Investissement ou rigueur budgétaire : le faux dilemme d’Emmanuel Macron

S’il suffisait aux États d’augmenter leur déficit et leur dette pour investir et gagner de la croissance, la France serait le pays où la croissance devrait être la plus forte du monde. Mais ça n’est pas le cas.

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French President by Amaury Laporte(CC BY-NC 2.0)

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Investissement ou rigueur budgétaire : le faux dilemme d’Emmanuel Macron

Publié le 16 novembre 2019
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Par Ferghane Azihari.
Un article de l’Iref-Europe

Dans une interview donnée au magazine britannique The Economist, Emmanuel Macron s’en est pris à la règle budgétaire européenne qui proscrit un déficit supérieur à 3 % du PIB. Cette dénonciation n’est pas anodine. Elle acte le fait qu’Emmanuel Macron renonce à l’assainissement des finances publiques. On peut donc s’attendre à une absence de réformes structurelles au moins jusqu’à la fin du quinquennat.

La règle des 3 % a-t-elle un sens ?

Pour la classe politique, le déficit public est un moyen d’acheter les voix présentes en hypothéquant l’avenir des contribuables futurs qui n’ont par définition pas encore le droit de vote. Faute de courage pour baisser la dépense publique ou augmenter les impôts donc révéler le vrai coût de l’État, le déficit et l’endettement répercutent le coût des errements sur les générations à venir.

Ainsi s’explique l’endettement actuel des administrations publiques françaises (Figure 1). Notons que les déséquilibres budgétaires français font de plus en plus figure d’exception dans un contexte où de nombreux États adoptent des politiques plus équilibrées.

Figure 1 : équilibres budgétaires et dette des administrations publiques des États de l’Union européenne entre 2015 et 2018

Le déficit n’est pas seulement une entorse faite à la fiction du consentement à l’impôt. Il est aussi indésirable dans la mesure où il détourne l’épargne des contribuables à des fins improductives. En effet chaque euro emprunté sur le marché des capitaux pour financer les administrations publiques est un euro en moins au service de l’investissement dans les secteurs d’avenir. Il n’y a donc aucune raison d’opposer l’assainissement des finances publiques à l’investissement comme le fait Emmanuel Macron.

Bien sûr, cette réduction des déficits n’est utile que si elle s’effectue par la diminution de la dépense publique. Le problème de la règle des 3 % est qu’elle ne préjuge pas de la manière d’équilibrer les comptes publics. C’est pourquoi de nombreux gouvernements ont recours aux hausses d’impôts. De telles mesures dénaturent l’impératif de réduction des déficits publics puisque l’augmentation des impôts équivaut à accroître la part de ressources détournées par l’appareil d’État et qui auraient pu rester entre les mains du secteur privé.

La dépense publique au service de la croissance économique ?

Le renoncement à l’assainissement des finances publiques n’est pas seulement une mauvaise nouvelle économique. Elle est aussi délétère pour la crédibilité politique de la France auprès de ses partenaires de la zone euro. Quoi qu’en dise Emmanuel Macron sur le prétendu manque de mutualisation budgétaire, la crise de la zone euro a poussé les États du Nord à faire de nombreuses concessions. Le mécanisme européen de stabilité et les politiques monétaires de la Banque centrale ont de facto conduit les contribuables des États rigoureux à apporter leur caution aux errements budgétaires des États du Sud, et cela au mépris des premières règles budgétaires européennes.

En contrepartie, les États du Sud étaient invités à se montrer plus rigoureux et à mettre en œuvre des réformes structurelles. Mais comme on pouvait s’y attendre, les instruments européens de mutualisation des risques financiers ont plutôt généré un aléa moral. Profitant de la garantie des États les plus solvables et des taux d’intérêts artificiellement bas, des pays comme la France sont aujourd’hui incités par une foule de commentateurs à renoncer à la bonne gestion et aux réformes. Nul doute que ce n’est pas en trahissant la confiance des pays vertueux que la France retrouvera un rôle de leadership en Europe.

Pour excuser son laxisme, Emmanuel Macron se cache derrière l’impératif de la croissance économique qui devrait être soutenue par la dépense publique des États qui disposent des marges de manœuvre budgétaires nécessaires.

L’écueil de ce raisonnement tient au fait que les États n’ont pas le pouvoir de décréter la croissance économique. Au mieux peuvent-ils se substituer aux décisions des ménages et des entreprises en matière d’investissement. Encore faut-il que le personnel politique démontre sa capacité à réaliser des investissements plus productifs que le secteur privé. Voilà qui s’annonce compliqué. D’ailleurs, s’il suffisait aux États d’augmenter leur déficit et leur dette pour investir et gagner de la croissance, la France serait le pays où la croissance devrait être la plus forte du monde. Mais ça n’est pas le cas.

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  • Les français ont ce qu’ils méritent , ils ont voté hollande.. puis macron ! Bravo!

    • certes , mais ceux qui n’ont pas voté pour ces deux incompétents paient quand même la note…..

      • évidement! un grand merci aux abstentionnistes aussi sans lesquels rien n’aurait été possible!
        personnellement je ne vois pas comment un tel pays pourrait s’en sortir.. accrochez vous çà va tanguer

        • Pouvez vous expliquer aux abstentionnistes (dont je n’étais pas sur ce coup là, merci de vous abstenir de m’agonir de sottises) ce qu’il aurait fallu faire pour éviter ce merdier ?
          Inutile de gloser sur le second tour Macron-Marine, la seconde ayant comme programme économique une resucée nationaliste du programme commun de la gauche des années 70.

          • Il n’y avait pas que des candidats socialistes!

          • @synge
            c’est votre point de vue.. donc macron en avant toute

            • ceci dit, micron a été élu par défaut et l’une des nombreuses raisons des abstentionnistes est que plus aucun homme politique ne donne envie, ne parlons même plus des femmes politiciennes.
              Pour mémoire, la Belgique a vécu plusieurs mois sans gvt et ne s’en est pas plus mal porter. Ceci dit, nous avons de plus en plus affaire à un pouvoir autocratique que des élections législative eussent permise de contenir touts ces révoltes qui pour beaucoup ne sont pas infondés.

          • Avec un déficit de 100 milliards en 2019, c’est ainsi que le morveux fait des économies! Ce type est une catastrophe car c’est déjà lui qui avait conseillé les hausses d’impôts du quinquennat Hollande dont il était le conseiller économique!

            • Rien qye pour cette raison, les Français auraient dû s’abstenir de voter pour lui s’ils n’avaient pass une mémoire de poisson rouge.
              Reste que la propagande débranche la réflexion…

              • 45% des Français ne savent pas combien font 100€ placés à 2% depuis un an (ailleurs, c’est 30%, pas brillant mais moins catastrophique). Alors comprendre la relation de cause à effet entre déficit et hausses d’impôts, de plus sur des impôts qui ne concernent que les riches, … Ca n’est pas une question de réflexion, c’est plus grave que ça : les Français s’imaginent que si un problème a une solution, elle leur sera apportée par quelqu’un, sans qu’ils aient à comprendre pourquoi ni comment. Ecoutez les micros-trottoirs, personne ne demande que ses efforts soient laissés libres de porter leurs fruits, ils demandent tous qu’ “on” leur donne ce qui leur manque ou ce qu’ils désirent, parce qu’ils le valent bien.

          • Certes mais c’était la faute a Philippot. Marine Le Pen a apparemment peur des hommes déterminés et c’est pour cela qu’elle s’entoure d’hommes efféminés type Louis Alliot ou Florian Philippot, et c’est a se demander comment ce collectiviste (de droite!) a pu monter si haut dans la hiérarchie, Le parti du Reagan francais est devenu un parti communiste-bis. Mais le FN s’est rendu compte de sa nocivité (un peu trop tard) et l’a éjecté. De toutes facons meme sams lui le FN aurait au mieux fait 45%. Franchement comment Le Pen, qui a récupéré le parti de son papa, a pu un seul instant penser que l’Europe ou Bruxelles intéressait la base électorale de son parti et que cela pourrait séduire les insoumis ? C’est bien une idée d’énarque socialiste ca,

        • @c h de c “eut été possible …!

    • @claude henry de chasne certes mais seulement 1,8 français sur 100!

  • la dette française fait bien partie de la gestion du pays

    “l’État ne s’en sert pas pour investir mais pour payer les salaires de fonctionnaires bien trop nombreux, les ménages courent après des prix qui augmentent à cause de la planche à billets de la BCE et d’une législation de la construction très contraignante, et les entreprises cherchent à compenser une rentabilité inférieure à leurs concurrents internationaux due à une fiscalité plus lourde. Tout le monde est perdant, mais la dette permet de reporter l’échéance…”
    reporter l’echeance sur les français de demain… vive la décadence!

  • Le dernier budget en équilibre date de 1974, il y a 45 ans. Et cela en temps de paix, sans l’excuse de devoir financer une guerre. Voilà près d’un demi siècle que nous sommes incapables de réduire nos dépenses publiques et aucun gouvernement ne prétend sérieusement s’y atteler.
    Ne cherchons pas ailleurs notre déclassement.
    3% de déficit est une tolérance maximum. Nous en avons fait un objectif que nous ne sommes même pas capables de tenir. L’objectif d’une gestion sérieuse est un déficit de 0%.
    Prétendre que le déficit permet de financer des investissements et qu’il est donc vertueux, alors qu’il démontre une gestion lamentable, c’est nous prendre pour des c…

  • Eternel combat du vice contre la vertu..la france est un pays de vicelards depuis tres longtemps et pour longtemps ….

  • 1- Attention tout de même au dogme mythique des 3% qui ne fait pas la différence entre un déficit vertueux et un déficit vicieux selon qu’il stimule un investissement judicieux qui n’intéresse pas le secteur privé ou qu’il prétend boucher des trous qu’on ferait mieux d’éviter (le pognon de dingue).
    2- Attention aussi à la croyance qu’il suffirait de commencer par baisser les dépenses alors que la baisse des taux fiscaux est tout aussi vertueuse si on a la patience d’en attendre les bénéfices, d’une part à cause de l’effet Laffer (augmentation des recettes fiscales induite par la diminution des taux excessifs), d’autre part à cause de la stimulation économique directement induite par la minoration de la confiscation.
    – Résumé : il ne faut pas redouter le déficit s’il est conçu à bon escient, ce qui n’est hélas pas le cas jusqu’à présent.

  • ‘ Décisions des ménages ‘
    Aucune mère de famille vertueuse (Sparbewusste Hausfrau * comme disent mes voisins d’en face) ne saurait gérer les comptes familiaux avec 3% de déficit qui se rajoute année après année.
    Bon, elles n’ont pas fait l’ENA…

    * Il est intéressant de constater que dans la tradition orale germanique, c’est la femme qui gère l’argent du ménage, alors que l’homme gère la construction du foyer (Sparbewusster Bauherr)

    ‘Muti’ Merkel ne peut faire autrement..

    Angelaaa ! für Dich geh’ich durch’s Feuer !

    • 3% de deficit pour un menage ..,c’est formidable ..rien que l’achat d’un logement d’ une bagnole de l’electromenager minimum….ok ca ne dure pas une eternite mais parceque l’homme n’est pas eternel , lui…..et puis , c’est 3% du pib , du budget de l’etat, je ne sais plus , chiffres bidons de chez bidon&co.

      • Vous confondez dette et déficit

        Vous pouvez avoir une dette colossale, et après avoir réglé vos mensualités, zéro déficit en fin d’année.

        Ou zéro dette, mais néanmoins dépenser plus que vous gagnez jusqu’à ce que le banquier vous bloque le compte…

    • Ce n’est pas 3 % de déficit c’est :

      Dépenses 2019 : 390 milliards
      Recettes 2019 : 291 milliards
      Déficit 2019 : 99 milliards ou 25 % du budget.

      Cette référence au PIB est trompeuse.

      • Le budget total est de 1290 milliards, 390 ce ne sont que les dépenses d’un périmètre restreint de l’état. Ça fait du 8% de déficit ce qui est déjà intenable mais c’est encore trompeur. La dette “hors bilan” qui est de 4200 milliards et divers impératifs font que l’état emprunte 200 milliards chaque année ce qui fait 16% de déficit.
        Game-Over !

    • Leipreachan a écrit “ne saurait gérer les comptes familiaux avec 3% de déficit”

      Très juste mais “3% sur le PIB” c’est comme si on calculait son solde négatif sur la valeur totale du HLM ou elle loue son appartement, c’est totalement absurde.
      Un déficit c’est recette sur dépense, la France dépense 1290 milliards et emprunte 200 milliards chaque année ce qui fait 15% de déficit.
      Les “3% du PIB” sont un enfumage ahurissant 100% made in France par Mitterrand:
      http://blogs.lesechos.fr/dominique-seux/l-histoire-du-critere-de-3-a15011.html

  • Le gros probleme du petit gars qui nous dirige ,il ne peut plus augmenter les prelevements pour maintenir un deficit raisonnable ,il ne peut pas diminuer le nombre de fonctionnaires ,il en manque partout puisqu’ils sont partout …que peut il faire a part decouvrir le conseiller ayant le bon conseil ou , courageusement supprimer le statut des fonctionnire pour leur redonner un peu de vigueur et du qualicatif dans leur travail (meme dans les hopitaux !)

    • Si, c’est pourtant ce qu’il fait. De nouvelles taxes tous les jours… 🙁

    • Il faut reprendre le programme présidentiel de F Fillon, revenir aux 39 heures, retraite à 65 ans voire plus, suppression des postes de fonctionnaires dans les fonctions non régaliennes, sortir de l’OTAN, etc.. C’était le meilleur programme pour sortir la France “de l”ornière” de l’avis de tous les économistes, l’IFRAP en tête.

      • Bien sûr, mais tant que ce programme n’existera pas par lui-même et portera le nom d’un homme, il y a peu de chances que ça arrive. Il faudrait également convaincre les Français que la situation est grave, mais pas désespérée, alors qu’aujourd’hui ils se partagent entre ceux qui pensent qu’elle n’est pas si grave que ça, et ceux qui pensent qu’elle est désespérée.

  • “Investissement”…
    Et si l’on commençait par un peu de rigueur dans la définition de ce terme ! A l’ENA, je suppose qu’on appelle investissement ce qui peut passer avec le classement qui va bien dans les normes comptables publiques. Mais l’investissement, ça n’est pas une affaire de classification comptable. Un investissement, c’est une dépense qui produit un retour, qui permet de l’amortir sur une certaine durée qu’on vise la plus courte possible. Si on n’est pas capable de présenter la manière dont ce retour a été prévu, calculé, validé, on doit parler de dépense, ou même de gaspillage ou de perte si on n’est pas dans le cercle rapproché des soutiens du décideur. Et un gaspillage ou une perte doit immédiatement faire penser au mieux au clientélisme, et même à la corruption. Nul doute, d’ailleurs, que c’est ce que pensent bien des dirigeants européens des “investissements” de Macron, mais comme eux mêmes n’ont pas forcément les basques très propres, ils évitent de le relever publiquement. En revanche, les journalistes ne font pas leur boulot (sauf sur CP 🙂 )…

  • Les énarques ne sont pas assez intelligents pour comprendre que lorsque la croissance est forte il rentre davantage d’argent dans les caisses de l’état. Pourtant la cagnotte obtenue par Jospin grâce à la bulle internet aurait pu les interpeller. Mais non ils préfèrent ruiner le pays plutôt que cesser le pillage et le gaspillage insensé, évalué à 100 milliards par l’Ifrap.

  • La vérité, c’est que Macron est incompétent et qu’il ne maîtrise plus rien.
    Il relativise donc les règles qu’il est incapable de respecter.

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