Déclaration de biens immobiliers et embrouilles fiscales : amateurisme ou filouterie ?

Face aux besoins toujours plus pressants de cash d’un État dispendieux, le fisc est aux avant-postes. Mais dans cette quête incessante, la machine dérape parfois.

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Déclaration de biens immobiliers et embrouilles fiscales : amateurisme ou filouterie ?

Publié le 13 décembre 2023
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Année après année, mesure après mesure, étape par étape, technologie après technologie, le fisc augmente son pouvoir, sa surface de jeu, et son « efficacité » de collecte pour l’État, toujours en manque d’argent.

 

Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Souvenons-nous du prélèvement automatique des impôts sur le revenu, une mission dont l’ambitieux Gérald Darmannin s’est brillamment acquitté, confortant ainsi l’État dans son assurance d’être payé, dans le coût de sa collecte (maintenant déléguée aux employeurs qu’il ne rémunère pas pour cela), dans la gestion de son cash-flow (maintenant plus rapide de plusieurs mois par rapport à avant). Qui plus est, il a eu le mérite, pour les tenants du pouvoir, de faire passer cela pour un bénéfice pour le contribuable : c’est un souci de moins. Enfin, pour les prêteurs à l’État, qui lui font notamment confiance grâce à la capacité supposée de ponctionner l’argent du peuple, par un coup de force si besoin le jour venu (attention, assurance vie sans doute dans le viseur), il a magistralement montré qu’en effet, l’État savait plumer un peu plus l’oie contribuable sans qu’elle crie.

Et pourtant, malgré l’argument selon lequel cela se fait déjà ailleurs, on peut avoir une opinion radicalement différente de celle des pouvoirs en place et de ceux qui lui prêtent de l’argent à gaspiller ; on peut voir dans cette affaire une privation supplémentaire de liberté, et une mise en danger du citoyen, contraire à l’esprit de la démocratie (le gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple).

En effet, avec un prélèvement automatique, on enlève au citoyen l’occasion de calculer avec attention ce qu’il doit, on dote le pouvoir d’un accès permanent et incontrôlable au cash flow individuel (ouvrant ainsi une brèche universelle, une pompe permanente et continue d’accès aux salaires, pour y prélever une somme arbitraire par loi ou décret si besoin un jour), on anesthésie le citoyen dans son énergie de vigilance et contestation.

Par expérience des pratiques de facturation et prélèvement des diverses administrations, je suis plutôt de l’avis des méfiants. Vous verrez plus en détail pourquoi dans ma dernière mésaventure.

 

Un espion dans mon jardin

Autre exemple de prouesse du fisc : l’emploi de l’intelligence artificielle pour trouver des biens à taxer qui lui auraient échappé.

Un cas a fait couler pas mal d’encre ces derniers mois : la détection de piscines par traitement d’images, à partir des photos satellite. Une piscine de plus de 10 m2 est en effet taxable, au titre de la taxe foncière (celle qui subsiste et explose). Et le montant de la taxe se calcule comme la valeur nominale (250 euros/m2 en 2023), multipliée par la surface, multipliée par un taux communal – 4 % en moyenne entre 1 % et 5 %), et un taux départemental -1,5 % en moyenne (quand la soupe est bonne, tout le monde y vient ; la région devrait sans doute suivre un jour – il n’y a pas de raison). Soit, pour 20 m2, 275 euros par an.

Or, avec le traitement par intelligence artificielle, les services fiscaux reportaient mi 2022 la détection de 20 000 piscines non déclarées dans neuf départements, pour un montant de plus de 10 millions d’euros de taxes, et annonçaient que le dispositif allait être généralisé.

Il l’a été en effet, avec des effets retard remarqués pour la Corse et l’Outre-mer, territoires dont on a pu se demander s’ils bénéficiaient d’une faveur pour une raison inavouable, ou juste, comme l’a prétendu le gouvernement, d’un délai à obtenir les photos nécessaires… Par contre, pas un mot sur les éventuels constats de piscines déclarées dans le passé et ayant disparu, converties par leurs propriétaires à d’autres usages. Un phénomène rare peut-être, mais pas inexistant, puisque je connais un citoyen qui a couvert en dur sa piscine pour en faire une terrasse. Il n’a jamais été informé par le fisc qu’il ne devait plus rien, et qu’il serait même remboursé pour les années passées (trois ans rétroactifs, me semble-t-il).

Le fisc aurait-il cette vertu spontanée, ou attendrait-il que le contribuable s’en aperçoive enfin de lui-même ? Quand on est ministre des Finances ou dirigeant des services fiscaux, la réponse à cette question révèle une considération particulière du rapport entre le pouvoir et le peuple, et de qui doit être au service honnête de l’autre. On attend de savoir, peut-être un jour.

En attendant, un incident récent laisse à soupçonner que peut-être, hélas…

 

La chasse aux biens immobiliers

Tous les contribuables ont en effet vu récemment que leur patrimoine immobilier faisait soudain l’objet d’une attention redoublée et très détaillée.

À l’origine de ce nouveau coup de zoom, sans doute le désarroi d’un État affolé par la montée du coût de la dette et son incapacité à maîtriser les vraies dépenses (pas cellles, ironiquement classées ainsi par les calculateurs de Bercy, des remises d’impôts/ niches fiscales, mais les vrais coûts des actions des gouvernants, toutes ces politiques jamais ou mal évaluées, où se sont engouffrés des milliards sans résultat) et l’effet de l’intenable promesse démagogique d’Emmanuel Macron de la suppression de la taxe d’habitation, promesse dont l’effet boomerang continue d’engendrer des pompages dérivatifs dans d’autres poches du budget, des usines à gaz de calculs compensatoires, et une explosion de la taxe foncière, dernière ressource autonome significative des communes.

De fait, comme pour les piscines, un des premiers usages de ce recensement de la population immobilière est la chasse aux biens qui pourraient « bénéficier » d’une taxe d’habitation perdue lors de la prise de pouvoir par En Marche.

Et, à ce titre, un citoyen que je connais a eu la surprise de recevoir cette année, pour la première fois depuis des années, un avis de taxe d’habitation de près de 1000 euros pour un bâtiment situé à la même adresse que sa résidence principale, une ancienne maison de gardien reconvertie en gîte rural, pour lequel il est loueur professionnel, et paye à ce titre des impôts sur les sociétés comme la CFE (Cotisation Foncière des Entreprises). Or :

  • On ne saurait être à la fois imposé comme une entreprise (CFE) et comme un particulier (taxe d’habitation) pour le même bien.
  • Le fisc est toujours le premier bénéficiaire de toutes les avancées techniques possibles pour améliorer le service public. En particulier, il paraît certain que toutes ses bases de données sont connectées entre elles, et qu’un bien donné avec une adresse connue doit pouvoir sans problème être détecté comme déjà soumis à la CFE.

 

Aussi cette taxe d’habitation d’un bien, connu comme soumis à la CFE, pose clairement question.

Ce citoyen taxé, plus éveillé et moins docile sans doute que beaucoup d’entre nous, a soulevé la question auprès des services fiscaux qui ont reconnu une erreur, et l’ont invité à faire une demande d’annulation. On se demande bien comment, avec tous les moyens dont il dispose, le fisc a pu commettre cette erreur. Oubli involontaire de contrôle dans les bases de données disponibles (une erreur de débutant en science des données) ou oubli volontaire/conscient pour aller à la pêche ?

 

Les erreurs des citoyens/entrepreneurs dans leurs déclarations au fisc, URSSAF ou autres sont en général surtaxées de 10 %, sauf (depuis peu) en cas d’erreur de bonne foi (dont l’appréciation revient au collecteur).

Alors on pourrait aussi attendre que l’agent du fisc qui reconnaît l’erreur fasse lui-même les démarches de demande d’annulation/rectification, et que le fisc soit pénalisé d’une amende de 10 % du montant demandé, sauf si le citoyen considère qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi (ce qui en l’occurrence paraît soit incertain, soit inacceptable compte tenu des accès aux données dont le fisc dispose).

 

Alors, nos services fiscaux, amateurs ou filous ? Monsieur le ministre, exprimez-vous et convainquez-nous. En attendant, citoyens, contribuables, à vous de juger.

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  • « En effet, avec un prélèvement automatique, on enlève au citoyen l’occasion de calculer avec attention ce qu’il doit »
    Il est vrai que, là où on se contentait de faire une addition, il faut désormais y ajouter une soustraction.
    Un esprit chagrin ne peut s’empêcher de faire le lien avec notre classement Pisa.
    L’Éducation nationale aurait-elle reçu pour mission d’abêtir le petit Français pour que, devenu contribuable, il soit incapable de vérifier ses impôts ?
    Je pose la question à notre gouvernement. Messieurs les ministres, répondez !
    De grâce.

    -1
    • Mieux que cela. Le prélèvement à la source transforme l’impôt sur le revenu en un impôt indirect. Et c’est bien connu, l’impôt indirect n’est pas ressenti par le citoyen. Qui pense, en cette période d’inflation, que chaque fois qu’il va acheter son pain chez son voleur de boulanger il paye un impôt de 20% du prix à l’État (TVA) ? On râle contre Total, ou les sales capitalistes spéculateurs qui font monter les prix du pétrole, mais on oublie que l’État ramasse 60% du prix de l’essence. (Il est vrai que la totalité de cet impôt va, à partir de 2024, servir à payer la dette de l’État) . Quel locataire pense aussi que, quand il paye son loyer à ce voleur de propriétaire, plus de 50% est directement versé par l’État ?
      Et puis, il y avait les taxes sur les taxes. Et la liste est ainsi infinie des taxes indirectes.

      • Vous avez parfaitement raison et c’est ce que j’explique autour de moi. Qui sait combien il paye la Sécu chaque mois ? Ou pour sa retraite ? A peu près personne… En revanche, les impôts oui, comme l’assurance auto par exemple, parce que c’est payé directement.
        Désormais, c’est la joie du PAS, qui vous simplifie la vie M’ame Michu. Et dans 4-5 ans : finie la déclaration, pour vous simplifier encore plus la vie, M’ame Michu. Mais à ce moment-là, ce sera la fin du processus : l’Etat pourra augmenter les prélèvements sans que plus personne ne s’en rende compte. Du moins, pas assez de personnes pour avoir une émeute.
        C’est déjà le cas avec les cotisations patronales : comme elles n’apparaissent ni dans notre brut ni dans notre net, qui sait qu’elles ont augmenté ? Les employeurs uniquement… Le PAS sera un jour une « charge patronale » = fin de l’histoire. Et unique but de ce truc qui était inutile puisque les 3/4 des ménages étaient mensualisés, d’autres percevaient les intérêts de leur placement durant 9 mois avant paiement et un nombre infime jonglait.
        Bref.

  • HA! Le Fisc et sa probité. Petit histoire vraie résumée. Après une succession, et a fortiori 2 qui s’enchainent, l’alarme se déclenche dans les bureaux du Fisc et Paf! Contrôle : 3 ans. Comme c’était effectivement assez compliqué en tout cas pour moi et que …, je décide de faire appel à un avocat. Papiers, explications, …. etc. Un matin je reçois une lettre des Impôts me signifiant qu’ils maintiennent le contrôle pour les années 1 et 3 mais abandonnent pour la 2. Mon avocat s’en est étranglé. Car si je leur devais un peu d’argent pour les premières (1 et 3), ils m’en devaient beaucoup au titre de la 2. Et le solde était (largement) en ma faveur. Ben voyons !

  • Avatar
    bourse.anticipations@orange.fr
    13 décembre 2023 at 12 h 49 min

    C’est pire que ce que dit l’article…
    Le bailleur est obligé de travailler à la place des impôts pour mettre à jour en permanence le nom des locataires, leurs loyers et les périodes de vacances des logements.
    Autrement dit, c’est évidemment une incitation aux contrôles fiscaux pour réclamer plus que ce que le bailleur aura réellement encaissé s’il ne signale pas les périodes de vacances à chaque départ de locataire.
    Le système est donc totalitaire.

  • Ce n’est pas pour rien que la France est toujours bien noté par les agences de notation. Leur argument principal c’est le fait que la France a pratiquement 100 % taux de recouvrement d’impots et sa facilité à créer des nouvelles taxes sans protestation.

  • Les commentaires sont fermés.

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