La théorie du grand remplacement, nouveau socialisme des identitaires

Si très peu de monde a lu la prose de Renaud Camus, une partie de son idéologie est relayée par d’autres vecteurs moins sulfureux.

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La théorie du grand remplacement, nouveau socialisme des identitaires

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 23 mai 2019
- A +

Par Alain Cohen-Dumouchel.

La notion de grand remplacement dans laquelle l’identité culturelle de l’Europe serait menacée par une invasion africaine musulmane fait partie des grands thèmes montants de la décennie. Longtemps cantonnée aux partis d’extrême droite européens, elle s’étend maintenant à des sphères moins sulfureuses de l’intelligentsia identitaire.

 

Un thème en filigrane des élections européennes de 2019

En sus de la mobilisation du Rassemblement national dont l’idéologie est maintenant clairement aussi socialiste que nationale, les élections européennes sont l’occasion pour des partis ou groupuscules identitaires de tenter de faire entendre leurs voix. Renaud Camus, l’idéologue historique du grand remplacement, est ainsi la tête de liste de La ligne claire qui appelle à la remigration, c’est-à-dire au retour des immigrés dans leur pays d’origine.

La Liste de la reconquête de Laurent Vauclin tente de réunir des groupuscules d’extrême droite sur le même thème.

Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen, présente une liste d’alliance avec des Gilets jaunes très préoccupés par l’influence de l’immigration sur leur pouvoir d’achat.

Enfin, un peu à distance des extrêmes, Nicolas Dupont-Aignan essaye de survivre avec un positionnement souverainiste modéré en essayant de faire oublier son alliance malheureuse avec le FN.

 

De l’immigration sauvage au grand remplacement

Cette clique hétérogène dans ses buts et dans ses alliances est globalement influencée par la théorie du grand remplacement qui se substitue peu à peu au thème de l’immigration sauvage qui était cher au Front national.

Il ne s’agit plus ici d’une immigration individuelle et désordonnée, d’une immigration opportuniste dans laquelle des individus prennent une décision rationnelle pour assurer leur avenir. Non, le grand remplacement est un plan concerté d’une civilisation, en l’occurrence musulmane prenant le pas sur une civilisation plus faible, moins organisée, plus naïve : la civilisation occidentale qui se laisse envahir sans résister.

Si très peu de monde a lu la prose de Renaud Camus, une partie de son idéologie est relayée par d’autres vecteurs moins sulfureux.

Ainsi des personnalités bénéficiant d’une audience beaucoup plus large, telles que Michel Onfray et Michel Houellebecq entérinent à travers un essai, Décadence et un roman Soumission, cette vision d’une civilisation musulmane volontaire, centrée sur ses valeurs, face à un monde occidental décadent et incapable de s’organiser pour résister à l’invasion.

Ces deux auteurs que réunit une totale inculture en philosophie politique confondent la cause et les effets de ce que l’on peut nommer la crise de l’Islam. Complètement hermétiques à la notion d’ordre spontané, il leur faut obligatoirement inventer des intentions et une organisation lorsqu’un phénomène socio-politique prend une certaine ampleur.

 

L’islamisme radical, une réaction violente contre la société du libre choix et de l’échange

Or l’islamisme est une réaction de groupes humains violents qui sentent que leur civilisation est menacée. L’économie de marché et la grande société ouverte, commerçante et mondialisée attaquent les vieilles civilisations de l’intérieur. Les jeunes veulent consommer, ils ont des téléphones portables, ils rêvent de vêtements de marque, ils veulent entreprendre.

Dans tous les domaines ils adhèrent massivement aux préférences de vie et aux techniques qu’on leur dit être occidentales alors qu’elles sont simplement humaines. Les réseaux sociaux et Internet accélèrent la diffusion de ces valeurs et précipitent le déclin inéluctable de l’islam en tant que grand ordonnateur de la vie quotidienne. Les islamistes ont raison de se sentir attaqués mais l’agression qu’ils subissent provient de l’intérieur, du cœur même de leur société qu’ils voient se déliter sous leurs yeux.

Ne l’oublions pas, le point de départ des révolutions arabes est un vendeur ambulant tunisien, Mohamed Bouazizi, qui s’immole par le feu le 17 décembre 2010 devant le siège du gouvernorat pour protester contre les brimades et la corruption qui l’empêchaient de commercer librement. Cet aspirant au laissez-moi-faire déclenche un immense mouvement libéral à travers tout le monde arabe et provoque la réaction immédiate de son antithèse : l’islamisme.

Car l’islamisme radical est une réaction violente contre la société du libre choix et de l’échange comme l’a été le communisme, ses crimes de masse et ses cent millions de morts.

 

L’impossibilité pour les intellectuels de modéliser les mutations spontanées

Bien avant les théoriciens du grand remplacement, les socialistes et les communistes ont eu eux aussi besoin d’échafauder une théorie du complot pour tenter d’expliquer la mutation libérale spontanée du XIXe siècle. Il leur fallait absolument trouver des responsables pour expliquer le phénomène. Ils ont donc inventé la révolution bourgeoise, le capitalisme et la conscience de classe pour modéliser ce qui était pour eux impensable : une révolution individualiste sans guide suprême et sans dirigeants.

La mutation libérale se poursuit partout dans le monde ; systémique et capillaire, elle a totalement bouleversé l’Occident chrétien, pris 250 ans pour atteindre l’Asie, prendra plus de temps pour l’Afrique, mais aura finalement lieu. Cette grande vague produit des effets bénéfiques partout où elle s’étend.

Les peuples acquièrent davantage de liberté, ils sortent de la misère, l’environnement y est mieux préservé, de nouvelles cultures internationales s’y développent. L’islam totalitaire, celui qui veut rythmer la vie et les préoccupations des individus, perdra donc la bataille, c’est inéluctable, et les représentants de l’islam traditionnel le sentent bien, d’où leurs réactions violentes et désespérées.

La défaite annoncée de l’islam est donc impensable pour les intellectuels antilibéraux comme Renaud Camus et Michel Onfray, ou sans bagage intellectuel libéral tels que Houellebecq et Finkielkraut.

Car même Alain Finkielkraut, essayant de décrypter Soumission croit pouvoir affirmer :

« L’islam est aujourd’hui en position de force, démographiquement et idéologiquement on peut parler d’un grand dynamisme de l’islam ». (dixième minute)

Comment le nouveau philosophe contempteur du communisme peut-il se fourvoyer à ce point ? Là aussi on comprend que les fondamentaux n’y sont pas. N’est pas Tocqueville qui veut et Alain Finkielkraut ne possède pas le logiciel qui lui permettrait de comprendre le phénomène qui se déroule sous ses yeux. Remplacez islam par communisme dans la phrase de Finkielkraut et vous aurez probablement sa position en 1970.

L’islamisme et ses manifestations sur le sol européen sont bien évidemment des phénomènes graves qu’il ne faut pas minimiser tout comme il ne fallait pas minimiser le communisme, ennemi extérieur et intérieur au moment de la Guerre froide. Mais croire qu’on aurait pu combattre le communisme en renvoyant tous les communistes en URSS ou en Chine et en sanctuarisant l’Occident libéral est une erreur monumentale. C’est au contraire par les échanges et la perméabilité commerciale entre les blocs que la société communiste s’est effondrée de l’intérieur. Il en sera de même pour l’islam. Les théoriciens du grand remplacement ne font que retarder l’échéance.

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  • Tout ceci est bel et bon mais me semble un peu issu de puissantes réflexions dans la douceur et le confort d’une existence loin des vicissitudes de ce monde…
    Peut-être que l’islamisme finira par s’effondrer comme le communisme… Par contre, j’aimerais éviter qu’il ne sévisse pendant 70 ans, mette la moitié du monde dans la misère et fasse 100 millions de morts…

    • Pour l’heure, il y a toujours beaucoup plus de gens dans le monde qui souffrent du socialisme que de l’islamisme.

    • « Peut-être que l’islamisme finira par s’effondrer comme le communisme… Par contre, j’aimerais éviter qu’il ne sévisse pendant 70 ans, mette la moitié du monde dans la misère et fasse 100 millions de morts… »


      @RB83 : L’auteur explique justement que le meilleur moyen pour précipiter la chute de l’islamisme, c’est de ne pas mettre un frein à ce qui peut le détruire de l’intérieur, à savoir : « les échanges et la perméabilité commerciale » entre l’Occident et le monde musulman.
      Ou pour le dire plus simplement : si on ne veut pas voir des mosquées Saoudiennes pousser partout en Occident, la solution n’est pas de brûler tous les Corans qu’on trouve ou d’expulser tous les musulmans qu’on croise, mais de défendre le libéralisme de façon à ce que des produits occidentaux comme par exemple Charlie Hebdo (ou tout autre journal se moquant du Coran) soit disponible même en plein coeur de l’Arabie Saoudite.

      -1
  • c est quand on lit ce genre d aneries, que l on comprend que les francais sont anti liberaux. sorter un peu de chez vous, allez faire un tour dans de nombreuses villes de france. plus de 75% de francais sont contre l islam, on se demande bien pourquoi. parce que surement les musulmans ne se sentent pas francais, et considerent que leur religion est superieur a ce que peut etre la france et sa culture qui n existe pas il parait.

    • Ce monsieur est avant tout de gauche. Ne vous y trompez pas. Le socialisme mute en permanence pour renaître de ses cendres. La dernière trouvaille étant le libéralisme de gauche ou inversement.
      A la façon Macron quoi. Vous voyez du libéralisme là-dedans ?

    • Non que « surement les musulmans ne se sentent pas francais », et les français le leur font bien ressentir, il y a surement beaucoup de fantasme des 2 cotés. Qu’ils soient musulman ou chrétien, 90% ne pratiquent pas leur religion « d’origine ».
      Ce qui inquiète, c’est que sans parler de complot civilisationnel de remplacement, c’est que dans un quartier moyen d’une ville moyenne en France, la moitié des naissances ont des prénoms à consonance arabes, et 1/4 des prénoms de séries américaines. Et quand on voit la violence arrivé au collège, on peut comprendre l’inquiétude.

  • Ah bon, je devais avoir des sacrés problèmes de vue lorsque je vivais en région parisienne. En effet, le blanc, je le voyais de plus en plus foncé, voir noir.
    J’avais aussi beaucoup de problèmes d’audition, car dans les transports en commun, souvent je ne comprenais pas ce que disais mes voisins.
    Je devais également avoir un problème existentiel avec ma féminité car je ne comprenais pas pourquoi on me regardait de travers à certaines terrasses de café uniquement masculines où je m’étais accidentellement et stupidement assise. Quelle audace !
    On pourrait également évoquer la disparition de la bière dans les cafés de Paris ou de banlieue.
    Mais bon, bien entendu, comme l’explique très bien M. Cohen Dumouchel, je devais rêver….

  • effondrement de l’islam…..j’ai du mal à y croire …..surtout quand je vois toute ses femmes cachées sous leur voile , tel des fantômes , avec une myriade de gamins autour d’elles , sans parler de celles qui en ont un de plus dans le tiroir ; notre seule chance est que cette progéniture nombreuse ne soit pas élevé dans la haine du blanc mais là j’ai un sacré doute ;

  • Le grand remplacement n’a pas besoin de chercher a l’exterieur un bouc emissaire ,l’ennemi est intérieur, il s’appele’ le socialisme et son but, la pauvrete egalitaire.

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