Macron chez HugoDécrypte : le festival des dépenses

Pour Baptiste Gauthey, le passage d’Emmanuel Macron chez le YouTubeur HugoDécrypte est un formidable révélateur de l’addiction française aux dépenses publiques.

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Macron chez HugoDécrypte : le festival des dépenses

Publié le 7 septembre 2023
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Santé mentale, écologie, abaya, rythme scolaire, parcoursup, pacte enseignant, inflation, vie étudiante, sélection à l’université… Autant de sujets abordés par Emmanuel Macron lors de son passage de presque deux heures chez le YouTubeur HugoDécrypte, ce lundi 4 septembre 2023.

Dans cet exercice dans lequel le président de la République a l’habitude d’exceller, ayant réponse à tout ou presque tout, les maux de la démocratie française ont surgi de manière éclatante, tant dans les questions de l’intervieweur que dans les réponses de l’interviewé.

À côté de l’hyperprésidentialisme français, examiné dans un précédent article, l’addiction aux dépenses publiques, le mythe de l’argent magique, la déresponsabilisation ou l’obsession égalitaire sont autant de pathologies constitutives d’un réflexe étatique si profondément enfoui dans notre inconscient collectif qu’il n’est plus jamais questionné.

Pourtant, il y a de la matière, si tant est qu’on se débarrasse des œillères de l’interventionnisme.

 

D’abord, pas une seule thématique n’est abordée sans qu’HugoDécrypte n’avance plus ou moins subtilement que tous les problèmes de la France viennent d’un trop peu d’engagement de l’État, abordé d’ailleurs sous le seul angle budgétaire. Les problèmes de santé mentale des jeunes ? Un manque de moyens ! L’insuffisance des politiques environnementales françaises ? Un manque de moyens ! La crise de vocation chez les professeurs ? Un manque de moyens !

Et peu importe qu’en 2022, les dépenses publiques de la France représentaient 58,1 % du PIB, contre une moyenne de 49,8 % dans l’Union européenne. Jamais ne sont interrogés la gabegie de l’utilisation de l’argent public, le poids de l’administration et de la bureaucratie, la centralisation excessive, bref, tous les facteurs pourtant pertinents pour expliquer les failles de notre système de santé, d’éducation, de maintien de l’ordre, de justice, etc. Alors même que la France est championne du monde des dépenses publiques, l’idée selon laquelle notre problème ne provient pas d’un manque d’argent, mais plutôt de son utilisation, ne parvient pas à faire son trou dans un débat public de plus en plus sclérosé.

Pourtant, Emmanuel Macron semble en avoir au moins partiellement conscience, par exemple lorsqu’il répond au journaliste que la France est un des pays qui « socialise le plus le coût des études supérieures », que « c’est un système extrêmement généreux » ou encore que l’« on a socialisé beaucoup de choses »… Autant d’éclairs de lucidité dont on regrette qu’il n’en tire pas les conclusions naturelles dans sa pratique du pouvoir.

La séquence où le président et HugoDécrypte échangent sur l’état de l’université française est à cet égard éclairante.

D’abord, l’angle choisi par le YouTubeur pour aborder ce sujet : le manque de moyens dans l’université contribuerait à y réinstaurer une sorte de « sélection » (dont on comprend, sans qu’il n’ait besoin de le verbaliser, qu’elle est condamnable).

Un coup d’œil rapide sur la situation réelle de l’université française offre toutefois un tableau bien différent.

Si on regarde le budget de l’État alloué à l’enseignement, on remarque qu’une priorité est mise sur l’enseignement secondaire (2,2 % du PIB en 2021, contre une moyenne de 1,8 % du PIB dans l’Union européenne) au détriment du supérieur (0,6 % du PIB en 2021, contre une moyenne de 0,8 % du PIB dans l’Union européenne). Cela n’empêche qu’en absolu, l’État n’a cessé de mettre davantage d’argent dans l’enseignement supérieur.

En effet, les dépenses pour l’enseignement supérieur, aux prix 2021, sont passées de 12,4 milliards d’euros en 1980, à 36,3 milliards en 2021. Probablement en raison de l’augmentation du nombre d’étudiants inscrits dans le supérieur, les dépenses moyennes par étudiant ont, dans l’ensemble, stagné depuis le début des années 2000 (11 440 euros par étudiant aux prix 2021 en 2000, 12 980 euros par étudiant en 2011, 11 630 euros par étudiant en 2021).

Ces chiffres peuvent accréditer en partie l’argumentaire d’un manque de moyens dans nos universités, si l’on décide, comme l’a fait le journaliste ici, de ne pas interroger l’efficacité de ces dépenses. Or, c’est précisément sur ce point que devraient se concentrer toutes les discussions.

Pourrait-on, avec le même niveau de dépenses publiques, faire mieux ?

En prenant soin d’éviter l’écueil du « yakafokon », la réponse à cette question est assurément positive. À défaut de pouvoir être exhaustif, prenons un exemple : l’absence de sélection à l’université dans les filières sous tensions (on pense par exemple à toutes les disciplines de sciences humaines et sociales). Le refus de trier les étudiants à l’entrée en première année est en vérité un cadeau empoisonné pour eux, et qui coûte cher au contribuable.

Car dans la réalité, ne pas sélectionner les étudiants dans des filières qui possèdent peu de débouchés ne fait que repousser le moment de la discrimination. Les étudiants déçus perdent du temps et de l’énergie dans une filière bouchée, et manquent peut-être pour certains une véritable vocation, faute d’une orientation effective.

Et le pire dans tout cela, c’est que ce système de non-sélection ne parvient même pas à remplir sa mission première : la réduction des inégalités. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil aux profils et parcours des agrégés d’histoire ou de philosophie, majoritairement des « normaliens » ou « SciencePistes » passés par la case « prépa ».

L’argent investi dans l’entretien de ces étudiants ne serait-il pas mieux employé s’il était réinvesti dans l’orientation, la revalorisation des salaires des enseignants-chercheurs, ou la rénovation de certains amphithéâtres vétustes ?

Enfin, le délitement du sens de la responsabilité individuelle, trait typique de la culture collectiviste, joue ici plein pot, et on ne saurait négliger son importance.

Comment cela se fait-il que l’on considère qu’il est normal que l’État finance des études dont l’objectif principal n’est pas, in fine, la capacité de l’étudiant à trouver un emploi ? En effet, n’est-il pas logique de penser que l’étudiant d’aujourd’hui, qui bénéficie de la solidarité nationale, soit le contribuable de demain ? La gratuité de l’éducation, dont on peut comprendre la logique et la justification, montre ici ses limites : inefficacité et déresponsabilisation.

Ce qui apparaît ici comme une évidence ne l’est apparemment pas pour beaucoup, et la question posée par HugoDécrypte en témoigne. Jamais il ne lui vient à l’idée de demander, lorsqu’il dénonce un manque de moyens dans un secteur A, s’il faut ponctionner le secteur B, C, ou D. La raison est simple : ce dilemme ne lui vient pas à l’esprit car, puisque l’argent est magique, il suffit d’aller le chercher « là où il est », et d’augmenter toujours plus les dépenses de l’État.

Tant pis si le poids des prélèvements obligatoires est de 47 % du PIB (2021) contre une moyenne de 41,7 % dans les pays de l’Union européenne. Et quand, après augmentation des impôts, les résultats ne seront toujours pas à la hauteur, on ne manquera pas de s’exclamer « Tax the rich ».

Sur ce point, au moins, nous sommes efficaces.

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  • Avatar
    The Real Franky Bee
    7 septembre 2023 at 7 h 14 min

    Au même moment, Bruno Le Maire raille LR en se demandant s’ils seront « au rendez-vous du désendettement » (sic), tout en promettant une baisse d’impôt sur le revenu de 2 milliards pour 2025. Ces irresponsables font peur à voir, mais les médias cocorico préfèrent continuer de moquer du Royaume-Uni plutôt que de s’interroger sur le cas français. L’addiction à l’emprunt étant répandue à tous les échelons de la société, les gens ne mesurent pas la gravité de la situation.

    11
  • Rien n’est fait pour améliorer l’efficacité des services publics, alors que tout est à rebâtir. L’entreprendre, ce serait, pour les technocrates qui nous gouvernent, constater leur échec. Incapables de rattraper ce Titanic qui s’enfonce de jour en jour, ils préfèrent reprendre le chant syndical du « manque de moyens » qui masque cette énorme crise d’un système inutilement coûteux.
    Ajoutons par ironie aux chèques balancés à tout va dans la nature la réduction pour financer le reprisage : ce « président » se moque de nous, il achète des voix à tout prix, et c’est nous qui payons pour ce cynique, car le pire est qu’il est intelligent : il sait qu’ils détruit la France pour asseoir son pouvoir, quitte à mentir en permanence sur les baisses d’impôts, contredites par les chiffres des recettes fiscales…

  • Dans le cas de l’université, je peux apporter des précisions.
    Les profs n’ont pas intérêt à sélectionner les élèves de 1ère année, car cela fait plus d’élèves, justifiant le nombre de profs.
    L’état n’a pas intérêt à sélectionner les élèves, car les refusés seraient alors sur le marché du travail, gonflant les chiffres du chômage.
    Les étudiants ont intérêt à aller à la fac. Non seulement cela fait plaisir à leurs parents, mais ils peuvent toucher des aides (50% de boursiers à la fac), et glander pendant 1 an.
    Cet état de fait est au détriment des bons élèves, de la qualité des cours, du niveau de l’université et des finances publiques. Mais comme personne n’a d’intérêt direct au changement (sauf les contribuables, mais on s’en fout), cela ne bougera pas.

    • … et cela fait de mauvais maîtres d’école qui abaissent le niveau de l’éducation/instruction dès le primaire ! Etc.

  • Après l’interview donnée à Pif Gadget, Mac Fly et Carlitto, maintenant un parfait inconnu, YouTubeur de profession, expérience professionnelle quasi nulle, on verra bientôt Macron chez Nabilla? Suis je le seul dans Mons cas désespéré, ou ce Hugo, certes pas Victor, est suivi et écouté par les Djeuns?

  • « Le refus de trier les étudiants à l’entrée en première année est en vérité un cadeau empoisonné pour eux »

    Tout à fait. Comme les facs n’ont pas le droit de sélectionner, déjà de mon temps (au XXème siècle), l’écrémage se fait dans les premières années. Nombre d’élèves redoublent ou abandonnent.
    Et à partir du master, on se retrouve avec des effectifs beaucoup moins nombreux.
    Sélection par l’échec et qui ne dit pas son nom : la pire des méthodes.

  • Faut comprendre le Français.
    Fillon, de son vivant, paix à son âme, déclare que la France est en faillite.
    Hollande, ensuite, qu’il repose en paix, que ce que paie l’Etat, c’est gratuit.
    Macron, pour gagner 3 francs 6 sous avec la taxe carbone, pour financer la réforme du travail (quoi de plus pertinent ?) de Hollande, lâche, dans le dernier virage, 17 milliards à la Compagnie des Gilets jaunes.
    Un virus plus tard, et c’est plus de 200 milliards qui partent en fumée.
    Qui peut croire sérieusement que Bercy n’est pas la caverne d’Ali Baba, branchée 24/24 sur la Corne d’Abondance ? Et que Fillon n’est pas un gros mytho ?

  • en ce qui concerne l’énergie..sur contrepoints…

    la sortie du collectivisme se fait par la fin de l’argent des autres.. ou quand on saisit qu’on est un « autre ».. on sait..

  • Le ver est dans le fruit, tandis qu’au niveau du pouvoir étatique ça pourrit par la tête comme chez les poissons.

  • tant qu’on peut imprimer du billet, pourquoi se gêner ???

  • Sur ce point, au moins, nous sommes efficaces.

    Faut voir. Mais pour combien de temps encore?

  • Paradoxalement Macron est plus libéral que son jeune interlocuteur qui le pousse à rajouter des dépenses d’argent magique de l’Etat alors que Macron fait plusieurs fois remarquer que l’on taxe déjà beaucoup le secteur aérien ou que la collectivité est très généreuse avec l’enseignement supérieur ,
    Un décrypteur qui ne décrypte pas grand chose en fait

    • Macron n’est en rien libéral. Il est éventuellement « moins à gauche que son interlocuteur »… interlocuteur qui doit encore porter des couches et n’avoir jamais travaillé de sa vie…

  • Les commentaires sont fermés.

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