« Qui est M. Poutine ? » Cette question, un journaliste la posa à la délégation russe présente au Forum économique de Davos de janvier 2000, quelques jours après que Boris Eltsine eut, le 31 décembre 1999, transmis le pouvoir à Vladimir Poutine. La question suscita l’embarras du côté russe, l’hilarité dans les travées. Elle resta sans réponse.
La question, posée aujourd’hui, dix-huit ans après, ne provoquerait ni embarras, ni hilarité. A-t-elle reçu réponse entre-temps ? Héléna Perroud, Française de langue maternelle russe, qui a vécu et travaillé en Russie et rencontra Vladimir Poutine lorsqu’elle travaillait à l’Elysée auprès du Président Chirac, y revient dans son livre Un Russe nommé Poutine. (Elle donna une conférence sur ce thème à Bruxelles, le 27 février dernier, à l’initiative du Cercle Pol Vandromme et du sénateur belge et député bruxellois Alain Destexhe.)
Poutine Président de la Fédération de Russie
Vladimir Poutine fut officiellement élu président de la Fédération de Russie en mars 2000. À la tête de la Russie depuis 18 ans (trois mandats de président – deux de quatre et un de six ans – et un mandat de 4 ans en tant que Premier ministre), il a été réélu le mois dernier pour six ans. Alors que, selon Héléna Perroud, Vladimir Poutine jouit d’une réelle popularité dans son pays et que, de tous les dirigeants russes qui l’ont précédé au XXe siècle, il est sans doute le plus « occidental », à l’extérieur, il reste un mystère.
Poutine est né quelques mois avant la mort de Staline et seulement huit ans après la fin du tragique blocus de Leningrad, la ville où ses parents vivaient à l’époque. Le siège dura près de 900 jours et fit 1 800 000 victimes dont un million de civils (source : Wikipedia). Les parents de Poutine sont des miraculés. « La vie est une chose simple et cruelle », écrira plus tard Poutine, lequel faillit ne jamais naître car sa mère fut emportée pour moribonde pendant le blocus et ne dut sa survie qu’à la détermination du père de Poutine de la garder auprès de lui.
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Après le démantèlement de l’Union soviétique et les années 1990 qui laissent des souvenirs humiliants dans la mémoire collective, « Poutine a reçu en héritage un pays dévasté et à genoux, avec une majorité de la population démoralisée et tombée dans la misère. Et il a fait son possible pour le remettre debout petit à petit, lentement », déclara Alexandre Soljenitsyne en 2007, propos cité par Héléna Perroud dans Un Russe nommé Poutine.
Améliorer la vie des Russes
C’est à améliorer la vie des Russes que le nouveau président s’est attelé en priorité, et, pour ce faire, à booster la croissance économique. La Russie dispose de ressources naturelles considérables. Que l’on en juge : par rapport à la région Asie-Pacifique, la part russe compte pour plus de la moitié du domaine forestier, 27 % du gaz et 17 % du pétrole, plus de 30 % de l’or, et presque tous les gisements de diamant. Par contre, son territoire gigantesque, il lui faut l’habiter et l’exploiter.
La différence démographique est colossale à la frontière orientale avec la Chine (4 195 km) : 1 habitant au km2 côté russe, 100 habitants au km2 côté chinois. L’Extrême-Orient russe regorge de richesses, mais il s’est vidé de sa population. Or, il est situé dans une région du monde en pleine croissance et il est gratifié d’un voisin dont le trop-plein démographique est attiré par la Sibérie orientale (36 % de la surface du pays, 6,2 millions de km2, 6,2 millions d’habitants), conquête relativement récente de la Russie et longtemps le lieu de confrontations entre influences russes et chinoises.
L’importance stratégique de cette région pour la Russie est attestée par la tenue d’un Forum économique oriental annuel à Vladivostok, semblable au Forum économique international de Saint-Petersbourg. La géographie commande à la Russie une relation de bon voisinage avec la Chine, d’un côté le pays le plus vaste, de l’autre, le pays le plus peuplé de la Terre. Les deux pays ont en commun l’étendue des mandats de leurs dirigeants : cela permet d’établir des relations de confiance durables.
Le 21 mai 2014, la Russie et la Chine ont d’ailleurs signé un contrat d’approvisionnement gazier de 30 ans d’une valeur de 400 Md$ – le plus important jamais signé dans le monde.
La Chine n’est toutefois pas le seul pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui fasse l’objet de l’assiduité de la Russie. Les cinq pays se réunissent en un sommet annuel depuis 2011 et le groupe représente 45 % de la population mondiale, 25 % du produit mondial, 18 % du commerce international. À l’horizon 2040, le PIB total de ces grandes économies à la croissance dynamique, superpuissances émergentes, devrait excéder celui des pays du G6 (États-Unis, Japon, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, France).
Que les États-Unis ne fassent pas partie dudit groupe en constitue un attrait supplémentaire pour la Russie. La création par les cinq pays du BRICS de la Nouvelle banque de développement (NDB) située à Shanghai, pendant de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, basés à Washington, manifeste une intention de favoriser l’essor d’un ordre politique et économique mondial alternatif.
Poutine sur l’Europe
Quel est le regard de Vladimir Poutine sur l’Europe ? « Nous sommes Européens, clame-t-il. Quel que soit l’endroit où vivent nos peuples, en Extrême-Orient ou dans le Sud, nous sommes une part de la culture occidentale européenne. » Pour autant, il voit les plus grandes démocraties européennes (Allemagne, France, Grande-Bretagne) et a fortiori les autres États du Vieux Continent comme inféodés aux États-Unis via l’OTAN, voire l’Union européenne.
Douze des 28 membres (13 des 29 depuis l’entrée du Monténégro, le 5 juin 2017) de l’OTAN y sont entrés après la réunification de l’Allemagne et faisaient partie de l’ancien bloc soviétique. Alors que le Pacte de Varsovie, son contrepoids, a été dissous en juillet 1991, l’OTAN est toujours bien là, l’organisation s’est agrandie et rapprochée de la frontière russe.
Vue de Moscou, cette expansion constitue de la part des Occidentaux une trahison et une provocation qui justifient pour la Russie ses interventions en Géorgie (2008) et en Ukraine (2014), cette dernière étant étroitement liée à l’histoire de la Russie d’avant même l’invasion mongole. «La Russie n’a, dit Héléna Perroud en en comparant les dépenses militaires à celles des États-Unis, ni les moyens, ni la volonté de mener une politique agressive ; en revanche elle défend ce qu’elle estime être ses intérêts vitaux lorsque ceux-ci sont menacés. »
Bien qu’elle ait la clairvoyance et le courage de n’éluder aucun aspect de la problématique dans cet ouvrage abondamment documenté et éminemment passionnant qu’est Un Russe nommé Poutine – elle y aborde notamment la corruption et l’absence d’opposition politique –, Héléna Perroud plaide toutefois pour un dialogue constructif de l’Europe avec la Russie de Poutine. « Face au milliard de Chinois, face au milliard d’Indiens, face au terrorisme islamiste, il serait sans doute temps, estime-t-elle, de penser en Europe, une autre relation à la Russie ». Sa politique étrangère n’en a-t-elle pas l’avantage d’être, selon l’expression de Vladimir Poutine lui-même au club Valdaï en octobre 2017, « stable, prévisible et fiable » ?
« Un Russe nommé Poutine » (Héléna Perroud), 320 pages, Éditions du Rocher.
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Impressionné ! Un avis neutre sur La Russie et Poutine ?
« Bien qu’elle ait la clairvoyance et le courage de n’éluder aucun aspect de la problématique dans cet ouvrage abondamment documenté et éminemment passionnant qu’est Un Russe nommé Poutine – elle y aborde notamment la corruption et l’absence d’opposition politique – »
En ce qui concerne les problèmes actuels russes, il semble que même Poutine les récence :
« https://orientalreview.org/2018/03/06/okay-constructively-criticize-russia-even-president-putin/ »
Quant à l’absence d’opposition politique, est-ce une blague ? Où est l’opposition dans le système de l’UE ? Aujourd’hui dans les « bonnes » démocraties européennes, l’opposition est appelé « extrémisme » (et « justifiée » dans les mauvaises).
La leçon de l’avant guerre avec Hitler est déjà oubliée. Lorsqu’on ferme les yeux sur les annexions de territoire, cela conduit à la guerre. Et comme disait Churchill, l’occident avait le choix entre l’honneur et la guerre, il a eu le déshonneur ET la guerre!
Savoir qui annexe qui n’est pas simple. L’UE est sans doute la puissance qui a le plus annexé ces dernières années, et le discours bruxellois sur la nécessité d’intégrer les nouveaux entrants de l’Est me choquait profondément il y a quelques années.
Un article claire sur le travail clairvoyant d’Héléna Perroud qui devrait guider nos dirigeants dans leurs relation avec ce grand pays à la population si attachante…
Pour conforter « amike » nous nous amusions dur le thème de l' »opposition » en France comparée à l’opposition en Russie…
Majoritairement les russes ont trouvé en Poutine l’homme qui les sort progressivement du marasme de 80ans de communisme.
Chez nous les politiciens sont devenus pour la population une bande de prédateurs tous complices quelque soit leur place sur l’échiquier et tous appliqués a vivre grassement sur le travail du peuple en traitant d’extrémiste, de préférence de droite, toute tentative de sortir de ce système pourri.
Faudrait-il encore que Poutine veuille. Or il pose comme condition que l’on accepte ses annexions territoriales pour rétablir l’empire russe dont ce colonel du KGB est nostalgique!
Cette population si attachante a massacré des millions d’Ukrainiens, de Polonais et d’ailleurs dans tous les pays voisins qu’elle a envahi et annexé! Quand on ne connaît RIEN à l’histoire des pays de l’est on s’abstient d’écrire des absurdités. Poutine ne les sort pas du marasme, il les y maintient en dirigeant la mafia au pouvoir! Dès qu’une entreprise marchent bien ils s’en emparent en accusant le patron et le traînant en justice, voire en l’assassinant.
Désolé, mais travaillant quotidiennement depuis 15ans avec les russes,passant 8 jours par mois en Russie…A Moscou, mais aussi dans des endroits perdus…Je n’ai rien vu ni rien ressenti de ce que vous racontez….Et je suis toujours vivant et en bonne santé malgré des affaires florissantes avec ce pays….
Je vous confirme que depuis 15ans la situation a évolué très positivement même et surtout dans les campagnes où ceux qui sont sérieux et bosseurs s’en sortent très bien.
Question histoire rappelez moi les exploits, invasions et massacres variés auxquels s’est livrée notre chère patrie….
Question: ne seriez vous vas un lecteur assidu de la presse française subventionnée? Et même un téléspectateur adepte du 20H d’Antenne 2 ou pire des infos de FR3?
C’est dommage, tant qu’il n’est pas question de Poutine, les interventions de Virgile sont plutôt sensées et pertinentes. Manifestement, il se passe quelque chose en lui quand on évoque Poutine et il nous sort une propagande convenue.
Rappelons donc que les errements de l’histoire doivent être relégués dans le passé, et que les opinions des peuples doivent prévaloir sur les décisions des connivences onusiennes ou bruxelloises, notamment quand elles s’expriment par référendum.
L’histoire doit être considérée avec recul et détachement. Ma famille normande a tout perdu sous les bombardements américains en 44. Ma grand-mère y est morte, et mon grand-père en a payé 20 ans de bonheur par 50 ans de pénitence, donc ne croyez pas que ma position pro-occidentale et pro-russe ne soit pas réfléchie.
poutine , il vaut mieux s’en faire un allié qu’un ennemi ; maintenant , faire comprendre ça à des dirigeants qui sont à la botte des USA , c’est une autre paire de manche ;
Tout à fait! Une Europe incluant la Russie (et l’Ukraine, et la Géorgie) et disposant de ses ressources naturelles, c’est un rêve! mais pour les USA un cauchemar. Et si la chose ne s’est pas réalisée, ces derniers en sont la largement responsables.
Pour Virgile: ce ne sont pas les Russes qui ont massacré les Ukrainiens, mais les communistes, et parmi les communistes il y avait des ukrainiens.
Article très intéressant qui incite franchement à lire le livre.