Face à Parcoursup, le bac a-t-il encore une valeur ?

La hauteur des derniers taux de réussite conforte-t-elle l’idée que le bac ne vaut plus rien ?

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Face à Parcoursup, le bac a-t-il encore une valeur ?

Publié le 10 juin 2023
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Par Charles Hadji.

 

Le baccalauréat a-t-il toujours une valeur ? Et sert-il encore à quelque chose ? Nombreuses sont les péripéties ayant marqué la réforme du bac actée en 2019, instaurant 40 % de contrôle continu et la fin des séries de bac général S (scientifique), ES (économique et social) et L (littéraire) au profit d’une combinaison de spécialités – maths, histoire-géographie, langues, humanités, etc. – dont les épreuves finales sont organisées dès le mois de mars en terminale.

La mise en place de cette nouvelle formule a été secouée tant par la crise du Covid-19 que par des résistances d’ordre syndical, ou idéologique, conduisant à interroger le sens de l’examen lui-même. La hauteur des derniers taux de réussite, jugés excessifs par beaucoup, ne conforte-t-elle pas l’idée que cet examen ne vaut plus rien ? Et la place prise par Parcoursup, et son calendrier, à conclure qu’il ne sert plus à rien ?

Pour trancher, il nous faut comprendre ce qui est en jeu, et être attentifs à la confrontation entre plusieurs logiques de nature conflictuelle. En passant ainsi d’une vision statique à une vision dynamique du problème.

 

La montée de la logique du concours

Le baccalauréat n’est pas un concours. Dans son travail consacré à La société du concours, Annabelle Allouch fait observer que, d’une façon générale, le renforcement du poids des concours s’accompagne d’une « dévalorisation du diplôme ». Le bac est un examen, qui atteste, en tant que diplôme, que l’on a suivi avec succès des études secondaires. Il témoigne de la réussite à une série d’épreuves de contrôle. Un concours est une modalité de sélection qui permet de classer les candidats à un poste, ou une fonction, dans le cadre d’une politique de numerus clausus.

Le concours et l’examen diplômant imposent donc tous les deux le recours à des épreuves, mais avec des finalités différentes.

Le diplôme certifie un niveau d’études. D’une certaine façon, il départage les reçus et les recalés, ceux qui atteignent le niveau requis et ceux qui ne l’atteignent pas. Mais il n’a pas pour fin de sélectionner.

Le tri opéré par le concours est beaucoup plus sévère, car sa fin propre est de sélectionner pour un nombre de places limité dès le départ. À l’examen, il faut réussir ; au concours, « réussir mieux que les autres ». Ce n’est pas du tout la même chose…

Bac 2022 : les épreuves écrites des spécialités, une première (France 3 Grand Est).

Dans ces conditions, on peut se demander si l’entrée en jeu de Parcoursup ne chamboule pas les règles du jeu, au point de « tuer » le baccalauréat, selon un titre du Monde en juillet 2022, ce qui marquerait le triomphe du concours sur le diplôme. Car Parcoursup a été créé pour ajuster des souhaits individuels avec des offres institutionnelles de formation, ce qui impose une analyse en termes de rencontre. Or, en fin du secondaire, la correspondance entre les demandes des élèves et l’offre de places disponibles est loin d’être harmonieuse.

De facto, la sélection se trouve placée au cœur du système, en tout cas pour les « filières de prestige, ou bien « en tension ». Dans un contexte, qui plus est, d’inflation des taux de réussite au bac, pour les lycéens, l’essentiel n’est pas d’obtenir son bac, mais de voir ses vœux satisfaits sur Parcoursup. C’est la logique de concours qui finit par l’emporter, au détriment de la logique du diplôme dans laquelle s’inscrit le bac.

 

Un visa pour l’enseignement supérieur ?

Le risque de voir Parcoursup venir « tuer » le bac est d’autant plus fort que, précisément, la logique des concours vient rencontrer et renforcer (conforter) la logique de construction de parcours qui est à l’œuvre dans toute histoire scolaire.

La société s’efforce de réguler les flux d’élèves en structurant le système scolaire de façon à offrir différentes possibilités de parcours débouchant sur des diplômes qui sont, pour différentes raisons, de valeur inégale. Le jeu de la reconnaissance sociale se traduit ainsi par la mise sur le « marché » d’un ensemble de diplômes hiérarchisé, parmi lesquels le bac. Dans ce système, chacun s’efforce, en fonction de ses conditions matérielles d’existence, et de certaines dispositions d’origine individuelle, ou sociale, de s’inscrire dans un parcours de réussite conforme à ses aspirations.

Dans l’idéal, les logiques de développement individuel se déploient harmonieusement au sein d’un système scolaire rationnellement structuré. Dans la réalité, certaines ambitions entrent en collision. Il y a des points de passage où l’on se bouscule. Et c’est là qu’il est particulièrement nécessaire de réussir mieux que les autres.

Apparaissent ainsi des moments cruciaux où le flux des élèves tentant de s’orienter au mieux de leurs intérêts vient buter contre les écluses et les digues mises en place par la société pour canaliser les parcours de formation. L’entrée dans l’enseignement supérieur, après le bac (et grâce à lui), est l’un de ces principaux moments. Car le bac est à la fois un diplôme, valant reconnaissance sociale de son niveau, et un passeport permettant d’accéder au territoire des formations supérieures.

Dans une logique de distribution de diplômes, la reconnaissance sociale dont leur possession témoigne ne manque pas d’importance. De nombreuses études ont souligné leur rôle protecteur en matière de chômage et d’insertion sociale. Mais, en tant que passeport, le bac s’est démonétisé car il ne comporte pas les « visas » qui permettraient de s’orienter vers l’espace d’études de son choix. Visas que, désormais, Parcoursup est seule à délivrer…

C’est pourquoi la logique individuelle de construction d’un parcours de réussite passe aujourd’hui beaucoup moins par l’obtention du bac, d’ailleurs pratiquement à la portée de tous (91 % de réussite en 2022) que par des stratégies de positionnement sur Parcoursup, et la recherche des offres de formation jugées les plus « payantes » en matière de construction d’un capital culturel, et de future insertion socioéconomique.

 

Les défis de l’orientation scolaire

Finalement, pour celui qui s’inscrit dans un parcours scolaire, le problème principal, et récurrent, est de savoir bien s’orienter. En ce sens, le chef de l’État a sans doute eu raison d’affirmer qu’il nous faut «  repenser profondément l’orientation de nos adolescents et de nos jeunes ». Mais une chose est d’éclairer les choix ; une autre est de mettre concrètement tous les choix à la portée de tous.

Tant qu’il y aura une hiérarchisation sociale des formations et des filières, et tant que tous n’auront pas accès à tous les choix (société idéale que postulent ceux qui réclament la suppression sans remplacement de Parcoursup), les ambitions viendront buter sur des points de passage où, de fait, une sélection s’impose. Ces points de passage sont ainsi des lieux où une dynamique de formation se heurte à une exigence de sélection. En tout cas, tant que le nombre de places disponibles dans les unités de formation ne sera pas significativement supérieur au nombre de candidats…

Pour les individus, le problème est donc comme pour la société : optimiser la rencontre entre des dynamiques d’orientation pilotées individuellement, et des mécanismes de tri dont la présence et le jeu sont imposés par l’organisation, et par l’État, du système social de formation.

Dans ces conditions, on comprend que l’on puisse raisonner en termes de bonne ou de fausse monnaie. Du point de vue de l’accès aux filières « lucratives » du supérieur, le bac est devenu de la fausse monnaie. Il est un diplôme dont la valeur utilitaire est désormais minime. C’est Parcoursup, où se joue l’accès aux formations à plus forte plus-value (classes préparatoires, Sciences Po), qui impose son agenda.

Faut-il alors conserver le bac ? Oui, sans doute, comme rituel symbolique d’accession à la « maturité » (son nom dans la plupart des autres pays). Mais en prenant acte du fait, aujourd’hui fondamental, que « la sélection compte comme une certification symboliquement et monétairement plus forte que le diplôme ».

Le bac remplit toujours, très formellement, la fonction d’écluse qu’il faut passer pour accéder à la haute mer des formations du supérieur. Dans la réalité, cette fonction d’écluse, à double valeur de sélection et d’orientation, est désormais dévolue à un mécanisme de type Parcoursup qui, dans l’état actuel des choses, signifie bien le crépuscule du baccalauréat…

 

 

Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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  • Le bac a été tué par Mitterrand. Tous les élèves ayant échoué au bac se retrouvent au chômage et augmentent ainsi son pourcentage. Quoi de plus terrible pour un gouvernement socialiste de montrer qu’il est incapable de nourrir les gens par leur travail ?
    Alors, donnons le bac : un étudiant n’est pas un chômeur et ne manifestera pas contre un socialisme qui ne lui donne pas à manger.
    Mais problème. Avant, avec 30% de réussite au bac, les facs étaient dimensionnées correctement. Avec 94% de « réussite », l’enseignement supérieur est submergé. Alors inventons Parcoursup pour trouver où diriger les cancres, dans les places restantes. Et puis Parcoursup va bientôt devenir un moyen de favoriser les cancres du 93 et autres banlieues de non droit pour les admettre dans des voies où ils n’auront jamais le niveau au détriment d’étudiants motivés. Et grâce à ce magnifique logiciel, personne ne contestera les places attribuées dans la plus pure opacité. Ça me fait penser aux passe-droits des Membres des PC de la Chine et de la Russie. Pas vous ?

    • La Chine avait les « examens impériaux », la plupart du temps parfaitement objectifs, et à certains moments supprimés avec les postes mandarinaux vendus. Elle pourrait bien retrouver la méritocratie bien avant que la France ne se rende compte qu’elle l’a quittée.
      A noter que pour ce que j’en sais, la sélection parcoursup ou bac n’a rien d’une véritable sélection, c’est une gigantesque foire aux célibataires et il y est plus conseillé de savoir faire du charme et de l’esbroufe que d’avoir des qualités intrinsèques.

  • ParcoursSup, pour le post BAC et AFELNET, pour l’orientation en lycée après le collège, sont 2 merveilles de bureaucratie.

    • Si les universités (et même les lycées) étaient autonomes, ils choisiraient leurs étudiants sans intrusion bureaucratique, la concurrence jouerait son rôle et tout rentrerait dans l’ordre.

  • Comme le bac est donné à 95 96 % des lycéens, il ne sert strictement a rien du tout depuis au moins 20 ans
    Mais la nostalgie réactionnaire nous fait garder en vie ce mammouth de l EN qui nous coute une blinde en organisation et temps d enseignants comme le brevet du collège
    Le pays adore les diplômes mais se fiche comme d une guigne du développement des compétences primordiales pour les entreprises

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