Europe-Indonésie : les enjeux géopolitiques d’un accord commercial

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Europe-Indonésie : les enjeux géopolitiques d’un accord commercial

Publié le 23 septembre 2024
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L’élection de Prabowo Subianto en Indonésie survient à un moment crucial pour l’Union européenne (UE). Alors que les tensions géopolitiques s’intensifient et que le protectionnisme gagne du terrain dans les grandes économies comme la Chine et les États-Unis, l’UE est en quête de nouvelles alliances. Dans ce contexte, renforcer les liens avec le Sud global, et en particulier avec les pays d’Asie du Sud-Est, devient une nécessité stratégique. Certains pays européens l’ont bien compris, adaptant leurs politiques économiques pour promouvoir une stratégie d’atténuation des risques visant à réduire leurs vulnérabilités économiques. C’est dans cette optique que se dessine l’importance d’un accord de libre-échange entre l’UE et l’Indonésie.

Cet accord, bien plus qu’un simple traité commercial, s’inscrit dans une vision plus large de la sécurité économique de l’UE. En ouvrant les marchés européens aux produits agricoles d’Asie du Sud-Est et en stimulant les exportations de produits industriels européens, l’UE pourrait diversifier ses partenariats commerciaux et réduire sa dépendance vis-à-vis d’autres puissances. Cette diversification est essentielle pour renforcer la résilience de l’UE face aux bouleversements mondiaux, en particulier ceux provoqués par les tensions sino-américaines. L’Indonésie, avec son dynamisme économique et sa position géostratégique, offre à l’UE une occasion unique de se positionner comme une alternative aux routes commerciales dominées par la Chine.

Cependant, cette ambition se heurte à certains défis. Les négociations autour de cet accord de libre-échange reflètent des désaccords persistants sur des sujets tels que l’huile de palme et le nickel. L’Indonésie accuse l’UE d’impérialisme réglementaire en raison des nouvelles normes européennes sur la déforestation, qui pèsent sur les exportations indonésiennes d’huile de palme. Ce point de friction symbolise les divergences entre une Europe soucieuse de ses engagements environnementaux et une Indonésie qui défend son développement économique. Prabowo a d’ailleurs laissé entendre que les restrictions européennes pourraient pousser l’Indonésie à devenir plus autosuffisante en matière énergétique, en produisant du biodiesel à partir de son huile de palme.

L’Indonésie ambitionne également de jouer un rôle clé dans la transition écologique. Prabowo prévoit de créer un fonds pour l’économie verte, visant à lever 65 milliards de dollars d’ici 2028 grâce à la vente de crédits d’émission de carbone issus de projets environnementaux comme la préservation des forêts tropicales. Un nouveau régulateur supervisera ces efforts, créant un véhicule spécialisé pour gérer un fonds vert et coordonner des projets de compensation des émissions de carbone, incluant la reforestation et la replantation des tourbières et des mangroves.

Malgré ces tensions, il est clair que l’accord de libre-échange entre l’UE et l’Indonésie revêt une importance stratégique. Les économies des deux partenaires ont beaucoup à gagner de cette collaboration, qui pourrait stimuler l’innovation et les investissements, tout en atténuant l’influence croissante de la Chine dans la région. En favorisant une coopération étroite avec l’Indonésie, l’UE a l’opportunité de promouvoir des échanges et des partenariats fondés sur le respect et l’intérêt commun.

En outre, cet accord pourrait contribuer à une convergence entre des visions commerciales européennes traditionnellement divergentes, notamment entre la France et de l’Allemagne. En effet, les deux pays voient désormais dans une stratégie industrielle européenne et une diversification des partenaires commerciaux des moyens de renforcer l’autonomie stratégique de l’UE. Un accord avec l’Indonésie s’inscrirait dans cette dynamique, renforçant l’idée d’une Europe capable de construire des alliances fondées sur des intérêts partagés, plutôt que sur des rapports de force.

Le futur de la relation entre l’UE et l’Indonésie dépendra de la capacité des deux parties à surmonter les obstacles actuels et à élaborer une stratégie commune. Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu économique, mais aussi d’une question de géopolitique et de valeurs. Dans un monde fragmenté, l’UE doit montrer qu’elle peut construire des partenariats solides, équilibrés, et respectueux de la souveraineté de chacun. C’est là tout l’enjeu de cet accord, qui pourrait bien devenir un pilier de la sécurité économique de l’Union dans les années à venir.

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  • Espérons que cet excellent accord aille a son terme sans être torpillé par les pastèques et les protectionnistes de tout poil comme celui du mercosur…..🤗🤗🤗
    L Asie du Sud-est represente les économies les plus dynamiques actuellement dans le monde

  • Avant d’ouvrir les frontières il s’agit pour la France de réinstaurer sa compétitivité principalement par le redressement des comptes de la nation. Sans compétitivité toute ouverture se fera à notre dépend.

    -1
    • Les frontières sont déjà ouvertes et nous n améliorons pas notre compétitivité en fermant le pays
      Au contraire le protectionnisme ne fera que la dégrader davantage
      Les souverainistes populistes sont des anti libéraux économiques……..🤣🤣🤣🤣🤣

      • Les échanges entre la France et l’Indonésie c’est 3,34 milliards d’Euros dont 50 % Airbus donc de la réexportation des productions des partenaires étrangers d’Airbus, la dette c’est 3200 milliards, faudrait que la taupe macroniste apprenne à compter un peu.

        -1
        • Notre dette est due à des dépenses excessives car nous vivons largement au dessus de nos moyens
          Le développement du commerce avec l Indonésie va booster nos exportations

  • L Opium des intellectuels
    25 septembre 2024 at 3 h 54 min

    Est-ce que quelqu’un pourrait nous dire s’il est plus rentable de posséder des forêts pour la sylviculture ou bien pour en faire un puits de carbone et vendre des quotas ? Je connais des gens qui ont investi dans des “forêts-carbone” à bon marché en Europe-de-l’Est. J’aimerais savoir ce qu’il en est.

  • “En ouvrant les marchés européens aux produits agricoles d’Asie du Sud-Est et en stimulant les exportations de produits industriels européens”. A peu près tous nos accords de libre échange sont sur ce modèle. Résultat, notre agriculture est en grande faiblesse, et comme l’Etat français n’a rien fait pour la désindustrialisation de notre pays, le bénéficiaire sera – comme toujours – l’Allemagne. Ce n’est pas parce que Contrepoints est libéral qu’il faut prendre au pied de la lettre le “libre” échange. Il faudrait sortir du paradigme: libéralisme = naïveté.

    -1
    • Les produits agricoles français sont différents de ceux du sud est
      L importation de ces derniers ne vont pas concurrencer les nôtres
      Nos difficultés du secteur agricole résultent de réformes structurelles qui n ont pas été faites

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