La liberté d’expression est la première de nos libertés

Cette sentence ne devrait pas constituer un rappel, mais une évidence.

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Freedom of speech By: Khalid Albaih - CC BY 2.0

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La liberté d’expression est la première de nos libertés

Publié le 1 juin 2019
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Par Ludovic Delory. 

Aujourd’hui en France, des journalistes sont convoqués devant la DGSI pour avoir enquêté sur des affaires concernant les pratiques de l’Élysée.

Aujourd’hui en France, la majorité planche sur la création d’un parquet réprimant les propos haineux en ligne.

Aujourd’hui en France, un syndicat bloque la distribution d’un titre de presse qui n’a pas l’heur de convenir à sa ligne stalinienne.

Aujourd’hui, la France est l’un des seuls pays au monde à s’être doté d’une législation visant à combattre les fake news.

Depuis de nombreuses années, la France figure dans le peloton de tête des pays condamnés pour violation de la liberté d’expression.

En 2008, Nicolas Sarkozy lançait à un agriculteur qui refusait de lui serrer la main un « Casse-toi pov’con » qui restera dans la petite histoire. Quelques mois plus tard, un citoyen du nom de Hervé Éon fut condamné à une amende avec sursis pour avoir brandi, sur le passage du président de la République, une pancarte où figurait le même slogan. La Cour européenne des Droits de l’Homme reconnut que dans ce cas de figure cette condamnation constituait une violation de la liberté d’expression.

On pourrait trouver d’autres exemples récents. Ils se multiplient, notamment suite au mouvement des Gilets jaunes.

 

Liberté, égalité, fraternité

Les libéraux ont toujours défendu la liberté d’expression, principe de base de la République, inscrit en tête de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi.  » — article 11 de la DDHC

Ces cas déterminés par la Loi ne suppriment pas l’expression de ces idées. Les libéraux ont beau s’opposer aux idéologies collectivistes et mortifères — comme le nazisme ou le communisme — ils ne s’opposeront pas à leur apologie au nom de la liberté d’expression. D’un point de vue plus utilitariste, la criminalisation du négationnisme n’a pas empêché ce dernier de s’installer et de prospérer dans de nombreux États.

 

« Être Charlie », c’est aussi être cohérent

C’est un point sur lequel les juristes tombent en désaccord avec les législateurs et avec une grande partie de l’opinion publique.

Chaque événement, qu’il s’agisse d’un spectacle de Dieudonné, d’attentats touchant la rédaction de Charlie Hebdo ou de paroles offensantes d’un rappeur vis-à-vis de la France, donne lieu à un nouveau débat autour de la liberté d’expression.

Mais pourquoi faudrait-il rediscuter d’un principe fondamental ?

Si des terroristes sanguinaires s’attaquent à nos libertés, pourquoi faudrait-il de surcroît que le législateur ajoute à cette barbarie un tour de vis juridique ? Les lois mémorielles, la répression pénale croissante de n’importe quelle opinion offensant une communauté ou portant atteinte aux dogmes ou croyances d’une partie de la société, sont autant de coups de poignards assénés à la liberté d’expression.

Bien sûr, cette liberté n’est rien sans son corollaire : la responsabilité.

Murray Rothbard expliquait bien que crier « Au feu » dans un opéra bondé risquait à juste titre de vous valoir des ennuis. La civilité ou la politesse, rappelle Pierre Bessard1 « ne s’apparentent pas à l’autocensure ou à l’hypocrisie : elles ne font que faciliter les rapports humains en société. […] En d’autres termes, la retenue volontaire dans l’usage de la liberté d’expression fait partie de la vie courante. »

L’individu assumerait donc l’entière responsabilité de ses propos.

Hélas ! La pénalisation de la liberté d’expression a pris une ampleur telle, ces dernières décennies, qu’il nous faut sonner le rappel. La loi Gayssot, la loi sur la HALDE, les lois dites mémorielles constituent une régression intellectuelle, telle que l’a défini Philippe Nemo2 et exposent n’importe quel citoyen non seulement à l’opprobre public (l’éviction de l’agora, « le lynchage médiatique« ) mais aussi aux sanctions pénales. L’expression libre exercée sous l’œil de Big Brother appauvrit le débat et étouffe la vérité.

Durant ce mois de juin, Contrepoints vous proposera de dresser l’inventaire de la liberté d’expression aujourd’hui en France.

Nous restons fidèles aux enseignements de Benjamin Constant3 :

« … liberté en tout, en religion, en philosophie, en littérature, en industrie, en politique : et par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité, tant sur l’autorité qui voudrait gouverner par le despotisme, que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité. »

Et plus récemment, de Karl Popper qui a la lucidité d’admettre que toutes nos vérités sont en sursis :

« Les seuls moyens dont nous disposons pour approcher la vérité sont la critique et la discussion. »

Comment atteindre la vérité si certaines autorités, au premier rang desquelles l’État, nous privent de discussion ?

Durant ce mois de juin, nous donnerons la parole à des militants de la liberté d’expression. Ils sont journalistes, scientifiques, juristes ou même humoriste. Ils nous feront part de leur sentiment, aujourd’hui, de vivre comme des dissidents.

C’est à la fois fascinant et inquiétant.

Un mois entier consacré sur Contrepoints à la défense de la liberté d’expression. Si les libéraux ne le font pas, qui s’en souciera ?

  1. Liberté et responsabilité d’expression, in Libéralisme et liberté d’expression, Éd. Texquis, 2015, p. 64.
  2. Philippe Nemo, La régression intellectuelle de la France, Éd. Texquis, 2011.
  3. Benjamin Constant, Écrits politiques, Gallimard, 1997.
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  • J’espère au moins qu’un libéral attaché à la liberté d’expression n’oublie pas qu’on est responsable des conséquences de ce qu’on exprime.
    La parole ou l’écrit peuvent être des armes par destination, violant la vie privée ou la sécurité de leurs cibles.
    A ce titre la garantie de protection des sources a des effets pervers qu’on a un peu tort de négliger.

    • On doit pouvoir tout dire sauf mentir. Traiter un voleur de voleur, ça doit lui faire mal mais c’est bien ainsi. Employer les mots usuels qui ont toujours bien défini les choses font maintenant mal parce que le politiquement correct les a interdits! Un chat un chat, un aveugle un aveugle, un pédéraste un pédéraste etc… ces mots devenus violents aujourd’hui sont les vrais mots! Assez de périphrases et autres groupes de mots convulsés pour ne pas dire les choses en face!

  • Ce lien entre liberté et responsabilité est effectivement fondamental pour un libéral. Le problème avec l’état Français c’est qu’il nous considère tous comme des irresponsables, c’est la justification meme de son existence. La conséquence va de soi, on doit controler la liberté des irresponsables.
    L’emprise de l’état se fait tous les jours plus fortes sur nos vies et nos libertés c’est évident et c’est bien sur parce que nous sommes de plus en plus irresponsables.
    Le degré de responsabilité entraine le niveau de liberté. Dans l’entreprise le principe de base de subordination des salariés , qui est une forme d’irresponsabilité, limite logiquement leurs libertés.

  • voila ce qui arrive quand on vend sa liberté a une idéologie contre des subsides..
    Quand on vit de subventions diverses et variées au final on ne sait plus dire quoi que ce soit de peur de les perdre.

  • L’ambiance a commencé à se dégrader une première fois avec des lois punitives dans les années 70, puis sérieusement vers la fin des années 80 dans la presse. Aujourd’hui c’est une catastrophe. Idem dans l’édition où il est quasi-impossible d’aborder des sujets touchy chez les « grands » éditeurs, idem chez les libraires qui refusent de vendre certains livre « politiquement incorrects » etc. Tout le monde est concerné.
    Il suffit d’en débattre dans « les repas en ville » pour entendre les gens dirent la bouche en coeur « la liberté d’expression je suis POUR, MAIS… »
    Or la liberté d’expression ne se découpe pas en rondelle comme un saucisson. On est pour ou on est contre, il n’y a pas de milieu.

    • En effet, si la liberté d’expression vise à protéger uniquement les propos qui font consensus, elle n’a pas de raison d’être

  • Oui liberté et responsabilité vont de paire mais si on définit souvent la liberté c’est beaucoup moins le cas de la responsabilité. Quelles responsabilités engage la liberté d’expression ? Morale, physique, psychologique, politique, pénale, publique, privé… De cette responsabilité dépendra la retenue dans la liberté d’expression. Or peut-on raisonnablement connaître toutes les conséquences de nos paroles ?
    Ce n’est pas si simple, on ne peut pas trancher par un simple pour ou contrela liberté d’expression. Ce sera toujours un sujet en débat.

    • La responsabilité (pouvoir répondre de…) suppose quelques critères moraux. Les gauchistes ont prôné la liberté sans la morale, ce qui dérive en licence. Résultat, ils veulent supprimer la liberté…

  • Aujourd’hui, en France, j’en suis à mon sixième compte sur Contrepoints. Car j’ai été banni 5 fois. Mettre en évidence les manquements à une démarche scientifique la plus élémentaire, dénoncer les raccourcis fantaisistes faits par certains auteurs, souligner l’incohérence des propos m’a valu 5 fois le bannissement.
    Et je n’ai pu créer un sixième compte que en passant par un VPN. (étrange). Alors oui, vive la liberté d’expression ! C’est pas facile tous les jours ! Courage !

    • On est obligé d’admettre la sincérité de votre propos sans chercher à la vérifier et c’est précisément ce qui interpelle. L’affirmation scientifique négligés, c’est presque le lot commun de toute politique puisque nous savons que, malgré le progrès réalisé& dans notre société, de nombreux dérapages, échecs, contre emplois gabegies et corruption entravent la démarche. Mais c’est le lot de toute société. La pierre d’achoppement c’est que, de plus en plus, les politiques pendent que l’expression doit coller avec l’idéal fixé par précisément leur idéologie. L’URSS, la Chine etc….. sont l’exemple même vérifié, les propos de beaucoup de nos politiques vérifient ce paradigme. Autrefois, l’Eglise catholique s’est chargée de livrer au bras séculier bien des esprits libéraux.
      Par ailleurs, comment admettre aujourd’hui une censure quand,, pendant des années, on a gobé et fait gober aux foules les inepties du parti communiste qui ne rêvait que de goulag (souvenez-vous de Jean Kanapa et de ses asiles psychiatriques). Comment admettre la limitation de la liberté quand il s’agit de falsifier les faits historiques (le massacre de Katyn, j’ai, enfant, été puni pour avoir dit en classe que c’était le fait des soviétiques), si ce n’est que parce que le mensonge et l’oppression c’est aussi l’expression de notre nature. Alors, la liberté doit être totale, y compris celle de se défendre par les armes lorsque l’attaque prend un tour personnel. Mais cela, personne ne peut plus l’admettre. Alors, il faut se résigner à ne parler qu’avec des arguments solides et vérifiables. La connaissance est le meilleur allié de la liberté. Oui, je sais, l’argument est: que fait-on de ceux quji ne veulent pas vérifier et qui croient, gobent ? Ce sont les irréductibles inférieurs qu’on aura toujours la tentation d’opprimer ou d’utiliser.

    • Sauf que vous confondez le banissement d’un site privé avec les poursuites légales d’un coercitif. Pardon de vous le dire comme ça mais en vous banissant on vous juste « envoyé chier » ailleurs. Personne ne vous a mis en prison. on ne vous a pas imposé de nuisance. Contrepoints a simplement refusé de traiter avec vous, probablement suite à des propos que la charte de ce site privé n’accepte pas. Est ce que si je viens vous dire ce que je pense de vous dans votre chambre vous avez le droit de me fiche dehors? Oui… Est ce que si je vous déclare dans la rue à quel point je trouve que vous êtes un répugnant bolchevique qui semble frustré de na pas avoir pu mener une brillante carrière de gardien de goulag à la Kolyma, vous avez le droit de m’interdire cette rue? Non. C’est la différence entre le privé et le public. Ici c’est privé. Quand on n’est pas chez sois, on n’a que la liberté d’expression que permet notre hôte si on veut pouvoir rester.
      C’est pas si difficile à comprendre pourtant…

    • Vous n’avez pas compris. Le modo vous aime bien, car qui aime bien châtie bien. Donc, quand il vous repère, avec un grand sourire aux lèvres, il fait un clic droit sur votre compte et sélectionne la ligne expulsion. Dans votre malheur, soyez philosophe, vous faites le bonheur de quelqu’un 😉
      Et par ailleurs, contrepoints n’est pas un site de l’état, vous ne pouvez lui reprocher les actions de ses membres. Sinon allez sur Libé 😉

    • difficile de vous croire sur parole..
      mais admettons…

  • La convocation des journalistes par la DGSI met en évidence que la liberté d’informer des journalistes est aussi aujourd’hui notre liberté d’expression, puisque chacun peut maintenant porter à la connaissance d’un grand nombre de personnes des informations ou ses opinions.
    Il faut donc faire le lien entre liberté d’expression et liberté d’informer. Cette dernière, jusqu’à l’arrivée d’internet, concernait les journalistes et nous ne nous rendions alors pas compte que leur parole n’était pas libre. En réalité, la multiplication des canaux d’information insécurise tout pouvoir soucieux de garder le contrôle du narratif. Et le pouvoir n’est pas seulement, ni principalement, celui qui est à l’Elysée.
    Cette vidéo et cet article permettent d’entrevoir les processus de contrôle qui s’exercent, bien souvent, à l’insu des citoyens

    https://m.youtube.com/watch?v=7cwQ0fObxng

    http://arretsurinfo.ch/udo-ulfkotte-qui-avait-avoue-avoir-travaille-comme-agent-non-officiel-sous-couvertureest-decede/

  • L’article de l’année, quand « Au fond du sujet traité ».
    La liberté d’expression, liée physiologiquement, pour partie, a celle de pensée, dont elle dépend en retour, C’est l’origine de toutes les libertés, et ce n’est pas par hasard que Macrouille s’y attaque violement, après ses prédécesseurs Mitterrand, Chirac, et Hollande.

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