Que cache l’affaire Benalla ?

Si l’affaire Benalla occupe la scène médiatique, c’est aussi parce qu’elle occulte des problèmes politiques plus importants.

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Melenchon supporter defacing Macron poster by radiowood(CC BY-NC 2.0)

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Que cache l’affaire Benalla ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 septembre 2018
- A +

Par Philippe Bilger.

Que cache l’affaire Benalla ? Que sait Benalla qui ne doive pas être connu de tous ? Comment expliquer les attaques concertées et choquantes contre la commission sénatoriale qui a décidé de l’auditionner ce 19 septembre ?

J’évoque ce feuilleton qui n’en finit pas et qui, paradoxalement, est plus nourri par ceux qui s’opposent à un approfondissement de la vérité (détaché du processus judiciaire) que par d’autres qui légitimement y aspirent. Parce que probablement la catastrophique gestion de ce dossier — et Benalla lui-même n’a pas manqué d’y mettre du sien — est l’une des causes de la baisse très nette du président dans les sondages.

Il en est d’autres sans doute plus sérieuses.

L’impatience des Français

L’impatience des Français face aux résultats économiques et sociaux qui tardent à venir. La croissance guère revigorée, le chômage qui ne régresse pas.

Une politique internationale qui, sur le plan européen, se contente d’opposer trop facilement les progressistes aux populistes qui seraient le diable avec cette difficulté quasiment insurmontable qu’ils sont peut-être majoritaires et qu’il est vain de vouloir donner des leçons éthiques à des gouvernants soutenus par leur peuple.

Par ailleurs, si la France a retrouvé son rang, elle n’est pas écoutée au point de convaincre et pèse peu sur la marche du monde. De l’erratique Trump au dur et cynique Poutine, sans oublier la stratégie finement impérieuse de la Chine, l’univers ne semble pas avoir besoin de nous. On peut louer les efforts du président pour exister, mais trop de paramètres — notamment nos faiblesses internes — nous font perdre du crédit.

Je ne suis pas persuadé que pour les registres judiciaire et sociétal, Emmanuel Macron se soit résolu à être autre chose qu’un intellectuel de gauche avec une idéologie compatissante et des poncifs constituant l’humanisme comme une morale désarmée.

À cet inventaire rapide dont le caractère subjectif ne m’échappe pas, est-il bien utile d’ajouter cette Fête de la musique décalée et déplacée, la consécration scandaleuse de Philippe Besson, ami du couple Macron, les carences de certains ministres et tout ce qui est venu depuis quelques mois assombrir une lumière qui avait suscité de l’espoir ?

Rester équitable

Cette vision critique n’est pas, chez moi, contradictoire avec une approche équitable de tels propos et actes du président qui font l’objet d’une analyse sommaire. Comme si une partialité médiatique se devait d’être définitive et que plus rien ne trouverait grâce aux yeux non seulement des journalistes mais plus gravement de citoyens d’autant plus sévères maintenant qu’ils avaient été enthousiastes avant.

Je récuse, en particulier, cette appréhension globale et négative d’une personnalité pourtant complexe. Est-il au-dessus des forces médiatiques et démocratiques de ne pas tout mettre au même niveau et de ne pas appréhender également des saillies et dialogues opératoires et utiles d’un côté et des vulgarités rares et donc d’autant plus remarquées de l’autre ?

J’ai déjà écrit, pour les défendre, sur les premiers en les percevant comme l’expression d’une sincérité lassée de sa complexité obligatoire et officielle et proférant crûment le verbe républicain (notamment billet du 28 octobre 2017 : « République des mots justes, démagogie des mots doux…« ).

J’ai dénoncé en revanche les secondes dont l’exemple le plus regrettable a été ce « pognon de dingue » avec la familiarité du langage et la démagogie tenant à la médiatisation immédiate de ce débordement. Si on ne tente pas en permanence de séparer le bon grain et l’ivraie pour ce qui concerne les attitudes et interventions publiques d’Emmanuel Macron — dialogues improvisés (quand ils le sont vraiment !) ou non —, on ne comprendra rien à ce qu’il est et l’on noiera ce qu’il a d’exceptionnel dans un opprobre systématique et absurde.

La dignité personnelle

Quand le président de la République a rencontré le 15 septembre, dans les jardins de l’Élysée, un jeune chômeur âgé de 25 ans désirant travailler dans l’horticulture et qu’il lui a dit, sous forme de boutade (à prendre évidemment au figuré) « je traverse la rue et je vous en trouve du travail », il ne faut pas oublier l’échange qui précédait (BFMTV).

L’interlocuteur d’Emmanuel Macron s’était plaint d’avoir envoyé plusieurs CV sans obtenir de réponse dans son domaine de prédilection, et à juste titre le président lui avait rappelé qu’il y avait des formations et que dans le bâtiment, l’hôtellerie et la restauration, des emplois étaient à pourvoir. Ce n’était ni honteux ni méprisant, pas plus que d’indiquer que lui adresser un CV à lui ne servirait à rien. Pour trouver du travail il faut le chercher, se battre et considérer que tout vaut mieux que l’assistanat : question de dignité personnelle.

N’importe quelle réplique du président, alors que pourtant il est sollicité et qu’on lui reprocherait le mépris qu’une abstention de sa part pourrait révéler, est détournée de son sens véritable et on lui impute, comme une tare de sa personnalité, ce qui précisément en l’occurrence en est une richesse.

Ou alors la République est une nursery et l’espace démocratique un jardin où les citoyens seraient des enfants et le président condamné à dispenser des mièvreries. C’est d’ailleurs une déplorable tendance politique et médiatique que de s’effaroucher, telles des âmes fragiles, de petites empoignades ou de dérisoires affrontements. Un rien est qualifié de clash et bientôt on ira jusqu’à suspecter la moindre réplique d’être de trop !

Ce n’est pas une marque d’irrespect que d’appréhender le président en pièces détachées. C’est au contraire ne pas laisser le pire occuper toute la place et tout gangrener.

Je veux aussi sauver le meilleur.

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  • Et il ne vous est jamais venu a l’esprit que cette épisode floral n’était qu’une comédie livrée clé en main par une agence marketing ?
    Pas facile de trouver un voyeur , voir Macron, poser une question improbable qui ne pouvait recevoir qu’une réponse a la Coluche ,déclenchant via media complice une fausse polémique permettant de redorer le blason d’un président auprès des couches populaires ?

  • Est ce qu’il faut impérativement se soumettre à des communicateurs et justifier des fautes de communication ?
    Je ne le pense pas.

    Est ce qu’il faut accepter l’inacceptable ?
    Je ne le pense pas.

    Maintenant, chacun est libre de penser comme il l’entend ; et il n’y a rien de plus desagreable et d’inacceptable que les « Directeurs de conscience ».

  • et pourtant , l’affaire bénalla va rebondir une fois de plus ; d’aprés le canard enchainé , bénalla aurait été vu à Londres en compagnie d’un fiché S ; si macron avait eu l’intelligence de virer son  » protecteur  » , dés le début de l’affaire , on n’en parlerai moins aujourd’hui ;

    • @ véra
      A.Benalla est suspendu pendant l’enquête judiciaire. Attendre le verdict des juges pour le licencier est plus démocratique, donc à l’honneur de l’exécutif qu’une condamnation sans procès.

  • Quand on obtient des résultats, on peut se faire amnistier et excuser pour ses erreurs de communication ou son utilisation de méthodes pas très orthodoxes. Mais cela reste des erreurs et des infractions ! Il n’est pas légitime de vouloir faire oublier le caractère anormal de ces actes, que les résultats soient ou non au rendez-vous. L’horticulteur, à ce que j’en ai compris, voulait une recommandation présidentielle pour qu’on lui offre un poste peinard. Benalla, à ce que j’en ai compris, était la preuve vivante que Macron accorde de telles faveurs. Comme il est fortement improbable que Macron montre plus que dans ces propos récents qu’il ne ferait pas passer ces passe-droits avant la volonté d’obtenir des résultats, je ne vois pas comment il pourrait remonter la pente.

  • Que cache l’affaire Benalla ? C’est le titre.
    A vous lire monsieur Bilger, si je le fais bien, c’est que la critique de cet épisode présidentiel nous empêcherait de voir ce que Macron aurait d’exceptionnel ou de meilleur. Ce qui reste une opinion hors une documentation plus précise de vos propos. Le fait divers de l’horticulteur où en effet Macron a – de mon point de vue – parfaitement raison, me paraît toutefois un peu léger comme argument.
    Pour moi ce que cet épisode ne cache pas est l’arrogance ahurissante du pouvoir qui se situe sans vergogne au dessus du champ citoyen et des lois et agit en toute impunité dans ce sens.
    Ce que l’épisode cache – je ne vois pas qu’on en parle – est l’insupportable légèreté de notre président (et de son équipe). Qu’un personnage, Benalla, aussi banal, aussi improbable, aussi flou quant à sa provenance, ses opinions, ses motivations, puissent pénétrer aussi profond dans l’intimité de notre « chef suprême » et échapper à tout contrôle avec l’approbation et la protection de ce dernier est inacceptable.
    Je ne sais quels sont les magnifiques qualités que nous ne voyons pas chez ce président, mais ses paroles irresponsables à Alger, ses discours surjoués et démagogiques, ses mises en scène et postures qui ne peuvent remplacer les véritables convictions, ses empressements affectifs ridicules prodigués à tous les chefs d’état qu’il rencontre, la communication qui semble lui tenir lieu d’action, ses leçons de morale ou de rigueur qu’il ignore pour lui-même, ajouter aujourd’hui à cette démonstration de légèreté ahurissante faite dans l’affaire Benalla est sans doute celle de trop. Je crains pour lui que sa crédibilité en soit désormais irrémédiablement amoindrie. La pente du quinquennat va se poursuivre.

    • « , puissent pénétrer aussi profond dans l’intimité de notre « chef suprême » C’est vous qui l’avez dit. Mais je pense que vous n’êtes pas loin de la vérité.

  • Vous avez oublié le 80 km/h et les taxes sur l’essence, qui contrairement à Besson que personne ne connaît ou à la fête élyséenne de la musique dont tout le monde se fout, touchent tous les Français dans leur vie quotidienne, avec de fréquentes piqûres de rappel – à chaque fois qu’on passe à la pompe et à chaque fois qu’on se fait flasher (25 millions par an au bas mot !).
    J’observe d’ailleurs que c’est lors de ces annonces que les cotes de Macron et Philippe ont commencé à dévisser.

  • Philippe Bilger pense que l’affaire Benalla est destinée à occulter des problèmes politiques plus importants…
    L’affaire Benalla est plutôt le révélateur d’une crise de la monarchie présidentielle française issue de la constitution de la Vème République.
    Une monarchie omnipotente et obsolète en complet déphasage face à l’évolution de notre société avide de plus de démocratie, plus de transparence et plus de justice et d’équité.

    • @ Duglandin
      Vous avez parfaitement raison. La Vième était déjà critiquée du temps du Général De Gaulle pour son anti-démocratie au profit d’un pouvoir exécutif renforcé, de plus, avec un président gouvernant, pas du tout symbolique comme dans les autres républiques européennes. C’est évidemment Ch.De Gaulle qui a fait ça: il gouvernait: c’est d’ailleurs pour ça qu’on a été le chercher! Les ministres étaient obéissants et collaborants, assemblée et sénat votaient en bons « godillots »: c’était un brin dictatorial!
      Mais bon! Tant que ça marchait!
      Sa visite incognito à J.Massu, à Baden-Baden en 1968, à la période chaude, laisse à penser que toute solution a été envisagée!

      E.Macron n’est pas Ch.De Gaulle: faut-il encore un exécutif fort antidémocratique? À vous de juger!

      • mikylux
        A mon avis, une démocratie moderne dans un pays comme la France devrait tendre vers un régime s’inspirant de celui de la Confédération Helvétique.
        En somme, une démocratie directe inspirée par un libéralisme économique directement contrôlé par les citoyens et qui serait seul à même d’améliorer le niveau de vie des français.
        Bref, un rêve en couleurs …

  • L’affaire Benalla/Élysée soulève aussi des questions précises sur les modalités de fonctionnement de notre Veme République.

    1) Notre jeune Président a t’il le droit de ne pas confier (toute) sa sécurité, en particulier privée, aux fonctionnaires dont c’est le métier et la mission, ce avec l’argent du contribuable ?

    2) Dans quelle limite, compte tenu de la séparation des pouvoirs, l’ exécutif peut-il ne pas se soumettre aux demandes (communication de documents, auditions..) ou intervenir dans le travail (commentaires publics, prises de contact…) des Commissions Parlementaires ?

    3) La Constitution doit-elle être amendée pour permettre une meilleure gestion, plus de tranparence et un meilleur contrôle démocratique du fonctionnement de la Présidence et de l’Elysée (qui, pour beaucoup, s’apparente, depuis bien trop longtemps, à une véritable « boite noire ») ?

  • Vous ne répondez pas vraiment à la question que vous posez, Monsieur Bilger! Quant à l’épisode avec l’horticulteur, je le trouve franchement détestable et Macron excécrable. Il est président de la république, certes, mais à mes yeux, il n’a rien d’exceptionnel, quoique vous puissiez en penser.

    • @ Mariah
      O.K. Mais vous n’êtes pas présidente de la république, lui si!
      En France, il n’y en qu’un, en exercice: donc si, sur 67 millions, on peut dire que c’est exceptionnel, en tout cas, son pouvoir!

  • Tout ce cirque n’est qu’un épisode monté à l »avance. De la propagande gouvernementale faite par Macron lui-même.!

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