Féminisme : comment sortir de l’esprit de chapelle ?

Un entretien avec Peggy Sastre, philosophe et journaliste scientifique, à l’occasion de l’Université d’été du féminisme qui se tenait ces 13 et 14 septembre 2018.

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Féminisme : comment sortir de l’esprit de chapelle ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 15 septembre 2018
- A +

Contrepoints Le gouvernement vient d’organiser une Université d’été du féminisme, à laquelle vous participez, et déjà elle suscite la polémique. Certains regrettent son trop grand pluralisme (!), qui va jusqu’à inclure des personnalités jugées « anti-féministes », « conservatrices » et trop hostiles au mouvement #metoo. Y aurait-il une guerre culturelle au sein du mouvement féministe en France ? Quelles en sont les lignes de fracture ?

Peggy Sastre — Je n’ai aucune pratique ni culture politique et/ou militante, donc je ne sais pas si les féministes ont un sectarisme particulièrement prononcé ou pas, mais le fait est que tous ces débats sur ce qui relève du « vrai » ou du « faux » féminisme m’affligent assez profondément. On ne cherche même pas à prendre la peine de réfléchir, on disqualifie d’emblée.

Je me répète, mais le fait que la majorité (si ce n’est la totalité) des combats pour l’égalité en droit entre hommes et femmes aient été gagnés en France fait que le féminisme périclite désormais en une ribambelle de sous-chapelles ayant chacune sa propre définition du féminisme. Ce qui est un peu dommage lorsqu’on prétend servir une cause un tant soit peu universelle.

Malheureusement, je crois que cette dégénérescence tribaliste touche beaucoup de mouvements qui sont atteints du syndrome de Saint George à la retraite, pour reprendre la formule de Kenneth Minogue. On ne s’aperçoit pas que tous les dragons sont morts et on continue à donner des coups d’épée dans le vent car on ne sait pas faire autre chose.

On a l’impression qu’une frange sectaire du féminisme cherche à rabattre toute pensée hétérodoxe sur (au choix) la réaction, le conservatisme, le masculinisme et/ou le fascisme. C’est purement français, ou c’est plus large que ça ? Quels auteurs faut-il lire pour se sortir des réflexes conditionnés sur le sujet ?

Là encore, je ne peux pas dire si la France souffre d’un sectarisme particulier ou si c’est seulement celui que je connais le mieux. Le fait est qu’avant d’écrire la tribune « Des femmes libèrent une autre parole », j’avais l’impression que les débats sur les dérives de #metoo étaient plus prononcés dans l’anglosphère ou en Suède. Peut-être tout simplement parce qu’on parle de pays où la tradition libérale – où l’on considère a priori que la vérité émerge de la confrontation d’idées contraires voire antagonistes, pour paraphraser John Stuart Mill – est plus ancrée qu’en France.

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Steven Pinker plaisante en disant que la France est le dernier pays soviétique du monde, je pense qu’il n’est pas loin d’avoir raison en ce qui concerne l’étouffement du débat, le refroidissement social dû à l’autocensure. En conseils de lecture, je dirais, globalement, de fuir les féministes estampillées et d’aller vers les biologistes du comportement (ça fait quelques mois que je suis tombée en pâmoison devant Robert Sapolsky et je me demande comment j’ai fait pour survivre tout ce temps sans le connaître).

En plus proche du « féminisme », il y a le dernier livre de Laura Kipnis, Unwanted Advances, qui est un tableau aussi précis que terrifiant de la paranoïa sexuelle qui règne sur les campus américains et qui n’a rien à voir avec une lutte efficiente contre les violences. Dans le domaine francophone, un petit livre de Paglia vient récemment d’être traduit chez Hermann, c’est toujours une bonne porte d’entrée pour ceux qui ne la connaissent pas du tout. Je conseille aussi Martie Haselton, ancienne éditrice de la revue Evolution and Human Behaviour et dont Hormonal vient d’être traduit (certes, avec un titre assez cruche L’intelligence cachée des hormones) et qui défend, comme moi, un féminisme darwinien.

Dans votre dernier livre Comment l’amour empoisonne les femmes, vous défendez une position pour le moins originale : la femme doit en passer par la fin de la dépendance amoureuse, c’est-à-dire de son surinvestissement affectif dans ses relations. C’est la vraie clef de la libération sexuelle ?

Non la femme ne doit rien du tout. Je reste dans la droite ligne d’une Élisabeth Badinter qui, dans Fausse Route, écrivait que le plus gros problème du militantisme en général, et du féminisme en particulier, était son incapacité à prendre conscience de la diversité des individus.

Reste que dans une pure perspective non seulement égalitariste, mais indifférentialiste, beaucoup de féministes estiment que la moindre représentation des femmes dans les sphères de pouvoir relève d’une inégalité intolérable. Mon livre montre que la réalité est un peu moins manichéenne et, effectivement, que le surinvestissement sentimental qui affecte tellement de femmes peut aussi jouer un rôle de frein à leur émancipation.

Peggy Sastre, Comment l’amour empoisonne les femmes, Anne Carrière, 2018, 250 pages.

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  • meetoo c’est une prétendue dénonciation de porcs..

    une dénonciation implique de donner l’identité d’un agresseur..et la nature des faits..

    je cite
    .
    Faire connaître (une chose répréhensible).
    Dénoncer des abus.
    ça aurait du s’intituler dénonce les actes que tu as subi..pas dénonce ton porc.

    meetoo nous raconte des conneries …meetoo ne dénonce que rarement des porcs…qui pourraient être poursuivis.
    meetoo suggère que les porcs sont impunis et connus…
    et de fait assimile une remarque ou un comportement à un viol..

    SI une personne me dit qu’elle a été agressée, je compatis…si elle me suggère que je porte une responsabilité dans le fait qu’elle n’ait pas dénoncé son agresseur, je me retiens de lui dire d’aller se faire foutre eu égard à son statut de victime. et je suis fort tenté de lui faire la remarque qu’elle m’insulte et me diffame.

    • en somme je ne suis pas complice de viol et j’ai une idée assez claire de ce qu’est un viol, tandis que je suis vraisemblablement coupable ou complice de remarques désobligeantes et pourquoi pas sexistes et c’est le dernier de mes soucis.. comme si moi m^me n’avait pas été victime de propos désobligeants ou sexistes..meetoo en premier!.

      vous ne pourrez jamais sortir une personne de l’esprit de chapelle…il faut qu’elle fasse l’effort elle même.

    • meetoo est similaire à je suis charly…

      • « Charlie » pour les féministes 🙂

      • Comme la haine est semblable à l’amour…

        • réfléchissez un peu à l’interdiction d’un DISCOURS de haine… à quand l’obligation d’un discours d’amour? pour approuver je suis Charlie je dois faire un procès d’intention.. dans les faits les gens qui ont crié je suis charlie se partageaient entre les favorable à la liberté d’expression et les favorables à une certaine liberté d’expression…ceux ci manifeste pour la censure..à couvert.

  • Diviser pour régner… personnes de cultures différentes de religions différentes de sexes différents qui sont incités à mener des combats les uns contre les autres… pendant qu’ils sont ainsi occupés, ils pensent moins aux 55% de prélèvements obligatoires sur la fiche de paie, à la TVA, aux taxes sur l’essence, aux impôts directs, à la taxe foncière, à la taxe d’habitation…
    Bref, aux 75% de prélèvements obligatoires sur leur salaire complet initial…

    • oh ils ne sont pas juste occupés à combattre des moulins à vent…
      Il n’y a pas 55% de prélèvement obligatoire sur les revenus de tous… il y a des bénéficiaires nets de ces prélèvements sans parler de la bureaucratie..
      j’ai la vague impression que ces gens veulent plus..pour des raisons hautement morales ça va de soi.

  • Vu d’ici le féminisme est devenu encore un autre mouvement qui tourne comme un rongeur dans sa roue en discutant du sexe des anges et en se livrant à un flicage pointilleux de la rectitude de chacun quant à la morale féministe.

    Mais au-delà de quelques mesures symboliques et des discours médiatiques il n’a pas tellement de prise sur la réalité. D’autant plus que les féministes ne le sont plus tellement féministes, au lieu d’émanciper les femmes, aujourd’hui elles introduisent juste dans l’espace public le rôle et les prérogatives de la femme tels que conçus par le patriarcat. Tu parles d’un progrès.

    Dans d’autres pays c’est un peu différent, les femmes en politique notamment y ont une vraie envergure qui dépassent le simple fait d’être des femmes, mais en France on a juste sorti les mères fouettardes de leurs cuisines pour les coller au pupitre et au micro des matinales.

    Bref, tout ça n’est pas sérieux.

    • et pourquoi les femmes sont nébuleusement présupposées plus féministes que les hommes..?
      une femme qui critique le féminisme est une « traîtresse »..
      une homme un simple oppresseurs.
      en réalité les différences biologiques entre les hommes et les femmes étant criantes, il n’y a rien de choquant à estimer que les hommes et les femmes soient un peu différent devant le droit sinon les usages. et c’est d’ailleurs ce que les pseudo-féministes font!!! ils ne cessent de réclamer plus pour les femmes qui sont victimes par nature.
      ils réclament des différences de traitement au nom d’une égalité homme femme illusoire.

      ce sont des gens qui peuvent approuver un ministère du droit des femmes soit disant pour promouvoir l’égalité homme femme.
      dénonce ton porc pas dénonce ton porc ou ta truie.
      les femmes sont victimes et les hommes coupables..mais égaux ça va de soi.
      idéologie qui nie l’individu. obsédé par le sexe.mais ça pourrait être la race ou les revenus.
      comment venger un innocent? mais en blessant un autre innocent…du groupe « coupable »

      • le mouvement a d’abord et logiquement réclamer le doit de s’habiller comme on veut, jusque l’indécence, puis à condamner des façon de s’habiller en raison de coercition imaginaire…un mannequin qui s’habille en lingerie est exploité par le capital et le patriarcat..bien sûr..recevoir un salaire pour une travail volontaire est une exploitation , plus exactement quand ça arrange de le penser.

        féminisme collectiviste contre féminisme libéral en somme.

        « les femmes sont »….en général suit du féminisme collectivistes ou des truismes.

      • On sent que vous en avez gros sur la patate mais on a du mal à savoir quoi au milieu de cet amas erratique et confus.

        Ce qui se conçoit bien s’exprime clairement, faites un effort.

        • non pas gros sur la papate je suis un peu comme vous sur le fond beaucoup de bruit pour ..pas grand chose…
          et qui m’ennuie est que ce pas grand chose peut être la vie d’un innocent…

          et nous avons un discours qui effectivement n’est pas sérieux mais qui a pour une minorité de gens de serveuses conséquences… vous faites aussi usage dans votre commentaire de mots comme tellement qui vide le sens…un peu comme une personne qui se dit contre les excès. conclure ce n’est pas sérieux n’est tellement sérieux…ou sérieux..

          non, pas d’effort pour m’exprimer clairement désolé…ce n’est pas moi qui écrit un article dans le but d’etre lu..
          je réagis librement et gratuitement…je suis en général respectueux si on me bannit je survivrais…

          • les idées « néo »féministes personne n’y croit vraiment c’est un bruit de fond qui semble inoffensif..et qui fait pourtant des victimes..

            le bio c’est bon pour la santé…au début ça semble un propos inoffensif… et on a plein de ces idées qui finissent par s’imposer car les gens refusent de les regarder avec soin.

        • « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement » – « Et les mots pour le dire arrivent aisément. » – Malheureusement, nous ne saurons jamais à coup sûr ce que Boileau entendait par se concevoir, bien, s’énoncer, clairement, mots, dire, arriver et aisément.

  • Le combat des féministes est biaisé par le fait que leur angle d’attaque est toujours le même :
    – c’est un homme : pourtant les femmes ont des comportements similaires et me-too refuse de le reconnaître
    – c’est quelqu’un de « commun » : donc à l’opposé d’un « adepte du Coran » , machiste de par sa religion
    – c’est une cible facile et l’attaquer fera l’unanimité
    Pourquoi rechercher la facilité alors que des cibles clairement identifiées pullulent sans être inquiétées : les « adeptes du Coran » qui obligent leurs femmes à se voiler, les migrants qui agressent les femmes dans la rue, . . .
    La peur du risque ou de représailles ou d’être cataloguées de xénophobes ?

    • le combat des féministes est biaisé car les féministes n’appliquent pas les idée du féminisme.. Elles ne veulent pas l’égalité homme femme.
      en somme les féministes ne sont pas ou plus ..féministes..
      ceci à l’instar à l’instar de l’ecologie rend toute discussion assez vaine.
      On a du mal à comprendre comment par exemple l’existence de wagons dans les transports publics ( et non privés) pour les femmes qui le désire…prôné par des féministes autoproclamée est conforme à l’égalité…
      l’égalité requiert à tout le moins des wagons pour les hommes désirant être en eux, des wagons pour les femmes désirant être entre elles et des wagons pour ceux qui s’en fichent. Chose que le secteur privé peut faire sans problème tandis que le secteur public…

  • Beaucoup de femmes n’ont pas envie d’être « émancipées ». Pourquoi les y obliger?

  • L’utilisation du #metoo est une insulte au genre masculin relevant de la misandrie donc de la discrimination et légalement condamnable. Les femmes hystériques qui l’utilisent ne recherchent pas l’egalite mais la suprématie. Les hommes qui acceptent l’humiliation sont indignes de leur qualité d’Homme.

  • A quand un mouvement de défense des droits de l’homme ? le masculinisme ou le mâlisme . . .

  • Les commentaires sont fermés.

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