Universités : NON à la sélection par tirage au sort !

Par refus idéologique d’une sélection par le mérite, l’université met en place une usine à gaz, difficile à gérer, avec des critères discutables, pour aboutir à la pire des inégalités et des injustices, s’en remettre au hasard du tirage au sort.

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Universités : NON à la sélection par tirage au sort !

Publié le 25 janvier 2017
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Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe

Universités : NON à la sélection par tirage au sort !
By: Valentin OttoneCC BY 2.0

L’Université française est dominée par un mythe : le baccalauréat, très largement distribué, serait le premier grade de l’enseignement supérieur. Pour conforter cette fiction, les jurys sont officiellement présidés par un universitaire. Ceux qui ont pratiqué cet exercice savent combien il est frustrant, puisque la marge de manœuvre est quasi-nulle, les consignes de notation ayant été données en amont par le Rectorat. La plupart des universitaires, de facto, abandonnent cet exercice parfaitement vain (mais instructif).

La sélection par l’échec

Ce mythe a une conséquence : le bac étant le premier grade universitaire, tout bachelier a accès à l’enseignement supérieur, sans aucune sélection. L’article L. 612-3 du Code de l’éducation dispose que l’inscription à l’université est ouverte à tous les titulaires du baccalauréat. Certes, cette règle est battue en brèche, puisque certaines filières ont un accès sélectif, comme les IUT. Paradoxe : ce sont donc souvent les filières courtes qui sont sélectives. Ceux qui ne sont pas retenus dans ces filières sélectives, du type IUT ou classes prépa, se retrouvent dans les licences, qui doivent accueillir tout le monde, ceux qui ont les aptitudes pour ce type d’études, et ceux qui ne les ont pas. Le résultat était prévisible : la France cumule l’un des plus fort taux d’accès à l’enseignement supérieur, l’un des plus fort taux d’échec en licence (taux de réussite pour la cohorte entrée en 2009, 26,5% de réussite en 3 ans, plus 12,1% en 4 ans, soit 38,6% en tout ; donc plus de 60% d’échec) et un des plus fort taux de chômage des jeunes. Faut-il s’en étonner ?

Une sélection géographique

Si la réalité se venge, et se paie ici en échec, puis en chômage, elle se manifeste aussi par le fait que certaines filières n’ont pas les moyens d’accueillir tous les candidats. C’est par exemple le cas pour les STAPS (Activités physiques et sportives), la psychologie, parfois le droit. Il faut bien dans ces cas-là, non pas sélectionner, puisque le mot est tabou, mais déterminer qui sera admis à s’inscrire. Cela existe depuis des années et certaines universités, après avoir épuisé tous les critères autorisés, finissent par sélectionner par tirage au sort. Les tribunaux, lorsqu’ils ont été saisis, ont jugé cette pratique illégale, faute d’une base juridique.

Cette situation a conduit le ministère, centralisation à la française oblige, à préparer un arrêté, qui devait être soumis le 17 janvier 2017 au CNESER (qui ne donne qu’un avis consultatif). Devant l’opposition des syndicats étudiants, le vote a été provisoirement repoussé et le texte remis en discussion. Mais le problème demeure. Le projet d’arrêté précisait les critères et visait à leur donner une base juridique, critères que devraient respecter toutes les universités françaises, au nom de l’égalitarisme à la française. Le premier critère n’est pas nouveau : priorité aux lycéens ayant obtenu leur bac « dans l’académie du siège ou du site de l’établissement ». Ce critère est rarement discuté, alors qu’il est absurde. À l’ère de la mobilité, voire de la mondialisation, voici que l’on retrace des frontières intérieures, arbitraires (celles des rectorats). On peut ainsi empêcher un élève brillant, ayant des aptitudes pour telle discipline, d’aller chercher, hors de son Académie, une université meilleure, plus conforme à ses vœux.

Une sélection sur des critères familiaux

Ce critère est souvent insuffisant. Le texte prévoit ensuite de tenir compte des choix des candidats, qui ont émis plusieurs vœux et, plus subtil, de la place des licences par rapport à leurs autres vœux (IUT, classes prépa), donc de leur motivation, mais pas de leurs compétences. Ensuite, troisième critère, la situation familiale : priorité aux étudiants mariés, pacsés, en concubinage ou ayant des personnes à charge. Message subliminal : pour faire les études de votre choix, concubinez ! (Pour l’instant avec qui on veut, on n’oblige pas encore les étudiants à choisir au sein de la même filière !). Il parait que cela devrait concerner peu de monde, mais on examinera avec intérêt l’évolution statistique des pacs et autres.

Une sélection par tirage au sort

Mais cela ne suffira pas dans certaines filières. Vient alors la cerise sur le gâteau : la légalisation de ce qui n’avait pas jusqu’ici de base juridique : le tirage au sort. « C’est le plus bête des systèmes » déclare Thierry Mandon, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, celui-là même qui a préparé cet arrêté ! Et d’ajouter « Mais l’objectif est qu’il soit le moins utilisé possible ». Certes, mais utilisé quand même ! Ainsi, par refus idéologique d’une sélection en fonction des aptitudes du candidat, de sa capacité à suivre telle ou telle filière, on met en place une usine à gaz, difficile à gérer, avec des critères discutables, pour aboutir in fine, au nom d’une égalité mal comprise, à la pire des inégalités et des injustices, s’en remettre au hasard du tirage au sort. Certes, la discussion du texte a été repoussée, mais c’est reculer pour mieux sauter, puisqu’en pratique le tirage au sort existe déjà, alors qu’il reste illégal !

Un refus idéologique de la sélection par les aptitudes

Ce qui est certain, c’est que les meilleures universités du monde, à commencer par les grandes universités américaines et anglaises, ont une large autonomie et choisissent leurs étudiants sur des critères académiques : ceux qui ont les aptitudes à suivre telle ou telle filière. En France, ou bien l’accès est libre, et la sélection se fera par l’échec, frustrant pour les étudiants, ruineux pour le contribuable, ou bien l’accès est limité, faute de place, et on laisse le hasard choisir les heureux élus ! Cette absurdité française va de pair avec l’absence de concurrence et la pseudo-gratuité, alors que l’IREF a démontré comment autonomie et concurrence étaient les seules voies de l’excellence universitaire.

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  • La liberté d’expression est mieux respectée par le tirage au sort, qui seul permet d’éliminer quoiqu’il arrive tout idée de favoritisme, puisque le hasrd et la diversité vont de paire

  • Dans un régime laïque, il est curieux de vouloir s’en remettre à dieu au travers du tirage au sort pour décider qui passera ou pas. On n’est pas à une contradiction près!

  • accepter tout le monde, et faire la sélection par l’échec, qu’y a t’il de mal ? cela permet à certaines personnes de réussir des études alors qu’à la base il n’auraient peut être pas été accepté. et puis comparer les universités françaises aux américaines, c’est osé. J’ai rencontré une américaine qui passait un semestre d’étude en france. et bien son séjours en france et ses études aux états-unis, elle a du se les payer avec un crédit, alors la « pseudo-gratuité » de l’université en france est une véritable chance notamment pour ceux issus d’une famille plus que modeste. j’ajoute aussi, qu’au états unis les meilleures universités choisissent leurs étudiant en fonction de leurs niveau, mais il faudrait qu’ils aient un porte monnaie suffisant. c’est comme ça qu’on se retrouve avec la majorités des politiques, économistes sortant en majorité des mêmes universités. Moi j’appelle pas ça un bon système.

    Ce qui craint en France, c’est la sélection géographique en effet. Tout à l’heure à peine, je regarde un master qui me plait bien, à Lille. Or sur leur site, ils disent que 80% des étudiants de ce master proviennent de la région de la ville. c’est scandaleux je trouve. il en va de même pour le master à l’université où je me trouve, qui pourtant ne me plait absolument pas. Et je suis d’accord le tirage au sort n’est pas génial comme sistème, là, oui, autant mettre une sélection si il y à manque réel de place et que le tirage au sort aurait été utilisé.

  • Une meilleure solution que le tirage au sort ne serait-elle pas de ne plus décerner le titre de bachelier qu’aux candidats ayant démontré qu’ils savent lire, écrire et compter?

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