvernement français est obligé de se battre sur un âge d’équilibre avec bonus-malus.

Pourtant il eût été facile de laisser en dehors du système universel les régimes spéciaux des avocats et autres professions indépendantes, et d’étendre à tous les Français le régime si favorable de la RAFP. En instaurant ainsi un régime complémentaire obligatoire par capitalisation à bon rendement on pouvait limiter les cotisations obligatoires sous le plafond de la Sécurité sociale à un taux inférieur à 28,1 %, peut-être même au niveau allemand de 20 %, tout en assurant des pensions confortables bien financées.

On aurait évité la controverse sur l’âge-pivot, le risque réel que les pensions futures baissent par manque de financement, le mécontentement des indépendants et des fonctionnaires qui vont perdre leurs retraites par capitalisation.

Il n’est peut-être pas trop tard pour rêver à ces progrès.

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  • Il faudrait préciser cette notion d’injustice un peu trop galvaudée au gré des intérêts de chacun. Après tout si quelqu’un a cotisé le double, il est normal que le volume total de sa retraite (réversion comprise) soit le double.
    La principale « injustice » est dans la loterie de la longévité: elle peut être atténuée par une retraite sous forme de capital qu’on consomme à sa guise en transmettant le reliquat sans droits de succession (ce qu’était l’assurance-vie naguère, ou l’immobilier de rapport).
    Si on s’en tient à une retraite sous forme de rente ou pension jusqu’au décès, l’injustice peut se matérialiser par la différence du délai de recouvrement (le nombre d’années qu’il faut vivre en retraite pour récupérer sa mise, comparé à l’espérance de survie): c’est là que la distorsion ente les régimes spéciaux publics et les autres est choquante, au point qu’il faut piller les contribuables jusqu’au trognon pour accorder les subventions d’équilibre qui comblent le gouffre béant.
    Enfin, la capitalisation évidemment plus saine que la répartition n’est pas pour autant exempte d’aléas redoutables (fonds de pensions si mettent la clé sous la porte), particulièrement quand on y souscrit au moment où la bourse est grossièrement surévaluée à cause des taux d’intérêts nuls.

    • Pour les fonds de pensions qui mettent la clé sous la porte, si votre référence va à Enron (escrocs) , mieux vaut plutôt cibler Calpers, (fonds de pensions des fonctionnaires californiens dont aucun ne se plaint). En France, nous avons aussi le Fonds de Réserve des Retraites (FRR) créé par le 1er ministre Lionel Jospin sous présidence Chirac loi nᵒ 2001-624 du 17 juillet 2001, Actif 32,6 milliards euros au 31/12/2018, performance de 3,7 % annualisée de l’actif depuis juin 2004) http://www.fondsdereserve.fr/documents/FRR-RA2018-FR-3.pdf
      Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) article 76 de la loi du 21 août 2003 par le premier ministre JP Raffarin sous J Chirac, aussi.
      https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_pensions.pd)
      Avec un bon contrôle et une réelle transparence, il est possible de bien faire. Au lieu d’avoir une retraite moyenne mensuelle (public privé confondus) la retraite capitalisée serait d’au moins le triple,, réversible à 100 % au conjoint (sans contribution des contribuables) sans prélever un centime sur le capital qui pourrait être transmis (mais attention l’impôt de succession qui peut atteindre 45 %) Et vive la liberté

    • il est surtout normal que la retraite soient vue en terme de capital..au moment de la retraite…
      raisonner en terme de niveau de pension est singulier…

    • « Après tout si quelqu’un a cotisé le double, il est normal que le volume total de sa retraite (réversion comprise) soit le double. » ça ressemble furieusement a une retraite par points.

  • Qui a dit que la réforme était destinée a combattre des injustices ?
    Il n’y a rien d’injuste a ce que les forts soient mieux servis que les faibles !
    Par exemple ,les privilégiés ,ils le sont parceque vous le voulez bien.personne ne vous oblige a prendre le train ou le métro ou de vous rendre dépendants de ces services. …vous aussi vous pouvez faire la grève !

    • Si votre propos est intéressant, nous ne pouvons pas faire la grève de l’impôt puisque c’est interdit. Alors quel moyen préconisez-vous ?

    • Comme le déficit de ces sociétés publiques est comblé avec nos impôts, être utilisateurs ou pas ne change rien…
      Chacun des 67 millions de Français paie déjà environ 230 euros pour la SNCF…

      • Une fois sevré de sa drogue le dealer finit par mourir de faim.si la’greve des transports ne dérange plus personne ,l’état saura faire ce qu’il faut pour récupérer les milliards devenus inutiles et les mettre là où c’est efficace lors d’une election ,ils ont su faire avec la poste et France Telecom…je suis certain que Pécresse sautera sur l’occasion ,ça coûte bonbon le transport francilien alors qu’il y ‘a tant a faire pour sa cour ,les artistes ,la culture ,l’écologie !

        • Rien n’est moins sûr quand on voit les conseils départementaux payer, par pure démagogie électorale, pour maintenir des lignes qui ne sont utilisées que par quelques personnes alors que souvent il existe déjà une ligne de bus en parallèle.

    • C’est vrai que rien ne nous oblige a prendre le train, mais on est tous obligés de payer pour la SNCF et la RATP par l’impot.

  • Soyons fous soyons libres : et si on laissait le libre choix de la clause du grand-père dès maintenant ?
    Ah bah non, c’est la France, pays de la liberté. C’est écrit sur le fronton des bâtiments officiels. Liberté de taxer, d’imposer. Liberté pour l’élu de faire chier le citoyen avec des réglementations de plus en plus nombreuses.
    L’élu ne se sent plus pisser :mrgreen: Et il le fait tellement, qu’il n’est plus en odeur (de sainteté) :mrgreen:

  • Quelle hypocrisie dans votre article !
    Oser faire une réversion (36 milliards d’€) sans condition de revenus, sans condition de patrimoine, sans plafond mais financée par tout le monde et vous ne dites rien ?!
    C’est du pillage d’argent public et ça mériter le traitement réservé aux voleurs.
    LREM = le parti infesté de bourgeoises.

    • La réversion est un scandale, 100% dans le ‘public , un p’tit complément dans le privé, la retraite d’un couple doit être unique et tenir compte de toutes les cotisations du ménage meme si il n’en reste qu’une.

      • non on doit pouvoir choisir
        gagner plus sans réversion ou gagner moins avec réversion point

      • Une cotisation de couple ça n’existe pas. Une retraite bi-personnelle ça n’existe pas. Vous avez cotisé comme les célibataires, comme les pacsés, comme les concubains. Par conséquent vous n’avez strictement rien cotisé de plus que les autres pour votre veuve ou pour votre veuf.
        Vos droits à la retraite vous ont été attribués par la collectivité à vous et à personne d’autre. Ils ne sont pas une marchandise que l’on peut se transmettre à son gré sous prétexte de code civil.
        Nous sommes dans un système par répartition et non par capitalisation. Par conséquent les conditions d’accès à la solidarité doivent être les mêmes pour tout le monde, mariés,pas mariés, célibataire car il n’y a pas de citoyens plus importants que d’autres en raison d’un statut.
        Une réversion sans condition de revenus, sans condition de patrimoine, sans plafond, c’est anti redistributif et anti social. C’est du détournement d’argent public. C’est du vol d’argent public.

  • On en cherche des choses en vain,comme vous dites, dans le rapport Delevoye 2 ans de « logorrhée franc-maçonnique »pour reprendre Catherine Nay sur Europe 1….pour aboutir comme à chaque fois à un durcissement dans le privé qui en plus continuera de financer le public et à un statu quo pour le public qui grâce à la mafia syndicale a maintenu son système.

    • C’est ce que j’ai dit dans un post précédent :
      Les gens du secteur privé vont-ils encore une fois se laisser « saigner » sans réagir en écoutant les soupirs de soulagement du secteur public qui encore une fois ( précédent 1995) ne verront leurs régimes de retraites réformés qu’à la marge, sans perdre un centimes de leurs pensions (c’est parce que je le vaux bien) aux frais du contribuable de service.

  • d’autant que les fonctionnaires ont accés a un systeme par capitalisation : LA PREFON

    pourquoi le privé ne peut pas faire pareil?

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